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dimanche 14 juin 2020

Abraham Icek Tuschinski (1886-1942)


Abraham Icek Tuschinski (1886-1942) était un homme d’affaires juif néerlandais né en Pologne. Il a bâti un groupe d’exploitation cinématographique dont le joyau chéri était le Tsuchinski Theatre, inauguré à Amsterdam en 1921 et mêlant divers courants artistiques : Art Déco, Art nouveau, Ecole d’Amsterdam influencée par l'expressionnisme, et art asiatique. Durant la Deuxième Guerre mondiale, Tuschinski a été spolié, interné au camp de Westerbork, puis déporté au camp d’Auschwitz où il a été assassiné, avec la plupart des membres de sa famille. Ciné + Club diffusera le 14 juin 2020, dans la série documentaire  « Cinémas mythiques », « Rêve au Tuschinski », volet réalisé par Jérôme Diamant-Berger et consacré au cinéma Pathé-Tuschinski.

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Abraham Icek Tuschinski (1886-1942) 

Abraham Icek Tuschinski (1886-1942) est né à Brzeziny, près de Łódź (Pologne actuelle). Fuyant les pogroms et la misère, cet adolescent espère immigrer aux Etats-Unis via la Holland America Line.

Aux Pays-Bas, en 1904, il débute dans la confection pour hommes, puis la restauration pour les immigrants. 

Passionné par le cinéma, il crée un groupe d’exploitation cinématographie en construisant des salles à Rotterdam -  Thalia (1911), Cinema Royal, Scala, Olympia et Grand Théâtre - où il vit et à Amsterdam : le Théâtre Tuschinski, un cinéma "unique", et le Théâtre Roxy


Son fils produit notamment "The Trouble With Money" ou "Komedie om Geld" de Max Ophüls. Un film au budget élevé, mais un échec commercial. Ces difficultés financières ont permis à la NV Tubem Company de s'emparer de ce groupe.

En 1927, Abraham Tuschinski et son beau-frère Herman Gerschtanowitz (1887-1942; arrière-grand-père du producteur et acteur Winston Gerschtanowitz, créent la fondation Bio-Vacantieoord, qui proposait des activités à des enfants malades ou pauvres. 


Le Théâtre Tuschinski
Au cœur d'Amsterdam - Reguliersbreestraat 26-28 -, Abraham Icek Tuschinski finança la construction en 1919 avec 4 millions de florins d’une magnifique salle de spectacles.

Dessiné par Hijman Louis, le jeune, ce « Palais » réunit divers styles artistiques : l'art déco, l'art nouveau et l'école d'Amsterdam, ainsi que l’art asiatique afin que le visiteur ait l’impression d’entrer dans un lieu prêtant au rêve, un passage avant le spectacle. Un mélange artistique influé aussi par le Jugendstil et résultant notamment de désaccords entre Tuschinski et des architectes et décorateurs : Pieter den Besten et Jaap Gidding.

Doté d’un orgue et d’une scène,  le Théâtre Tuschinski est inauguré le 28 octobre 1921. Il offrait des caractéristiques électro-techniques alors modernes, une salle de 1 200 places, un cabaret La Gaité, un salon de thé japonais, une suite mauresque, un ascenseur magnifique... Son système perfectionné de chauffage et de ventilation fonctionnait dans tout le bâtiment.

Dans son discours d'inauguration, Abraham Icek Tuschinski a souligné la métamorphose rapide du cinéma, de divertissement populaire à un art aux possibilités infinies, apprécié par la reine et par le Premier ministre britannique David Lloyd George. 

Le Théâtre Tuschinski est rénové en 1936. Sa moquette colorée date de cette époque.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, les salles de cinéma de Tuschinski à Rotterdam sont détruites lors de bombardements de l’aviation allemande. Le Tuschinski Théatre est rebaptisé « Tivoli ». Certains ont persiflé que Tivoli aurait été le sigle de "Tuschinski Is Verkocht Of Liever Ingepikt" (Tuschinski a été vendu, ou plutôt arraché)

La série documentaire « Cinémas mythiques » « raconte l'histoire de salles de cinéma mythiques à travers le monde – le Campo Amor de La Havane, le Lucerna de Prague, le Champo du Quartier latin, le Tuschinski d'Amsterdam, le Thyssion d’Athènes, le Byrd de Richmond - des histoires qui se confondent avec celles de leurs fondateurs. Chacune de ces salles évoque l'histoire d'une région du monde, ainsi que celle des spectateurs qui venaient y rêver ».

« Rêve au Tuschinski » est réalisé par Jérôme Diamant-Berger. « Après 50 ans d’exil, un vieil homme", incarné par l'acteur Max von Sydow, "revient dans la salle de cinéma de son enfance. Le « Theater Tuschinski » d’Amsterdam, fruit d’un rêve insensé, celui d’Abraham Icek Tuschinski qui, au début du XXème siècle, quitte son shtetl natal de Lodz pour émigrer. Il s’installe à Rotterdam et organise une cantine pour les immigrants." 

"En 1912, il ouvre trois salles de cinéma puis, devant leur succès, entreprend de construire une véritable cathédrale. Palais Art déco inauguré en octobre 1920, le Tuschinski connaît un succès fulgurant. Pendant presque vingt ans d’une activité brillante, et malgré la montée de l’intolérance aux Pays-Bas, Abraham Tuschinski croit à son rêve et, bien qu’assailli par les difficultés financières, ne l’abandonnera jamais. Il faudra que les nazis envahissent les Pays-Bas, déportent tous les juifs et spolient leurs biens pour mettre un terme à ce rêve de cinéma. »

Abraham Icek Tuschinski refuse de quitter les Pays-Bas pour l’Angleterre. Dénoncé, arrêté, interné au camp de Westerbork, il est déporté au camp d’Auschwitz où il a été assassiné, avec la plupart des membres de sa famille.

« Pour les Hollandais, elle est un emblème très important, une réparation. Car les Pays-Bas ne sont pas à l’aise avec leur Histoire. « Les Néerlandais parlent très peu de cette période sombre. Ce qu’on montre dans le film, c’est qu’il y a eu une poussée d’extrême droite avant la guerre, comme en France d’ailleurs. Et quand les Allemands sont arrivés, ils avaient déjà beaucoup de sympathisants… », explique Jérôme Diamant-Berger. » 

« L’implication du Eye Film Institut, et de la Cinémathèque néerlandaise, coproducteurs du film, a également permis à Jérôme Diamant-Berger d’accéder à d’innombrables (et très émouvantes) séquences d’archives. Abraham Icek Tuschinksi adorait en effet filmer son travail, et réaliser de petits films autour de ses activités. Autant d’images qui ont été précieusement conservées et restaurées par la Cinémathèque néerlandaise, et ajoutées au fur et à mesure du montage par Guillaume Diamant-Berger, fils de Jérôme : « un travail remarquable », salue son père… Son autre fils, Max, a été assistant à la mise en scène pendant le tournage. Façon de rendre hommage à une partie de sa famille qui fut, elle aussi, décimée à Auschwitz ». Le film a reçu le Prix spécial du Jury au Festival 3D Séoul en 2017.

Durant le confinement imposé lors de la pandémie de coronavirus, l'ARP, la Société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs, a diffusé ce documentaire émouvant sur son site Internet.

Dans Le Dernier Métro, François Truffaut « s'est beaucoup inspiré » de l’histoire de ce Tuschinski Theater.

Modernisation
En 1945, le « Tivoli » redevient le Tuschinski Théatre

En 1949, une plaque à la mémoire de son fondateur et de ses associés membres de sa famille a été apposée dans ce lieu.

Maurice Chevalier, Judy Garland, Marlene Dietrich, Edith Piaf, Dizzy Gillespie, Fats Domino, Dionne Warwick... Tous se sont produits dans l'auditorium.

L'orchestre du Tuschinski Theater a disparu en 1969 et, en 1974, l'orgue a cessé d'être utilisé avant la projection de films.

De 1998 à 2002, le Théâtre Tsuchinski a été rénové fidèlement à son style originel et agrandi par une aile moderne contenant trois auditoriums.

Des premières de films ou des représentations théâtrales ont lieu dans cet écrin magnifique, aux trois salles de projection, devenu le cinéma Pathé-Tuschinski

En 2017, une rue a été dénommée du nom de cet entrepreneur tué lors de la Shoah.


« Rêve au Tuschinski » de Jérôme Diamant-Berger
France, Kolam Productions, Avec la participation de Ciné+, Ceska Televize, ERT, Avec les soutiens du CNC, de la Procirep-Angoa, et de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et de Eye Filmmuseum, 2017, 50 minutes
Avec Max Von Sydow
Montage / Editing: Guillaume Diamant-Berger
Original music: Béatrice Thiriet
Sur Ciné + Club  le 14 juin 2020 à 17 h 10

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