mercredi 22 avril 2020

René Dumont (1904-2001)


René Dumont (1904-2001) était un ingénieur agronome, professeur, et essayiste prolifique - L'Afrique noire est mal partie (1962), L'Utopie ou la mort ! (1973) -, « pacifiste intégral », écologiste tiers-mondiste et anti-israélien. Sous le régime de Vichy, il a écrit des articles publiés par « La Terre française », revue collaborationniste. En 1974, il est le premier candidat à se présenter à l’élection présidentielle française sous l’étiquette écologiste.

Pierre Clostermann (1921-2006)


René Dumont (1904-2001) nait à Cambrai dans une famille républicaine et laïque, dont certains membres sont paysans. 

Ses parents illustrent l’ascension sociale au mérite sous la IIIe République. Instituteur puis ingénieur agricole, son père a enseigné l’agriculture et écrit des livres agronomiques, dont le « Larousse agricole » (1921). Franc-maçon, radical, il était conseiller municipal de Sedan. Quant à sa mère, elle est en 1898 une des premières femmes agrégées de mathématiques en France. Enseignant les sciences, elle a dirigé un collège. 

Adolescent, René Dumont est marqué par les horreurs de la Première Guerre mondiale.

Élève brillant en classes préparatoires au lycée Henri-IV (Paris), il est admis en 1922 à l’Institut national agronomique (INA), qui deviendra l’AgroParisTech, et obtient son diplôme d’ingénieur agronome. 

Pacifiste, René Dumont effectue douloureusement son service militaire. Affecté par une dépression, il est soigné en hôpital psychiatrique, puis travaille comme ouvrier agricole dans les fermes de sa famille.

En 1927, il complète sa formation à l’Institut national d’agronomie coloniale (INAC) et se rend en 1929 au Vietnam pour travailler dans les rizières du Tonkin. Il met en œuvre des techniques alors modernes – machinisme, engrais chimiques dont l’acide phosphorique – et observe les pratiques traditionnelles ainsi que les modes de vie locales. Il fustige le colonialisme.

Fatigué, René Dumont retourne en France en 1932. 

L’année suivante, il enseigne à l’INA, à Paris ; une fonction assurée jusqu’à sa retraite en 1974. De 1941 à 1970, il est professeur à l’Ecole supérieure d’application d’agriculture tropicale (ESAAT). De 1946 à 1966, l’Institut d’Etudes Politiques de Paris l’accueille pour un cours bisannuel sur l’économie agricole en France et dans le monde. René Dumont approfondit ce thème à l’Ecole nationale d’administration (ENA) de 1955 à 1958. D’autres organismes, en France, au Canada et aux Etats-Unis, le recrutent comme pédagogue.

Publié en 1935, son premier livre « La Culture du riz dans le delta du Tonkin » associe plusieurs approches en une « ethno-agronomie ».

En 1937, René Dumont travaille durant trois mois en intérim au cabinet du ministre de l'Agriculture Georges Monnet dans le gouvernement de Front populaire.

De décembre 1945 à 1953, il est conseiller agricole au Commissariat général du Plan  où il dirige des travaux de la section agricole du plan Monnet. 

Dans Le Problème agricole français. Esquisse d’un plan d’orientation et d’équipement (1953), il soutient la « révolution agricole productiviste : motorisation (tracteurs, moissonneuses, etc.), semences sélectionnées, rotations culturales avec légumineuses, retournement des prairies permanentes, utilisation d'engrais minéraux ou chimiques, épandage de produits phytosanitaires, etc. ; et allant de pair avec les techniques améliorant le rendement, des mesures permettant d'augmenter la productivité du travail (remembrement, agrandissement des surfaces par exploitant, modernisation des structures agricoles…), des investissements publics (drainage et irrigation, recherche agronomique, vulgarisation agricole, formation des producteurs…) et des politiques agricoles pour orienter et accompagner les progrès. Pour améliorer le rendement, il propose notamment la formation des agriculteurs, le remembrement et la mécanisation. Il est favorable à une agriculture productive et ouverte aux échanges internationaux ». Il définit une tactique fondée sur « la collaboration active des élites rurales et de la représentation professionnelle agricole ».

Membre de la Ligue internationale des combattants de la paix (LICP), René Dumont soutient le « pacifisme intégral » et les accords de Munich en 1938.

Avec près de quarante pacifistes, dont l’écrivain et ancien combattant de la Grande guerre Jean Giono, il signe en septembre 1939, au début de la Deuxième Guerre mondiale initiée par l’Allemagne nazie du Führer Adolf Hitler, le tract « Paix immédiate » exhortant à la « paix immédiate ».

Le IIIe Reich a étroitement encadré la paysannerie allemande notamment par une législation ou réglementation abondante : loi sur la « compétence du Reich pour la régulation de la réorganisation corporative de l’agriculture » (15 juillet 1933), loi sur l'« organisation provisoire du Reichsnährstand et les mesures de régulation des prix et du marché pour les productions agricoles » (13 septembre 1933), etc. "A partir de 1936, le plan de quatre ans décrète une mécanisation et une artificialisation sans précédent de l’agriculture, et l’on assiste à une explosion de l’agrochimie en Allemagne", a analysé l'historien Johann Chapoutot (Le Monde, 4 octobre 2019). Le régime nazi a aussi mis en oeuvre une "économie alimentaire de guerre" dans un pays dont environ un tiers de la population active travaillait dans l'agriculture.

Durant le régime de Vichy, cet attentiste écrit des articles – une douzaine en 1942-1943 - dans « La Terre française », revue « hebdomadaire de l’agriculture et de l’artisanat » à la ligne éditoriale collaborationniste, pétainiste. Financée par le IIIe Reich, elle est dirigée par André Bettencourt, résistant à partir de 1943, futur maire, député, ministre des IVe et Ve Républiques et dirigeant de L’Oréal. André Bettencourt y écrit le 12 avril 1941 : « Les juifs, les pharisiens hypocrites n’espèrent plus. Pour eux l’affaire est terminée. Ils n’ont pas la foi. Ils ne portent pas en eux la possibilité d’un redressement. Pour l’éternité leur race est souillée par le sang du juste. »

Dès 1953, René Dumont entreprend de lutter contre la famine dans le Tiers-Monde : au Rwanda, au Mali, au Tchad, au Congo, au Bénin, à Madagascar, au Cameroun... Il travaille pour des gouvernements africains, des organismes internationaux, dont l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), et des Organisations non-gouvernementales (ONG).

En 1959, il figure parmi les membres du Comité consultatif de la recherche scientifique et technique. Il s’engage contre la guerre d’Algérie en signant notamment le Manifeste des 121. Ce qui l’amène à démissionner en 1962 de son poste.

Il s’oppose aussi à l’armement atomique.

Dans les années 1960, à rebours de ce qu’il professait auparavant, René Dumont critique la Révolution verte fondée en particulier sur la sélection de variétés pour accroître les rendements et les produits phytosanitaires, l’agriculture productiviste.

Il prône le contrôle des naissances, une gestion plus économe de l’énergie, la coopération internationale avec les pays en développement (PED).

Dans ses ouvrages, René Dumont présente de manière erronée et manichéenne l’Etat d’Israël comme un pays s'étant emparé de manière illégale de la terre des Palestiniens.

"Taïwan : le prix de la réussite" signé par René Dumont et Charlotte Paquet (Ed. La Découverte, 1987), comprend le passage intitulé "Les prétentions des sionistes" :
"Un Israélien honnête... nous rappelle d'abord que contrairement à cette propagande [sioniste], la Palestine d'avant Israël, déjà spoliée des meilleures terres de plaines par les colons juifs, assurait, quoique frugalement, la nourriture d'une population arabe en pleine croissance et ravitaillait même la population juive.
Les colons juifs n'ont jamais mis en culture la totalité des terres enlevée aux Arabes...
A côté d'économies procurées par des techniques très coûteuses, comme le goutte-à-goutte, l'eau est gaspillée par les plantations de peupliers".
Au terme d'une analyse éludant la gestion travailliste de l'Etat Juif, les auteurs concluent que cet Etat, en raison de sa "faillite technique, économique et financière, sinon sociale - l'écart riches-pauvres augmente" -, ne peut se présenter comme un modèle pour le tiers-monde dans lequel Israël envoie nombre d'experts".

En 1974, il est le premier candidat écologiste à l'élection présidentielle de 1974 – son directeur de campagne est Brice Lalonde -, René Dumont sensibilise au gaspillage : « Nous allons bientôt manquer de l'eau et c'est pourquoi je bois devant vous un verre d'eau précieuse puisque avant la fin du siècle, si nous continuons un tel débordement, elle manquera..." A la fin de son discours, il boit un verre d'eau . Il recueille 1,32% des suffrages exprimés à l’issue du premier tour.


En 1998, René Dumont cofonde l'Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne (Attac), association altermondialiste "qui milite pour la justice fiscale, sociale et écologique, et conteste le pouvoir pris par la finance sur les peuples et la nature". Une organisation pro-BDS (Boycott Désinvestissement Sanction) et qui dénonce "le mur de l'apartheid en Palestine occupée", i.e. la barrière de sécurité anti-terroriste.

Paris (Coulée verte), Bègles (rue), Montpellier (parc), Fontenay-sous-Bois (éco-parc des Carrières)… Ces villes et d’autres ont rendu hommage à cet écologiste en dénommant des espaces publics en son honneur. Signe que le passé vichyssois de René Dumont s'avère méconnu ou ne gêne guère ceux qui instrumentalisent cyniquement les "heures sombres" de l'Histoire de France.

« René Dumont, l’homme qui voulait nourrir le monde »
Arte diffuse sur son site Internet, dans le cadre de la série documentaire « Les oubliés de l'histoire » (Vergissmeinnicht), « René Dumont, l’homme qui voulait nourrir le monde » (René Dumont, Prophet) de Jacques Malaterre.

« Une traversée de l’histoire européenne du XXe siècle à travers les destins extraordinaires d’hommes et de femmes étonnamment peu connus. » 

« Agronome et tiers-mondiste, René Dumont, l’un des fondateurs de l’écologie politique en France, se présente en 1974 à l’élection présidentielle, quand la décroissance n’est pas encore à l’honneur. »

Un « scientifique tiers-mondiste », un « visionnaire », « un indigné », « on le prenait pour un fou, mais c’était un amoureux de la terre »... C'est en ces termes ô combien élogieux que le documentariste présente René Drumont, tout en occultant les aspects les plus problématiques, voire choquants, dans son itinéraire.

Des pans occultés par le "politiquement correct", et plus généralement par le mouvement écologique et sur lesquels René Dumont s'était rarement exprimé et avait réduit son attitude à un "attentisme".

Et des travaux historiques récents ont révélé l'inspiration nazie dans l'écologie. Le thème d'un prochain colloque ou d'une exposition de la Fondation René Dumont, "organisation cherchant à préserver la mémoire de l'écologie dans toutes ses dimensions au niveau international pour aider à agir", à "collecter et valoriser toutes les traces de l’histoire générale de l’écologie, en liaison avec le Musée du Vivant et le Centre interdisciplinaire de recherches sur l’écologie". Le Président est Marc Dufumier et le Vice-Président Laurent Gervereau" ? 


France, 2015, 27 min
Disponible du 04/04/2020 au 09/06/2020

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Les citations sur le film proviennent du site d'Arte.

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