Otto Preminger (1905-1986) était un talentueux réalisateur et producteur juif américain né dans l'empire austro-hongrois. Il a abordé avec succès divers genres cinématographiques : film noir (Laura), western (La Rivière sans retour), film historique et mélodrame (Ambre), drame musical (Carmen Jones), film politique (Tempête à Washington). Arte diffusera le 26 février 2024 à 20 h 55 "Laura" de Otto Preminger avec Gene Tierney, Dana Andrews, Clifton Webb, Vincent Price, Judith Anderson.
Otto Preminger (1905-1986) était un talentueux réalisateur et acteur à Hollywood, metteur en scène à Broadway, ainsi que producteur juif américain qui a défendu le droit d'auteur en s'opposant judiciairement à la coupure de ses films diffusés à la télévision.
Il est né dans la Galicie de l'empire austro-hongrois. Quand il a dix ans, sa famille s'installe à Vienne durant la Première Guerre mondiale. Cet adolescent se sent une vocation artistique. Il entre dans la troupe théâtrale de Max Reinhardt qu'il dirige en 1933. Là, il y crée une cinquantaine de pièces.
En 1931, il réalise Die grosse Liebe (Le Grand Amour).
En 1934, il accepte la proposition de Joseph Schenck, président de la 20th Century Fox, un des major studios de Hollywood et arrive à New York en 1935.
Ses premiers films comme réalisateur - Under Your Spell (1936) et Danger - Love at work (1937) - ne laissent pas de souvenirs mémorables. De 1935 à 1940, Otto Preminger travaille à Broadway où il met en scène Outward Bound de Sutton Vane et Margin for Error de Clare Boothe Luce. Dans cette dernière pièce de théâtre, il incarne un officier nazi.
En 1942, Otto Preminger retourne à Hollywood comme acteur et réalisateur pour la 20th Century Fox.
Dans les années 1950, il rejoint la société de production United Artists.
Il a abordé avec succès divers genres cinématographiques : film noir (Laura), western (La Rivière sans retour), film historique et mélodrame (Ambre), drame musical (Carmen Jones, Porgy and Bess), film politique (Tempête à Washington, Condamné au silence, Le Cardinal, Rosebud)... Il ose aborder des sujets complexes (Un si doux visage, Autopsie d'un meurtre) ou sensibles comme la drogue (L'Homme au bras d'or). Mais la dureté de son caractère laisse un souvenir douloureux à certains acteurs, comme Jean Seberg (Bonjour Tristesse).
Olivier Père
A l'occasion de la rétrospective complète d'Otto Preminger à la 65e édition du Festival del film Locarno 2012, Olivier Père a analysé l'oeuvre cinématographique de ce réalisateur.
"Otto Preminger est un maître du cinéma hollywoodien venu d’Europe, comme Alfred Hitchcock ou Fritz Lang, dont il faut revoir sans cesse les films et, pour certains, les redécouvrir. Car Preminger est à la fois un grand auteur populaire (nombre de ses films furent de très grands succès commerciaux au moment de leurs sorties et demeurent des classiques intemporels) et un cinéaste pour « happy fews », l’exemple type du cinéaste pour cinéphiles, celui dont les titres des films – ou plutôt de leurs souvenirs, plus ou moins lointains, plus ou moins exacts, se murmurent entre deux séances des cinémathèques du monde entier. Parmi les trente-huit films réalisés par Otto Preminger (1905-1986), certains ont acquis une célébrité immortelle : Laura en tête, mais davantage à cause de la mythologie du film noir et la présence inoubliable de Gene Tierney que pour la signature de son auteur ; Carmen Jones (longtemps invisible en France en raison d’un procès stupide des héritiers de Bizet, mais projeté au Festival del film Locarno, après avoir ouvert le Festival de Cannes en 1955) ; Autopsie d’un meurtre (pour le génial James Stewart) ; L’Homme au bras d’or (pour Frank Sinatra dans son meilleur rôle et la musique de Duke Ellington)… Ces titres fameux, grands succès de l’histoire du cinéma américain portent tous l’empreinte et la personnalité d’un cinéaste qui a déchaîné l’admiration, pour des raisons parfois contradictoires, aussi bien des « Cahiers du cinéma » (Rivette et Godard, puis Biette et Daney) que des mac-mahoniens, secte cinéphilique réunie autour de la revue « Présence du cinéma » et des ses têtes pensantes Jacques Lourcelles et Michel Mourlet, qui l’inclurent dans leur « carré d’as » en compagnie de Raoul Walsh, Fritz Lang et Joseph Losey, avant de retomber dans une relative indifférence, explicable par une fin de carrière problématique.
"Car si Laura n’a pratiquement jamais quitté l’affiche depuis sa sortie, il était devenu difficile – avant l’avènement du DVD et des chaines câblées – de voir ou de revoir sur grand écran des chefs-d’œuvre tels que Sainte Jeanne, Tempête à Washington ou Le Cardinal ou tout simplement de découvrir le dernier film d’Otto Preminger, The Human Factor (1979)".
"Que symbolise Preminger aujourd’hui ? À l’heure d’un triomphe du cinéma d’auteur, et des effets de signature tapageurs, son cinéma apparaît comme l’apogée du classicisme, et repose sur un art de l’équilibre et un génie de la composition plastique aussi bien que de la narration, qui englobe destins individuels et Histoire, violence et rétention, intelligence froide et émotion, scepticisme hautain et humanisme."
"Mais surtout, l’art de Preminger est un art de l’invisibilité, ce qui a sans doute freiné sa reconnaissance comme auteur. Preminger est sans doute le cinéaste à avoir poussé à son plus haut degré de perfection les recherches sur le montage interdit, en créant des films non pas uniquement composés de plans séquences, comme La Corde d’Hitchcock, mais donnant cette illusion de continuité par un travail sur la fluidité et l’harmonie à l’intérieur des plans et des séquences. Preminger est le cinéaste classique par excellence, car son art méprise l’expérimentation voyante (ce n’était pas toujours le cas d’Hitchcock – voir Vertigo), et met la maîtrise de l’écriture cinématographique au profit de l’évidence, du réalisme et de la dramaturgie".
"Un film comme Exodus (sans doute le plus beau et le plus représentatif des Preminger des années 60) s’écoule ainsi comme un long fleuve majestueux, épousant le thème du film sur l’amplitude de l’Histoire qui draine les conflits et les destins personnels."
"Otto Preminger nait à Wiznitz en Autriche-Hongrie en 1905. Il apprend la mise en scène à Vienne auprès de Max Reinhardt, avant de s’exiler aux Etats-Unis en 1934. D’abord le théâtre à New York, puis le cinéma à Hollywood."
"Ce qui déroute encore, c’est la variété des thèmes et des genres abordés par Preminger, l’hétérogénéité – superficielle – de l’œuvre, fragmentée en plusieurs périodes distinctes. Preminger réalise cinq films avant Laura, un premier dans son Autriche natale (Die Grosse Liebe), les autres pour le département B de la Fox, que le cinéaste renie en bloc; puis Laura (1944), chef-d’œuvre inaugural."
"Si on peut parler de film mythique, c’est bien à propos de Laura. Résultat d’un genèse tumultueuse, fruit d’un rapport tumultueux (à la suite d’un conflit entre Otto Preminger et Daryl Zanuck, le film fut commencé par un autre cinéaste (Rouben Mamoulian) avec que Preminger ne puisse enfin prendre le contrôle du film et mener à bien un projet dont il avait été l’instigateur). Le résultat, génial, marque les véritable débuts de la carrière de Preminger, auparavant metteur en scène de théâtre et auteur de quatre films. Cette enquête policière sur l’assassinat raté d’une jeune et brillante publicitaire est à la fois un classique absolu du film noir et le chef-d’œuvre inaugural d’une série d’études psychologiques centrées autour d’un personnage féminin fascinant."
"Les films noirs d’Otto Preminger méritent sans doute une place à part, car ils n’obéissent jamais tout à fait aux canons du genre, symptomatiques de l’indépendance du cinéaste, de sa vision d’artiste et de ses légendaires conflits avec Zanuck. A partir de Laura (1944), son chef-d’œuvre inaugural à la Fox, Preminger signe une série d’études psychologiques remarquable par sa cohérence et sa densité romanesque qui empruntent souvent la forme du film noir. Crime passionnel conte l’itinéraire moral d’un escroc transfiguré par l’amour, tandis que Le Mystérieux Docteur Korvo est un mélodrame noir, ténébreux récit d’hypnose et de manipulation, qui tranche par son approche onirique de la psychanalyse avec le réalisme des films noirs produits par la Fox. A chaque nouveau film, Preminger perfectionne son art de la mise en scène, fait de très longs plans, de savants mouvements de grue et d’une direction d’acteurs (et plus encore d’actrices) virtuose."
"En 1950, Preminger signe le très beau Mark Dixon, détective. Mark Dixon, un flic hanté par le souvenir de son père voyou tue accidentellement un suspect dans un accès de fureur. Il maquille l’accident en règlement de comptes et tente de faire condamner un chef de gang. Malheureusement, un chauffeur de taxi et accusé du meurtre et Mark Dixon tombe amoureux de la fille de l’infortuné suspect. Moins célèbre que Laura, ce film noir qui réunit à nouveau le couple Dana Andrews-Gene Tierney compte pourtant parmi les chefs-d’œuvre d’Otto Preminger. Dans Mark Dixon, détective, l’accent est mis sur la névrose masculine, le dilemme moral du héros et sa dépendance à la violence. « When the Sidewalks Ends » (« le bord du trottoir »), titre original, désigne la fine frontière qui sépare le Bien du Mal. Alors que Preminger est essentiellement réputé pour ses portraits féminins et son talent de directeur d’actrices, le cinéaste offre ici à Dana Andrews, acteur au jeu inquiet et tendu, un rôle complexe où il peut exprimer sa personnalité tourmentée et somnambulique."
"La troisième période de la carrière de Preminger, la plus singulière, est celle de l’indépendance et de la maturité souveraine. En 1953, fatigué des tracasseries de la censure et des bagarres avec les “décideurs” des studios, Preminger décide de devenir son propre producteur et d’exercer un contrôle absolu sur ses films, du choix des sujets à la campagne publicitaire accompagnant leur distribution, ouvrant ainsi la voie à Billy Wilder, Robert Aldrich et Stanley Kubrick."
"Un contrat sans précédent avec les Artistes Associés va ainsi garantir à Preminger une autonomie complète sur la conception de ses films, incluant le contrôle du montage définitif. Après l’ère des stars et celles des producteurs, Preminger va ainsi promouvoir l’image du metteur en scène, perfectionniste et autoritaire, véritable auteur du film, voire sa principale vedette. Avec son crane rasé, son imposante silhouette, sa distinction prussienne et sa réputation de dictateur sur les tournages, ce juif autrichien était abonné aux rôles d’espions ou d’officiers nazis. Son rôle le plus célèbre demeure celui de von Scherbach dans Stalag 17 de Billy Wilder, mais il interpréta aussi Mister Freeze dans la série télévisée « Batman », avant qu’un autre Autrichien célèbre reprenne le rôle pour le grand écran en 1997, Arnold Schwarzenegger."
"Preminger va symboliquement inaugurer cette période de liberté et de créativité inédite dans l’histoire d’Hollywood avec La lune était bleue (1953), une comédie dont le contenu, encore scabreux pour l’époque (le flirt entre un séducteur mûr et une jeune fille vierge) et surtout les dialogues explicites n’auraient jamais franchi le cap de l’autocensure des studios, peu désireux de devoir affronter le boycott des ligues de vertu. Au contraire, Preminger a très vite compris la publicité gratuite que pouvait apporter un bon scandale savamment orchestré. La lune était bleue, film au budget modeste mais adapté d’une pièce qui avait déjà fait ses preuves à Broadway profitera ainsi des foudres de la Ligue catholique de décence – parce que le mot « vierge » était prononcé !- et rencontrera un beau succès sans que Preminger n’ait eu à faire la moindre coupe ou concession. La lune était bleue raconte la tentative de séduction par un architecte, le temps d’une nuit, d’une jeune fille délurée rencontrée sur la terrasse de l’Empire State Building, empêchée par son ex fiancée, le père de celle-ci, incorrigible coureur de jupons qui la demande en mariage."
"Premier titre de l’émancipation de Preminger, le film ne fait partie pas partie des œuvres majeures du cinéaste. Sans doute le film est-il trop dépendant d’un matériau théâtral quelque peu daté (les histoires de vierges professionnelles ne choquent plus grand monde) et la mise en scène de Preminger, plus fonctionnelle qu’à l’habitude, ne cherche pas à transcender les limites de la pièce, amusante mais trop légère."
"Le principal problème réside dans le fait que Preminger, si plusieurs de ses chefs-d’œuvre sont baignés d’ironie, n’a jamais fait preuve d’un talent particulier pour la comédie pure. Il avait pourtant terminé le dernier film d’Ernst Lubitsch, mort au début du tournage, La Dame au manteau d’hermine en 1948 (en compétition au Festival del film Locarno). Mais Preminger ne possède pas le génie comique d’un Billy Wilder auquel le film fait souvent penser. Si William Holden est excellent, comme Maggie Mac Namara, découverte par le cinéaste, le rôle outré de David Niven, acteur guère passionnant, a particulièrement mal vieilli."
"L’acteur se rachètera en trouvant un des meilleurs rôles de sa carrière dans Bonjour tristesse, toujours de Preminger, en 1957."
"Les films suivants de Preminger sont heureusement d’une autre envergure. Une liste impressionnante, entre 1954 et 1962, de purs chef-d’œuvre ou presque : Rivière sans retour, Carmen Jones, Condamné au silence, L’Homme au bras d’or, Sainte Jeanne, Bonjour tristesse, Porgy and Bess, Autopsie d’un meurtre, Exodus, Tempête à Washington."
"Rivière sans retour (1954) est un titre trop souvent oublié quand on évoque la carrière de Marylin Monroe. Il lui permet pourtant, mieux qu’ailleurs, d’exprimer son talent et de se montrer réellement émouvante et bonne actrice, loin des clichés de l’idiote pulpeuse ou de l’animal blessé qu’exploitèrent des cinéastes moins talentueux et scrupuleux que Preminger. Otto Preminger signe son unique western et son premier film en Cinémascope couleur, et se montre aussi inspiré par les grands espaces du Canada et ce nouveau format que par le noir et blanc et les tournages en studio de ses drames psychologiques. Ce splendide film d’aventures est avant tout l’histoire d’un itinéraire moral où un homme au passé douloureux (Robert Mitchum) doit reconquérir l’admiration de son jeune fils, et tombe amoureux d’une prostituée au grand cœur. Les longs plans et les subtils mouvements de caméra de Preminger, l’interprétation de Mitchum et Monroe et l’intelligence et la sérénité qui se dégagent de Rivière sans retour en font un classique du western."
"Méconnu, mal aimé, Sainte Jeanne (1957) est pourtant un des films le plus sublimes d’Otto Preminger, dans lequel le cinéaste confirme son génie dans la direction d’actrices juvéniles et la psychologie féminine, l’intelligence dans l’adaptation de textes ou de livrets, l’élégance d’une mise en scène aux plans longs qui résout avec une suprême aisance les problèmes du passage de la scène à l’écran. Sainte Jeanne est tirée d’une pièce de George Bernard Shaw, adaptée au cinéma par l’écrivain Graham Greene et Otto Preminger. Les deux hommes modifièrent la construction de l’œuvre originale en décidant de raconter la vie de Jeanne d’Arc par une série de retours en arrière (le film débute sur le roi Charles VII vieillissant visité dans la nuit par le fantôme de Jeanne), mais en restituèrent parfaitement l’esprit ainsi que la beauté du texte. De toutes les adaptations cinématographiques de l’histoire de Jeanne (et l’on sait qu’elles sont légions), il s’agit de la moins religieuse. Le scepticisme et l’ironie combinés de Shaw et de Preminger proposent une évocation humaine, pleine de sympathie et de mélancolie, de la pucelle d’Orléans. Le film ne serait évidemment pas le même sans Jean Seberg, une jeune fille de dix-sept ans du Middle West, sans aucune expérience théâtrale ni cinématographique, choisie parmi plusieurs milliers de postulantes auditionnées à travers le monde. Jean Seberg se révélera une actrice géniale. Preminger confirmait avec éclat sa réputation de grand directeur d’actrices, lui qui avait déjà obtenu des merveilles (parfois dans la douleur) de Gene Tierney, Linda Darnell ou Jean Simmons. Jean Seberg-Jeanne devient ainsi une splendide héroïne premingerienne, intelligente mais déchirée par des aspirations contraires, habitée par la fièvre et la passion sous une apparence angélique. S’il est tentant d’associer exclusivement Sainte Jeanne à l’interprétation inoubliable de Jean Seberg, ce serait toutefois injuste pour les autres comédiens, aussi chevronnés que Seberg inexpérimentée. Dans le rôle du Dauphin, Richard Widmark livre une de ses performances les plus originales, loin des durs à cuire ou des gangsters névrotiques qui avaient assis sa réputation à Hollywood. Le reste de la distribution est constitué d’excellents comédiens du théâtre et du cinéma anglais, le shakespearien John Gielgud en tête. Sainte Jeanne fut un échec cinglant au moment de sa sortie et le jeu de Jean Seberg jugée totalement faux, trop en avance sur son époque sans doute. Les commentaires sur Jean Seberg sont particulièrement injustes et cruels. Preminger ne se démonte pas et confie à sa protégée le rôle principal de son film suivant, une adaptation du roman de Françoise Sagan, Bonjour tristesse : nouveau chef-d’œuvre, incompris au moment de sa sortie et qui n’obtient pas le succès espéré. Jean Seberg se tourne vers la France et joue dans le premier film d’un jeune critique des « Cahiers du cinéma », grand admirateur de Preminger : A bout de souffle de Jean-Luc Godard. Loin de Hollywood, c’est ce film qui fera de Jean Seberg une star et une icône moderne dans le monde entier, à jamais."
"Preminger, malgré sa satisfaction devant le travail accompli, ne fut pas tendre envers Sainte Jeanne. Dans son autobiographie, il affirme : « Je dus reconnaître que j’étais le seul responsable de l’échec, pour avoir mal interprété la pièce de George Bernard Shaw, en entourant la dramatisation de la légende de Jeanne d’Arc de passion religieuse. C’était au fond une réflexion très intellectuelle sur le rôle qu’a joué la religion dans l’histoire de l’humanité. » "Trop subtile, mais surtout trop intime pour toucher le grand public, Sainte Jeanne est l’œuvre maudite de Preminger, mais également « un film de chevet » pour ses vrais admirateurs, comme l’écrit Jacques Lourcelles dans son « Dictionnaire du cinéma – les films ».
"Autopsie d’un meurtre (1959) compte parmi les plus beaux films d’Otto Preminger et du cinéma classique hollywoodien qui vit ses dernières heures de gloire. Ce chef-d’œuvre du film de procès offre à James Stewart un de ses plus grands rôles. Autopsie d’un meurtre décortique la machine judiciaire et dresse le portrait d’un avocat qui met tout son professionnalisme et son intelligence au service d’une cause qui ne les mérite pas. Preminger fait ici de la maîtrise, son beau souci de cinéaste, le sujet même de son film, doublé de sa critique".
"Tempête à Washington (1962) peut être considéré comme le dernier chef-d’œuvre absolu de Preminger, celui ou la perfection de la forme et l’intelligence du discours se marient idéalement. Tempête à Washington est le second film choral consécutif de Preminger, après Exodus. Cette fois encore, la multiplicité des personnages, des opinions et des points de vues est censée restituer la réalité étudiée dans sa globalité et sa complexité. Le film débute avec l’annonce de la désignation d’un nouveau secrétaire d’état aux affaires étrangères par le président des États-Unis. Avant d’être voté par le Sénat, ce choix doit être examiné par une commission d’enquête qui révèle bientôt les sympathies communistes que le candidat a entretenu dans sa jeunesse. Le film propose la chronique des événements qui vont se succéder durant les quelques jours qui séparent l’ouverture de l’enquête du vote du Sénat. Très documenté et particulièrement instructif sur le fonctionnement des institutions politiques des États-Unis, aussi haletant qu’un film à suspens, Tempête à Washington est construit comme une succession de scènes d’affrontements oratoires entre deux ou plusieurs personnages, et lève le voile sur un réseaux de manigances, tactiques, tricheries et même de chantages (menacé de voir un épisode homosexuel de son passé révélé au grand jour, un sénateur se suicide). Bien que démocrate convaincu et actif, Preminger ne réalise pas une œuvre engagée ou militante, mais un film de moraliste. Le scepticisme et la lucidité du cinéaste sont à leur comble. Au-delà du débat moral que le film soulève (doit-on juger un politicien sur son passé, sur son intégrité ou sur ses compétences?), Tempête à Washington enregistre au cœur même de la vie politique américaine (le Sénat) la décadence de la démocratie, assaillie par la tentation fasciste d’une part, rongée par l’immobilisme de l’autre. Les coulisses et la scène politiques finissent par se confondre, et les rites sénatoriaux se transforment en simulacres déviés de leurs significations et vocations premières. Le film est également remarquable pour la qualité homogène de son interprétation. Henry Fonda, dans un rôle bref, est extraordinaire, mais la palme revient à Charles Laughton, en vieux sénateur sudiste, absolument génial dans ce qui reste sa meilleure – et dernière – apparition à l’écran."
"Un an après son génial Tempête à Washington sur le Sénat américain, Preminger souhaite renouveler le succès d’Exodus sur l’état d’Israël et réalise une nouvelle fresque à la fois monumentale et intimiste, consacrée cette fois-ci au fonctionnement de l’Église catholique, avec l’intention avouée de la décrire comme une organisation politique et de critiquer sa position complaisante lors de l’annexion de l’Autriche par Hitler. Le Cardinal est raconté en flash-back. Lors de la cérémonie où il est fait cardinal en 1939 à Rome, le bostonien Stephen Fermoyle se souvient des principales étapes de sa vie. Un parcours qui pourrait sembler édifiant (le jeune prêtre découvre l’humilité dans un trou perdu du Canada, combat le racisme en Géorgie, devient un expert en diplomatie au Vatican et tente de convaincre l’évêque de Vienne du danger du nazisme) s’il n’était pas semé de tragédies privées directement causées par le rigorisme de sa foi ou son ambition carriériste. Lorsqu’il ne filmait pas des adaptations d’opéras ou de pièces de théâtre, Preminger aimait aborder les grands sujets de société et d’histoire, en adaptant les best-sellers du moment. Une tactique commerciale qui lui permettait d’évoquer des thèmes sensibles, comme ici les coulisses de l’Église, dans des films longs et au propos austère malgré la somptuosité des moyens mis en œuvre, et qui s’avérait souvent payante (même si Le Cardinal fut un demi-échec à sa sortie et reste un titre sous-estimé et incompris). En effet Preminger et ses scénaristes parvenaient à transcender un matériau littéraire médiocre, mélodramatique ou bien-pensant (comme pouvait l’être le roman d’Henry Morton Robinson) pour élever une superproduction au rang d’œuvre classique. Ainsi Le Cardinal est-il un film de moraliste sous des apparences de spectacle consensuel. Admirablement mis en scène et d’une intelligence mordante, Le Cardinal décortique une à une les ambiguïtés du pouvoir et de la foi, même si l’épisode viennois, sur l’intervention antinazie du Vatican, est empreint d’une forme d’idéalisme démocratique que Preminger était le premier à revendiquer."
"On a vu que dans les années 50 le cinéaste était parvenu, dans une suite régulière de chefs-d’œuvre, à trouver un équilibre magique entre la réussite commerciale, l’intelligence audacieuse des sujets et l’élégance classique de la mise en scène de ses films. Après trois titres transitoires, imparfaits mais encore magnifiquement réalisés (Le Cardinal, Première Victoire, Bunny Lake a disparu), la carrière de Preminger va prendre à partir de 1968 un tour catastrophique, avec des films dont la déchéance formelle rivalise avec la sottise du propos (Skidoo, satire des hippies et des médias et Rosebud, sur le terrorisme international, sont les deux pires navets de cette triste période). Après Bunny Lake a disparu, tourné à Londres en 1965, sorte de réponse au Psychose d’Alfred Hitchcock, Preminger s’enlise dans une série de ratages ou de films mineurs (Hurry Sundown ; Skidoo ; Tell Me That You Love Me, Junie Moon ; Such Good Friends ; Rosebud), qui donnent l’impression que son cinéma est devenu caduc, démodé par les audaces du Nouvel Hollywood".
"Comment expliquer une telle dégringolade ? D’une part Preminger, qui avait réussi à faire reculer les barrières de la censure et des préjugés moraux, se trouve fort dépourvu lorsque le cinéma américain des années 70 se vautre soudain dans la trivialité et la provocation. Comment le cinéaste raffiné d’Anatomie d’un meurtre pouvait-il lutter en face de Macadam Cow Boy, La Horde sauvage, Délivrance, Orange mécanique ou Taxi Driver ? D’autre part Preminger illustra, tardivement mais violemment, la théorie qu’on peut juger réactionnaire mais qui s’est souvent révélée exacte, selon lequel plusieurs grands cinéastes hollywoodiens doivent beaucoup de leurs réussites artistiques au système dirigiste des studios, capables de transformer les contraintes esthétiques et économiques en formidables stimulants à la créativité. Jacques Tourneur, Allan Dwan, Raoul Walsh, Joseph Losey et dans une certaine mesure Fritz Lang en furent les plus fameux exemples. Livrée à elle-même, la somptueuse maîtrise de Preminger finit par tourner à vide et se corrompre au contact de projets à la fois idiots et prétentieux et de la décadence d’un certain savoir-faire des studios. D’ « esclave libre », Preminger devint l’esclave de sa liberté, et la victime d’une position admirablement gagnée. Otto trop tard ? Pas tout à fait. En 1979, alors que plus personne ne donne cher de la peau de l’ex grand cinéaste, Preminger, à l’âge de 73 ans, adapte en Grande-Bretagne un roman de Graham Greene et signe un émouvant testament cinématographique, qui dissimule derrière une sombre histoire d’espionnage un constat amer sur le monde, livré au cynisme, à la duplicité et à la destruction de l’individu. The Human Factor est un récapitulatif de l’art de Preminger en même temps qu’un adieu. L’humour y est plus froid que jamais, le conflit entre le réalisme et l’onirisme de la mise en scène (le contraste frappant entre le côté documentaire du début du film et la scène finale, dans un décor volontairement théâtral), définitif et cinglant. Un terne fonctionnaire britannique qui travaille aux affaires britannique est en fait un agent double qui a décidé de trahir son pays après être tombé amoureux d’une jeune africaine et l’avoir épousée en même temps, et bien davantage, que la cause anticolonialiste. Mais son double jeu va entraîner la mort de son innocent collègue (soupçonné à sa place, il sera impitoyablement éliminé) et la destruction de sa petite famille. Ennemi de toute emphase, Preminger se situe bien évidemment à l’opposé de la mythologie du film d’espionnage véhiculée par la série des James Bond. Anti spectaculaire, The Human Factor dessine le portrait d’un homme ordinaire brisé pour avoir fait preuve d’humanité (le fameux facteur humain) dans un monde absolument déshumanisé. Preminger retrouve la précision et l’invisibilité de sa mise en scène, parvenant en quelques plans à définir l’univers étriqué du personnage principal (son bureau, son trajet en train de banlieue, puis la bicyclette pour rejoindre son pavillon de banlieue). Mais à la place de la ménagère anglaise l’attend une superbe jeune femme noire (Iman, future madame David Bowie). La fiction peut débuter. Elle s’achèvera par un plan magnifique, en écho au générique initial de Saul Bass : un combiné téléphonique se balançant dans le vide, symbole de plusieurs communications interrompues. Celle de l’antihéros avec sa femme, celle de Preminger avec le monde moderne, mais aussi celle du public avec le cinéaste. Preminger ne tournera plus. Par son désenchantement et sa beauté mortifère, The Human Factor rejoint les testaments esthétiques et moraux de quelques autres grands cinéastes, Ford (Frontière chinoise), Lang (Le Diabolique Docteur Mabuse), Visconti (L’Innocent). Preminger s’éteint le 23 avril 1986 à New York."
"Laura"
Arte diffusera le 26 février 2024 à 20 h 55 "Laura" de Otto Preminger avec Gene Tierney, Dana Andrews, Clifton Webb, Vincent Price, Judith Anderson.
"Le lieutenant McPherson enquête sur l'assassinat de Laura Hunt. Subjugué par un tableau qui la représente, il tombe sous son charme... À l'image de son héroïne, interprétée par Gene Tierney, le premier grand film d'Otto Preminger n'a rien perdu de son énigmatique beauté. Transcendant le genre policier, il s'est d'emblée imposé comme un classique."
"L'inspecteur McPherson enquête sur la mort de Laura Hunt, assassinée à son domicile par une décharge de chevrotine tirée à bout portant. La première personne qu'il interroge est le célèbre éditorialiste new-yorkais Waldo Lydecker, devenu le pygmalion de Laura."
"Avant de disparaître, cette dernière s'apprêtait à épouser Shelby Carpenter. Sous l'effet d'une fascination grandissante, McPherson passe de plus en plus de temps dans l'appartement de la victime. Un soir, à sa grande stupéfaction, Laura apparaît, ignorant tout de "sa" mort et des investigations menées à son sujet..."
"D’abord écarté de la réalisation (au profit de Rouben Mamoulian) par le producteur Darryl Zanuck, Otto Preminger, à l’initiative du projet, a dû batailler pour reprendre en main la mise en scène et dicter la distribution, imposant notamment le comédien Clifton Webb dans le rôle de Lydecker."
"L'originalité du récit tient en grande partie à l’apparition du personnage central au milieu de l’intrigue : jusque-là, Laura n’était qu’un visage peint sur un tableau. Dans la peau de cette femme qui fascine ses prétendants, Gene Tierney livre une performance magnétique."
"Entre enquête policière et drame psychologique, Preminger recourt avec subtilité au flash-back et au commentaire en voix off, tout en déployant d’hypnotiques mouvements de caméra. Premier grand succès du réalisateur exilé, le film exercera sur des générations de cinéphiles un singulier pouvoir d'envoûtement."
Meilleure image, Oscars 1945
« La Rivière sans retour »
"Rivière sans retour (River of no Return, 1954) est un titre trop souvent oublié quand on évoque la carrière de Marilyn Monroe. Il lui permet pourtant, mieux qu’ailleurs, d’exprimer son talent et de se montrer réellement émouvante et bonne actrice (et excellente chanteuse), loin des clichés de l’idiote pulpeuse ou de l’animal blessé qu’exploitèrent des cinéastes moins talentueux et scrupuleux que Preminger. Otto Preminger signe son unique western et son premier film en Cinémascope couleur, et se montre aussi inspiré par les grands espaces du Canada et ce nouveau format que par le noir et blanc et les tournages en studio de ses drames psychologiques. Seules quelques transparences douteuses lors des scènes sur la rivière, qui raccordent mal avec les paysages naturels, trahissent un tournage compliqué", a analysé Olivier Père pour Arte.
Et Olivier Père de poursuivre : "Les relations tendues entre Preminger et Monroe, la production houleuse et les conflits entre Darryl F. Zanuck et le réalisateur, qui conduiront à une rupture de contrat et son départ définitif de la Fox n’empêchent pas Rivière sans retour d’être un film limpide et maîtrisé, qui pose un regard juste sur la violence et la cupidité qui régnaient dans l’ouest. Ce splendide film d’aventures est avant tout l’histoire d’un itinéraire moral où un homme au passé douloureux (Robert Mitchum) doit reconquérir l’admiration de son jeune fils, et tombe amoureux d’une prostituée au grand cœur. Les longs plans et les subtils mouvements de caméra de Preminger, l’interprétation de Mitchum et Monroe et l’intelligence et la sérénité qui se dégagent de Rivière sans retour en font un classique du western."
Arte diffusa sur son site Internet, dans le cadre de « Invitation au voyage » (Stadt Land Kunst), « Le Canada sauvage de la Rivière sans retour » (Das wilde Kanada vom Fluss ohne Wiederkehr). Linda Lorin nous emmène à la découverte de notre patrimoine artistique, culturel et naturel.
« Dans l’ouest du Canada, cours d’eau tumultueux et forêts sauvages s’égrènent le long de la chaîne des Rocheuses ».
« Un film a su capter l’essence de ces montagnes : “Rivière sans retour” d’Otto Preminger ».
« Le réalisateur américain a trouvé dans cette nature dévorante le décor et les ambiances à même de faire de son film un chef-d’œuvre ».
"Autopsie d'un meurtre"
Dans "Autopsie d'un meurtre" d'Otto Preminger, "James Stewart, Lee Remick et Ben Gazzara s’affrontent dans une affaire de viol et de meurtre. Entre réalisme cru et humour incisif, un classique du film de procès orchestré par Otto Preminger à l’apogée de son style."
"Le lieutenant Manion est jugé pour avoir tué un barman qui aurait battu et violé sa femme, Laura. Il est défendu par l’ancien avocat général Paul Biegler. Le procès l’oppose à l’habile Claude Dancer, qui soutient que Manion est un menteur. Selon lui, Laura, connue pour être volage, entretenait une relation avec le barman assassiné. Le lieutenant l’aurait battue pour connaître la vérité, puis aurait tué la victime en connaissance de cause. Biegler charge un enquêteur alcoolique, Parnell McCarthy, de faire la lumière sur les événements."
"À partir d’un sujet scabreux, Otto Preminger construit un drame judiciaire à la fois réaliste et fascinant. C’est d’abord un style à son apogée qui s’exprime, dans des plans parfaitement maîtrisés et un soin ironique du détail : Paul Biegler ne cesse de manipuler un hameçon ; le psychiatre, d’essuyer ses lunettes. Au-delà de la théâtralité du procès, le réalisateur crée un univers troublant, où les valeurs se brouillent au rythme des mélodies de Duke Ellington."
"Oscillant entre le sérieux et le dilettantisme, le personnage interprété par James Stewart passe son temps à pêcher la grenouille, assisté d’un enquêteur alcoolique aux agissements parfois douteux. S’y ajoutent les poses altières de l’avocat Dancer, l’arrogance du lieutenant Manion et les comportements aguicheurs de sa femme. Au fil des débats et d’un suspense sans cesse relancé, Otto Preminger raille la justice et la morale avec une adresse remarquable."
"Depuis qu’il a quitté son poste d’avocat général, Paul Biegler (James Stewart) occupe son temps à la pêche, daignant à l’occasion prendre une affaire sans grande importance pour maintenir à flot son cabinet. Son confrère Parnell McCarthy, lui-même en retrait de la vie judiciaire, a sombré dans l’alcoolisme. Ainsi chacun vaque à ses activités. C’est ainsi que Biegler accepte de prendre la défense d’un militaire, Frederick Manion (Ben Gazzara), suspecté d’avoir assassiné, de sang-froid semble-t-il, l’homme qui a violé son épouse (Lee Remick). Biegler et Parnell plaident non coupable, arguant que Frederick a tué sous l’emprise d’une « impulsion irrésistible » et non d’un désir de vengeance", a écrit Olivier Père pour Arte.
Et Olivier Père de poursuivre : "Autopsie d’un meurtre (Anatomy of a Murder, 1959) compte parmi les plus beaux films d’Otto Preminger et du cinéma classique américain, qui vit à la fin des années 50 ses dernières heures de gloire. Ce chef-d’œuvre du film de procès offre à James Stewart un de ses plus grands rôles. Autopsie d’un meurtre décortique la machine judiciaire et dresse le portrait d’un avocat qui met tout son professionnalisme et son intelligence au service d’une cause qui ne les mérite pas. La splendeur de la mise en scène et de la photographie allient sophistication hollywoodienne et souci du réalisme, en privilégiant des décors naturels. Preminger réunit une distribution éblouissante où James Stewart donne la réplique à des comédiens extrêmement talentueux issus de la nouvelle génération comme Ben Gazzara, Lee Remick ou George C. Scott. Le cinéaste ne résiste pas à la tentation d’intégrer des éléments triviaux ou scabreux à une histoire centrée sur un viol et la sexualité d’une jeune femme. Le plus important demeure la générosité et l’humanisme d’Autopsie d’un meurtre, qui démontre qu’il vaut mieux innocenter un coupable que de condamner un innocent. L’autre leçon du film consiste à faire l’éloge de personnages ordinaires mais positifs, qui accèdent à la grandeur par leur attachement à une cause qui leur semble juste, et par leur amour du travail bien fait. Preminger fait ici de la maîtrise, son beau souci de cinéaste, le sujet même de son film, doublé de sa critique. C’était, il me semble, le film préféré de Serge Daney."
« Exodus »
Arte diffusera le 26 janvier 2020 « Exodus », film historique épique réalisé par Otto Preminger (1960). « Le voyage de milliers de réfugiés juifs, en 1947, sur le vieux navire "Exodus" en direction de la Palestine. Otto Preminger retrace la naissance de l'État d'Israël dans une fresque majestueuse portée par Paul Newman et Eva Marie Saint ».
« En 1947, des réfugiés juifs européens en partance pour la Palestine mandataire sont refoulés par les autorités britanniques et placés dans des camps d'internement sur l'île de Chypre ».
« Alors que les Nations unies s'apprêtent à se prononcer sur le plan de partage de la Palestine, Ari ben Canaan, un agent de la Haganah, une organisation paramilitaire sioniste, se fait passer pour un officier anglais et embarque des centaines de réfugiés sur un vieux navire rebaptisé Exodus ».
« Lorsque le subterfuge est découvert, Canaan menace de faire sauter le bateau et obtient ainsi du général Sutherland la levée du blocus britannique. L'infirmière américaine Kitty Fremont, qui s'est prise d'affection pour Karen, une jeune passagère à la recherche de son père biologique, fait partie du voyage vers Haïfa ».
« Tandis que Kitty se rapproche d'Ari, sa protégée s'éprend de Dov, un rescapé d'Auschwitz qui, une fois à terre, s'engage dans les rangs de l'Irgoun, une organisation clandestine aux méthodes violentes... »
A son neveu incarné par Paul Newman, un membre de l'Irgoun dit : Tu es dans la Haganah. Tu combats comme l'Irgoun. Mais ton coeur est Israël".
A son neveu incarné par Paul Newman, un membre de l'Irgoun dit : Tu es dans la Haganah. Tu combats comme l'Irgoun. Mais ton coeur est Israël".
« Fondée sur le best-seller de Leon Uris, dont Otto Preminger a confié l'adaptation – créditée – à Dalton Trumbo, scénariste inscrit sur la liste noire d'Hollywood, cette fresque de plus de trois heures entrelace destins individuels et grande histoire, amours contrariées et soubresauts politiques avec une fluidité époustouflante, dénuée de tout effet démonstratif ».
« Si elle s'autorise quelques libertés avec les faits et dédaigne le point de vue des Arabes, cette épopée, tournée dans des décors naturels à Chypre et en Israël, dépeint avec finesse le traumatisme des rescapés de l'Holocauste – personnifié par Dov, interprété par Sal Mineo, dans une bouleversante séquence d'interrogatoire ».
« Elle met aussi l'accent sur la confusion des autorités britanniques, les dissensions entre factions sionistes, les germes du conflit israélo-palestinien... » Eh non, ceux désignés comme Palestiniens du film sont les Juifs. Et le film démontre le rôle criminel du grand mufti de Jérusalem al-Husseini dans le conflit né du refus par les Arabes ou/et musulmans d'un Etat Juif.
« Rythmé par la partition exaltée d'Ernest Gold et magnifiquement interprété par Paul Newman et Eva Maria Saint, l'un des chefs-d'œuvre d'Otto Preminger ».
"Grâce à Sidonis/Calysta, on peut revoir Exodus (1960), le chef-d’œuvre d’Otto Preminger dans une édition combo Blu-ray et DVD d’excellente qualité. En 1947, à Chypre, des milliers de réfugiés juifs, en chemin pour la Terre Sainte, sont arrêtés par les Anglais et parqués dans des camps. Ari Ben Canaann (Paul Newman), un résistant, s’indigne de ces arrestations et prend la tête d’un périple qui les mènera jusqu’aux frontières de la Palestine. A bord d’un vieux bateau, l’Exodus, le héros et ses passagers affrontent tous les dangers dans un seul but : la liberté", écrit Olivier Père.
Et de poursuivre : "Exodus est la première grande fresque chorale d’Otto Preminger, dans laquelle la multiplicité des personnages, des opinions et des points de vue est censée restituer la réalité étudiée dans sa globalité et sa complexité – ici la naissance de l’Etat d’Israël. Exodus est une adaptation du roman éponyme de Leon Uris (inspiré d’événements réels) par le scénariste Dalton Trumbo. C’est avec ce film que Trumbo sort officiellement de la liste noire, puisque son nom apparaît au générique, alors qu’il était contraint de travailler sous pseudonyme depuis qu’il avait été condamné en 1947 à onze mois de prison pour « activités anti-américaines », puis réduit au chômage et à la clandestinité tant que dura la terrible chasse aux communistes à Hollywood. La même année, quelques mois plus tard, Kirk Douglas accepte également de mentionner le nom de Trumbo au générique du film qu’il produit et interprète, Spartacus de Stanley Kubrick. La décision courageuse de Preminger correspond à ses idées libérales et à sa haine de la censure, politique ou religieuse, qu’il combattit tout au long de sa carrière, l’utilisant parfois à des fins promotionnelles au moment de la sortie de ses films (par exemple La lune était bleue.)"
Et Olivier Père de conclure ; "Exodus apparaît comme l’apogée du classicisme et repose sur un art de l’équilibre et un génie de la composition plastique aussi bien que de la narration qui englobe destins individuels et histoire, violence et rétention, intelligence froide et émotion, scepticisme hautain et humanisme. Mais surtout, l’art de Preminger est un art de l’invisibilité, ce qui a certainement freiné sa reconnaissance comme auteur. Preminger est sans doute le cinéaste à avoir poussé à son plus haut degré de perfection les recherches sur le montage interdit, en créant des films non pas uniquement composés de plans-séquences, comme La Corde d’Hitchcock, mais donnant cette illusion de continuité par un travail sur la fluidité et l’harmonie à l’intérieur des plans et des séquences. Preminger est le cinéaste classique par excellence, car son art méprise l’expérimentation voyante et met la maîtrise de l’écriture cinématographique au profit de l’évidence, du réalisme et de la dramaturgie. Exodus est peut-être plus beau et le plus représentatif des chefs-d’œuvre de Preminger des années 60. Durant cette décennie, Preminger laisse éclater ses ambitions de cinéaste et producteur indépendants mais aussi son goût des grands sujets audacieux susceptibles de créer la controverse – ici le sionisme. La mise en scène de Preminger s’écoule dans Exodus comme un long fleuve majestueux, épousant le thème du film sur l’amplitude de l’histoire qui draine les conflits et les destins personnels. Le film contient plusieurs morceaux de bravoure, et les plus mémorables ne sont pas forcément les plus spectaculaires, bien à au contraire. Pour une seule scène, Exodus mérite sa place au panthéon des grands films de l’histoire du cinéma : celle où le jeune Dov Landau (Sal Mineo), interrogé par un chef de l’Irgoun, finit par avouer l’inavouable : enrôlé de force dans les sonderkommandos à Auschwitz, il fut contraint de participer au processus de la solution finale contre son peuple et de servir de prostituée pour les soldats allemands. Un long plan fixe dans la pénombre, avec une tache de lumière qui éclaire le visage de Sal Mineo perdu dans l’écran large, la seule puissance de la parole pour évoquer l’horreur : une leçon de mise en scène qui vient rappeler que l’esthétique et la morale ne peuvent se dissocier, que ce soit dans un documentaire ou une superproduction hollywoodienne".
Et de poursuivre : "Exodus est la première grande fresque chorale d’Otto Preminger, dans laquelle la multiplicité des personnages, des opinions et des points de vue est censée restituer la réalité étudiée dans sa globalité et sa complexité – ici la naissance de l’Etat d’Israël. Exodus est une adaptation du roman éponyme de Leon Uris (inspiré d’événements réels) par le scénariste Dalton Trumbo. C’est avec ce film que Trumbo sort officiellement de la liste noire, puisque son nom apparaît au générique, alors qu’il était contraint de travailler sous pseudonyme depuis qu’il avait été condamné en 1947 à onze mois de prison pour « activités anti-américaines », puis réduit au chômage et à la clandestinité tant que dura la terrible chasse aux communistes à Hollywood. La même année, quelques mois plus tard, Kirk Douglas accepte également de mentionner le nom de Trumbo au générique du film qu’il produit et interprète, Spartacus de Stanley Kubrick. La décision courageuse de Preminger correspond à ses idées libérales et à sa haine de la censure, politique ou religieuse, qu’il combattit tout au long de sa carrière, l’utilisant parfois à des fins promotionnelles au moment de la sortie de ses films (par exemple La lune était bleue.)"
Et Olivier Père de conclure ; "Exodus apparaît comme l’apogée du classicisme et repose sur un art de l’équilibre et un génie de la composition plastique aussi bien que de la narration qui englobe destins individuels et histoire, violence et rétention, intelligence froide et émotion, scepticisme hautain et humanisme. Mais surtout, l’art de Preminger est un art de l’invisibilité, ce qui a certainement freiné sa reconnaissance comme auteur. Preminger est sans doute le cinéaste à avoir poussé à son plus haut degré de perfection les recherches sur le montage interdit, en créant des films non pas uniquement composés de plans-séquences, comme La Corde d’Hitchcock, mais donnant cette illusion de continuité par un travail sur la fluidité et l’harmonie à l’intérieur des plans et des séquences. Preminger est le cinéaste classique par excellence, car son art méprise l’expérimentation voyante et met la maîtrise de l’écriture cinématographique au profit de l’évidence, du réalisme et de la dramaturgie. Exodus est peut-être plus beau et le plus représentatif des chefs-d’œuvre de Preminger des années 60. Durant cette décennie, Preminger laisse éclater ses ambitions de cinéaste et producteur indépendants mais aussi son goût des grands sujets audacieux susceptibles de créer la controverse – ici le sionisme. La mise en scène de Preminger s’écoule dans Exodus comme un long fleuve majestueux, épousant le thème du film sur l’amplitude de l’histoire qui draine les conflits et les destins personnels. Le film contient plusieurs morceaux de bravoure, et les plus mémorables ne sont pas forcément les plus spectaculaires, bien à au contraire. Pour une seule scène, Exodus mérite sa place au panthéon des grands films de l’histoire du cinéma : celle où le jeune Dov Landau (Sal Mineo), interrogé par un chef de l’Irgoun, finit par avouer l’inavouable : enrôlé de force dans les sonderkommandos à Auschwitz, il fut contraint de participer au processus de la solution finale contre son peuple et de servir de prostituée pour les soldats allemands. Un long plan fixe dans la pénombre, avec une tache de lumière qui éclaire le visage de Sal Mineo perdu dans l’écran large, la seule puissance de la parole pour évoquer l’horreur : une leçon de mise en scène qui vient rappeler que l’esthétique et la morale ne peuvent se dissocier, que ce soit dans un documentaire ou une superproduction hollywoodienne".
"Tempête à Washington"
Dans Tempête à Washington (Advise & Consent), "Uu sénateur sudiste tente d’empêcher la nomination d’un secrétaire d’État progressiste aux Affaires étrangères. Un film politique de grande classe, avec un Charles Laughton merveilleusement machiavélique dans son dernier rôle."
"En pleine guerre froide, le président des États-Unis, à la santé fragile, soucieux de maintenir le dialogue avec l’URSS, veut nommer le diplomate progressiste Robert Leffingwell au secrétariat d’État aux Affaires étrangères contre l’avis des conservateurs. Vieux briscard rompu à toutes les (basses) manœuvres politiques, Seabright Cooley, un sénateur sudiste, orchestre alors une machination pour l’en empêcher, en dévoilant les antécédents communistes du haut fonctionnaire."
"Avec Tempête à Washington, film choral aux dialogues d’une réjouissante éloquence, ironie incluse, Otto Preminger analyse en entomologiste les ressorts obscurs de la démocratie américaine, gangrenée par l’obsession de la guerre froide et la chasse aux sorcières. Passant avec fluidité de la scène politique à la sphère intime, des joutes oratoires de la commission d’enquête du Sénat aux conflits intérieurs de ses protagonistes, le cinéaste orchestre un formidable suspense, en restituant la complexité des enjeux, et livre une critique rigoureuse des mécanismes du pouvoir aux États-Unis. Dans cet univers impitoyable, tous les coups sont permis. Un sénateur est poussé au suicide par un maître-chanteur menaçant de révéler l’aventure homosexuelle de ses jeunes années. "À l'époque, tourner un film sur ce sujet équivalait à trahir le système américain", confiait Otto Preminger. Un grand film porté par des acteurs de haut vol, à commencer par Charles Laughton (La nuit du chasseur) dans son dernier rôle, épatant en sénateur sudiste aussi badin que redoutable."
"Tempête à Washington peut être considéré comme le dernier chef-d’œuvre absolu de Otto Preminger, celui ou la perfection de la forme et l’intelligence du discours se marient idéalement. Tempête à Washington est le second film choral consécutif de Preminger, après Exodus. Cette fois encore, la multiplicité des personnages, des opinions et des points de vues est censée restituer la réalité étudiée dans sa globalité et sa complexité. Le film débute avec l’annonce de la désignation d’un nouveau secrétaire d’état aux affaires étrangères par le président des États-Unis. Avant d’être voté par le Sénat, ce choix doit être examiné par une commission d’enquête qui révèle bientôt les sympathies communistes que le candidat a entretenu dans sa jeunesse. Le film propose la chronique des événements qui vont se succéder durant les quelques jours qui séparent l’ouverture de l’enquête du vote du Sénat. Très documenté et particulièrement instructif sur le fonctionnement des institutions politiques des États-Unis, aussi haletant qu’un film à suspense, Tempête à Washington est construit comme une succession de scènes d’affrontements oratoires entre deux ou plusieurs personnages, et lève le voile sur un réseaux de manigances, tactiques, tricheries et même de chantages (menacé de voir un épisode homosexuel de son passé révélé au grand jour, un sénateur se suicide). Bien que démocrate convaincu et actif, Preminger ne réalise pas une œuvre engagée ou militante, mais un film de moraliste. Le scepticisme et la lucidité du cinéaste sont à leur comble. Au-delà du débat moral que le film soulève (doit-on juger un politicien sur son passé, sur son intégrité ou sur ses compétences ?), Tempête à Washington enregistre au cœur même de la vie politique américaine (le Sénat) la décadence de la démocratie, assaillie par la tentation fasciste d’une part, rongée par l’immobilisme de l’autre. Les coulisses et la scène politiques finissent par se confondre, et les rites sénatoriaux se transforment en simulacres déviés de leurs significations et vocations premières. Le film est également remarquable pour la qualité homogène de son interprétation. Henry Fonda, dans un rôle bref, est extraordinaire, mais la palme revient à Charles Laughton, en vieux sénateur sudiste, absolument génial dans ce qui reste sa meilleure – et dernière – apparition à l’écran", a souligné Olivier Père.
"Laura" de Otto Preminger
Etats-Unis, 1944, 1 h 24
Auteure : Vera Caspary
Scénario : Jay Dratler, Samuel Hoffenstein, Betty Reinhardt
Production : Twentieth Century Fox
Producteur : Otto Preminger
Image : Joseph LaShelle
Montage : Louis Loeffler
Musique : David Raksin
Avec Gene Tierney (Laura Hunt), Dana Andrews (Mark McPherson), Clifton Webb (Waldo Lydecker), Vincent Price (Shelby Carpenter), Judith Anderson (Ann Treadwell), Dorothy Adams (Bessie Clary), Ralph Dunn (Fred Callahan), Clyde Fillmore (Bullitt)
Sur Arte les 26 février 2024 à 20 h 55, 27 février 2024 à 13 h 35
Visuels : © 20th Century Fox, DR
France, 2020, 14 min
Disponible sur Arte du 07/01/2020 au 07/01/2022
"Autopsie d'un meurtre" d'Otto Preminger
Etats-Unis, 1959
Auteur : John D. Voelker
Scénario : Wendell Mayes
Production : Carlyle Productions
Producteur : Otto Preminger
Image : Sam Leavitt
Montage : Louis R. Loeffler
Musique : Duke Ellington
Avec James Stewart (Paul Biegler), Lee Remick (Laura Manion), Ben Gazzara (Lt. Frederick Manion), Arthur O’Connell (Parnell Emmett McCarthy), Eve Arden (Maida Rutledge), Kathryn Grant (Mary Pilant), George C. Scott (Claude Dancer)
Visuels : © 1959 (ren. 1987) Otto Preminger Films/Sam Leavitt
« Exodus » d’Otto Preminger
Etats-Unis, 1960
Auteur : Leon Uris
Scénario : Dalton Trumbo
Production : Carlyle Productions
Producteur : Otto Preminger
Image : Sam Leavitt
Montage : Louis R. Loeffler
Musique : Ernest Gold
Avec Paul Newman, Eva Marie Saint, Lee J. Cobb, Sal Mineo, Ralph Richardson, Peter Lawford, John Derek, Karen, David Opatoshu
Sur Arte le 26 janvier 2020 à 20 h 55
Visuels :
Jill Haworth est Karen Hansen et Sal Mineo joue le rôle de Dov Landau dans le film d' Otto Preminger " Exodus" (1960)
Eva Marie Saint (Kitty Fremont), Jill Hawroth (Karen Hensen) et Paul Newman (Ari Ben Canaan) sur le tournage du film d' Otto Preminger " Exodus" (1960)
Jill Haworth est Karen Hansen et Sal Mineo joue le rôle de Dov Landau dans le film d' Otto Preminger " Exodus" (1960)
Le bateau Exodus et les réfugiés, scène du film d' Otto Preminger " Exodus" (1960)
© Otto Preminger Films - Carlyle
Eva Marie Saint (Kitty Fremont), Jill Hawroth (Karen Hensen) et Paul Newman (Ari Ben Canaan) sur le tournage du film d' Otto Preminger " Exodus" (1960)
Jill Haworth est Karen Hansen et Sal Mineo joue le rôle de Dov Landau dans le film d' Otto Preminger " Exodus" (1960)
Le bateau Exodus et les réfugiés, scène du film d' Otto Preminger " Exodus" (1960)
© Otto Preminger Films - Carlyle
"Tempête à Washington" d’Otto Preminger
États-Unis, 1962, 2h12mn, noir et blanc)
Production : Otto Preminger Films
Scénario : Otto Preminger et Wendell Mayes, d’après le roman éponyme d’Allen Drury
Avec Henry Fonda (Robert Leffingwell), Charles Laughton (le sénateur Seabright Cooley), Don Murray (le sénateur Brigham Anderson), Walter Pidgeon (le sénateur Bob Munson), Peter Lawford (le sénateur Lafe Smith), Gene Tierney (Dolly Harrison), Franchot Tone (le président), Lew Ayres (le vice-président)
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Les citations sur le film sont d'Arte. Cet article a été publié le 23 janvier 2020.
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