Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

jeudi 14 novembre 2019

« 13 novembre, la vie d'après » par Olivier Lemaire


« 13 novembre, la vie d'après » (Das Leben danach. Der 13. November 2015) est un documentaire peu intéressant réalisé par Olivier Lemaire. Le « quotidien de ceux qui vivent ou travaillent à proximité des lieux touchés par les attentats du 13 novembre 2015 avec, en fil rouge, les milliers de témoignages déposés par des anonymes. Un hommage documentaire plein de délicatesse ». 
Le 13 novembre 2015, plusieurs terroristes islamistes ont commis, au nom de l'Etat islamique (ISIL, ISIS ou Daech), des attentats près du Stade de France, à Saint-Denis (banlieue au nord de Paris), et à Paris aux terrasses de café et dans la salle de spectacles Le Bataclan.

« Âgés de 16 à 74 ans, ils sont boulanger, chanteuse, chômeur, prof, restauratrice, concierge, infirmière, retraité, commerçante, lycéenne », relieur, restaurateur, intérimaire.

Ils « vivent ou travaillent dans les quartiers parisiens attaqués le 13 novembre 2015 par les commandos de Daech, à quelques mètres du Bataclan, du bar du Carillon ou de la brasserie La Bonne Bière, des restaurants Le Petit Cambodge et La Belle Équipe » cibles des terroristes islamistes.

« 13 novembre, la vie d’après » est une plongée dans le quotidien de dix Parisiens des 10e et 11e arrondissements, issus de cultures, de milieux sociaux et de générations différents ». Des arrondissements populaires boboïsés, en voie de gentrification depuis quelques décennies, et où vit une importante communauté juive. Des Juifs français absents du documentaire. Un quartier de "mixité".

Après les attentats terroristes islamistes ? Pour certains, il s'agit de fuir un régime dictatorial, pour d'autres de travailler dans un quartier fréquenté depuis l'enfance. Pour d'autres encore, réaliser un rêve professionnel ou poursuivre sa vie là où ils ont grandi. Une commerçante a mis plusieurs semaines avant de reprendre le chemin de son atelier pour fabriquer des bijoux, des "objets futiles". Un intérimaire musulman français se remet en question, entre regrets d'avoir interrompu trop tôt sa scolarité et espoir d'une vie meilleure pour son fils. Une restauratrice rechigne à répondre aux questions de clients l'interrogeant sur "ce qui s'est passé". Souvenirs trop douloureux.

« Comment continuer à vivre lorsqu'on a côtoyé l'horreur ? Comment surmonter la douleur ? Comment faire face à la routine du quotidien et croire encore dans l'avenir ? À travers des récits particulièrement forts », ces Parisiens « confient et racontent l'après, la tristesse, la peur, mais aussi l'émotion collective, la naissance d'une solidarité, le combat personnel, l'attachement à leur quartier et la vision d'un pays… », des souvenirs qui "reviennent tout le temps", l'envie de partir tout de suite après. Les résultats scolaires d'une lycéenne s'en ressentent, car elle "réalise ce qu'est la mort". Originaire du Maroc, un boulanger, "simple citoyen français" que viennent voir des gens du monde entier, veut entreprendre des travaux dans sa boulangerie pour "effacer les traces comme quoi on a été atteint" par les attentats. Un retraité fait des digressions sur les réfugiés, les migrants...

« Parallèlement, pour la première fois dans l'histoire de Paris, les hommages déposés dans les rues", notamment dans une place de la République défigurée par les travaux des maires socialistes, ont été collectés, archivés puis numérisés par les archives de la Ville, soit près de huit mille pièces, rendues publiques pour la première fois en septembre 2016 ». 

Le « documentaire suit ce patient travail d'archivage, donnant aussi à entendre et à voir cet immense témoignage collectif ». Comment archiver des écrits - "Pas peur" - sur des papiers si fragiles ? 

Le « film choral d'Oliver Lemaire dresse avec sensibilité un portrait en mosaïque du Paris d'aujourd'hui et de ses habitants, hommage à une ville blessée, mais toujours vibrante ».

Il est significatif qu'Arte rappelle ces attentats, non par une enquête sur ceux ayant commis les attentats terroristes islamistes ou sur les carences des autorités politiques, judiciaires et de renseignements, mais par un documentaire sur l'émotion, sur l'affect.

Un documentaire peu intéressant, hormis les magnifiques vues de Paris, du canal.

Antoine Leiris
Fille d'une mère française d’origine kabyle et d'un père juif marocain, Hélène Muyal-Leiris, maquilleuse et coiffeuse, était mariée à Antoine Leiris, journaliste né en 1981. Le couple avait un fils âgé de 17 mois. Hélène Muyal-Leiris a été tuée à l'âge de 35 ans au Bataclan par des terroristes islamistes de l'Etat islamique.

Le 16 novembre 2015, Antoine Leiris publie sur Facebook le post "Vous n’aurez pas ma haine" :
"Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils, mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son cœur.
Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère, ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’aie peur, que je regarde mes concitoyens avec un œil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore.
Je l’ai vue ce matin. Enfin, après des nuits et des jours d’attente. Elle était aussi belle que lorsqu’elle est partie ce vendredi soir, aussi belle que lorsque j’en suis tombé éperdument amoureux il y a plus de douze ans. Bien sûr je suis dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera de courte durée. Je sais qu’elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n’aurez jamais accès.
Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus fort que toutes les armées du monde. Je n’ai d’ailleurs pas plus de temps à vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. Il a 17 mois à peine, il va manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours et toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre. Car non, vous n’aurez pas sa haine non plus".
Ce texte est mis en Une du Monde et a un écho très large : centaines de milliers de partage sur Facebook, traduction. A ce quotidien, il déclare :  « Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes ».

En 2016, Fayard publie un livre d'Antoine Leiris sous le titre de ce message personnel. L'auteur y relate les douze premiers jours « d’une vie à trois qu’il faut poursuivre à deux ». « Le livre s'est écrit d'un trait, une fois mon fils à la crèche ou couché. L'écriture n'a pas de vertu thérapeutique mais c'est une parenthèse dans le chagrin », confiait Antoine Leiris. "Ce récit est précieux en raison non seulement de l'appel à l'amour et à la liberté qu'il constitue mais également de ses grandes qualités d'écriture. Cet ouvrage sera plus volontiers l'objet d'une étude au lycée, dans le cadre élargi du programme de Seconde (« Genres et formes de l'argumentation ») ou dans celui du programme de Première (« La question de l'Homme dans les genres de l'argumentation du xvie siècle à nos jours »). Il pourra également faire l'objet d'un enseignement croisé entre Français et EMC (Enseignement moral et civique) dans la mesure où il permet d'aborder la question du terrorisme, de la mémoire et des réseaux sociaux".

Dans ses interviews, il alerte contre « la défaite de la pensée », prônant une réponse culturelle aux attentats afin de saisir l’horreur et lui opposer une réponse adéquate : « Je pense que la culture nous fait avancer, elle nous fait grandir. On parlait d’ignorance… Évidemment, ça doit passer par la culture. À force de la refuser, de la mettre de côté, on finit par en priver une grande partie des gens qui ont le désir de s’élever. » Antoine Leiris est distingué par le Prix littéraire du Rotary d’expression française.

Quelques mois plus tard, France 5 diffuse son documentaire "Vous n’aurez pas ma haine". Réalisateur, il a interviewé des victimes du 13-Novembre, le psychiatre Boris Cyrulnik, le philosophe Abdennour Bidar et une rescapée de l'attentat de la rue de Rennes en 1986.

En novembre-décembre 2017, le Théâtre du Rond-Point propose la pièce "Vous n'aurez pas ma haine", d'après le récit d'Antoine Leiris, dans une mise en scène de Benjamin Guillard, avec Raphaël Personnaz, et sur une composition musicale d'Antoine Sahler, "Bataclan 2015, Hélène Leiris tombe sous les balles des terroristes. Antoine Leiris, journaliste et écrivain, signe alors une lettre qu’il titrera Vous n’aurez pas ma haine. Raphaël Personnaz raconte un combat intérieur, une reconstruction." Une pièce de théâtre saluée par la critique.

En octobre 2019, Robert Laffont publie "La vie, après" d'Antoine Leiris. « J’ai attendu de nous savoir solides pour reprendre la plume. J’ai alors tenté de consigner les mues, cette écume du changement, depuis la perte de tous les repères jusqu’ à cet instant où le ciel se dégage, presque d’un coup. C’est là que vient la vie, après. » Quatre ans plus tard, tous deux ont changé et grandi. Antoine Leiris n’est plus le même homme, ni le même père ; Melvil est devenu un petit garçon. C’est ce voyage que raconte La Vie, après. Celui d’un homme et de son fils qui ont poursuivi, malgré tout, leur chemin vers la vie. Un récit affectif et lumineux, qui dit combien l’ écriture est source et témoin du vivant".

Patrick Jardin
Âgée de 31 ans, Nathalie Jardin travaillait au sein de l'équipe technique du Bataclan comme régisseuse-lumière. Le 13 novembre 2015, elle assistait au concert dans cette salle de spectacles.

Son père, Patrick Jardin, exprime un discours non "politiquement correct" qui suscite ostracisation, voire injures, des MSM (MainStream Medias).

Il s'est opposé en 2018 au concert du rappeur Médine au Bataclan les 19 et 20 octobre 2018. Il s'est adressé aux députés de tous les partis politiques. Seuls "des gens de droite" lui ont répondu. Finalement, après la polémique suscitée, Médine et le Bataclan ont annulé ces deux soirées « dans une volonté d’apaisement ».

"Je suis en lutte contre l’islamisation de mon pays. J’estime que c’est très dangereux. J’habite en Belgique, et du côté français il y a Roubaix et Tourcoing, de vraies zones de non-droit où la charia est déjà en place. Il y a des cafés dans lesquels les femmes n’ont pas le droit de se rendre", a-t-il expliqué au micro d’André Bercoff sur Sud Radio (14 février 2019). "Lors de cet entretien avec André Bercoff, Patrick Jardin s’est également dit "persuadé que ce qui s’est passé au Bataclan aurait pu être évité". "Il y a eu d’énormes dysfonctionnements dans les services de l’État, c’est épouvantable. Lorsqu’à 11h30, lors d’un exercice de simulation d’un attentat de masse Bernard Cazeneuve dit à son préfet : 'Je m’attends à un attentat de 130 morts', et que le soir il y a effectivement un attentat de 130 morts, soit Monsieur Cazeneuve est un devin, soit il savait des choses. Je n’ai pas de preuves, mais j’ai d’énormes doutes", a déclaré Patrick Jardin. "Dès que j’ai su ça, mon but était était d’acheter une kalachnikov, d’entrer dans une mosquée à l’heure de la prière et de faire la même chose. Je ne suis pas du genre à attendre l’autre jour, c’est pas mon style. J’avais envie d’en tuer au moins une centaine. Mais après je me suis dit : 'il y a sans doute des musulmans qui n’y sont pour rien, et puis je ne peux pas imposer à mon fils de vivre dans la peur toute sa vie parce que j’aurais assouvi ma vengeance'", a déclaré Patrick Jardin".


« 13 novembre, la vie d'après » par Olivier Lemaire
Agat Films, 2016, 59 min
Sur Arte les 8 novembre à 21 h 50 et 19 novembre 2016 à 3 h 05
Visuels Agat Films

Articles sur ce blog concernant :
Les citations sont d'Arte. Cet article a été publié le 7 novembre 2016, puis le 13 novembre 2017.

mardi 12 novembre 2019

« Mehitza. Ce que femme voit » de Myriam Tangi


Le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ) présenta l’exposition éponyme. Une sélection de photographies, généralement en noir et blanc, de la mehitza, espace réservé aux femmes dans une synagogue, prises par Myriam Tangi, peintre, poète et photographe, en Europe, en Russie et en Israël. Les 10 et 11 novembre 2019 aura lieu à Bordeaux le Séminaire de réflexion sur les défis contemporains du judaïsme français, ou les assises du judaïsme français, en présence notamment de Joël Mergui, président du Consistoire central.


« Et si l’exil de la femme dans la synagogue n’était pas le concentré de l’exil d’Israël de l’exil de la synagogue et de l’exil de la présence divine dans ce monde-ci » , a déclaré Shmuel Trigano le 28 mai 2015.

Dans « Ce que femme voit  », Myriam Tangi  « explore, à travers une cinquantaine de photographies , la séparation opérée dans la synagogue entre l’espace réservé aux hommes et celui réservé aux femmes, soit en hébreu la mehitza (division) ». 

Avec « un regard résolument subjectif, cet essai photographique retrace l’expérience féminine au sein des différentes communautés du judaïsme contemporain (orthodoxes, traditionnelles, massorti, libérales...), et s’interroge plus largement sur les territoires masculin et féminin dans le monde Juif ».

« Traditionnellement reléguées derrière des voiles, des claustras, des parois translucides, ou surplombant l’espace liturgique depuis un balcon situé à l’étage, les femmes ont un accès indirect au rituel synagogal ». 

Cette « distance contrainte, Myriam Tangi s’en empare, non pour dénoncer une discrimination, mais pour construire une vision différenciée et un projet artistique où se conjuguent ses recherches formelles et un récit puisant aux sources du judaïsme ».

« Si la séparation est une nécessité, que vient-elle nous enseigner lorsqu’elle sépare les hommes et les femmes ? Si la séparation n’est pas une ségrégation, mais est synonyme de liberté, elle ne doit pas rimer avec relégation : cette place peut et doit être repensée. J’ai donc été amenée à diviser la problématique de la mehitza en deux : séparation et place. D’où la nécessité également de repenser la notion d’“égalité” ».

Peintre, photographe, poète, Myriam Tangi a été distingué par de nombreux Prix, dont un prix de l’Académie française et un autre de la fondation de la Vocation. Ses œuvres ont été montrées dans de nombreux pays.

Vers le milieu des années 2000, lors d’une cérémonie a eu lieu dans une célèbre synagogue de la rive droite parisienne, des fidèles Juives, souvent quinquagénaires ou sexagénaires, ont délaissé les sièges qui leur étaient affectés au premier étage, et en raison de la faible assistance, se sont assises dans l’espace du rez-de-chaussée. Devant l’afflux croissant, elles ont été priées de se lever pour monter au premier étage. Tollé ! Refus. « J’y suis, j’y reste ». Les dirigeants de la synagogue n’en revenaient pas. Ils ne comprenaient pas que ces femmes refusent de monter les marches d’un escalier étroit pour rejoindre « leur » espace. Finalement, ils ont respecté leur choix.

Certaines synagogues, notamment celle de la rue Buffault, n’ont pas de mehitza. D’autres affectent un étage aux femmes qui peuvent suivre l’office, sans entrave sous forme de rideaux ou de grillages.

Cette séparation s’effectue selon diverses modalités. La « néo-orthodoxie » (Shmuel Trigano) organise une opacité notamment par des vitrages.


Le 21 mai 2017, la Maison d’Etude Juive au Féminin (MEJF) organisa à la grande synagogue de la Victoire, un après-midi de réflexion sur le thème de la Mehitza.

Les 10 et 11 novembre 2019 aura lieu à Bordeaux le Séminaire de réflexion sur les défis contemporains du judaïsme français, ou les assises du judaïsme français, en présence notamment de Joël Mergui, président du Consistoire central.  Au programme notamment « La place de la femme dans l’espace synagogal », une réflexion sur « l’évolution des mentalités, les grandes transformations sociales, l’accession des femmes aux plus hauts postes de responsabilités et les adaptations dans le cadre halakhique."


Jusqu’au 24 janvier 2016
Hôtel de Saint-Aignan
71, rue du Temple. 75003 Paris
Lundi, mardi, jeudi, vendredi de 11 h à 18 h, dimanche de 10 h à 18 h, mercredi de 11 h à 21 h

Visuels : @ Myriam Tangi
Affiche
Jérusalem, 1991

Paris, 2007

Maroc, 1985

Paris, 2004

Paris, 2008

Jérusalem, 2010

Articles sur ce blog concernant :
Les citations sont extraites du dossier de presse. Cet article a été publié le 24 janvier 2016, puis le 21 mai 2017.

dimanche 10 novembre 2019

Rosine Cahen. Dessins de la Grande Guerre


Le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ) présente l’exposition « Rosine Cahen. Dessins de la Grande Guerre » composée de dessins émouvants de blessés de la Première Guerre mondiale, oeuvres au style délicat et pudique de Rosine Cahen (1857-1933), artiste peintre française juive, sensible et talentueuse, née en Moselle. 

« Jules Adler, peindre sous la IIIe République »  
« Rosine Cahen. Dessins de la Grande Guerre »

Rosine Cahen (1857-1933) est née dans une famille juive nombreuse et humble, à Delme, située dans l’actuelle Moselle.

Elle rejoint Paris « après que sa famille a opté pour la nationalité française, comme 25 % des juifs des territoires annexés par l’Allemagne en 1871 ».

Rosine Cahen « y étudie les arts à l’académie Julian, promotion remarquable pour une jeune fille d’un milieu aussi modeste – son père boulanger, puis boucher, devait subvenir aux besoins de six autres enfants ».

"Cette artiste réalisa des gravures et des dessins après avoir étudié avec Bouguereau, Tony Robert-Fleury et Giacomotti. Elle exposa ses oeuvres lors de l'Exposition Blanc et Noir de 1886 puis plus tard au Salon des Artistes Français.
Ainsi, en 1895, elle propose une huile "Portrait de Mlle B." puis plus tard, en 1914, Rosine Cahen expose deux huiles "Tendresse", "Oignons du Midi" et une eau forte "Tricoteuse", en 1929 elle y expose une lithographie "Calvaire".

En 1885, l'exposition "Blanc et Noir" organisée par le journal "Le Dessin", publication des enseignants de dessin de la Ville de Paris inclut Rosine Cahen parmi les exposants bien qu'elle ne semble pas avoir fait partie alors de ce corps de professeurs.

Dès 1884, Rosine Cahen « expose régulièrement au Salon des artistes français et reçoit plusieurs récompenses, dont une médaille d’or en 1921 ». 

« Professeur de dessin à l’école Gustave de Rothschild, elle gagne aussi sa vie en réalisant des gravures, notamment des lithographies d’œuvres de Jules Adler ».

Durant la Première Guerre mondiale, de 1916 à 1919, « elle visite plusieurs hôpitaux militaires et exécute le portrait de grands blessés de guerre au pastel et au fusain ».

En 2014-2015, l'exposition "The sensory war 1914-2014" de la Manchester Art Gallery a évoqué la manière dont des artistes - Otto Dix, Omer Fast... - ont exprimé "l'impact dévastateur de ce conflit militaire sur le corps - nouvelles armes (gaz) -, l'esprit, l'environnement et les sens durant un siècle". Elle a présenté notamment "sept dessins de Rosine Cahen de grands blessés de guerre portraiturés avec beaucoup de délicatesse et de respect dans les hôpitaux Rollin et Villemin à Paris et Alexandra à Menton entre 1916 et 1919".

Au mahJ, « cet ensemble de dessins d’une grande sensibilité, où l’artiste, dépassant l’horreur des blessures, s’attache à saisir l’expression des soldats convalescents, est ici présenté pour la première fois en France, faisant écho au travail de Jules Adler pendant la Première Guerre mondiale ».

En une gamme chromatique sobre, avec un sens aigu du cadrage maintenant la distance pudique à l'égard du sujet, Rosine Cahen s'attache à montrer, avec empathie, sans pathos inutile, des blessés physiques. Parfois en suggérant (présence de béquille), elle témoigne avec tact, sans voyeurisme ni misérabilisme, de la vie quotidienne de ces convalescents, dont certains ne survivront pas à leurs blessures graves (amputation) : lecture de journaux, visite à leur chevet de dame, apprentissage du braille, rédaction de lettre, médailles témoignant de leur courage sur les champs de bataille, etc. Des moments de répit où l'émotion est contenue, affleure en tons tamisés. Sans insistance sur la fibre patriotique, Rosine Cahen confère à ses dessins une dimension humaine bouleversante, universelle, quasi-intemporelle.

Ces « dessins sont placés dans une salle attenante à celles réservées au parcours permanent ».

Le commissariat de l'exposition, rendue possible par des prêts de Jean-Yves Martel, Michel Lanneau et André Ret, ainsi que du musée du Petit Palais, est assuré par Claire Decomps.


Du 17 octobre 2019 au 23 février 2020
Au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme
Hôtel de Saint-Aignan
71, rue du Temple. 75003 Paris
Tél. : (33) 1 53 01 86 53
Mardi, jeudi, vendredi de 11 h à 18 h. Mercredi de 11 h à 21 h. Samedi et dimanche de 10 h à 19 h
Visuels :
Hôpital Rollin, salle Wagram 
Février 1919 
Collection Jean-Yves Martel © Jean-Yves Martel 

Photographe anonyme, Rosine Cahen vers 1925 
Épreuve argentique 
Collection Jean-Yves Martel © Jean-Yves Martel 

Paul Gallane, blessé le 21 août 1918 aux environs de Soissons 
Octobre 1918 
Collection Jean-Yves Martel © Jean-Yves Martel

Articles sur ce blog concernant :
Les citations sur cette exposition proviennent du mahJ.

vendredi 8 novembre 2019

« Les Juifs d'Afrique du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale » de Claude Santiago et Antoine Casubolo


« Les Juifs d'Afrique du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale » est un documentaire passionnant et émouvant de Claude Santiago  (1949-2012), décédé après la réalisation des interviews, et d'Antoine Casubolo Ferro (2013). Images d’archives et témoignages inédits retracent les persécutions antisémites pendant l’Occupation en Algérie, alors composée de trois départements français, et dans les protectorats français du Maroc et de Tunisie - celle-ci ayant été occupée par les Nazis (novembre 1942-mai 1943) -, la contribution héroïque des résistants Juifs à la libération de ces pays,  notamment lors de l'Opération Torch (débarquement des Alliés le 8 novembre 1942 au Maroc et en Algérie, et la persistance dans ces trois Etats de la législation antisémite du régime de Vichy jusqu’en novembre 1943. Lpogrom commis par des Arabes à Gabès (Tunisie) est survenu le 20 mai 1941 ; sept Juifs ont été assassinés sur la place de la synagogue. Si ce film démontre que la Solution finale visait aussi les Juifs de ces pays, il persiste dans l’« islamiquement correct ». 

Jewishrefugees.blogspot published WW2: 40 Tunisian Jews never returned
Méconnue, voire occultée, l’histoire des Juifs dans le monde musulman ou/et arabe lors de la Seconde Guerre mondiale, s’avère un enjeu majeur. D’abord en raison du succès de Mein Kampf d’Hitler , du négationnisme et du révisionnisme dans ce vaste espace. Ensuite, parce que de nombreux musulmans délégitiment à tort la recréation de l’Etat Juif en Eretz Israël en prétextant, de manière injustifiée, un prétendu lien de causalité entre d’une part la Shoah, qui serait « une tragédie de l’Europe chrétienne sur son sol », et d’autre part cette refondation qui serait « une compensation offerte par l'Europe aux Juifs-victimes » - des travaux historiques, notamment ceux de Georges Bensoussan ont démontré combien la Shoah a retardé cette renaissance  - ; ce qui constitue donc un refus de reconnaître le bien-fondé de cette recréation légale  et légitime. En outre, la paix entre ce monde et l’Etat d’Israël est conditionnée par l’apurement des différends des Juifs à l’égard de ce monde, donc par la connaissance de l’Histoire et des ses zones d’ombres. Enfin, le « dialogue judéo-musulman » s’englue dans le déni par les deux parties de la responsabilité du monde musulman dans la Shoah, et en particulier de celle du criminel grand mufti de Jérusalem al-Husseini, complice d’Hitler dans le génocide des Juifs qu’il a encouragé et constaté. Last, not least, s’impose un devoir de mémoire à l’égard des victimes Juives dont l’histoire doit être écrite et connue.

Application du statut des Juifs édicté par le régime de Vichy en particulier par des dahirs (décrets du souverain marocain) et des décrets beylicaux tunisiens, persécutions par les représentants de la France et en Tunisie aussi par les autorités allemandes  lors de leurs six mois d’occupation (novembre 1942-mai 1943), dénaturalisation par abolition du décret Crémieux, port de l’étoile jaune, aryanisations et spoliations économiques, rackets (amendes collectives), pillages, viols, retour aux mellahs (ghettos marocains), rafle à Tunis (décembre 1942), internement dans des camps de travaux forcés épouvantables, déportation de Juifs de Tunisie vers le camp d’Auschwitz … La condition des Juifs en Algérie, au Maroc  et en Tunisie sous l’Occupation présente de nombreuses similitudes avec celles de leurs coreligionnaires en France métropolitaine.

Une France aimée
« Peuplée essentiellement de musulmans, l’Afrique du Nord abrite également une communauté Juive d’environ 3% de la population, soit 400 000 personnes pour lesquelles le régime de Vichy va donner toute la mesure de son antisémitisme ».

En fait, les documentaristes visent les trois pays d’Afrique du Nord parties de l’empire français : l’Algérie, composée depuis 1848 de trois départements français, et les protectorats de Tunisie depuis le traité du Bardo (1881) et du Maroc depuis 1912. Ils éludent donc les Juifs de Libye et d'Egypte. L'histoire globale des Juifs en Afrique du Nord durant ce conflit reste donc à écrire. D'autant que des archives récemment rendues publiques informent sur leur triste sort et sur la collaboration de musulmans.

Comme le soulignent les historiens Michel Abitbol et Claude Nataf, Jacques Zermati et André Nahum, ces communautés Juives vivent/ont vécu dans ces pays depuis des siècles avant l’invasion arabo-musulmane. Leurs rangs se sont étoffés par l’arrivée de leurs coreligionnaires provenant de la péninsule ibérique au Moyen-âge, d’Egypte, de la péninsule arabique, de Livourne, de France métropolitaine, de Lybie, etc. 

L’historien Abdelkrim Allagui insiste sur la disproportion entre le faible nombre de Juifs et leurs « poids économique, financier, culturel ».

La France permet à ces Juifs nord-africains d’accéder à la modernité et à une culture dont les valeurs leur sont proches, voire sont identiques aux leurs, et de s’émanciper.

Fondée le 17 mai 1860 par six jeunes bourgeois Juifs français nourris par les idéaux de la révolution de 1789, l’Alliance israélite universelle (AIU) joue alors un rôle fondamental en dispensant aux élèves Juifs un enseignement en langue française : dès 1863, elle ouvre sa première école à Taitouan (Maroc).

Epousant la culture française – avec les revenus de son négoce de galons et calots auprès de l’Armée française, le grand-père de la dramaturge et poétesse Hélène Cixous, achète l’œuvre complète de Victor Hugo (« C’est comme s’il avait acheté le Panthéon ») - et sa devise républicaine, les Juifs vont briller dans l’ensemble des professions libérales : avocats, médecins, journalistes, pharmaciens, etc. Et, dans une synagogue de Djerba (Tunisie), « les fils d’Israël entonnent la Marseillaise en hébreu en l’honneur du représentant de la France, mandataire du pays de toutes les libertés ».

Préparé sous l’empereur Napoléon III, l’octroi de la nationalité française aux « Israélites indigènes de l’Algérie » est mis en œuvre par un décret du gouvernement provisoire, signé notamment par Benjamin Crémieux et Léon Gambetta, le 24 octobre 1870. Après la défaite française lors de la guerre franco-prussienne (1870) et l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine « mosellane » par l’empire allemand en 1871, ce décret Crémieux amène à la France 40 000 nouveaux citoyens français d’Algérie. Un décret qui suscite l’hostilité des chrétiens venus de métropole, d’Italie et d’Espagne, ainsi que des indigènes musulmans.

A la déclaration de guerre en 1939, les Juifs d’Afrique du Nord, dont Elie Ben Soussan né à Oran en 1919, s’engagent pour défendre la France comme leurs pères l’avaient fait en 1914  et leurs grands-pères en 1870.

« Orthodoxie raciale de Vichy » (Michel Abitbol)
22 juin 1940. L’armistice est signée. « Vraisemblablement à la suite de l’intervention de Weygand, généralissime de l’Armée française et ministre de la Défense nationale (juin-septembre 1940), l’un après l’autre, « le rouge au front » comme ils disaient, [les chefs militaires d’Afrique du nord] ont accepté l’armistice proposée par le maréchal Pétain, et de rejoindre Pétain contre de Gaulle », explique l’historien Michel Abitbol.

Combien rejoignent le général Charles de Gaulle à Londres après son appel du 18 juin 1940 à poursuivre la guerre ? Deux mille sur 40 millions de Français.

Première mesure mise en vigueur en Algérie par le nouveau gouvernement : l’abolition du décret Crémieux espérée depuis 70 ans par des non-juifs. « Une initiative exclusive du régime de Vichy », souligne Michel Abitbol.

Le 3 octobre 1940, la première loi de Vichy portant statut des Juifs les exclut de nombreux métiers ou leur impose un numerus clausus. Fonction publique, professions libérales, cinéma, de la presse... Peu d’activités échappent à ces discriminations antisémites. Cette loi s’applique en France métropolitaine, dans ses départements d’Outre-mer, dans ses protectorats et colonies.
En 1940, « mon père descend de notre deuxième étage de la rue Philippe avec un tournevis et il a dévissé sa plaque car il fallait faire ce genre de choses. Et il est entré dans une ancienne boutique d’horloger et il est devenu pédicure », décrit Hélène Cixous, née à Oran (Algérie).

En Algérie, « à la rentrée de janvier, il n’y avait plus un seul professeur Juif ou franc-maçon », se souvient Jacqueline Girerd, née Lévy.

De nombreux camps sont créés en Afrique du Nord, terre d’élection du régime de Vichy. « Y sont expédiés des centaines de Juifs déjà internés dans le Sud de la France ou démobilisés de l’Armée française ou encore expulsés de la Légion étrangère. Ils sont les esclaves du régime. Lequel a de grands projets pour eux ». Le Transsaharien « est entré en fonction. Projeté depuis plus de cinquante ans, le Méditerranée-Niger n’est plus un mythe. Et on n’oubliera pas que c’est au milieu de circonstances dramatiques que le gouvernement du maréchal Pétain l’aura voulu et l’aura créé », affirme la voix off d’archives filmées. « Aujourd’hui perdues dans le désert, les traces de ce projet pharaonique inachevé témoignent encore des souffrances de ces prisonniers victimes d’un encadrement farouchement antisémite ».

En 2006, L'Harmattan a publié "
Quand Vichy internait ses soldats juifs d'Algérie. Bedeau, sud oranais, 1941-1943" de Norbert Belange. "Toutes les terres de l'Empire français connurent, lors de la Seconde Guerre Mondiale, "le soleil noir de Vichy ". L'Algérie en particulier. En cette période commémorative du 60e anniversaire de la fin des camps de concentration et d'extermination nazis, il est temps de faire connaître cet internement de soldats juifs français sur le territoire algérien. Déchus de leur citoyenneté française, exclus de l'armée, ils furent internés parce que juifs. Depuis la fin de la guerre, depuis 1958 plus particulièrement, les gouvernements successifs de la République Française ont ignoré le désir profond de ces Français de voir leur triste histoire connue et reconnue. Et ce jusqu'à aujourd'hui. Depuis peu, l'Etat allemand les a reconnus comme étant des victimes du régime nazi ou de ses affidés. A quand la reconnaissance de la France ?"

Dans les deux protectorats d’Afrique du nord, ce statut antisémite est édicté par des décrets beylicaux tunisiens - le bey Ahmed II règne de 1929 à sa mort en 1942, Moncef bey de 1942 à 1943 et Lamine Bey de 1943 à 1957 -, et dahirs (décrets du sultan du Maroc). Selon Claude Nataf, le statut appliqué en Tunisie est « très en-deçà de celui appliqué en France métropolitaine, ou au Maroc ». L’historien Ariel Danan explique les réticences du bey et du sultan par leur volonté de préserver une partie de leur indépendance.

Le 29 mars 1941, le Commissariat aux questions juives est créé et dirigé par Xavier Vallat. Il se rend en Afrique du Nord pour « mettre fin au laxisme » dans l’application du statut des Juifs. « Sous son impulsion, le 2 juin 1941, un deuxième statut aggrave la condition des Juifs » : diminution du nombre des professions autorisées, aggravation du numerus clausus, etc. Les Juifs doivent désormais se faire recenser.

« Déchus de leur citoyenneté, privés d’emplois, marginalisés, recensés, les Juifs vont être maintenant spolier de leurs biens au titre de l’aryanisation économique ».

Les Juifs forment « une population que l’on peut brimer sans avoir à encourir de peine. A travers toute l’Afrique du nord, la population environnante, musulmane et/ou européenne, va piller des biens Juifs », explique Ariel Danan. Immeubles, voitures de luxe Rosengart… Rien n’échappe à la cupidité des antisémites.

« Au Maroc, la mesure la plus significative de la discrimination des Juifs fut le retour obligatoire au mellah. A Fez, cette mesure fut appliquée sans aucune dérogation ». Fez était composée de « trois quartiers : la Medina où habitaient les musulmans, le Mellah où habitaient les Juifs et la ville nouvelle. Mais au fur et à mesure où les Juifs avaient une situation économique et financière qui leur permettaient d’aller vivre dans la ville nouvelle, ils vivaient dans le même quartier que les Français », explique un Juif originaire du Maroc. Edmond Elalouf précise que dans le mellah, les appartements ne disposaient pas d’eau courante, les rues n’étaient pas pavées. Cette régression induit un traumatisme qui perdurera chez les Juifs du Maroc.

« En Algérie, pire qu’en métropole, le numerus clausus s’applique jusque dans les écoles primaires. 30 000 enfants en sont frappés ». Et les actes valeureux des parents d’élèves Juifs lors de la Première Guerre mondiale n’atténuent pas ces mesures antisémites.

L’Opération Torch
« Dans la nuit du 8 novembre 1942, les Alliés tentent de débarquer au Maroc et en Algérie pour prendre à revers l’Afrikakorps du maréchal Rommel : c’est l’opération Torch ».

Dirigée par le maréchal Charles Noguès, résident général de la France au Maroc, l’armée tire sur les Alliés.

Deux jours plus tard, arrivent les soldats américains triomphant, accueillis par la liesse populaire.


A Alger, préparé de jeunes étudiants gaullistes, généralement Juifs – Raphaël Aboulker, Bernard Karsenty, Jacques Zermati, André Assus  -, réunis par l’étudiant en médecine José Aboulker, un mouvement permet le succès de cette opération – pratiquement pas de combats pour les soldats américains - en occupant les installations militaires importantes françaises à Alger pendant 24 heures.

Méfiant à l’égard du général de Gaulle, le président Roosevelt choisit l’amiral Darlan, commandant en chef des forces de Vichy. Les « résistants sont pourchassés, et José Aboulker arrêté. Les lois antisémites sont confirmées ». « Survit un régime de Vichy sous protectorat américain », résume Michel Abitbol.

« Darlan, c’est comme Pétain. Mon frère et moi voulons rejoindre de Gaulle. Un pilote américain a bien voulu nous emmener à Gibraltar », se souvient Edgar Bensoussan, alors en Algérie.

La contribution des résistants Juifs à la libération du Maroc et de l'Algérie - actions héroïques,  combats meurtriers évités - se révèle décisive. A Alger, "la résistance comptait 800 combattants, dont la moitié était Juive. Mais au moment de vérité, 400 de ces combattants se sont dégonflés, et 400 sont demeurés : presque tous ceux qui sont restés étaient Juifs", a déclaré Jacques Zermati, résistant Juif de l'Opération Torch (Ynet, 2 février 2015). Des faits illustrés par le documentaire The Night of Fools, de Rami Kimchi (2014).

Tunisie sous occupation nazie
Réaction de la Wehrmacht à l’Opération Torch : elle envahit la Tunisie à partir de la Libye et occupe ce pays pendant six mois effroyables pour les Juifs.

A Tunis, Hitler a envoyé le SS Walter Rauff. Celui-ci « a été chargé en 1941 du programme technique d’extermination des Juifs par des camions à gaz. Il y a eu plusieurs centaines de milliers de morts par ce moyen de mise à mort. C’est un spécialiste de la mise à mort des Juifs », précise l’historien Serge Klarsfeld. Ayant fui en Amérique latine après la guerre, jamais jugé, Rauff meurt le 14 mai 1984 au Chili. Serge et Beate Klarsfeld n’ont pas obtenu son extradition.

Revenons à la Tunisie lors du conflit mondial. Le 8 décembre 1942, Rauff exige des dirigeants de la communauté Juive « 3 000 hommes munis de pelles, de pioches et de vivres pour le lendemain, 8 h ». Officier de la Légion d’honneur, Maurice Borgel, président de cette communauté, proteste. Agenouillé, ce septuagénaire est cravaché violemment par Rauff.

« Le bey avoue son impuissance. C’est la fatalité. Le résident général informe la communauté que les Allemands lui ont interdit de s’occuper des Juifs. Alors il se lave les mains. Ce jour-là, il a signé la fin du protectorat français en Tunisie, parce que le traité de protectorat imposait à la France de protéger la personne du bey et ses sujets contre toute puissance étrangère », souligne Claude Nataf.

Au matin du 9 décembre 1942, faute de réunir les 3 000 personnes, les Allemands raflent des Juifs à Tunis .

« Afin d’arrêter la rafle, la communauté accepte de prendre en charge le recrutement et fait coller des affiches en appelant les Juifs de 17 à 50 ans à se présenter. C’est la mobilisation générale », observe Claude Nataf. Lieu de réunion : l’école de l’AIU de Tunis. Destination : des camps de « travaux de terrassement et de défense du pays ». Des camps brièvement évoqués dans Le Maghreb sous la croix gammée, documentaire de Bill Cran et Karin Davison.

« Entre le 9 décembre 1942 et début janvier 1943, 5 500 jeunes Juifs partiront vers ces camps de travail. Le pire était celui de Bizerte gardé par des SS. C’était le camp où il y a eu les plus grandes violences commises contre les Juifs, et plusieurs Juifs ont été fusillés par les Allemands sous prétexte de prétendues tentatives d’évasion », rappelle Claude Nataf.

Il faut environ 48 heures à ces milliers de Juifs – dont André Nahum (1921-2015), futur médecin à Sarcelles, Chalom-Charles Perez et Georges Smadja - pour rejoindre, sans manger ni boire, le camp de Bizerte, port maritime majeur situé à 60 km de Tunis et entièrement évacué de sa population civile et par l’Armée française.

A Bizerte, ces jeunes Juifs rejoignent la caserne Philebert. Dans les chambrées : uniquement de la paille. Le travail ? « Creuser des tranchées, combler les trous de bombes, décharger les camions de munitions ». Et ce, sous les bombardements quotidiens des Alliés. En cinq mois, nombre de ces Juifs perdent 20 kg.

Les travailleurs Juifs sont contraints de porter une étoile sur le poitrine et dans le dos pour mieux les repérer en cas de tentatives de fuites. Selon Claude Nataf, « cette mesure est rapidement tombée en désuétude dans presque tous les camps. En revanche, tous les Juifs du Sahel ont été obligés de porter l’étoile jaune, y compris les bébés ». Pour Léon Masliah, alors âgé de huit ans, ce port était « presque un signe de fierté. Je ne pense pas que mes parents partageaient ce point de vue parce qu’ils savaient de quoi on parlait ».

Au Maroc et en Algérie sous l’autorité de l’amiral Darlan, la situation des Juifs est demeurée inchangée.

Dans la nuit du 24 au 25 décembre 1942, l’amiral Darlan est assassiné par un jeune résistant. A de Gaulle, le président Roosevelt préfère le général Giraud, qui reçoit le commandement militaire et civil.

Or, Giraud refuse d’abroger les lois antisémites, mais accepte les Juifs qui s’engagent pour poursuivre, dans cette nouvelle armée française en cours de création, le combat contre les forces de l’Axe. Mais « au lieu de les envoyer sur le front, pour une préparation militaire, il les envoie au camp de travail de Bedeau, où ils portent un uniforme spécial noir pour les distinguer des autres », note Michel Abitbol. Et là, jugés non dignes du combat, faiblement alimentés, les yeux baissés, ils sont astreints à des travaux pénibles : « casser les cailloux, faire les routes, abattre les arbres, etc. » Et ce, sous 35° à 40 °C dans la journée, et un écart thermique d’environ 40°-45° C entre les températures diurnes et celles nocturnes. La nuit, la couverture protège des scorpions. « Les punitions étaient extrêmement sévères », déplore Léon Chouraki. Cet aspect était négligé par l’exposition L'Outre-mer français dans la guerre 39-45. 

« En janvier 1943, les Juifs sont mobilisés dans des compagnies de pionniers Juifs avec des officiers français, puisque nous étions à l’époque encore Juifs indigènes », précise Georges Hadjadj, né en Algérie.

Les Allemands imposent des amendes collectives très lourdes aux Juifs : 23 millions de francs à Tunis, 40 millions de francs à Sousse, 40 millions à Sfax » (Claude Nataf).

« La Résidence générale a demandé à un organisme bancaire de prêter cet argent avec la garantie des bourgeois, des possédants. Et cela a été payé », note André Nahum.

Léon Masliah se souvient : « Avec une hargne, avec une haine que je ne comprenais pas, ils ont raflé les bijoux, le peu de choses précieuses que nous avions, et nous ont laissé dans un état de dénuement total ».

Alors que « les hommes sont dans des camps, les Allemands pénètrent chez eux, terrorisent, frappent, violent leurs femmes et se servent à loisirs ».

Les déportations des Juifs de Tunisie « ont lieu en avril 1943, trois semaines avant la libération du territoire tunisien. Quarante déportés ne sont pas revenus. C’est très peu par rapport aux six millions de Juifs d’Europe continentale tués lors de la Shoah. Mais cela éclaire la nature du projet génocidaire des nazis. Partout où les Allemands ont pris pied, ne serait-ce que 24 heures comme à Rhodes, ou six mois comme en Tunisie, ils ont persécuté la population Juive, dans le but de la détruire » (Claude Nataf).

Parmi les Juifs déportés : Victor Cohen Hadria, ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Tunis assassiné à Auschwitz, Edouard Benjamin Dana, pupille de la Nation et résistant, déporté à Auschwitz, envoyé dans le ghetto de Varsovie pour le déblayer où il est abattu alors qu’il tentait de fuir.

Arrêté à Paris, le boxeur Victor Younki, dit « Young » Perez  (1911-1945), champion de France des poids mouches puis champion du monde dans cette catégorie en 1931, est déporté à partir de la France et abattu lors d'une marche de la mort.

Profanée, la synagogue de Tunis est transformée en hangar où sont stockés les biens dont les Juifs ont été spoliés.

Le 7 mai 1943, la Wehrmacht fuit l’avancée des Alliés. Les Anglais libèrent Tunis, les Français libres s’emparent de Bizerte. Les Juifs peuvent enfin enlever les étoiles jaunes de leurs vêtements.

Le 30 mai 1943, en Algérie, les généraux Giraud et de Gaulle coprésident le Comité français de libération nationale.

Ce n’est que six mois plus tard, avec l’éviction de Giraud en novembre 1943, que la législation antisémite de Vichy est annulée. Le décret Crémieux est rétabli, les Juifs d’Algérie retrouvent leur nationalité française, et se voient confier des armes.

Charles Sebban « fait ses classes à Marrakech (Maroc), fait toute l’Italie, Monte Cassino… » Le père de Léon Masliah « s’engage immédiatement dans la IIe DB du maréchal Leclercq pour toute la durée de la guerre ». Né en 1917, Jacques Zermati aide à « créer un bataillon d’infanterie de l’air, devenu un bataillon de parachutistes incorporé dans la brigade anglaise SAS… Après cela, je suis rentré dans la vie civile. J’avais terminé mon boulot. On avait abouti à un résultat finalement formidable. La France avait recouvré son honneur, était assise à la table des généraux à l’armistice. De Gaulle était au pouvoir. Qu’est-ce qu’on pouvait demander de plus ? »

Une « Solution finale » mondiale
Le premier mérite de ce documentaire passionnant, souvent bouleversant, est de révéler des pans historiques méconnus, voire inconnus, pour diverses raisons. Chez les victimes Juives, se sont conjuguées pudeur, conscience de l’ampleur de la Shoah en France métropolitaine, difficultés à parler d’évènements douloureux, obligation de surmonter l’autre traumatisme constitué par leur exode. Chez des dirigeants communautaires, se mêlent ignorance, indifférence voire mépris pour l’histoire de Juifs sépharades sacrifiée par ailleurs sur l’autel du « dialogue judéo-musulman » . Ceci se manifeste aussi par la marginalisation confinant à l’oubli dans la mémoire officielle communautaire de ces faits tragiques concernant ces Juifs sépharades – occultation dans la conférence de lancement du projet Aladin, l’exposition Spoliés ! L’« aryanisation » économique en France 1940-1944, etc. -, l’indemnisation tardive, partielle et faible  des victimes Juives de persécutions en Tunisie et au Maroc, le délabrement de camps en Afrique du Nord  non érigés en lieux de mémoire, etc. Il est révélateur que ce soit le Musée mémorial de l’Holocauste à Washington  qui a récemment enregistré les témoignages de Juifs d’Afrique du nord persécutés lors de la Seconde Guerre mondiale. Combien d’autres témoignages ne seront jamais recueillis faute d’intérêt des instances communautaires ou d’historiens ? Pourquoi les manuels scolaires de France et des trois pays visés éludent-ils ces faits ?

Claude Santiago et Antoine Casubolo rappellent avec raison et clarté l’application sévère, rapide et bien après le débarquement des Alliés en novembre 1942, dans ces trois pays des statuts des Juifs, et surtout que la Solution finale avait une dimension mondiale. Ainsi, lors de la conférence de Wannsee (20 janvier 1942), les « principaux dirigeants allemands de la Solution finale ont comptabilisé le nombre de Juifs par pays », observe Serge Klarsfeld. Et ils ont inclus les Juifs d’Afrique du Nord dans le nombre concernant les Juifs de France.

« Il s’agissait non pas de détruire les Juifs d’Europe, mais l’universalité du judaïsme », selon Claude Nataf. La Shoah, une « tragédie européenne » ? Oui, et non. Certes, six millions de Juifs vivant en Europe continentale ont été assassinés par les Nazis et leurs collaborateurs. Mais, les nations européennes, telle la France, disposaient d’un empire colonial où les Juifs ont subi les persécutions antisémites. 

A ce titre, il conviendrait d’étudier le sort des Juifs vivant dans d’autres espaces des empires français, belge, néerlandais, etc. Agée de 78 ans, Anne-Ruth Wertheim, néerlandaise Juive a témoigné en juillet 2013 sur son enfance en Indonésie, alors dénommée Indes orientales néerlandaises. Pendant l’occupation de cet archipel par le Japon (mars 1942-août 1945) lors de la Seconde Guerre mondiale, Anne-Ruth Wertheim a été internée en 1944 dans un camp spécifique destiné aux Juifs. Ceux-ci y ont été battus, sous-alimentés… L’internement des Juifs a débuté en 1943 : le Japon a interné des Juifs de pays autres que ceux des Alliés – Etats-Unis, Grande-Bretagne, etc. -, par exemple du Moyen-Orient, dont l’Egypte. En 2014, le musée juif historique d’Amsterdam programme une exposition sur les Juifs en Indonésie.


Carences
On peut regretter des fautes historiques dans ce documentaire remarquable : une évocation rapide et minorée de la dhimmitude, l’oubli que l’empire français allait non seulement « de Dunkerque à Tamanrasset, et de Tunis à Rabat », mais aussi de l’Amérique latine – Antilles, Guyane - à l’Indochine, via l’Afrique sub-saharienne, l’omission des controverses sur le rôle des dirigeants de la communauté Juive tunisienne, la réduction de l’Afrique du nord à ces trois seuls pays, donc excluant la Libye et l’Egypte, le rôle des soldats italiens, etc.

Produit par Claude Berda sur une proposition de Serge Klarsfeld, ce film omet aussi d’évoquer les Juifs ayant combattu les forces de l’Axe à Londres, tel Max Guedj (1913-1945) ou le sort de son père Félix, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats de Casablanca, résistant mort des suites de ses conditions d’emprisonnement.

Sur Harissa, Avraham Bar-Shay (Benattia) relate le pogrom commis par des Arabes à Gabès (Tunisie), le 20 mai 1941, et dans lequel sept Juifs ont été assassinés sur la place de la synagogue.

Enfin, ce documentaire s’avère « islamiquement correct » : dhimmitude  rapidement évoquée et minorée notamment par l’historien Mohamed Kenbib, propagande arabe vers le monde arabe  ignorée, rôle des musulmans collaborateurs – le grand mufti de Jérusalem al-Husseini, un administrateur judiciaire musulman en Algérie d'après l'historien Jean Laloum  - ou enrôlés par les Forces de l'Axe celé, étendue de la spoliation économique  non évaluée, etc.

Ainsi, les auteurs dissimulent que la tragédie de Joseph Scemla, ancien combattant ayant participé aux combats dans la Somme lors de la Première Guerre mondiale, tunisien naturalisé français dans les années 1920 et qui tenait un « commerce de tissus florissant dans les souks de Tunis », et de ses deux fils brillants, Gilbert, polytechnicien « sorti dans la botte », et Jean, étudiant visant l’X (Ecole Polytechnique), est d’abord imputable à un « ami » de leur père, Hassen ben Hamouda El Ferdjani, qui les a dénoncés auprès des autorités allemandes pour espionnage au profit des Alliés. Et tous trois ont été arrêtés par des soldats allemands. Après leur détention à Tunis, ils ont été envoyés par avion en Allemagne . Après un an d’internement à Dachau, ils ont été jugés à Torgau par un tribunal militaire en mai 1944 et condamnés à mort. Le 17 juillet 1944, le père et ses deux fils étaient guillotinés au Fort de Halle. Ils avaient respectivement 54 ans, 26 ans et 22 ans. A la Libération, Ferjani est « condamné à mort, à l’unanimité par le tribunal militaire français. Sur intervention des autorités indigènes, sa peine – selon l’expression de l’époque – fut commuée en travaux forcés à perpétuité, puis à vingt ans… Peu de temps après l’Indépendance de la Tunisie, Hassen ben Hamouda El Ferjani fut libéré. Il avait purgé dix ans de prison » (Frédéric Gasquet, fils de fils de Gilbert Scemla et de Lila Vilenkine, Juive russe originaire de Tachkent (Ouzbékistan).

Rauff 

Le 7 avril 2015, le quotidien israélien Ynet a résumé la teneur du Journal de Walter Rauff, impliqué dans l'invention des "camions à gaz", préludes aux chambres à gaz, sur l'occupation de la Tunisie par les Allemands nazis : l'enthousiasme de Tunisiens arabes musulmans pour les Nazis, la foi des Français et des Juifs dans la victoire des Alliés, etc. Conservé en Grande-Bretagne, récemment traduit en hébreu par Dr. Haim Saadoun, ce Journal est composé des rapports envoyés par Walter Rauff aux dirigeants nazis à Berlin.

En novembre 1942, les forces de l'Axe commandées par Erwin Rommel ont été vaincues par les Alliés lors de la bataille d'Al Alamein". Ce qui a empêché une deuxième avancée des forces de l'Axe en Egypte. Parallèlement, les forces américaines sont entrées au Maroc et en Algérie (Opération Torch) et ont avancé vers la frontière algéro-tunisienne. Pour empêcher que les forces germano-italiennes soient prises au piège lors de leur retraite de Libye, les Allemands ont envahi la Tunisie pour établir un pont. Pendant six mois, la Tunisie a été un front de la Seconde Guerre mondiale, au sud et au nord.


En décembre 1942, des officiers allemands de hauts rang se sont réunis pour une rencontre cruciale portant sur les 24 camps de travail forcé dans le pays, et où des milliers de jeunes Juifs ont été contraints de se rendre.


Rationnel, organisé, Rauff constate le 25 novembre 1942 que Français et Juifs "parlent ouvertement de la future conquête du pays par les forces ennemies. Ils sont pleins d'espoir, à la différence des Arabes, très stressés et déprimés".


Chef de la Gestapo, Rauff écrit : "J'ai ordonné de marquer par une étoile jaune tous les Juifs qui viendront pour le travail forcé. Le financement, nourriture et logis, sera assuré par les Juifs eux-mêmes".

Dans son journal, Clément Hori, Juif tunisois, occupe un modeste poste administratif dans l'entreprise d'un Juif italien, Gido Montifiori, écrit dans son journal : " La nuit dernière a été bruyante en raison des bombardements qui ont commencé à 21 h et n'ont pas cessé toute la nuit". Il relate les exigences de Rauff à l'égard de la communauté Juive pour qu'elle assume le coût des Juifs tunisiens en camp de travaux forcés : " Le montant est de 20 millions par mois, et on demande aux Juifs riches de se réunir et de réunir le montant pour satisfaire les exigences allemandes". Hori relate le récit d'un jeune Juif s'étant échappé d'un de ces camps de travaux forcés et décrivant les conditions horribles dans ce camp.

La deuxième semaine de décembre 1942, les deux journaux évoquent la décision des Allemands d'interdire aux Juifs non italiens de détenir des radios. Rauf évoque l'aide de la police française dans la confiscation des postes de radios. Les Allemands voulaient empêcher les Juifs de se tenir au courant de ce qui se passait en Europe, et de permettre aux Allemands d'être informés sur le front nord-africain via la couverture de la BBC.


Dans son journal, Rauff décrit la population Arabe tunisienne et sa coopération avec les Nazis : " La communauté Arabe est amicale avec les Allemands et volontaire pour l'aider... Les Arabes qui nous ont accompagnés de l'aéroport vers la ville... nous ont donné les adresses de Juifs dont les maisons et voitures combleraient nos besoins. Le recrutement des Juifs pour le travail forcé a eu un impact positif sur l'atmosphère dans le secteur Arabe".


Pour éviter d'être capturé par les Alliés, Rauff a fui, avec des dirigeants nazis de Tunisie vers Milan. Il a été cepndant arrêté par les Alliés, s'est échappé de son camp de prisonniers de guerre et a été caché dans un monastère à Rome. En 1948, il a été recruté par les services de renseignements de la Syrie, et a vécu à Damas pendant un an, avant de rejoindre l'Equateur, et de s'installer au Chili. En 1963, et sur demande du Centre Simon Wiesenthal, la République fédérale d'Allemagne a émis une demande d'extradition de Rauff. La cour suprême du Chili a refusé en alléguant que les lois chiliennes s'appliquaient aux crimes dont étaient accusés Rauff et de la prescription. Rauff est décédé de mort naturelle en 1984.


"Screaming silence"
Avant Yom HaShoah, le 15 avril 2015, la télévision israélienne a diffusé Screaming silence (Un silence hurlant)documentaire de Ronnie Sarnat dans lequel sont évoqués les agressions sexuelles et les viols d'enfants et d'adolescents Juifs et d'adultes Juives commis par les Nazis et leurs collaborateurs, notamment dans les camps de concentration, de travail ou d'extermination -  les garçons Juifs contraints de se prostituer pour survivre étaient appelés piepels - et dans les pays occupés, telle la Tunisie. La documentariste a déclaré avoir consacré six ans à son film en raison des réticences des historiens à évoquer ce thème et de celles des victimes qui avaient gardé le secret sur les sévices subis et l'influence de ces derniers sur leur vie. Parmi les récits poignants de ce documentaire, celui d'un Juif violé, alors qu'il avait 13 ans, en Tunisie par un soldat allemand. Cette victime confie avoir eu ensuite, et toute sa vie, des problèmes d'identité. Yad Vashem a recueilli de nombreux témoignages de victimes..

On pourrait penser que ces persécutions antisémites font partie d’un passé révolu.

Or, en ce début de XXIe siècle, dans la France républicaine des présidences de Nicolas Sarkozy puis de François Hollande, la spoliation, les sanctions injustes et les harcèlements infondés d’institutions publiques ainsi que d’organismes privés visant le Dr Lionel Krief, médecin nucléaire à Creil et à Compiègne (Picardie) originaire d’Afrique du Nord, s’avèrent d’autant plus choquants.

Après la Chaine Toute l’histoire, en lien avec la programmation du Pré Festival et  du Festival Sefarad de Montréal (30 novembre-11 décembre 2014), ALEPH-Centre d’Études Juives Contemporaines de la Communauté sépharade unifiée du Québec (CSUQ) a diffusé gracieusement au Centre Gelber, le 18 novembre 2014, de 19 h 30 à 21 h, « Les Juifs d'Afrique du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale », documentaire passionnant et émouvant de Claude Santiago  (1949-2012), décédé après la réalisation des interviews, et d'Antoine Casubolo Ferro (2013). Ce film sera présenté par Ariel Danan, historien, directeur adjoint de la Bibliothèque de l'Alliance israélite Universelle (AIU) et responsable de la médiathèque Alliance Baron Edmond de Rothschild (France). 

Le Centre Darius Milhaud d'Aix-en-Provence a présenté gracieusement le 25 février 2015, à 18 h 30, ce documentaire en présence de Guy Hazzan, historien, et Jacky Ayache, vice-président de la Ciap. Entrée libre, mais réservation indispensable. "En 1940, lorsque la France s'effondre face à l'Allemagne nazie, elle n'a pas les frontières d'aujourd'hui. Elle s'étend de Dunkerque à Tamanrasset et de Tunis à Rabat. Peuplée essentiellement de musulmans, l'Afrique du Nord abrite également une communauté juive, d'environ 3% de la population, soit 400 000 personnes pour lesquelles le régime de Vichy va donner toute la mesure de son antisémitisme. En Algérie, et en Algérie seulement, pire qu'en métropole le numerus clausus s'applique jusque dans les écoles primaires. 30 000 enfants en sont frappés. Au Maroc, la mesure la plus significative de la discrimination des Juifs fut le retour obligatoire au Mellah. A Fès, cette mesure fut appliquée sans aucune dérogation. À Tunis, les Allemands procèdent à la grande rafle du 9 décembre 1942. Mais il faudra attendre le mois de novembre 1943 et l'éviction du général Giraud pour voir l'annulation de toute la législation antisémite de Vichy et le rétablissement du décret Crémieux…"

Roi Mohammed V

Le 20 décembre 2015, le Prix de la Liberté “Martin Luther King Jr-Rabbin Abraham Joshua Heschel” a été remis à titre posthume à Feu S.M. le roi Mohammed V, lors d'une cérémonie en la synagogue B’nai Jeshurun, à New York (Etats-Unis). Ce Prix a été décerné par les étudiants et professeurs de KIVUNIM "en reconnaissance de ses actions héroïques pour protéger les Juifs du Maroc de la législation raciste et antisémite du gouvernement de Vichy de la France coloniale. Il s’agit d’une “reconnaissance des convictions profondes et de la démarche morale et politique courageuse de notre vénéré roi Mohammed V, que Dieu ait son âme, qui a pris sous son aile protectrice ses sujets de confession juive durant une phase critique de notre histoire” [la Seconde Guerre mondiale], a indiqué M. Serge Berdugo, ambassadeur itinérant de Sa Majesté le Roi du Maroc Mohammed VI.

Or, le roi Mohammed V n'a pas protégé les Juifs vivant au Maroc. "


Quant aux statuts des Juifs de Vichy d’octobre 1940 et de juin 1941, le Sultan du Maroc les appliquera à la lettre. Il ne s’oppose à aucune mesure prévue par ces deux statuts. Il n’y a que dans le volet économique qu’il tente légèrement de protéger la communauté juive du Maroc. Cette intervention n’est pas désintéressée, car elle sert surtout les intérêts économiques du Makhzen (gouvernement du Sultan). Sur l’essentiel, le Sultan Mohammed n’a pas protégé les Juifs puisqu’il a même promulgué les statuts des Juifs en Dahir (décret) chérifien", a expliqué l'historien Georges Bensoussan, en 2012.

Le 20 décembre 2015, le Prix de la Liberté “Martin Luther King Jr-Rabbin Abraham Joshua Heschel” a été remis à titre posthume à Feu S.M. le roi Mohammed V, lors d'une cérémonie en la synagogue B’nai Jeshurun, à New York (Etats-Unis). Il s’agit d’une “reconnaissance des convictions profondes et de la démarche morale et politique courageuse de notre vénéré roi Mohammed V, que Dieu ait son âme, qui a pris sous son aile protectrice ses sujets de confession juive durant une phase critique de notre histoire” [la Seconde Guerre mondiale], a indiqué M. Serge Berdugo, ambassadeur itinérant de Sa Majesté le Roi du Maroc. Or, le roi Mohammed V n'a pas protégé les Juifs vivant au Maroc.


Revue d'Histoire de la Shoah

Le 19 mars 2017 à 14 h 30, le Mémorial de la Shoah organisa, autour de la parution du n° 205 (octobre 2016) de la Revue d’histoire de la Shoah, la conférence Les Juifs d’Orient face au nazisme et à la Shoah (1930-1945)

"Les communautés juives dispersées de l’Orient arabe sont frontalement frappées par la guerre, de Vichy dans le Maghreb français à la Tunisie occupée, à la menace allemande sur l’Égypte et la Palestine, au pogrom enfin de Bagdad le 1er juin 1941. Ces persécutions, ces désillusions et ce climat de peur expliquent qu’en 1945 les Juifs d’Orient jugent leur avenir moins assuré que jamais". En présence d’Ariel Danan, directeur adjoint de la bibliothèque de l’Alliance israélite universelle, Emmanuel Debono, historien, ENS de Lyon, Haïm Saadoun, directeur du centre de documentation et de recherches sur les Juifs d’Afrique du Nord durant la Seconde Guerre mondiale, Institut Ben Zvi, cette conférence était animée par Georges Bensoussan, historien, responsable éditorial, Mémorial de la Shoah.

"Night of Fools"
Le 28 novembre 2017, Harif, association de Juifs originaires d'Afrique du nord et du Moyen-Orient, présenta Night of Fools, de Rami Kimchi. "Tuesday 28 November 2017, 7.30 for 8pm. UK Premiere. This documentary film (56 mins)  tells the story of “Operation Torch” – the code name for the American landing in French-ruled North Africa, and the central role in it played by the Algerian underground, which was almost entirely made up of Jews. With only 400 volunteers versus the Vichy garrison of 25,000 troops, the underground succeeded in taking control of Algiers for one night, before handing the city over the Americans, who arrived via an amphibious landing the next morning. Director Rami Kimchi, an Israeli culture critic and filmmaker, will be joining us to take the Q&A afterwards. JW3, 341 – 351 Finchley Road, NW3 6ET. £10." 

Yvonne Kozlovsky Golan
Le 24 décembre 2017, le quotidien israélien Haaretz a publié l'article Why North African Jews Are Missing From the Holocaust Narrativede Eness Elias. Le chapô en est : "Racisme et stéréotypes ont gardé caché le récit des Juifs nordafricains durant la Deuxième Guerre mondiale. Une universitaire israélienne examine l'absence de ce sujet à partir de la culture locale".

Eness Elias a interviewé Yvonne Kozlovsky Golan, spécialiste dans l'histoire des films et professeur à l'Université de Haïfa, qui cherche à comprendre pourquoi l'expérience de la Shoah de ces Juifs est absente de l'art et des médias israéliens et ce que cette occultation signifie. Yvonne Kozlovsky Golan est l'auteur de Forgotten from the Frame: The Absence of the Holocaust Experience of Mizrahim from the Visual Arts and Media in Israel” (publié par Resling, en hébreu). 

Yvonne Kozlovsky Golan estime que la publication en 2013 de “Benghazi-Bergen-Belsen,” par Yossi Sucary, distingué par le Brenner Prize remis par la Hebrew Writers Association, et adapté au théâtre a changé la situation. C'était le premier roman israélien à raconter l'histoire des Juifs libyens durant la Shoah. "Environ 2 600 Juifs libyens ont été transportés au camp de Giado et soumis au travail forcé. Ils souffraient de la faim et de la maladie et étaient victimes d'abus quotidiens. Beaucoup ont été assassinés - 562 Juifs y sont morts - et des dizaines d'autres ont été envoyés dans des camps de la mort, notamment à Bergen-Belsen".

Kozlovsky Golan souligne que l'enseignement de la Shoah depuis la refondation de l'Etat d'Israël a été guidé par le stéréotype d'un "produit" européen de souffrance. En outre, les camps d'internement des Juifs en Afrique du nord ont été rarement filmés ou photographiés, et les pellicules éventuelles perdues ou détruites. Yad Vashem a enregistré les témoignages de survivants juifs d'Afrique du nord dès son ouverture en 1953, mais il n'a pas accordé à ces survivants un traitement adapté. Jusqu'en 2005, le désastre en Afrique du nord n'y était pas représenté. A l'origine, l'étude de la Shoah en Afrique du Nord n'a pas été effectuée par Yad Vashem, mais par le Ben-Zvi Institute [qui étudie les communautés juives de l'Est.


Mais l'exclusion de la mémoire collective n'était pas confiné aux institutions officielles ou universités. Elle existe aussi dans les communautés elles-mêmes, notamment parmi leurs représentants en politique - le parti Shas -, culture, recherche et art. Kozlovsky Golan a trouvé seulement trois artistes orientaux à traiter ce sujet : Joseph Dadon, Itzik Badash et Nava Barazani.


Colloque

Les 25 et 26 novembre 2018, l'auditorium Austerlitz du musée de l'Armée (Paris) accueillit le colloque "Seconde Guerre mondiale en Afrique du Nord, Maroc, Algérie, Tunisie : 8 novembre 1942, Résistance et débarquement allié - étude des contextes politiques, historiques et culturels". 

"Ce colloque a pour ambition d’apporter à la connaissance du grand public le fruit de recherches récentes et innovantes concernant les trois pays du Maghreb dans la Seconde Guerre mondiale (Maroc, Algérie, Tunisie). La partie historique apportera de nouveaux éclairages sur les développements militaires, les résistances, les camps d’internement, les populations civiles, les mouvements nationalistes, les imbroglios politiques. La partie culturelle abordera le cinéma et la musique."


Le colloque international est organisé par l’association "Les Compagnons du 8 novembre 1942 - Actes de Résistance - mémoire et recherche" - Nicole Cohen-Addad, 133 rue du Château, 75014 Paris, contact@compagnons8nov1942.org, www.compagnons8nov1942.org, tél. 06 19 13 89 27. Entrée gratuite, sur inscription préalable auprès de Nicole Cohen-Addad 133, rue du Château, 75014 Paris, ou par mél à contact@compagnons8nov1942.org -, en alliance avec l’Association des résistants, déportés, internés et emprisonnés politiques en Afrique du Nord (ARDIEP). Et soutenu par la Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) du ministère des Armées, le musée de l’Armée, avec le concours des Archives nationales.

Dimanche 25 novembre 2018
9:00-12:45 : Président de séance, Tramor Quemeneur
          > 9:00-9:30 : Mot d’accueil du musée de l’Armée - 1. Introduction Bernard Valluis et Nicole Cohen-Addad
          > 9:30-11:00 : 2. La Tunisie : Haïm Saadoun : Activités clandestines en Tunisie sous le régime de Vichy - Didier Mireuret Pierre Uzan : La campagne de Tunisie 1942-1943 - Guy Sitbon : La vie quotidienne en Tunisie durant la Seconde Guerre mondiale
          > 11:15-12:45 : 3. Le Maroc Orit Ouaknine-Yekutieli : La purge des franc-maçons, des communistes et des juifs au Maroc dans la Seconde Guerre mondiale - Douglas Porch : "Tous semblent mériter l'incrédulité" - La Western Task Force apporte la guerre au Maroc - Orit Ouaknine-Yekutieli : Politiques identitaires au Maroc sous le régime de Vichy, revendications pour une identité non juive
14:30-18:30 : Présidente de séance, Nicole Cohen-Addad
          > 14:30-15:30 : 4. Oran Alfred Salinas : L'irrédentisme espagnol en Oranie sous le régime de Vichy (juillet 1940 - novembre 1942) - Daniel Lee : Un calme village anglais et un Juif d'Afrique du Nord : une improbable histoire de résistance française
          > 15:45-16:45 : 5. L’Association de la Libération Française du 8 Novembre 1942 Robert Gildea : Que sont devenus ultérieurement les résistants du 8 novembre, les débuts d'une enquête (1943-1954) - Pierre-Jean Le Foll-Luciani : L’Association de la Libération Française du 8 Novembre 1942 dans la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962)
          > 16:45-18:30 : 6. Résistants et autres acteurs Nicole Cohen-Addad : Les femmes dans la résistance en Afrique du Nord dans la Seconde Guerre mondiale - Luc Rudolph : Henri d’Astier et les policiers d’Alger - Samir Hasni : L'Algérie face à la Seconde Guerre mondiale : le cas des tirailleurs indigènes - Alain Ruscio : Les communistes (PCA et PCF) et les destinées de l’Algérie, 1940-1945 : engagements, hésitations, variations
Lundi 25 novembre
9:00-13:00 Président de séance, Guy Krivopissko
          > 9:00-10:30 : 7. La situation coloniale Aïssa Kadri : État colonial, indigénat et citoyenneté, en Algérie - Guy Krivopissko : L’analyse du général Catroux sur la situation coloniale au Maghreb - Benjamin Stora : Les répercussions du débarquement allié en Afrique du Nord sur les mouvements nationalistes algériens
          > 11:00-13:00 8. Un exemple de répercussions sur les forces de l’Axe László Nagy : Les répercussions du débarquement en Afrique du Nord sur la politique du gouvernement hongrois - 9. Les camps d’internement - Eliane Ortega Bernabeu : L’exil républicain espagnol en Afrique du Nord et les camps de concentration en Algérie - Tramor Quemeneur : La mémoire des camps d’internement en Afrique du Nord à travers les archives de l’ARDIEP - 10. Les archives Patricia Gillet: L'Afrique du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale, des sources à explorer aux Archives nationales
14:30-17:30 : Président de séance, Bernard Valluis
          > 14:30-16:00 : 11. Littérature David Guedj : Travaux littéraires de fin de guerre sur l’histoire de la Seconde Guerre mondiale au Maroc - 12. Musique Malcom Théoleyre : Musique et politique à Alger entre 1937 et 1945, ou comment la musique classique algérienne naquit de la guerre - Ariel Carciente : Edmond Nathan Yafil, fil conducteur des musiques du Maghreb, du XIXe au XXe siècle
          > 16:15-17:00 : 13. Cinéma Ahmed Bedjaoui : Seconde Guerre mondiale, représentations cinématographiques vues du sol algérien : regards croisés ?
          > 17:00-17:30 : 14. Conclusion/Pistes de recherche Tramor Quemeneur, Nicole Cohen-Addad.

                              
Groupe AB, UgoProd, France, 2013, 52 mn
Avec la voix de Benjamin Gasquet

Visuels :
Photos du documentaire
© 2013-Ugoprod, DR

Illustration de couverture du livre de Jean-Pierre Allali : Tunis. Travailleurs juifs forcés en partance pour les camps
© Archives Ecpad

Benghazi pendant la Seconde Guerre mondiale.

© Imperial War Museum, Londres

Les citations proviennent du commentaire du film.

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Publié le 2 mai 2014, cet article a été modifié le 27 décembre 2017.
Il a été republié le :
- 16 juillet 2014. Arte a diffusé le 18 juillet 2014 à 0 h 15 le téléfilm Villa Jasminde Férid Boughedir d'après le livre de Serge Moati qui évoque la Tunisie des années 1930-1940 ;
- 21 septembre 2014. Sur Judaïques FM, Jean Corcos a interviewé Jean-Pierre Allali sur son livre Les Juifs de Tunisie sous la botte allemande (Editions Glyphe) ;
- 17 novembre 2014.
- 24 février et 1er mai 2015, 4 février 2016, 20 mai 2016. Lors du pogrom du 20 mai 1941, des dizaines de Tunisiens Arabes, armés de couteaux et de bâtons, ont assassiné sept Juifs tunisiens et ont blessé vingt autres Juifs, pillé des maisons juives, etc. dans le quartier de djara à à Gabès (Tunisie) ;
- 20 mars, 21 mai et 28 novembre 2017, 24 novembre 2018.