La valise mexicaine. Capa, Taro, Chim
« La tragédie des Brigades Internationales » de Patrick Rotman
« La tragédie des Brigades Internationales » de Patrick Rotman
Le Front populaire et les photographes
« Les chansons du Front populaire », par Yves Riou et Philippe Pouchain
« La tragédie des Brigades Internationales » de Patrick Rotman
"L'héritage de la Guerre civile" de Mike Magidson
France, 2019, 27 min
Sur Arte le 30 mai 2019 à 6 h 40
Visuels :
Valle de Los Caidos, mausolée monumental de l'époque franquiste, situé dans la vallée de Cuelgamuros, proche de la capitale Madrid
Les restes du village de Belchite et de son église détruits pendant la guerre d'Espagne (bataille de Belchite) en oût et septembre 1937
Credit : © Point du Jour
« Les chansons du Front populaire », par Yves Riou et Philippe Pouchain
« La tragédie des Brigades Internationales » de Patrick Rotman
Dans les années 1980 et 1990, Patrick Rotman et Hervé Hamon sont devenus célèbres pour leurs enquêtes sérieuses et souvent déclinées en documentaires, et leur biographie d’Yves Montand. Les thèmes ? Les professeurs, Mai 68, les "intellocrates", la guerre d’Algérie sans en percevoir le caractère djihadiste, la « deuxième gauche » incarnée par le syndicat CFDT.
Co-auteur avec Jean Lacouture d’une biographie sur François Mitterrand, Patrick Rotman a poursuivi une carrière solo en présentant une émission historique télévisée Les Brûlures de l’Histoire. Et a réussi à générer une économie d’auteur de gauche reposant sur trois principaux piliers : l’édition – directeur de collection et auteur aux éditions du Seuil -, le service public audiovisuel – coproducteur et diffuseur de documentaires ou téléfilms -, et la société Kuiv Productions dirigée par Michel Rotman.
En 2011, est sorti le film La Conquête réalisé par Xavier Durringer sur un scénario de Patrick Rotman. L’ascension politique de Nicolas Sarkozy de 2002 et 2007, ses problèmes conjugaux, ses rivaux... Las, éclate l’affaire Dominique Strauss-Kahn, impliqué dans une agression sexuelle de Nafissatou Diallo, femme de chambre à l’hôtel Sofitel de New York. Une histoire aux nombreux rebondissements qui a intéressé davantage les spectateurs français.
Trois totalitarismes
Pourquoi l’intérêt de Patrick Rotman pour la Guerre d’Espagne au travers du prisme des « combats tragiques des Brigades internationales contre le fascisme » ? « C’est un conflit oublié, mais fondamental. Je le vois comme une antichambre de la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle interviennent toutes les grandes puissances, mais aussi comme un conflit symbolique entre le bien et le mal, ou, pour le dire abruptement, entre les brigades du sacrifice. La guerre d’Espagne a longtemps marqué l’imaginaire de la gauche française, avant d’être peu à peu effacée de la mémoire collective. C’est pourquoi j’ai voulu la faire revivre avec des images rares, étonnantes, émouvantes. La guerre d’Espagne symbolise toute la tragédie du XXe siècle : le triomphe des totalitarismes », a expliqué Patrick Rotman à Emmanuel Raspiengeas.
Et de préciser : « Ce qui m’intéressait, c’était de revenir sur cette vision mythologique, de montrer la réalité de ce conflit, qui fut aussi l’affrontement des deux totalitarismes du XXe siècle, le communisme et le nazisme. Sans oublier ce que l’on peut appeler « une guerre civile dans la guerre civile », c’est-à-dire la prise de pouvoir par les communistes dans le camp républicain. J’ai souhaité dépasser la grande chanson de geste qu’a représenté la guerre d’Espagne, en me focalisant sur le trajet héroïque des Brigades internationales ».
Qui étaient ces Brigades internationales ? « Trente-cinq à quarante mille hommes et femmes venus de tous les pays. Les Brigades étaient entièrement organisées par l’Internationale communiste, qui les armait. Elles ont été envoyées dans tous les combats, sans aucun souci de préserver des vies humaines, ce qui a provoqué des pertes énormes : près d’un tiers des effectifs. J’ai voulu montrer la contradiction entre l’idéal magnifique de ces hommes et la terrible finalité de leur combat contre le fascisme, qui se soldera par un échec militaire et politique. Après la défaite, ceux qui étaient issus d’Europe de l’Est, les Polonais, les Allemands, les Yougoslaves, n’ont pas pu rentrer dans leurs pays, alors sous dictature nazie ou communiste. Ils furent parqués dans des camps en France, où ils ont appris la signature du pacte germano-soviétique… Une effroyable fin de parcours. Certains furent ensuite livrés à la Gestapo, pendant que d’autres parvinrent à entrer dans la Résistance. D’autres encore furent victimes de procès staliniens en Hongrie ou en Tchécoslovaquie ».
Hormis l’Union soviétique, quel autre pays en 1939 était sous férule communiste ?
Si la guerre d’Espagne est une « antichambre de la Seconde Guerre mondiale », alors la guerre d’Indépendance d’Israël est un épilogue de ce conflit. Des nazis ont combattu dans les rangs des pays et entité Arabes contre le jeune Etat Juif renaissant pour lequel ont lutté des sabras, des survivants de la Shoah, des volontaires, juifs et non juifs, venant du monde entier. Un thème rarement évoqué dans des documentaires.
En 2015, le rappel par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu des liens entre le grand mufti de Jérusalem Mohammed al-Husseini et le Führer Adolf Hitler, ainsi que l’implication du mentor d’Arafat dans la Shoah ont soulevé une polémique mondiale. Un « non-sujet » pour Patrick Rotman et Kuiv Productions ? Le service public audiovisuel, en l’occurrence Arte, n’accepterait-il les projets de documentaristes juifs que sur des thèmes « politiquement corrects » ? Pourtant le combat d'Israël contre les nazislamistes visant à sa destruction n'est-il pas un "conflit symbolique entre le bien et le mal".
Que risquerait Patrick Rotman à traiter de sujets cruciaux contemporains, telles l’affaire al Dura ou les spoliations actuelles de Français juifs ?
Patrick Rotman souligne l'implication de l'Eglise catholique en faveur des mutins. Quid des imams à l'égard des soldats rifains ? Quels liens entre ces derniers et leurs homologues allemands et italiens ? Qui étaient les milliers de volontaires - irlandais, marocains, russes blancs - engagés au côté du général Franco contre la république espagnole, et quelles étaient leurs motivations ?
Patrick Rotman élude aussi le caractère juif de nombreux volontaires des Brigades internationales à "l'entrainement sommaire". Pourquoi ?
Les Juifs engagés dans les Brigades internationales ont représenté plus de 10%, entre 6 000 et 8 000, soit un tiers des Américains, un cinquième des Britanniques et la moitié des Polonais. Venus essentiellement de Pologne, des Etats-Unis, de France, d’Eretz Israël, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, de Belgique, de Hongrie, du Canada et d’URSS, ils s’appelaient Shimon Avidan, Fernando Gerassi, David Guest, Artur Kerschner, Sam Levinger, Bert « Yank » Levy, George Nathan, Alfred Sherman, Drago Štajnberger, Máté Zalka. Dans le Bataillon Palafox, la Compagnie Naftali Botwin, créée en décembre 1937, était composée entièrement de combattants juifs. En outre, on évalue à 70% la part du personnel médical volontaire pour soigner les blessés à être juive. Le rôle des Juifs a été longtemps marginalisé en raison, selon l’historien Martin Sugarman, des « gardiens de la mémoire » staliniens.
"Pour beaucoup, le mythe des Brigades internationales reste aujourd'hui encore intact. Et pourtant, derrière l'aventure héroïque de milliers de volontaires venus de tous les pays au secours de la République espagnole, se cache une autre vérité, déconcertante et douloureuse, que révèle ce témoignage sauvé de l'oubli. Sygmunt Stein, militant communiste juif en Tchécoslovaquie, bouleversé par les procès de Moscou qui ébranlent sa foi révolutionnaire, va chercher en Espagne l'étincelle qui ranimera ses idéaux. Mais arrivé à Albacete, siège des Brigades internationales, il se voit nommé commissaire de la propagande, poste où il découvre jour après jour l'étendue de l'imposture stalinienne. Très vite, la réalité s'impose à lui : "La Russie craignait d'avoir une république démocratique victorieuse en Europe occidentale, et sabotait pour cette raison le duel sanglant entre les forces démocratiques et le fascisme." Tout ce qu'il croyait combattre dans le franquisme, à commencer par l'antisémitisme, il le retrouve dans son propre camp. La déception est à la mesure de l'espoir qui l'avait mené en Espagne: immense. Affecté par la suite à la compagnie juive Botwin, il sera envoyé au front pour servir de chair à canon. Des exécutions arbitraires du "boucher d'Albacete", André Marty, aux banquets orgiaques des commissaires politiques, en passant par les mensonges meurtriers de la propagande soviétique, Sygmunt Stein dénonce violemment dans son livre Ma guerre d'Espagne : Brigades internationales : la fin d'un mythe, écrit en yiddish dans les années 1950, et resté inédit en français, la légende dorée des Brigades internationales".
Un documentaire à voir car, depuis quelques années, des journalistes ont dressé un parallèle infondé et infamant entre les Brigades internationales et les musulmans rejoignant l’Etat islamique pour combattre en Syrie. Ce qui permet d’occulter le caractère politico-religieux de l’engagement djihadiste hostile à la démocratie : « La Syrie, Bilad el-Sham en arabe, joue un rôle particulier dans l'eschatologie musulmane. Ce pays de Cham est cité dans le Coran et les Hadiths, car c'est là que doit se dérouler l'affrontement final contre Satan, contre la Bête à la fin des temps, lors du jugement dernier. Les musulmans croient même que Jésus –dans sa version coranique– reviendra sur terre en Syrie. L'un des minarets de la mosquée des Omeyyades à Damas est d'ailleurs appelé le minaret de Jésus. Tout cela résonne dans l'imaginaire des djihadistes. Ils mènent un combat contre ce qu'ils considèrent comme le Mal sur une terre dont parle la tradition islamique. Voilà aussi pourquoi la Syrie est devenue un tel aimant », a expliqué Frédéric Pichon, expert en géo-politique.
A la rigueur, l’engagement de volontaires internationaux auprès des combattants Kurdes pourrait présenter des points communs avec les Brigades internationales.
Épopée
« À travers de poignantes archives, Patrick Rotman retrace l'histoire des trente-cinq mille volontaires venus du monde entier combattre le franquisme, défendre la jeune République, menacée par le putsch de Franco, lui-même soutenu d'emblée par l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste, dans la guerre civile espagnole (1936-1939) ».
L'armée d'Espagne au Maroc compte 40 000 hommes. Le Pronunciamento échoue, mais environ un quart du territoire espagnol est régi par le golpe rebelle dirigé par le général Franco. Bastion anarchiste, la Catalogne, fidèle à la République, résiste. A l'été 1936, c'est l'effervescence révolutionnaire. La Terreur rouge cause des milliers de morts. L'objectif : la révolution. Des milliers d'exploitations agricoles sont collectivisées, 18 000 usines sont occupées, des banques sont pillées. La propriété est confisquée, grande ou petite (magasins de coiffure). Pour le quotidien populaire L'Intransigeant, Antoine de Saint-Exupéry couvre la guerre, et les exécutions. Sur le front d'Aragon, les photographes Robert Capa et Gerda Taro informent sur ce conflit dans lequel l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste interviennent de manière décisive au profit des mutins. Du sud de l'Espagne, les mutins débutent la Reconquête avec comme cri : "Viva la muerte" ("Vive la mort"). Les partisans de la République leur opposeront ¡No pasarán! (« Ils ne passeront pas ! »).
Un "pacte de neutralité" unit les puissances européennes, dont la Grande-Bretagne et l'Union soviétique, pour ne pas s'ingérer dans ce conflit. Grâce à Jean Moulin, des avions français sont acheminés vers la république espagnole avant l'entrée en vigueur de ce pacte. Les "avions de Malraux (Escadrile España) s'opposent à la remontée de l'armée d'Afrique de Franco". Ce qui inspire L'Espoir de Malraux. Les risques évidents incitent Staline à délaisser l'attentisme. En septembre 1936, l'URSS aide la République en lui livrant des armes et envoyant des agents de renseignements. En échange de cette aide militaire, la République lui livre l'or de la banque d'Espagne.
« Ouvriers parisiens, militants tchèques et britanniques, dockers new-yorkais, mineurs polonais ou anglais, militants antifascistes allemands", dont Willy Brandt, "et communistes italiens... : en tout, quelque trente-cinq mille hommes, venus d'une cinquantaine de pays, vont combattre sur tous les fronts de la guerre, souvent en première ligne et sans aucune formation, dans des batailles de plus en plus désespérées, pour défendre la République menacée par le putsch de Franco ».
Ces volontaires « répondent à l'appel lancé sous l'égide de Moscou par l'Internationale communiste, alors que les démocraties occidentales ont décidé de ne pas intervenir ».
Ils « ont entendu également les plaidoyers d'André Malraux et de George Orwell, engagés dès la première heure, l'écrivain français à la tête d'une escadrille aérienne, l'Anglais au sein du Poum (Parti ouvrier unifié marxiste, antistalinien) ».
Ils « ont peut-être vu aussi les clichés incroyables qu'un couple de jeunes photographes, Gerta Pohorylle et Endre Friedmann, alias Gerda Taro et Robert Capa, expédient jour après jour du front ». A Madrid, comme les écrivains - Hemingway, Dos Passos - et correspondants de guerre - Mikhaïl Koltsov de la Pravda, Geoffrey Cox du News Chronicle, Henry Buckley, du Daily Telegraph, Ksawery Pruszynski, de la revue polonaise Wiadomosci Lireackie, Herbert L. Matthews du New York Times -, ils séjournent à l'hôtel Florida.
Certains volontaires des Brigades internationales ont rejoint les Olympiades populaires à Barcelone, et sont demeurés en Espagne après leur annulation causée par le soulèvement militaire du général Franco, après son pronunciamento du 18 juillet 1936. « Nous étions venus défier le fascisme sur un stade et l'occasion nous fut donnée de le combattre tout court ». Footballeur juif polonais d'Anvers, Emmanuel Mincq rejoint le Bataillon Thälmann et co-dirigera la Brigade Dombrosky. Après la fin de la guerre en 1939, il est interné dans des camps français à Argelès, Le Vernet, Gurs.
Comme ces volontaires, les « écrivains Ernest Hemingway, John Dos Passos, Gustave Regler ou le documentariste Joris Ivens vont aussi contribuer à exalter la résistance héroïque du peuple espagnol, face à une armée franquiste bien supérieure en nombre et surarmée, qui multiplie les massacres au fil de ses victoires ».
« À leurs côtés, le correspondant de la Pravda, Mikhaïl Koltsov, informe aussi le NKVD... »
« Dès 1937, les Soviétiques, affirmant leur emprise sur le camp républicain, agissent en effet en Espagne comme à domicile, arrêtant, torturant, exécutant tous ceux qui s'opposent au stalinisme. Les militants anarchistes et libertaires, parmi lesquels figurent nombre de brigadistes, se retrouvent pris ainsi entre deux feux totalitaires ».
Ce « film raconte l’histoire des Brigades internationales qui se confond avec celle de la guerre d’Espagne : la guerre civile, les événements militaires, les affrontements dans le camp républicain, la révolution sociale, l’internationalisation du conflit, les raisons de la défaite, l’engagement des intellectuels et artistes comme André Malraux, Ernest Hemingway, Robert Capa, Dos Passos ou l’écrivain allemand Gustave Regler », ses figures telle Dolores Ibárruri Gómez, alias la Pasionara.
Le 28 octobre 1938, les Brigades internationales défilent à Barcelone dans une revue d’adieu en présence du gouvernement espagnol et de « représentants des partis politiques ». Le Desfilado.
Des « images rares, voire inédites, recherchées dans une quinzaine de pays retracent, de l’enthousiasme à la désillusion, l’épopée tragique des volontaires internationaux venus mêler leur destin à celui du peuple espagnol, dans l’éclatante lumière de l’héroïsme fraternel et la pénombre des crimes et des liquidations ».
« Restituant à la fois destins individuels et complexité historique, Patrick Rotman retrace ces trois années d'un combat perdu, dont les faits d'armes continuent de nourrir, aujourd'hui encore, le romantisme révolutionnaire. Un récit intense et détaillé, porté par de poignantes archives, dont nombre des images magnifiques de Robert Capa et de Gerda Taro, qui mourra avant la défaite finale, à 27 ans, écrasée accidentellement par un char républicain ».
« Quand je pense à la quantité de gens extraordinaires que j'ai connus et qui sont morts dans cette guerre, avait-elle écrit peu de temps auparavant, j'ai le sentiment absurde que ce n'est vraiment pas juste d'être encore en vie », a écrit la photographe juive Gerda Taro (1910-1937).
Le 18 décembre 2017, Claude Sitbon a écrit sur sa page Facebook, en partageant mon article : "Savez-vous qu'un Goulettois [habitant de La Goulette, cité méditerranéenne située près de Tunis, en Tunisie, Nda] Charles L'Espagnol était membre des Brigades internationales" ?
Le festival international du film d'histoire de Pessac présenta le 24 novembre 2018 à 18 h 15 « La tragédie des Brigades Internationales », documentaire intéressant de Patrick Rotman.
"Pendant la guerre d’Espagne, de 1936 à 1939, des volontaires affluent du monde entier pour défendre la jeune République, menacée par le putsch de Franco, lui-même soutenu par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. Quelques 35 000 hommes, venus d’une cinquantaine de pays, vont s’engager dans des combats de plus en plus désespérés…"
« Il y a deux manières d’évoquer l’épopée des Brigades internationales. La première est de décrire des unités de volontaires dirigées par des chefs staliniens sanguinaires occupés à faire fusiller leurs propres troupes ou à assassiner trotskistes ou anarchistes en trahissant l’élan de la révolution sociale. La seconde consiste à saluer ces brigadistes comme les derniers représentants d’une utopie communiste en train de sombrer dans la nuit stalinienne, des héros de la lutte antifasciste, premiers engagés dans cet épisode préfigurant la seconde guerre mondiale.
Patrick Rotman a manifestement hésité entre les deux options pour finir par se rallier à la deuxième. À raison, car les travaux d’historiens comme Paul Preston (Une guerre d’extermination. Espagne 1936–1940, Belin, 2016) ou Rémi Skoutelsky (L’Espoir guidait leurs pas, Grasset, 1998) ont tordu le cou aux mensonges de la propagande franquiste ou aux approximations provenant de certains témoignages.
Le récit des trois années de guerre est classique, expliquant pas à pas le coup d’État militaire de juillet 1936, l’aide immédiate aux putschistes, apportée par Hitler et Mussolini, la révolution sociale menée par les anarcho-syndicalistes de la CNT, la guerre menée par des milices mal équipées contre une armée professionnelle. Sans omettre le rôle mortifère des espions soviétiques, la violence des premiers mois du côté républicain et celle qui deviendra un véritable système de terreur du côté franquiste. Pour aboutir à la décision de recruter des volontaires étrangers, prise par l’Internationale communiste en septembre, qui va mener à l’engagement des premières Brigades internationales pour défendre Madrid en novembre.
D’Albacete, où ils sont armés et entraînés à toutes les grandes batailles, on suit de manière très réaliste ces unités étrangères. Le point d’orgue étant la bataille de Guadalajara où s’affrontent les soldats de Mussolini et les volontaires italiens de la brigade Garibaldi. Toujours engagées en première ligne, voire sacrifiées, les Brigades internationales subiront des pertes terribles entraînant mutineries et désertions bien expliquées dans le documentaire avec cependant des exagérations : on n’abattait pas des brigadistes d’une balle dans la tête sur le front.
Le documentaire se termine avec l’incarcération des derniers brigadistes en 1939, dans des camps d’internement français. Pour justifier son titre, le réalisateur aurait pu évoquer la répression féroce que subiront ses hommes aux Etats-Unis avec le maccarthysme, en Suisse, où on leur retirera la nationalité, en Tchécoslovaquie ou en Hongrie, où ils seront broyés dans des procès staliniens, en Pologne, où ils subiront de honteuses campagnes antisémites. Et leur rôle essentiel dans la résistance au nazisme, en France et ailleurs. » – Le Monde
Co-auteur avec Jean Lacouture d’une biographie sur François Mitterrand, Patrick Rotman a poursuivi une carrière solo en présentant une émission historique télévisée Les Brûlures de l’Histoire. Et a réussi à générer une économie d’auteur de gauche reposant sur trois principaux piliers : l’édition – directeur de collection et auteur aux éditions du Seuil -, le service public audiovisuel – coproducteur et diffuseur de documentaires ou téléfilms -, et la société Kuiv Productions dirigée par Michel Rotman.
En 2011, est sorti le film La Conquête réalisé par Xavier Durringer sur un scénario de Patrick Rotman. L’ascension politique de Nicolas Sarkozy de 2002 et 2007, ses problèmes conjugaux, ses rivaux... Las, éclate l’affaire Dominique Strauss-Kahn, impliqué dans une agression sexuelle de Nafissatou Diallo, femme de chambre à l’hôtel Sofitel de New York. Une histoire aux nombreux rebondissements qui a intéressé davantage les spectateurs français.
Trois totalitarismes
Pourquoi l’intérêt de Patrick Rotman pour la Guerre d’Espagne au travers du prisme des « combats tragiques des Brigades internationales contre le fascisme » ? « C’est un conflit oublié, mais fondamental. Je le vois comme une antichambre de la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle interviennent toutes les grandes puissances, mais aussi comme un conflit symbolique entre le bien et le mal, ou, pour le dire abruptement, entre les brigades du sacrifice. La guerre d’Espagne a longtemps marqué l’imaginaire de la gauche française, avant d’être peu à peu effacée de la mémoire collective. C’est pourquoi j’ai voulu la faire revivre avec des images rares, étonnantes, émouvantes. La guerre d’Espagne symbolise toute la tragédie du XXe siècle : le triomphe des totalitarismes », a expliqué Patrick Rotman à Emmanuel Raspiengeas.
Et de préciser : « Ce qui m’intéressait, c’était de revenir sur cette vision mythologique, de montrer la réalité de ce conflit, qui fut aussi l’affrontement des deux totalitarismes du XXe siècle, le communisme et le nazisme. Sans oublier ce que l’on peut appeler « une guerre civile dans la guerre civile », c’est-à-dire la prise de pouvoir par les communistes dans le camp républicain. J’ai souhaité dépasser la grande chanson de geste qu’a représenté la guerre d’Espagne, en me focalisant sur le trajet héroïque des Brigades internationales ».
Qui étaient ces Brigades internationales ? « Trente-cinq à quarante mille hommes et femmes venus de tous les pays. Les Brigades étaient entièrement organisées par l’Internationale communiste, qui les armait. Elles ont été envoyées dans tous les combats, sans aucun souci de préserver des vies humaines, ce qui a provoqué des pertes énormes : près d’un tiers des effectifs. J’ai voulu montrer la contradiction entre l’idéal magnifique de ces hommes et la terrible finalité de leur combat contre le fascisme, qui se soldera par un échec militaire et politique. Après la défaite, ceux qui étaient issus d’Europe de l’Est, les Polonais, les Allemands, les Yougoslaves, n’ont pas pu rentrer dans leurs pays, alors sous dictature nazie ou communiste. Ils furent parqués dans des camps en France, où ils ont appris la signature du pacte germano-soviétique… Une effroyable fin de parcours. Certains furent ensuite livrés à la Gestapo, pendant que d’autres parvinrent à entrer dans la Résistance. D’autres encore furent victimes de procès staliniens en Hongrie ou en Tchécoslovaquie ».
Hormis l’Union soviétique, quel autre pays en 1939 était sous férule communiste ?
Si la guerre d’Espagne est une « antichambre de la Seconde Guerre mondiale », alors la guerre d’Indépendance d’Israël est un épilogue de ce conflit. Des nazis ont combattu dans les rangs des pays et entité Arabes contre le jeune Etat Juif renaissant pour lequel ont lutté des sabras, des survivants de la Shoah, des volontaires, juifs et non juifs, venant du monde entier. Un thème rarement évoqué dans des documentaires.
En 2015, le rappel par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu des liens entre le grand mufti de Jérusalem Mohammed al-Husseini et le Führer Adolf Hitler, ainsi que l’implication du mentor d’Arafat dans la Shoah ont soulevé une polémique mondiale. Un « non-sujet » pour Patrick Rotman et Kuiv Productions ? Le service public audiovisuel, en l’occurrence Arte, n’accepterait-il les projets de documentaristes juifs que sur des thèmes « politiquement corrects » ? Pourtant le combat d'Israël contre les nazislamistes visant à sa destruction n'est-il pas un "conflit symbolique entre le bien et le mal".
Que risquerait Patrick Rotman à traiter de sujets cruciaux contemporains, telles l’affaire al Dura ou les spoliations actuelles de Français juifs ?
Patrick Rotman souligne l'implication de l'Eglise catholique en faveur des mutins. Quid des imams à l'égard des soldats rifains ? Quels liens entre ces derniers et leurs homologues allemands et italiens ? Qui étaient les milliers de volontaires - irlandais, marocains, russes blancs - engagés au côté du général Franco contre la république espagnole, et quelles étaient leurs motivations ?
Patrick Rotman élude aussi le caractère juif de nombreux volontaires des Brigades internationales à "l'entrainement sommaire". Pourquoi ?
Les Juifs engagés dans les Brigades internationales ont représenté plus de 10%, entre 6 000 et 8 000, soit un tiers des Américains, un cinquième des Britanniques et la moitié des Polonais. Venus essentiellement de Pologne, des Etats-Unis, de France, d’Eretz Israël, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, de Belgique, de Hongrie, du Canada et d’URSS, ils s’appelaient Shimon Avidan, Fernando Gerassi, David Guest, Artur Kerschner, Sam Levinger, Bert « Yank » Levy, George Nathan, Alfred Sherman, Drago Štajnberger, Máté Zalka. Dans le Bataillon Palafox, la Compagnie Naftali Botwin, créée en décembre 1937, était composée entièrement de combattants juifs. En outre, on évalue à 70% la part du personnel médical volontaire pour soigner les blessés à être juive. Le rôle des Juifs a été longtemps marginalisé en raison, selon l’historien Martin Sugarman, des « gardiens de la mémoire » staliniens.
"Pour beaucoup, le mythe des Brigades internationales reste aujourd'hui encore intact. Et pourtant, derrière l'aventure héroïque de milliers de volontaires venus de tous les pays au secours de la République espagnole, se cache une autre vérité, déconcertante et douloureuse, que révèle ce témoignage sauvé de l'oubli. Sygmunt Stein, militant communiste juif en Tchécoslovaquie, bouleversé par les procès de Moscou qui ébranlent sa foi révolutionnaire, va chercher en Espagne l'étincelle qui ranimera ses idéaux. Mais arrivé à Albacete, siège des Brigades internationales, il se voit nommé commissaire de la propagande, poste où il découvre jour après jour l'étendue de l'imposture stalinienne. Très vite, la réalité s'impose à lui : "La Russie craignait d'avoir une république démocratique victorieuse en Europe occidentale, et sabotait pour cette raison le duel sanglant entre les forces démocratiques et le fascisme." Tout ce qu'il croyait combattre dans le franquisme, à commencer par l'antisémitisme, il le retrouve dans son propre camp. La déception est à la mesure de l'espoir qui l'avait mené en Espagne: immense. Affecté par la suite à la compagnie juive Botwin, il sera envoyé au front pour servir de chair à canon. Des exécutions arbitraires du "boucher d'Albacete", André Marty, aux banquets orgiaques des commissaires politiques, en passant par les mensonges meurtriers de la propagande soviétique, Sygmunt Stein dénonce violemment dans son livre Ma guerre d'Espagne : Brigades internationales : la fin d'un mythe, écrit en yiddish dans les années 1950, et resté inédit en français, la légende dorée des Brigades internationales".
A la rigueur, l’engagement de volontaires internationaux auprès des combattants Kurdes pourrait présenter des points communs avec les Brigades internationales.
Épopée
« À travers de poignantes archives, Patrick Rotman retrace l'histoire des trente-cinq mille volontaires venus du monde entier combattre le franquisme, défendre la jeune République, menacée par le putsch de Franco, lui-même soutenu d'emblée par l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste, dans la guerre civile espagnole (1936-1939) ».
L'armée d'Espagne au Maroc compte 40 000 hommes. Le Pronunciamento échoue, mais environ un quart du territoire espagnol est régi par le golpe rebelle dirigé par le général Franco. Bastion anarchiste, la Catalogne, fidèle à la République, résiste. A l'été 1936, c'est l'effervescence révolutionnaire. La Terreur rouge cause des milliers de morts. L'objectif : la révolution. Des milliers d'exploitations agricoles sont collectivisées, 18 000 usines sont occupées, des banques sont pillées. La propriété est confisquée, grande ou petite (magasins de coiffure). Pour le quotidien populaire L'Intransigeant, Antoine de Saint-Exupéry couvre la guerre, et les exécutions. Sur le front d'Aragon, les photographes Robert Capa et Gerda Taro informent sur ce conflit dans lequel l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste interviennent de manière décisive au profit des mutins. Du sud de l'Espagne, les mutins débutent la Reconquête avec comme cri : "Viva la muerte" ("Vive la mort"). Les partisans de la République leur opposeront ¡No pasarán! (« Ils ne passeront pas ! »).
Un "pacte de neutralité" unit les puissances européennes, dont la Grande-Bretagne et l'Union soviétique, pour ne pas s'ingérer dans ce conflit. Grâce à Jean Moulin, des avions français sont acheminés vers la république espagnole avant l'entrée en vigueur de ce pacte. Les "avions de Malraux (Escadrile España) s'opposent à la remontée de l'armée d'Afrique de Franco". Ce qui inspire L'Espoir de Malraux. Les risques évidents incitent Staline à délaisser l'attentisme. En septembre 1936, l'URSS aide la République en lui livrant des armes et envoyant des agents de renseignements. En échange de cette aide militaire, la République lui livre l'or de la banque d'Espagne.
« Ouvriers parisiens, militants tchèques et britanniques, dockers new-yorkais, mineurs polonais ou anglais, militants antifascistes allemands", dont Willy Brandt, "et communistes italiens... : en tout, quelque trente-cinq mille hommes, venus d'une cinquantaine de pays, vont combattre sur tous les fronts de la guerre, souvent en première ligne et sans aucune formation, dans des batailles de plus en plus désespérées, pour défendre la République menacée par le putsch de Franco ».
Ces volontaires « répondent à l'appel lancé sous l'égide de Moscou par l'Internationale communiste, alors que les démocraties occidentales ont décidé de ne pas intervenir ».
Ils « ont entendu également les plaidoyers d'André Malraux et de George Orwell, engagés dès la première heure, l'écrivain français à la tête d'une escadrille aérienne, l'Anglais au sein du Poum (Parti ouvrier unifié marxiste, antistalinien) ».
Ils « ont peut-être vu aussi les clichés incroyables qu'un couple de jeunes photographes, Gerta Pohorylle et Endre Friedmann, alias Gerda Taro et Robert Capa, expédient jour après jour du front ». A Madrid, comme les écrivains - Hemingway, Dos Passos - et correspondants de guerre - Mikhaïl Koltsov de la Pravda, Geoffrey Cox du News Chronicle, Henry Buckley, du Daily Telegraph, Ksawery Pruszynski, de la revue polonaise Wiadomosci Lireackie, Herbert L. Matthews du New York Times -, ils séjournent à l'hôtel Florida.
Certains volontaires des Brigades internationales ont rejoint les Olympiades populaires à Barcelone, et sont demeurés en Espagne après leur annulation causée par le soulèvement militaire du général Franco, après son pronunciamento du 18 juillet 1936. « Nous étions venus défier le fascisme sur un stade et l'occasion nous fut donnée de le combattre tout court ». Footballeur juif polonais d'Anvers, Emmanuel Mincq rejoint le Bataillon Thälmann et co-dirigera la Brigade Dombrosky. Après la fin de la guerre en 1939, il est interné dans des camps français à Argelès, Le Vernet, Gurs.
Comme ces volontaires, les « écrivains Ernest Hemingway, John Dos Passos, Gustave Regler ou le documentariste Joris Ivens vont aussi contribuer à exalter la résistance héroïque du peuple espagnol, face à une armée franquiste bien supérieure en nombre et surarmée, qui multiplie les massacres au fil de ses victoires ».
« À leurs côtés, le correspondant de la Pravda, Mikhaïl Koltsov, informe aussi le NKVD... »
« Dès 1937, les Soviétiques, affirmant leur emprise sur le camp républicain, agissent en effet en Espagne comme à domicile, arrêtant, torturant, exécutant tous ceux qui s'opposent au stalinisme. Les militants anarchistes et libertaires, parmi lesquels figurent nombre de brigadistes, se retrouvent pris ainsi entre deux feux totalitaires ».
Ce « film raconte l’histoire des Brigades internationales qui se confond avec celle de la guerre d’Espagne : la guerre civile, les événements militaires, les affrontements dans le camp républicain, la révolution sociale, l’internationalisation du conflit, les raisons de la défaite, l’engagement des intellectuels et artistes comme André Malraux, Ernest Hemingway, Robert Capa, Dos Passos ou l’écrivain allemand Gustave Regler », ses figures telle Dolores Ibárruri Gómez, alias la Pasionara.
Le 28 octobre 1938, les Brigades internationales défilent à Barcelone dans une revue d’adieu en présence du gouvernement espagnol et de « représentants des partis politiques ». Le Desfilado.
Des « images rares, voire inédites, recherchées dans une quinzaine de pays retracent, de l’enthousiasme à la désillusion, l’épopée tragique des volontaires internationaux venus mêler leur destin à celui du peuple espagnol, dans l’éclatante lumière de l’héroïsme fraternel et la pénombre des crimes et des liquidations ».
« Restituant à la fois destins individuels et complexité historique, Patrick Rotman retrace ces trois années d'un combat perdu, dont les faits d'armes continuent de nourrir, aujourd'hui encore, le romantisme révolutionnaire. Un récit intense et détaillé, porté par de poignantes archives, dont nombre des images magnifiques de Robert Capa et de Gerda Taro, qui mourra avant la défaite finale, à 27 ans, écrasée accidentellement par un char républicain ».
« Quand je pense à la quantité de gens extraordinaires que j'ai connus et qui sont morts dans cette guerre, avait-elle écrit peu de temps auparavant, j'ai le sentiment absurde que ce n'est vraiment pas juste d'être encore en vie », a écrit la photographe juive Gerda Taro (1910-1937).
Le 18 décembre 2017, Claude Sitbon a écrit sur sa page Facebook, en partageant mon article : "Savez-vous qu'un Goulettois [habitant de La Goulette, cité méditerranéenne située près de Tunis, en Tunisie, Nda] Charles L'Espagnol était membre des Brigades internationales" ?
Le festival international du film d'histoire de Pessac présenta le 24 novembre 2018 à 18 h 15 « La tragédie des Brigades Internationales », documentaire intéressant de Patrick Rotman.
"Pendant la guerre d’Espagne, de 1936 à 1939, des volontaires affluent du monde entier pour défendre la jeune République, menacée par le putsch de Franco, lui-même soutenu par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. Quelques 35 000 hommes, venus d’une cinquantaine de pays, vont s’engager dans des combats de plus en plus désespérés…"
« Il y a deux manières d’évoquer l’épopée des Brigades internationales. La première est de décrire des unités de volontaires dirigées par des chefs staliniens sanguinaires occupés à faire fusiller leurs propres troupes ou à assassiner trotskistes ou anarchistes en trahissant l’élan de la révolution sociale. La seconde consiste à saluer ces brigadistes comme les derniers représentants d’une utopie communiste en train de sombrer dans la nuit stalinienne, des héros de la lutte antifasciste, premiers engagés dans cet épisode préfigurant la seconde guerre mondiale.
Patrick Rotman a manifestement hésité entre les deux options pour finir par se rallier à la deuxième. À raison, car les travaux d’historiens comme Paul Preston (Une guerre d’extermination. Espagne 1936–1940, Belin, 2016) ou Rémi Skoutelsky (L’Espoir guidait leurs pas, Grasset, 1998) ont tordu le cou aux mensonges de la propagande franquiste ou aux approximations provenant de certains témoignages.
Le récit des trois années de guerre est classique, expliquant pas à pas le coup d’État militaire de juillet 1936, l’aide immédiate aux putschistes, apportée par Hitler et Mussolini, la révolution sociale menée par les anarcho-syndicalistes de la CNT, la guerre menée par des milices mal équipées contre une armée professionnelle. Sans omettre le rôle mortifère des espions soviétiques, la violence des premiers mois du côté républicain et celle qui deviendra un véritable système de terreur du côté franquiste. Pour aboutir à la décision de recruter des volontaires étrangers, prise par l’Internationale communiste en septembre, qui va mener à l’engagement des premières Brigades internationales pour défendre Madrid en novembre.
D’Albacete, où ils sont armés et entraînés à toutes les grandes batailles, on suit de manière très réaliste ces unités étrangères. Le point d’orgue étant la bataille de Guadalajara où s’affrontent les soldats de Mussolini et les volontaires italiens de la brigade Garibaldi. Toujours engagées en première ligne, voire sacrifiées, les Brigades internationales subiront des pertes terribles entraînant mutineries et désertions bien expliquées dans le documentaire avec cependant des exagérations : on n’abattait pas des brigadistes d’une balle dans la tête sur le front.
Le documentaire se termine avec l’incarcération des derniers brigadistes en 1939, dans des camps d’internement français. Pour justifier son titre, le réalisateur aurait pu évoquer la répression féroce que subiront ses hommes aux Etats-Unis avec le maccarthysme, en Suisse, où on leur retirera la nationalité, en Tchécoslovaquie ou en Hongrie, où ils seront broyés dans des procès staliniens, en Pologne, où ils subiront de honteuses campagnes antisémites. Et leur rôle essentiel dans la résistance au nazisme, en France et ailleurs. » – Le Monde
"L'Héritage de la Guerre civile"
Arte diffusera le 30 mai 2019 le cinquième volet de l'"Espagne, l'histoire vue du ciel (Spanien von oben - Geschichte(n) eines Landes), "L'héritage de la Guerre civile" (Das Erbe des Bürgerkriegs) de Mike Magidson. "En cinq thématiques, l'Espagne vue du ciel, à la recherche des empreintes que l’histoire a laissées sur les hommes et les paysages. Dans ce numéro : la guerre civile qui a déchiré l'Espagne entre 1936 et 1939 a laissé de nombreuses traces dans le paysage, qui ont fait récemment l'objet de vifs débats au sein de la population du pays."
"Si plusieurs statues du général Franco ont été cachées ou détruites et la nomenclature des rues transformée après 1975, d'autres monuments continuent de commémorer le Caudillo, ses alliés et ses victoires. Ces dernières années, le gouvernement a même révélé, sous l'impulsion du juge Garzon, l'existence d'immenses fosses communes où seraient enterrées jusqu'à 110 000 victimes des exactions du régime franquiste."
Arte diffusera le 30 mai 2019 le cinquième volet de l'"Espagne, l'histoire vue du ciel (Spanien von oben - Geschichte(n) eines Landes), "L'héritage de la Guerre civile" (Das Erbe des Bürgerkriegs) de Mike Magidson. "En cinq thématiques, l'Espagne vue du ciel, à la recherche des empreintes que l’histoire a laissées sur les hommes et les paysages. Dans ce numéro : la guerre civile qui a déchiré l'Espagne entre 1936 et 1939 a laissé de nombreuses traces dans le paysage, qui ont fait récemment l'objet de vifs débats au sein de la population du pays."
"Si plusieurs statues du général Franco ont été cachées ou détruites et la nomenclature des rues transformée après 1975, d'autres monuments continuent de commémorer le Caudillo, ses alliés et ses victoires. Ces dernières années, le gouvernement a même révélé, sous l'impulsion du juge Garzon, l'existence d'immenses fosses communes où seraient enterrées jusqu'à 110 000 victimes des exactions du régime franquiste."
LA GUERRE D’ESPAGNE
LES DATES CLÉS
« 1936
Février
Le Front Populaire remporte les élections législatives
17-18 juillet
À l’appel du général Franco, soulèvement de garnisons de l’armée. Une véritable insurrection populaire répond au coup de force des troupes rebelles. Au soir du 20 juillet, un tiers du territoire espagnol est sous la domination des franquistes.
Juillet-Août
La sédition militaire précipite la Révolution. L’État se décompose en quelques jours. Dans un désordre absolu, débute une période de terreur rouge.
La terreur blanche répond à la terreur rouge. Début août, à Londres, un pacte de non-intervention est décidé entre les principales puissances européennes.
Hitler et Mussolini de leur côté, apportent un soutien décisif à Franco.
Septembre-Octobre
L’URSS décide d’aider la République espagnole en lui fournissant matériel militaires et instructeurs. Au total sur l’ensemble de la guerre civile, 650 avions, 347 chars et 20 000 mitrailleuses sont fournis par l’Union soviétique. En échange, le gouvernement espagnol livre à Moscou l’or de la Banque d’Espagne.
Les premiers groupes de brigadistes internationaux arrivent début octobre.
Novembre
Début de la bataille de Madrid.
Décembre
Devant la résistance acharnée de Madrid, Franco renonce à prendre la capitale par une offensive frontale.
1937
Février
BATAILLE DE JARAMA
Franco n’a pu prendre Madrid mais l’encercle pour l’isoler de ses bases de ravitaillement.
Le 6 février, il lance sur un front de 18 km une attaque en tenaille au sud-est de Madrid à travers la rivière Jarama pour couper la route de Valence à Madrid.
Les franquistes disposent de 40 000 hommes et d’une centaine de blindés.
Le front finit pas se stabiliser. Les deux camps ont subi des pertes considérables, autour de 10 000 hommes chacun.
Mars
BATAILLE DE GUADALAJARA
Le 8 mars, 35 000 soldats italiens attaquent avec une division blindée et foncent à travers les lignes républicaines.
Les Républicains brisent l’offensive italienne et contre-attaquent. La victoire de Guadalajara à laquelle les Brigades Internationales ont largement contribué, redonne espoir au camp républicain.
Avril
Le 25 avril, 43 avions de la Légion Condor bombardent une petite ville basque de 7 000 habitants, Guernica. 1654 morts et 800 blessés". Cette tragédie inspire à Pablo Picasso son célèbre tableau Guernica, montré au Pavillon espagnole de l'Exposition universelle à Paris.
"Mai
Le 3 mai, des gardes d’assaut tentent de reprendre, place de la Catalogne, le contrôle du Central Téléphonique de Barcelone gardé depuis juillet 36 par les miliciens anarchistes. Cette attaque met le feu aux poudres dans le camp républicain.
En quelques heures, la ville se couvre de barricades. Les affrontements de Barcelone s’achèvent par la victoire totale des communistes sur les autres courants du camp républicain.
Juin
CHUTE DE BILBAO
Juillet
BATAILLE DE BRUNETE
L’état-major républicain déclenche le 6 juillet, l’offensive, la plus importante depuis le début de la guerre. L’objectif, a été choisi par les conseillers soviétiques : c’est Brunete un village à vingt kilomètres à l’ouest de Madrid. 70 000 hommes participent à l’opération. Cinq Brigades Internationales se voient attribuer le rôle clef dans cette bataille qui doit desserrer l’étau autour de la capitale.
La grande offensive de la République sur Brunete, s’achève par un revers majeur, la destruction des meilleures troupes.
23 000 combattants républicains y laissent leur vie.
1938
Janvier-Février
BATAILLE DE TERUEL
Mais Franco ordonne de ramener des troupes fraîches et lance la contre attaque.
75 000 soldats nationalistes partent à l’assaut des positions républicaines. Teruel est reprise par les franquistes en février.
Mars
OFFENSIVE NATIONALISTE EN ARAGON
Le 9 mars, 150 000 soldats nationalistes appuyés par 200 chars, 600 avions, 700 canons attaquent sur 100 km de front une armée républicaine à bout de forces. Le front est rompu.
L’offensive nationaliste progresse de manière spectaculaire et atteint la Méditerranée. Ce qui reste du territoire républicain est coupé en deux.
Juillet-Novembre
BATAILLE DE L’EBRE
A l’aube du 25 juillet 1938, les troupes républicaines commencent à traverser l’Ebre. Au bout d’une semaine, le 1er août, l’offensive est brisée. Après 100 jours de combats terribles, les troupes républicaines pilonnées par plus de 300 avions, repassent l’Ebre. Les survivants retrouvent leurs positions de départ. 70 000 Républicains ont été mis hors de combat, (60 000 du côté nationaliste).
Octobre
RETRAIT DES BRIGADES INTERNATIONALES
Le 28 octobre 1938, c’est la Despedida, le défilé des adieux. Deux ans presque jour pour jour après leur arrivée triomphale, les Brigades internationales défilent sur l’avenue Diagonal en plein cœur de Barcelone.
1939
Janvier
CHUTE DE BARCELONE
Le 26 janvier 1939, les troupes de Franco entrent dans Barcelone. Les restes de l’armée républicaine franchissent la frontière française et rendent les armes.
500 000 Espagnols fuient vers la France en un lamentable cortège de réfugiés. La guerre d’Espagne est finie ».
« La tragédie des Brigades Internationales », écrit et réalisé par Patrick Rotman
Art Francee, Kuiv Productions, France Télévisions , France 3, France, 2016, 101 min
Sur Arte les 25 octobre à 20 h 50 et 7 novembre 2016 à 9 h 25, 19 décembre 2017 à 20 h 50
Visuels : © KUIV PRODUCTIONS
"L'héritage de la Guerre civile" de Mike Magidson
France, 2019, 27 min
Sur Arte le 30 mai 2019 à 6 h 40
Visuels :
Valle de Los Caidos, mausolée monumental de l'époque franquiste, situé dans la vallée de Cuelgamuros, proche de la capitale Madrid
Les restes du village de Belchite et de son église détruits pendant la guerre d'Espagne (bataille de Belchite) en oût et septembre 1937
Credit : © Point du Jour
Articles in English
Les citations et la chronologie sont d'Arte. Cet article a été publié le 23 octobre 2016, puis les 19 décembre 2017 et 23 novembre 2018.
Les citations et la chronologie sont d'Arte. Cet article a été publié le 23 octobre 2016, puis les 19 décembre 2017 et 23 novembre 2018.