Né en 1983, JR, pour Jean René, est un artiste français multimédia qui serait d’origine juive tunisienne.
JR, un clin d’œil à J.R. Ewing, personnage méchant et principal de la série télévisée américaine Dallas diffusée en France dans les années 1980 et dont l'intrigue évoquait une riche famille texane d'exploitants pétroliers vivant dans un ranch.
JR "possède la plus grande galerie d’art au monde. Grâce à la technique du collage photographique il expose librement sur les murs du monde entier, attirant ainsi l'attention de ceux qui ne fréquentent pas les musées habituellement."
"Après avoir trouvé un appareil photo dans le métro parisien en 2001, il parcourt l’Europe à la rencontre de ceux qui s’expriment sur les murs et les façades qui structurent les villes, et colle leurs portraits dans les rues, les sous sols et les toits de Paris."
"Entre 2004 et 2006, il réalise Portrait d'une Génération : des portraits de jeunes de banlieue qu'il expose, en très grand format, dans les quartiers bourgeois de Paris."
"En 2007, avec Marco il réalise Face 2 Face, la plus grande expo photo illégale jamais créée. JR affiche d’immenses portraits d’Israéliens et de Palestiniens face à face dans huit villes palestiniennes et israéliennes et de part et d’autre de la barrière de sécurité."
"En 2008, JR part pour un périple international à l'occasion de Women are Heroes, un projet dans lequel il souligne la dignité des femmes qui sont souvent les cibles de conflits. À la même période, il met en place le projet The Wrinkles of the City. Les actions de ce projet visent à révéler l'histoire et la mémoire d'un pays à travers les rides de ses habitants. L’artiste choisit des villes ayant connu des bouleversements tel que Carthagène en Espagne, Shanghai, Los Angeles, La Havane, Berlin et Istanbul."
"En 2010, son film Women Are Heroes est présenté au festival de Cannes en compétition pour la Caméra d'Or. La même année, il crée Unframed, un projet dans lequel il utilise des images qui ne sont pas les siennes, par des photographes connus ou non, qu’il recadre dans un nouveau contexte, à une échelle plus grande, leur donnant un nouveau sens."
"En 2011, il reçoit le Ted Prize qui lui offre la possibilité de formuler "Un vœu pour changer le monde". Il crée Inside Out, un projet d'art participatif international qui permet aux personnes du monde entier de recevoir leur portrait puis de le coller pour soutenir une idée, un projet, une action et de partager cette expérience. En décembre 2016, plus de 320,000 personnes dans plus de 139 pays ont participé au projet, par courrier ou via des cabines photographiques géantes installées dans des musées ou les rues du monde entier, de Times Square à Fukushima."
En 2014, JR "conclut Women Are Heroes en collant un regard de femme sur un porte-conteneurs qui part du Havre pour rejoindre la Malaisie".
"En collaboration avec le New York City Ballet, il utilise le langage du ballet pour raconter son histoire des émeutes des banlieues françaises de 2005, et crée « Les Bosquets », un ballet et court-métrage éponyme, dont la musique est composée par Woodkid, Hans Zimmer et Pharrell Williams, et qui est présenté au Tribeca Film Festival."
"En 2014 encore, il crée une installation avec 4,000 visages sur le dôme du Panthéon à Paris, et à l’intérieur du monument. Cette notion de foule sera reprise lors d’une installation video projection au CAC Malaga, puis sur la façade de l’Assemblée Nationale et d’autres monuments parisiens au moment du sommet COP 21, fin 2015."
"Au même moment, JR travaille dans l’hôpital abandonné d’Ellis Island, un chapitre important dans l’histoire de l’immigration – et réalise le court-métrage ELLIS, avec Robert De Niro."
En 2016, JR "est invité par le Louvre, et il fait disparaître la pyramide à l’aide d’une surprenante anamorphose."
"Pendant les Jeux Olympiques de Rio, il crée de nouvelles installations sculpturales gigantesques, à l’échelle de la ville, à l’aide d’échafaudages, pour souligner la beauté du geste sportif".
Ses "projets récents incluent une exposition dédiée aux enfants au Centre Pompidou, une collaboration permanente avec les artistes brésiliens Os Gemeos au Palais de Tokyo, dans un espace utilisé pour stocker les pianos volés pendant l’Occupation, et un film avec Agnès Varda, co-réalisant un long-métrage avec cette icône de la Nouvelle Vague, pour confronter leurs visions lors d’un long voyage au cœur de la France à la rencontre des habitants."
JR "crée un « art infiltrant » qui s'affiche sur les immeubles des banlieues parisiennes, sur les murs du Moyen-Orient, sur les ponts brisés d'Afrique ou dans les favelas, au Brésil. Lors des actions de collage, les communautés participent au processus artistique. Au Brésil par exemple, des enfants se transforment en artistes pour une semaine. Dans ces actions artistiques, aucune scène ne sépare les acteurs des spectateurs."
"L'anonymat de JR et l'absence d'explication accompagnant ses immenses portraits lui permet de laisser un espace libre pour une rencontre entre un sujet/acteur et un passant/interprète, ce qui constitue l'essence de son œuvre. C'est sur cela que JR travaille, poser des questions..."
JR "est représenté par la galerie Perrotin : il a réalisé plusieurs expositions à Paris, Hong-Kong, Miami, et New York. JR est également représenté par Lazarides à Londres, Magda Danysz à Shanghai, Simon Studer Art à Genève et Springmann Gallery à Berlin."
"En 2013, les premières rétrospectives du travail de JR ont eu lieu à Tokyo (au musée Watari-Um) et au CAC de Cincinnati, suivies d’expositions au musée Frieder Burda de Baden Baden en 2014, et HOCA Foundation à Hong-Kong en 2015."
Le succès de JR s'explique peut-être par le nombrilisme des individus, une exacerbation d'egos aimant se voir (vogue des selfies) et participer à l'oeuvre, et le faible savoir artistique des publics.
JR, un clin d’œil à J.R. Ewing, personnage méchant et principal de la série télévisée américaine Dallas diffusée en France dans les années 1980 et dont l'intrigue évoquait une riche famille texane d'exploitants pétroliers vivant dans un ranch.
JR "possède la plus grande galerie d’art au monde. Grâce à la technique du collage photographique il expose librement sur les murs du monde entier, attirant ainsi l'attention de ceux qui ne fréquentent pas les musées habituellement."
"Après avoir trouvé un appareil photo dans le métro parisien en 2001, il parcourt l’Europe à la rencontre de ceux qui s’expriment sur les murs et les façades qui structurent les villes, et colle leurs portraits dans les rues, les sous sols et les toits de Paris."
"Entre 2004 et 2006, il réalise Portrait d'une Génération : des portraits de jeunes de banlieue qu'il expose, en très grand format, dans les quartiers bourgeois de Paris."
"En 2007, avec Marco il réalise Face 2 Face, la plus grande expo photo illégale jamais créée. JR affiche d’immenses portraits d’Israéliens et de Palestiniens face à face dans huit villes palestiniennes et israéliennes et de part et d’autre de la barrière de sécurité."
"En 2008, JR part pour un périple international à l'occasion de Women are Heroes, un projet dans lequel il souligne la dignité des femmes qui sont souvent les cibles de conflits. À la même période, il met en place le projet The Wrinkles of the City. Les actions de ce projet visent à révéler l'histoire et la mémoire d'un pays à travers les rides de ses habitants. L’artiste choisit des villes ayant connu des bouleversements tel que Carthagène en Espagne, Shanghai, Los Angeles, La Havane, Berlin et Istanbul."
"En 2010, son film Women Are Heroes est présenté au festival de Cannes en compétition pour la Caméra d'Or. La même année, il crée Unframed, un projet dans lequel il utilise des images qui ne sont pas les siennes, par des photographes connus ou non, qu’il recadre dans un nouveau contexte, à une échelle plus grande, leur donnant un nouveau sens."
"En 2011, il reçoit le Ted Prize qui lui offre la possibilité de formuler "Un vœu pour changer le monde". Il crée Inside Out, un projet d'art participatif international qui permet aux personnes du monde entier de recevoir leur portrait puis de le coller pour soutenir une idée, un projet, une action et de partager cette expérience. En décembre 2016, plus de 320,000 personnes dans plus de 139 pays ont participé au projet, par courrier ou via des cabines photographiques géantes installées dans des musées ou les rues du monde entier, de Times Square à Fukushima."
En 2014, JR "conclut Women Are Heroes en collant un regard de femme sur un porte-conteneurs qui part du Havre pour rejoindre la Malaisie".
"En collaboration avec le New York City Ballet, il utilise le langage du ballet pour raconter son histoire des émeutes des banlieues françaises de 2005, et crée « Les Bosquets », un ballet et court-métrage éponyme, dont la musique est composée par Woodkid, Hans Zimmer et Pharrell Williams, et qui est présenté au Tribeca Film Festival."
"En 2014 encore, il crée une installation avec 4,000 visages sur le dôme du Panthéon à Paris, et à l’intérieur du monument. Cette notion de foule sera reprise lors d’une installation video projection au CAC Malaga, puis sur la façade de l’Assemblée Nationale et d’autres monuments parisiens au moment du sommet COP 21, fin 2015."
"Au même moment, JR travaille dans l’hôpital abandonné d’Ellis Island, un chapitre important dans l’histoire de l’immigration – et réalise le court-métrage ELLIS, avec Robert De Niro."
En 2016, JR "est invité par le Louvre, et il fait disparaître la pyramide à l’aide d’une surprenante anamorphose."
"Pendant les Jeux Olympiques de Rio, il crée de nouvelles installations sculpturales gigantesques, à l’échelle de la ville, à l’aide d’échafaudages, pour souligner la beauté du geste sportif".
Ses "projets récents incluent une exposition dédiée aux enfants au Centre Pompidou, une collaboration permanente avec les artistes brésiliens Os Gemeos au Palais de Tokyo, dans un espace utilisé pour stocker les pianos volés pendant l’Occupation, et un film avec Agnès Varda, co-réalisant un long-métrage avec cette icône de la Nouvelle Vague, pour confronter leurs visions lors d’un long voyage au cœur de la France à la rencontre des habitants."
JR "crée un « art infiltrant » qui s'affiche sur les immeubles des banlieues parisiennes, sur les murs du Moyen-Orient, sur les ponts brisés d'Afrique ou dans les favelas, au Brésil. Lors des actions de collage, les communautés participent au processus artistique. Au Brésil par exemple, des enfants se transforment en artistes pour une semaine. Dans ces actions artistiques, aucune scène ne sépare les acteurs des spectateurs."
"L'anonymat de JR et l'absence d'explication accompagnant ses immenses portraits lui permet de laisser un espace libre pour une rencontre entre un sujet/acteur et un passant/interprète, ce qui constitue l'essence de son œuvre. C'est sur cela que JR travaille, poser des questions..."
JR "est représenté par la galerie Perrotin : il a réalisé plusieurs expositions à Paris, Hong-Kong, Miami, et New York. JR est également représenté par Lazarides à Londres, Magda Danysz à Shanghai, Simon Studer Art à Genève et Springmann Gallery à Berlin."
"En 2013, les premières rétrospectives du travail de JR ont eu lieu à Tokyo (au musée Watari-Um) et au CAC de Cincinnati, suivies d’expositions au musée Frieder Burda de Baden Baden en 2014, et HOCA Foundation à Hong-Kong en 2015."
Le succès de JR s'explique peut-être par le nombrilisme des individus, une exacerbation d'egos aimant se voir (vogue des selfies) et participer à l'oeuvre, et le faible savoir artistique des publics.
Face 2 Face
En 2007, « lors du projet Face 2 Face JR et Marco (Marc Berrebi) réalisent la plus grande exposition de photographie au monde. Pour ce projet, des portraits d’Israéliens et de Palestiniens sont collés face à face, dans des formats monumentaux des deux côtés du mur de séparation et dans plusieurs villes alentours ».
« Lorsque JR et Marco se sont rencontrés en 2005, ils ont décidé d'aller ensemble au Proche-Orient pour essayer de comprendre pourquoi les Palestiniens et les Israéliens ne parvenaient pas à vivre ensemble. »
« Ils ont alors traversé les villes palestiniennes et israéliennes sans beaucoup parler. En regardant simplement ce monde avec étonnement ».
« Cette région minuscule où l'on peut voir des montagnes, la mer, des déserts et des lacs, l'amour et la haine, l'espoir et le désespoir mêlés ensemble ».
« Après une semaine, ils sont arrivés à la même conclusion : ces gens se ressemblent, ils parlent presque la même langue, comme des jumeaux élevés dans des familles différentes ».
« Une religieuse a sa sœur jumelle de l'autre côté. Un fermier, un chauffeur de taxi, un professeur, a son frère jumeau en face de lui. Et il combat sans fin contre lui ».
« C'est évident, mais ils ne le voient pas ».
« JR et Marco ont donc décidé de les mettre face à face, pour qu’ils réalisent ».
« Le projet Face2Face consistait à faire des portraits de Palestiniens et d'Israéliens faisant le même métier et de les coller face à face, dans des formats géants, à des endroits inévitables, du côté israélien et du côté palestinien, pour qu'enfin, chacun rie et réfléchisse en voyant le portrait de l'autre et son propre portrait ».
« Dans un contexte sensible, il faut être clair ».
« JR et Marco sont en faveur d'une solution dans laquelle deux Etats, Israël et la Palestine, vivraient en paix à l'intérieur de frontières sûres et internationalement reconnues ».
« Tous les projets de paix discutés (Clinton/Taba, Ayalon/Nusseibeh, Accords de Genève) convergent dans la même direction. Ils peuvent donc être optimistes ».
« Face 2 Face a contribué à une meilleure compréhension entre Israéliens et Palestiniens ». On peut en douter...
« Artiviste engageant »
En 2015, JR sortait "simultanément en France deux étonnants courts-métrages inspirés du réel : Les Bosquets, qui revient sur les émeutes en banlieue de 2005, et Ellis, film hommage aux migrants. Parallèlement, la galerie Perrotin à Paris lui consacre une exposition et une monographie, L’art peut-il changer le monde ?, paraît aux éditions Phaidon. Quatre raisons pour Emmanuelle Jardonnet du Monde de rencontrer l’artiste français, désormais installé à New York, lors de son passage à Paris".
"Mes images ont été découvertes sous les feux des voitures qui brûlaient. Je les avais collées un an avant, mais elles ont été vues à travers les médias parce qu’elles étaient dans ce même quartier de Clichy-Montfermeil où les émeutes ont commencé. J’ai eu envie de marquer ces dix ans par un film qui montre mes différentes interventions sur place – à chaque fois des étapes marquantes pour moi. Par ailleurs, cela faisait longtemps que je rêvais de faire un livre qui reprenne l’ensemble des projets, pour montrer les liens entre chacun, mais les bilans se font souvent quand, comme avec ce film, je suis obligé de me dire : j’ai toutes ces images, qu’est-ce que j’ai envie de dire, comment je le dis ?", expliquait JR au Monde (2 octobre 2015).
"Je faisais partie du collectif Kourtrajmé [société de production de court-métrages et collectif d’artistes lancé en 1994], avec Ladj Ly, qui habitait aux Bosquets. On faisait des petits films ensemble, moi je faisais souvent des photos, et il me filmait en train de coller mes affiches dans Paris. Un jour, il m’a proposé de venir le faire dans son quartier. C’était des photos de communautés : des taggeurs, des danseurs de hip-hop sur les toits de Paris, des surfeurs... Les jeunes m’ont dit : pourquoi tu nous prends pas nous en photo ? C’est ce jour-là que j’ai fait la photo de Ladj braquant sa caméra comme une arme."
"Oui, ni lui ni moi ne pouvions imaginer qu’un an plus tard, cette photo allait définir ce qu’on allait devenir. Ladj a filmé les émeutes de l’intérieur, et a révélé beaucoup de bavures de police : il s’est servi de sa caméra comme d’une arme. Lors des émeutes, les médias ont retransmis dans le monde entier ce qu’il se passait, et on a eu des propositions pour travailler pour la presse, qui n’était vraiment pas la bienvenue auprès des jeunes. C’est la première fois qu’on nous proposait un job payé, mais on a refusé. Ça a été un moment charnière, puisqu’on a dû se décider à réellement devenir artistes, et à continuer à construire notre projet, avec les habitants. Les jeunes avaient pris des téléobjectifs à ceux qui tentaient de les prendre en photo, et ils me les ont apportés. Au 28 millimètres, avec mon petit appareil, pour faire un portrait, il fallait que je sois très près : ces photos étaient le contraire de photos volées. Puis on a collé ces portraits à Paris avec le nom, l’âge et l’adresse de chaque jeune. Eux qui créaient une sorte de peur générale dans les médias, devenaient tout à coup acteurs de leur image."
"Le New York City Ballet m’avait contacté pour penser à une installation dans son bâtiment. J’ai demandé au directeur, Peter Martin, si je pouvais chorégraphier quelque chose de 30 secondes ou une minute sur la scène. Il m’a regardé comme si j’étais fou… Puis on m’a proposé deux choses : de maintenir la commande initiale, et de faire un ballet de 8-9 minutes, en m’insérant dans un programme de ballets courts.
"J’avais envie de raconter l’histoire des émeutes et de Ladj. A partir de là, j’avais deux-trois mois devant moi pour monter l’écriture et la musique. Je n’ai pas voulu avoir de chorégraphe avec moi car je voulais faire mes erreurs, parler avec les danseurs et trouver un langage, même si Peter Martin m’a accompagné. Quand je disais « quelqu’un doit lancer un cocktail Molotov », je leur montrais de vraies images des émeutes, et chacun faisait une proposition. J’aime bien la création participative. On a construit tout le ballet comme ça."
"En fait, je ne m’éloigne pas du tout des sujets sur lesquels je travaille, mais je les travaille avec d’autres formes, d’autres médiums. Le ballet, c’en était une, le film de fiction, en l’occurrence une sorte de poème visuel, c’en est une autre. Le film part de l’histoire d’Ellis Island, et finit sur les migrants d’aujourd’hui. Mais dans ce film comme dans Les Bosquets, mes collages sont très présents. C’est la manière de les mettre en lumière et de raconter l’histoire autour de ces images qui change radicalement. C’est un tournant, mais je garde le même ancrage. Raconter les mêmes choses autrement, ça me permet de créer de nouveaux ponts entre des mondes. Quand j’ai montré Les Bosquets à des jeunes de Chicago, ils n’avaient jamais entendu parler de ces émeutes, mais ils ont fait le lien avec d’autres révoltes, qui ont une même base : l’envie d’exister, l’envie de reconnaissance. Elle est finalement universelle, cette envie de dignité."
"La part de doute est toujours là. Ramener des danseurs et des ballerines en tutu au milieu de Montfermeil n’était pas un pari simple, par exemple. Mais à chaque fois, je me dis que je suis prêt à prendre le risque parce que si ça marche, on aura un autre regard sur cet endroit. Et j’ai aussi une vraie envie d’aventure. Malgré les doutes, je vais pleinement là où je veux intervenir, et ce sont souvent des communautés qui me rassurent sur place, qui me disent oui, bien sûr, on le fait. Et là, je me sens en confiance."
"Une fois, j’étais intervenu dans la plus grosse prison de New York, Rikers. Et j’avais collé une photo montrant le regard très dur d’un détenu à l’extérieur. Auparavant, javais demandé aux détenus ce qu’ils voulaient que j’affiche. Ils m’avaient dit : on veut se rappeler de cet endroit comme d’un endroit terrible, violent, alors il faut mettre quelqu’un d’entre nous, mais sans que l’on puisse reconnaître qui c’est, et que ce soit un regard dur. Quand le collage s’est diffusé sur Internet, j’ai lu plein de commentaires en ligne : « Mais comment osez-vous faire ça, ces personnes sont dans une situation terrible là-bas, et vous, vous en rajoutez ! » Les gens extrapolaient. J’ai fait lire les commentaires aux détenus, et ça les a fait rire. Ils disaient : « Mais c’est qui, lui, pour nous dire ça ? »
"La curiosité, l’envie de confronter les regards, de changer les images, et moi-même de me nourrir d’images, de comprendre. Souvent, quand je pars quelque part pour un projet, j’y vais de manière très naïve, et je demande aux gens de m’expliquer. Mon éducation ne s’est faite que comme ça. Dans ces voyages, dans ces endroits. C’est aussi dû à l’arrivée des vols low cost, qui m’ont permis de voyager pour pas cher. Pareil avec le digital. Je suis arrivé à un moment où la photo s’est démocratisée. Puis le partage sur les réseaux sociaux a eu un impact énorme sur mon travail, tout est lié."
"J’aime bien « engageant », mais pas engagé. J’estime que dans l’art, on soulève des questions, mais on n’apporte pas de réponses. Je ne prends pas parole pour les gens, les communautés, je reste dans l’engageant, mon travail ne fait que leur donner une voix. À eux de la prendre, ou pas... Je me suis toujours nourri des images qui m’entouraient, et il faut pouvoir exister au milieu de ce monde de publicités, de grands écrans, etc. Je suis inspiré par ces codes, pour justement les contrer, puisque je vais utiliser tous les endroits que la publicité ne peut pas utiliser pour m’insérer dans la ville."
A New York, il faut faire quelque chose de spectaculaire pour impressionner les gens. Cette image [en avril, à Manhattan, la photo de 60 mètres d’un immigrant en train de marcher, posée au sol, n’était visible que du ciel], tout le monde a marché dessus, et personne ne l’a vue avant qu’elle fasse la couverture du New York Time Magazine. Quand je crée une image, cela fait partie de mon travail de penser la ville, l’architecture. Le choc visuel doit s’adapter en fonction des villes et des cadres de référence dans lesquels je me retrouve. Au Liberia, je pouvais coller une affiche de la taille d’une fenêtre, toute la rue s’arrêtait, il y avait un choc direct... Pour moi, l’image, ce n’est qu’une trace des discussions, des rencontres, de l’impact que cela a eu. C’est pour cela qu’il y a souvent des textes, des films, pour comprendre ce processus. Tant mieux si l’image est forte, mais je ne dis pas que les photos sont belles ou pas belles, ce n’est pas mon propos. Quand on a lancé [le projet participatif] Inside out, c’était la révolution en Tunisie, et les gens avaient déchiré des portraits du dictateur pour mettre leur photo. Les gens eux-mêmes donnent un sens au projet. C’est intéressant de voir comment ils perçoivent les images en fonction des contextes. A Cuba, où ils n’ont jamais vu une image dans la rue autre que le Che ou Fidel, et tout à coup, lorsqu’ils se retrouvent devant des portraits d’eux-mêmes en énorme, ça bouscule leur regard et leurs codes."
« L’art peut-il changer le monde ? » La première question qu’on me pose quand je vais dans toutes ces communautés, c’est : quel est le but de ce projet ? C’est très difficile d’y répondre. Je pars en tant qu’artiste faire des œuvres, je ne pars pas faire du social ou de l’humanitaire. Je vais juste coller du papier, ça ne va rien changer à la face du monde, et pourtant, en cassant les codes et les images, on peut amener à repenser la manière dont on voit l’autre. Donc quelque part, c’est un début pour changer le monde."
Refettorio Paris
En 2018, JR a co-fondé le Refettorio Paris, restaurant social et solidaire dans la crypte de l'église de la Madeleine. "La création du Refettorio Paris a été possible grâce à la coopération de différentes organisations et individus qui ont joint leurs forces et ont mis à disposition leurs compétences et expertises. L’idée du Refettorio Paris a été imaginée par Food for Soul, une association à but non lucratif fondée par le chef Massimo Bottura et Lara Gilmore pour sensibiliser les populations à la lutte contre le gaspillage alimentaire via l’inclusion sociale."
"L’organisation commença par ouvrir le Refettorio Ambrosiano à Milan en 2015, puis continua à monter des projets importants au Brésil, à Londres, Modène et Bologne. Chaque projet est unique et basé sur les besoins de la communauté locale, mais ils partagent tous la même démarche basée sur la qualité des idées, le pouvoir de la beauté et la valeur de l’hospitalité."
"Le Foyer de la Madeleine est un restaurant social servant plus de 250 repas nourrissants et provenant d’ingrédients de saison pour des personnes âgées et des actifs du quartier à prix raisonnable : 9 euros le repas et 7 euros l’abonnement annuel. Grâce à la coopération avec l’association Ozanam Madeleine, le restaurant a pu aussi servir des repas à des personnes dans le besoin au prix d’1 euro. Le service du déjeuner perdurera après l’ouverture du Refettorio Paris et continuera d’être géré par le Foyer de la Madeleine."
"Les installations artistiques qui décorent le lieu du Refettorio Paris ont été conçues par les artistes français JR et Prune Nourry, internationalement reconnus pour leurs installations pluridisciplinaires dans des espaces publics aux quatre coins du monde."
"Nicola Delon, co-fondateur de l’agence d’architecture parisienne Encore Heureux, et Ramy Fischler, fondateur de l’agence de design RF Studio, sont tous deux réputés pour leurs projets créatifs et engagés en faveur du réemploi et du recyclage. Ensemble, ils ont conçu le projet de rénovation et d’embellissement du Foyer de la Madeleine. Jean-François Rial est le PDG de Voyageurs du Monde. Son savoir-faire et ses compétences en gestion ont été essentielles dès le début pour le développement du projet. Il est président de l'association Refettorio Paris".
« J’ai eu le coronavirus mais je n’en ai pas beaucoup souffert. Cependant, moi qui ai toujours aimé le contact avec les personnes âgées, j’ai réalisé à quelles point elles étaient fragiles face à la maladie, et isolées quand nous ne pouvons plus être près d’elles », a confié JR à Madame Figaro (30 avril 2020).
"Depuis la fin mars, ce sont des chefs comme Bertrand Grebaut (Septime), Enrique Tirigall (Volver) ou les équipes du bar à vins Sobre qui cuisinent pour les plus démunis, et particulièrement pour celles et ceux qui ont été fragilisés par la pandémie : étudiants, prostituées, femmes de ménage non déclarées. Epaulé par une centaine de bénévoles, JR (à qui il est arrivé d’effectuer certaines des livraisons lui-même) a fait le lien entre le restaurant et des structures comme le Samusocial, le Secours Populaire ou France Terre d’Asile, afin que la nourriture soit distribuée. Aujourd’hui, ce sont 3050 repas par jour qui partent des cuisines du Refettorio, où se sont succédés 35 chefs… dont le nombre devrait encore augmenter."
"A Rio, au Brésil, le coronavirus a également touché la Casa Amarela Providencia, centre culturel ouvert à Morro da Providencia, la plus grande favelas de la ville. Une initiative lancée par JR en 2008, qui constitue l’un des piliers de l’organisation caritative «Can Art Change The World ?», dont l’objectif est «d’utiliser le pouvoir de l’art, de la culture et de l’éducation pour éveiller les consciences, et provoquer un changement social dans le monde entier et dans des communautés spécifiques ». Depuis le début de la pandémie, la Casa Amarela Providencia a dû rester portes closes pendant le confinement. «Là-bas, les gens n’ont droit à aucune assistance, explique Marco Berrebi, entrepreneur et associé de JR. Les responsables l’ont donc transformée en centre logistique, où les populations peuvent venir se procurer des produits alimentaires et d’hygiène. »
"Dernier volet des initiatives prises par JR pendant la pandémie : la culture. L’artiste reste fermement convaincu qu’elle reste un facteur essentiel de lien social : c’est dans cet esprit qu’il a créé avec Ladj Ly, le réalisateurs césarisé des Misérables, l’école Kourtrajmé, située aux Ateliers Médicis de Clichy-Montfermeil, qui forme de jeunes autodidactes aux métiers du cinéma. Comme tous les établissements scolaires français, celle-ci a dû fermer ses portes."
Pour JR, pas question pour autant de rester au point mort : «Quand on proposa à Winston Churchill de couper dans le budget de la culture pour aider l’effort de guerre, il répondit tout simplement : “Mais alors pourquoi nous battons-nous ?” Nous devons affronter le virus sans renoncer à nos valeurs. Notre école est gratuite et ouverte. Elle doit continuer à inviter à penser, à créer et à inventer l’avenir.» Et pour cela, a mis en place des masterclass gratuites. C’est d’abord Mathieu Kassovitz qui, interrogé par JR, a donné la sienne à une quarantaine d’élèves lors d’un live Instagram ouvert à tous. Puis le réalisateur et acteur Guillaume Canet. Suivront l’artiste plasticienne Sophie Calle et… George Lucas, le créateur de Star Wars."
"Culture, partage, ouverture : les valeurs prônées par JR sont celles que beaucoup appellent de leurs voeux pour le monde «d’après» la pandémie. Pour l’artiste, celui-ci est presque à portée de main : «Dans cette crise, on a vu des gens qui ont dépensé leur énergie à critiquer, à polémiquer ou à protester, et d’autres qui ont utilisé ce temps pour se rendre utile. J’espère qu’ils joueront un rôle important demain. Je pense aux centaines de volontaires qui nous ont rejoints, aux fournisseurs qui nous ont offert ce qui nous manquait, mais aussi à ceux qui ont créé un groupe WhatsApp dans leur immeuble pour aider ceux qui en avaient besoin, ceux qui donnent des cours de rattrapage aux enfants qui ont du mal avec l’école sur écran, et beaucoup d’autres. Cette crise sera peut-être une prise de conscience et nous donnera les armes pour construire un monde plus propre et plus juste que celui d’avant.» En conservant le souvenir de chaque geste comme une oeuvre d’art, ou une photo : précieusement."
Le 13 mai 2020, après le déconfinement durant la pandémie de coronavirus, le Refettorio Paris a twitté : "en 6 semaines #actionrefettorio a livré plus de 56000 repas aux plus démunis, le cap des 5000 repas par jour vient d'être dépassé !"
« Artiviste engageant »
En 2015, JR sortait "simultanément en France deux étonnants courts-métrages inspirés du réel : Les Bosquets, qui revient sur les émeutes en banlieue de 2005, et Ellis, film hommage aux migrants. Parallèlement, la galerie Perrotin à Paris lui consacre une exposition et une monographie, L’art peut-il changer le monde ?, paraît aux éditions Phaidon. Quatre raisons pour Emmanuelle Jardonnet du Monde de rencontrer l’artiste français, désormais installé à New York, lors de son passage à Paris".
"Mes images ont été découvertes sous les feux des voitures qui brûlaient. Je les avais collées un an avant, mais elles ont été vues à travers les médias parce qu’elles étaient dans ce même quartier de Clichy-Montfermeil où les émeutes ont commencé. J’ai eu envie de marquer ces dix ans par un film qui montre mes différentes interventions sur place – à chaque fois des étapes marquantes pour moi. Par ailleurs, cela faisait longtemps que je rêvais de faire un livre qui reprenne l’ensemble des projets, pour montrer les liens entre chacun, mais les bilans se font souvent quand, comme avec ce film, je suis obligé de me dire : j’ai toutes ces images, qu’est-ce que j’ai envie de dire, comment je le dis ?", expliquait JR au Monde (2 octobre 2015).
"Je faisais partie du collectif Kourtrajmé [société de production de court-métrages et collectif d’artistes lancé en 1994], avec Ladj Ly, qui habitait aux Bosquets. On faisait des petits films ensemble, moi je faisais souvent des photos, et il me filmait en train de coller mes affiches dans Paris. Un jour, il m’a proposé de venir le faire dans son quartier. C’était des photos de communautés : des taggeurs, des danseurs de hip-hop sur les toits de Paris, des surfeurs... Les jeunes m’ont dit : pourquoi tu nous prends pas nous en photo ? C’est ce jour-là que j’ai fait la photo de Ladj braquant sa caméra comme une arme."
"Oui, ni lui ni moi ne pouvions imaginer qu’un an plus tard, cette photo allait définir ce qu’on allait devenir. Ladj a filmé les émeutes de l’intérieur, et a révélé beaucoup de bavures de police : il s’est servi de sa caméra comme d’une arme. Lors des émeutes, les médias ont retransmis dans le monde entier ce qu’il se passait, et on a eu des propositions pour travailler pour la presse, qui n’était vraiment pas la bienvenue auprès des jeunes. C’est la première fois qu’on nous proposait un job payé, mais on a refusé. Ça a été un moment charnière, puisqu’on a dû se décider à réellement devenir artistes, et à continuer à construire notre projet, avec les habitants. Les jeunes avaient pris des téléobjectifs à ceux qui tentaient de les prendre en photo, et ils me les ont apportés. Au 28 millimètres, avec mon petit appareil, pour faire un portrait, il fallait que je sois très près : ces photos étaient le contraire de photos volées. Puis on a collé ces portraits à Paris avec le nom, l’âge et l’adresse de chaque jeune. Eux qui créaient une sorte de peur générale dans les médias, devenaient tout à coup acteurs de leur image."
"Le New York City Ballet m’avait contacté pour penser à une installation dans son bâtiment. J’ai demandé au directeur, Peter Martin, si je pouvais chorégraphier quelque chose de 30 secondes ou une minute sur la scène. Il m’a regardé comme si j’étais fou… Puis on m’a proposé deux choses : de maintenir la commande initiale, et de faire un ballet de 8-9 minutes, en m’insérant dans un programme de ballets courts.
"J’avais envie de raconter l’histoire des émeutes et de Ladj. A partir de là, j’avais deux-trois mois devant moi pour monter l’écriture et la musique. Je n’ai pas voulu avoir de chorégraphe avec moi car je voulais faire mes erreurs, parler avec les danseurs et trouver un langage, même si Peter Martin m’a accompagné. Quand je disais « quelqu’un doit lancer un cocktail Molotov », je leur montrais de vraies images des émeutes, et chacun faisait une proposition. J’aime bien la création participative. On a construit tout le ballet comme ça."
"En fait, je ne m’éloigne pas du tout des sujets sur lesquels je travaille, mais je les travaille avec d’autres formes, d’autres médiums. Le ballet, c’en était une, le film de fiction, en l’occurrence une sorte de poème visuel, c’en est une autre. Le film part de l’histoire d’Ellis Island, et finit sur les migrants d’aujourd’hui. Mais dans ce film comme dans Les Bosquets, mes collages sont très présents. C’est la manière de les mettre en lumière et de raconter l’histoire autour de ces images qui change radicalement. C’est un tournant, mais je garde le même ancrage. Raconter les mêmes choses autrement, ça me permet de créer de nouveaux ponts entre des mondes. Quand j’ai montré Les Bosquets à des jeunes de Chicago, ils n’avaient jamais entendu parler de ces émeutes, mais ils ont fait le lien avec d’autres révoltes, qui ont une même base : l’envie d’exister, l’envie de reconnaissance. Elle est finalement universelle, cette envie de dignité."
"La part de doute est toujours là. Ramener des danseurs et des ballerines en tutu au milieu de Montfermeil n’était pas un pari simple, par exemple. Mais à chaque fois, je me dis que je suis prêt à prendre le risque parce que si ça marche, on aura un autre regard sur cet endroit. Et j’ai aussi une vraie envie d’aventure. Malgré les doutes, je vais pleinement là où je veux intervenir, et ce sont souvent des communautés qui me rassurent sur place, qui me disent oui, bien sûr, on le fait. Et là, je me sens en confiance."
"Une fois, j’étais intervenu dans la plus grosse prison de New York, Rikers. Et j’avais collé une photo montrant le regard très dur d’un détenu à l’extérieur. Auparavant, javais demandé aux détenus ce qu’ils voulaient que j’affiche. Ils m’avaient dit : on veut se rappeler de cet endroit comme d’un endroit terrible, violent, alors il faut mettre quelqu’un d’entre nous, mais sans que l’on puisse reconnaître qui c’est, et que ce soit un regard dur. Quand le collage s’est diffusé sur Internet, j’ai lu plein de commentaires en ligne : « Mais comment osez-vous faire ça, ces personnes sont dans une situation terrible là-bas, et vous, vous en rajoutez ! » Les gens extrapolaient. J’ai fait lire les commentaires aux détenus, et ça les a fait rire. Ils disaient : « Mais c’est qui, lui, pour nous dire ça ? »
"La curiosité, l’envie de confronter les regards, de changer les images, et moi-même de me nourrir d’images, de comprendre. Souvent, quand je pars quelque part pour un projet, j’y vais de manière très naïve, et je demande aux gens de m’expliquer. Mon éducation ne s’est faite que comme ça. Dans ces voyages, dans ces endroits. C’est aussi dû à l’arrivée des vols low cost, qui m’ont permis de voyager pour pas cher. Pareil avec le digital. Je suis arrivé à un moment où la photo s’est démocratisée. Puis le partage sur les réseaux sociaux a eu un impact énorme sur mon travail, tout est lié."
"J’aime bien « engageant », mais pas engagé. J’estime que dans l’art, on soulève des questions, mais on n’apporte pas de réponses. Je ne prends pas parole pour les gens, les communautés, je reste dans l’engageant, mon travail ne fait que leur donner une voix. À eux de la prendre, ou pas... Je me suis toujours nourri des images qui m’entouraient, et il faut pouvoir exister au milieu de ce monde de publicités, de grands écrans, etc. Je suis inspiré par ces codes, pour justement les contrer, puisque je vais utiliser tous les endroits que la publicité ne peut pas utiliser pour m’insérer dans la ville."
A New York, il faut faire quelque chose de spectaculaire pour impressionner les gens. Cette image [en avril, à Manhattan, la photo de 60 mètres d’un immigrant en train de marcher, posée au sol, n’était visible que du ciel], tout le monde a marché dessus, et personne ne l’a vue avant qu’elle fasse la couverture du New York Time Magazine. Quand je crée une image, cela fait partie de mon travail de penser la ville, l’architecture. Le choc visuel doit s’adapter en fonction des villes et des cadres de référence dans lesquels je me retrouve. Au Liberia, je pouvais coller une affiche de la taille d’une fenêtre, toute la rue s’arrêtait, il y avait un choc direct... Pour moi, l’image, ce n’est qu’une trace des discussions, des rencontres, de l’impact que cela a eu. C’est pour cela qu’il y a souvent des textes, des films, pour comprendre ce processus. Tant mieux si l’image est forte, mais je ne dis pas que les photos sont belles ou pas belles, ce n’est pas mon propos. Quand on a lancé [le projet participatif] Inside out, c’était la révolution en Tunisie, et les gens avaient déchiré des portraits du dictateur pour mettre leur photo. Les gens eux-mêmes donnent un sens au projet. C’est intéressant de voir comment ils perçoivent les images en fonction des contextes. A Cuba, où ils n’ont jamais vu une image dans la rue autre que le Che ou Fidel, et tout à coup, lorsqu’ils se retrouvent devant des portraits d’eux-mêmes en énorme, ça bouscule leur regard et leurs codes."
« L’art peut-il changer le monde ? » La première question qu’on me pose quand je vais dans toutes ces communautés, c’est : quel est le but de ce projet ? C’est très difficile d’y répondre. Je pars en tant qu’artiste faire des œuvres, je ne pars pas faire du social ou de l’humanitaire. Je vais juste coller du papier, ça ne va rien changer à la face du monde, et pourtant, en cassant les codes et les images, on peut amener à repenser la manière dont on voit l’autre. Donc quelque part, c’est un début pour changer le monde."
Refettorio Paris
En 2018, JR a co-fondé le Refettorio Paris, restaurant social et solidaire dans la crypte de l'église de la Madeleine. "La création du Refettorio Paris a été possible grâce à la coopération de différentes organisations et individus qui ont joint leurs forces et ont mis à disposition leurs compétences et expertises. L’idée du Refettorio Paris a été imaginée par Food for Soul, une association à but non lucratif fondée par le chef Massimo Bottura et Lara Gilmore pour sensibiliser les populations à la lutte contre le gaspillage alimentaire via l’inclusion sociale."
"L’organisation commença par ouvrir le Refettorio Ambrosiano à Milan en 2015, puis continua à monter des projets importants au Brésil, à Londres, Modène et Bologne. Chaque projet est unique et basé sur les besoins de la communauté locale, mais ils partagent tous la même démarche basée sur la qualité des idées, le pouvoir de la beauté et la valeur de l’hospitalité."
"Le Foyer de la Madeleine est un restaurant social servant plus de 250 repas nourrissants et provenant d’ingrédients de saison pour des personnes âgées et des actifs du quartier à prix raisonnable : 9 euros le repas et 7 euros l’abonnement annuel. Grâce à la coopération avec l’association Ozanam Madeleine, le restaurant a pu aussi servir des repas à des personnes dans le besoin au prix d’1 euro. Le service du déjeuner perdurera après l’ouverture du Refettorio Paris et continuera d’être géré par le Foyer de la Madeleine."
"Les installations artistiques qui décorent le lieu du Refettorio Paris ont été conçues par les artistes français JR et Prune Nourry, internationalement reconnus pour leurs installations pluridisciplinaires dans des espaces publics aux quatre coins du monde."
"Nicola Delon, co-fondateur de l’agence d’architecture parisienne Encore Heureux, et Ramy Fischler, fondateur de l’agence de design RF Studio, sont tous deux réputés pour leurs projets créatifs et engagés en faveur du réemploi et du recyclage. Ensemble, ils ont conçu le projet de rénovation et d’embellissement du Foyer de la Madeleine. Jean-François Rial est le PDG de Voyageurs du Monde. Son savoir-faire et ses compétences en gestion ont été essentielles dès le début pour le développement du projet. Il est président de l'association Refettorio Paris".
« J’ai eu le coronavirus mais je n’en ai pas beaucoup souffert. Cependant, moi qui ai toujours aimé le contact avec les personnes âgées, j’ai réalisé à quelles point elles étaient fragiles face à la maladie, et isolées quand nous ne pouvons plus être près d’elles », a confié JR à Madame Figaro (30 avril 2020).
"Depuis la fin mars, ce sont des chefs comme Bertrand Grebaut (Septime), Enrique Tirigall (Volver) ou les équipes du bar à vins Sobre qui cuisinent pour les plus démunis, et particulièrement pour celles et ceux qui ont été fragilisés par la pandémie : étudiants, prostituées, femmes de ménage non déclarées. Epaulé par une centaine de bénévoles, JR (à qui il est arrivé d’effectuer certaines des livraisons lui-même) a fait le lien entre le restaurant et des structures comme le Samusocial, le Secours Populaire ou France Terre d’Asile, afin que la nourriture soit distribuée. Aujourd’hui, ce sont 3050 repas par jour qui partent des cuisines du Refettorio, où se sont succédés 35 chefs… dont le nombre devrait encore augmenter."
"A Rio, au Brésil, le coronavirus a également touché la Casa Amarela Providencia, centre culturel ouvert à Morro da Providencia, la plus grande favelas de la ville. Une initiative lancée par JR en 2008, qui constitue l’un des piliers de l’organisation caritative «Can Art Change The World ?», dont l’objectif est «d’utiliser le pouvoir de l’art, de la culture et de l’éducation pour éveiller les consciences, et provoquer un changement social dans le monde entier et dans des communautés spécifiques ». Depuis le début de la pandémie, la Casa Amarela Providencia a dû rester portes closes pendant le confinement. «Là-bas, les gens n’ont droit à aucune assistance, explique Marco Berrebi, entrepreneur et associé de JR. Les responsables l’ont donc transformée en centre logistique, où les populations peuvent venir se procurer des produits alimentaires et d’hygiène. »
"Dernier volet des initiatives prises par JR pendant la pandémie : la culture. L’artiste reste fermement convaincu qu’elle reste un facteur essentiel de lien social : c’est dans cet esprit qu’il a créé avec Ladj Ly, le réalisateurs césarisé des Misérables, l’école Kourtrajmé, située aux Ateliers Médicis de Clichy-Montfermeil, qui forme de jeunes autodidactes aux métiers du cinéma. Comme tous les établissements scolaires français, celle-ci a dû fermer ses portes."
Pour JR, pas question pour autant de rester au point mort : «Quand on proposa à Winston Churchill de couper dans le budget de la culture pour aider l’effort de guerre, il répondit tout simplement : “Mais alors pourquoi nous battons-nous ?” Nous devons affronter le virus sans renoncer à nos valeurs. Notre école est gratuite et ouverte. Elle doit continuer à inviter à penser, à créer et à inventer l’avenir.» Et pour cela, a mis en place des masterclass gratuites. C’est d’abord Mathieu Kassovitz qui, interrogé par JR, a donné la sienne à une quarantaine d’élèves lors d’un live Instagram ouvert à tous. Puis le réalisateur et acteur Guillaume Canet. Suivront l’artiste plasticienne Sophie Calle et… George Lucas, le créateur de Star Wars."
"Culture, partage, ouverture : les valeurs prônées par JR sont celles que beaucoup appellent de leurs voeux pour le monde «d’après» la pandémie. Pour l’artiste, celui-ci est presque à portée de main : «Dans cette crise, on a vu des gens qui ont dépensé leur énergie à critiquer, à polémiquer ou à protester, et d’autres qui ont utilisé ce temps pour se rendre utile. J’espère qu’ils joueront un rôle important demain. Je pense aux centaines de volontaires qui nous ont rejoints, aux fournisseurs qui nous ont offert ce qui nous manquait, mais aussi à ceux qui ont créé un groupe WhatsApp dans leur immeuble pour aider ceux qui en avaient besoin, ceux qui donnent des cours de rattrapage aux enfants qui ont du mal avec l’école sur écran, et beaucoup d’autres. Cette crise sera peut-être une prise de conscience et nous donnera les armes pour construire un monde plus propre et plus juste que celui d’avant.» En conservant le souvenir de chaque geste comme une oeuvre d’art, ou une photo : précieusement."
Le 13 mai 2020, après le déconfinement durant la pandémie de coronavirus, le Refettorio Paris a twitté : "en 6 semaines #actionrefettorio a livré plus de 56000 repas aux plus démunis, le cap des 5000 repas par jour vient d'être dépassé !"
MEP
En 2018, « Momentum, la mécanique de l’épreuve » est « la première grande exposition de JR au sein d’une institution française. Elle rassemble notamment les premières photographies de l’artiste, des collages de format monumental de ses plus grands projets, et plusieurs installations inédites ».
« Travaillant à la fois la photographie, le cinéma, le spectacle vivant et les arts visuels en général, JR mobilise des communautés, des quartiers et des villages entiers. Par des formats démesurément grands, il donne une voix aux anonymes. »
L’exposition « présente de nombreux projets et immerge le visiteur au sein même du processus créatif de JR, en revenant sur ses débuts lorsqu’il réalisait des graffitis, ainsi que sur ses premières photographies et ses premiers collages. Le parcours de l’exposition présente également des séries d’envergure : Portrait d’une génération (un projet d’affichage illégal de portraits réalisés avec un objectif 28 millimètres) ; Women are heroes (soulignant la dignité des femmes qui sont souvent les premières victimes lors de conflits ou de guerres) ; The Wrinkles of the City (dont les actions visent à révéler l’histoire et la mémoire d’un pays ou d’une ville en se focalisant sur les rides de ses habitants) ; Unframed (dans lequel JR s’approprie des images réalisées par d’autres photographes et qu’il recontextualise en leur donnant un sens nouveau)… »
L’exposition « Momentum, la mécanique de l’épreuve » « dévoile également une fresque interactive inédite. Celle-ci explore l’impossible contrôle des armes aux États-Unis. À travers des centaines de portraits et d’entretiens, et grâce à une plateforme en ligne spécialement conçue pour l’occasion, JR invite le visiteur à découvrir les témoignages et points de vue de nombreux personnages. »
« Seulement 2% de l’œuvre de JR est connue du public, exposée en galerie ou en musée, explique Fabrice Bousteau. L’autre partie, tout aussi importante voire plus, constitue son processus de travail créatif et esthétique, en interaction avec les gens ou depuis son atelier. »
Un « cycle de projections accompagne cette exposition, le week-end dès 15 h à l’auditorium de la MEP. Seul, mais aussi en commun avec des artistes et réalisateurs dont il est proche, JR signe la réalisation de plusieurs films de ce cycle. Ils font ainsi partie intégrante de son œuvre, et ne sont pas de simples « making-of » documentant son travail plastique ».
« Regards »
La RATP a exposé du 6 novembre 2018 au 10 février 2019 des « regards » inédits et anonymes de JR, "dans onze stations et gares de métro et RER franciliennes. Cette œuvre exceptionnelle, conçue pour être évolutive, s’inscrit dans le cadre du programme « RATP Invite », mettant à l’honneur depuis 5 ans sur le réseau RATP le travail de photographes français et internationaux."
"Après notamment Harry Gruyaert (2015), Sebastião Salgado (2015), Richard Avedon (2016), Yann Arthus-Bertrand (2017) ou encore les artistes du Festival Circulation(s) (2018), c’est au tour de JR d’être mis à l’honneur dans le cadre du programme « La RATP invite ». Lancé en 2013, ce rendez-vous culturel permet à la RATP d’exposer régulièrement le travail de photographes – français ou étrangers, jeunes talents ou artistes de renom de différentes époques – en le déployant massivement dans ses espaces. Grâce à la photographie, art de proximité et forme d’expression artistique accessible au plus grand nombre, la RATP enrichit toujours plus l’expérience de transport de ses voyageurs en leur offrant régulièrement des moments de surprise, de découverte et d’échanges.'
"En choisissant d’installer ses « regards » dans un lieu de passage comme les transports en commun de la RATP, JR souhaite interpeller les voyageurs sur l’identité de ceux qui les observent et l’interaction que nous pouvons avoir avec eux. Intitulée « Voyager avec d’autres », l’œuvre se comprend ainsi comme une invitation à réfléchir à la nature des rencontres que nous faisons quotidiennement avec l’Autre dans le métro ou le RER, chargé des rêves, des attentes, mais aussi parfois des craintes que nous portons en nous."
"C’est afin de faire se poursuivre cette rencontre que l’artiste a fait d’ailleurs évoluer son œuvre au fil des semaines. JR est ainsi redescendu 3 fois dans les espaces de la RATP pour capter et mettre en abîme l’histoire qui se joue entre les voyageurs et ceux qui les regardent, ces premiers devenant à leur tour modèles à observer. Un travail de mises en abîmes successives à retrouver dans les stations Hôtel de Ville, Pyramides et Madeleine et en gare de Luxembourg."
« C’est un grand honneur pour la RATP de pouvoir offrir à ses voyageurs des œuvres inédites réalisées par un artiste mondialement reconnu comme JR. Cette exposition qui met en scène toute l’humanité de ces regards anonymes trouve bien-sûr un écho particulier dans un réseau de transport où se croisent chaque jour plusieurs millions de voyageurs dans toute leur diversité. A travers cette œuvre c’est le partage, la fraternité et la beauté que nous célébrons. Cette exposition, au format monumental, illustre la volonté de la RATP de partager avec ses voyageurs une expérience culturelle du quotidien.»
"Visages villages"
« Regards »
La RATP a exposé du 6 novembre 2018 au 10 février 2019 des « regards » inédits et anonymes de JR, "dans onze stations et gares de métro et RER franciliennes. Cette œuvre exceptionnelle, conçue pour être évolutive, s’inscrit dans le cadre du programme « RATP Invite », mettant à l’honneur depuis 5 ans sur le réseau RATP le travail de photographes français et internationaux."
"Après notamment Harry Gruyaert (2015), Sebastião Salgado (2015), Richard Avedon (2016), Yann Arthus-Bertrand (2017) ou encore les artistes du Festival Circulation(s) (2018), c’est au tour de JR d’être mis à l’honneur dans le cadre du programme « La RATP invite ». Lancé en 2013, ce rendez-vous culturel permet à la RATP d’exposer régulièrement le travail de photographes – français ou étrangers, jeunes talents ou artistes de renom de différentes époques – en le déployant massivement dans ses espaces. Grâce à la photographie, art de proximité et forme d’expression artistique accessible au plus grand nombre, la RATP enrichit toujours plus l’expérience de transport de ses voyageurs en leur offrant régulièrement des moments de surprise, de découverte et d’échanges.'
"En choisissant d’installer ses « regards » dans un lieu de passage comme les transports en commun de la RATP, JR souhaite interpeller les voyageurs sur l’identité de ceux qui les observent et l’interaction que nous pouvons avoir avec eux. Intitulée « Voyager avec d’autres », l’œuvre se comprend ainsi comme une invitation à réfléchir à la nature des rencontres que nous faisons quotidiennement avec l’Autre dans le métro ou le RER, chargé des rêves, des attentes, mais aussi parfois des craintes que nous portons en nous."
"C’est afin de faire se poursuivre cette rencontre que l’artiste a fait d’ailleurs évoluer son œuvre au fil des semaines. JR est ainsi redescendu 3 fois dans les espaces de la RATP pour capter et mettre en abîme l’histoire qui se joue entre les voyageurs et ceux qui les regardent, ces premiers devenant à leur tour modèles à observer. Un travail de mises en abîmes successives à retrouver dans les stations Hôtel de Ville, Pyramides et Madeleine et en gare de Luxembourg."
« C’est un grand honneur pour la RATP de pouvoir offrir à ses voyageurs des œuvres inédites réalisées par un artiste mondialement reconnu comme JR. Cette exposition qui met en scène toute l’humanité de ces regards anonymes trouve bien-sûr un écho particulier dans un réseau de transport où se croisent chaque jour plusieurs millions de voyageurs dans toute leur diversité. A travers cette œuvre c’est le partage, la fraternité et la beauté que nous célébrons. Cette exposition, au format monumental, illustre la volonté de la RATP de partager avec ses voyageurs une expérience culturelle du quotidien.»
"Visages villages"
"Du 23 au 27 juin 2019, ARTE bouscule sa grille pour accueillir la quatrième édition du festival du documentaire, entièrement dédié aux grands documentaires : onze coproductions ARTE signées par des réalisateurs de renom, pour la plupart sorties en salles ou primées dans les grands festivals internationaux".
"Le documentaire, dans toute sa diversité formelle, son foisonnement de sujets, son inventivité, fait partie de l’essence d’ARTE. C’est le genre emblématique de l’ouverture au monde, qui est en même temps agrandissement de l’univers de chacun. À la fois en prise avec le réel tout en le transfigurant, à travers un regard esthétique et singulier, il donne à voir l’invisible, l’autre, le différent, l’inédit. C’est l’ambition de ce festival que de valoriser toute la palette de ce genre puissant auquel ARTE est particulièrement attachée. ARTE présente à l’antenne des films particulièrement marquants qui, chacun à leur façon, nous dévoilent ce que l’on ne voit pas d’ordinaire ou plus. De Visages Villages d’Agnès Varda et JR primé à Cannes en 2017 et dans de nombreux festivals, à Les tombeaux sans noms de Rithy Panh, sélectionné entre autres à la Mostra de Venise en 2018, en passant par Wrong Elements de Jonathan Littel sélectionné à Cannes en 2016, ou bien encore" « Gaza, la vie » par Garry Keane.
"Le documentaire, dans toute sa diversité formelle, son foisonnement de sujets, son inventivité, fait partie de l’essence d’ARTE. C’est le genre emblématique de l’ouverture au monde, qui est en même temps agrandissement de l’univers de chacun. À la fois en prise avec le réel tout en le transfigurant, à travers un regard esthétique et singulier, il donne à voir l’invisible, l’autre, le différent, l’inédit. C’est l’ambition de ce festival que de valoriser toute la palette de ce genre puissant auquel ARTE est particulièrement attachée. ARTE présente à l’antenne des films particulièrement marquants qui, chacun à leur façon, nous dévoilent ce que l’on ne voit pas d’ordinaire ou plus. De Visages Villages d’Agnès Varda et JR primé à Cannes en 2017 et dans de nombreux festivals, à Les tombeaux sans noms de Rithy Panh, sélectionné entre autres à la Mostra de Venise en 2018, en passant par Wrong Elements de Jonathan Littel sélectionné à Cannes en 2016, ou bien encore" « Gaza, la vie » par Garry Keane.
Dans ce cadre, Arte diffusa le 26 juin 2019 "Visages villages" (Augenblicke - Gesichter einer Reise) de Agnès Varda et JR. "La cinéaste Agnès Varda et le photographe JR parcourent la France de village en village, à la rencontre des habitants. Une galerie de portraits à ciel ouvert, ode à la mémoire et à la transmission. Un "road trip" attachant, mis en musique par Matthieu Chedid."
"Agnès Varda – décédée à l’âge de 90 ans le 29 mars dernier – et JR partageaient la même passion dévorante des images. La rencontre entre la pionnière de la Nouvelle Vague et le "street artist", initiée en 2015 par Rosalie Varda, la fille d’Agnès et de Jacques Demy, a ainsi débouché sur un coup de foudre artistique et humain. Ensemble, ils décident alors de sillonner, à bord du camion-Photomaton de JR, la France rurale, à la rencontre des habitants. Un voyage loin de la frénésie urbaine et sans itinéraire précis. "Le hasard est le meilleur de mes assistants", aimait rappeler Agnès Varda. Au fil de leur promenade enchantée, ils font la connaissance de fils de mineurs du Nord-Pas-de-Calais, d’épouses de dockers du Havre, d’un artiste provençal à la marge..."
"Dans ce "road trip" attachant, mis en musique par Matthieu Chedid, Agnès Varda et JR nous convient à une célébration poétique de l’humain et de la mémoire. Les collages d’images géantes en noir et blanc sur les façades des maisons, les murs des fermes ou les trains immortalisent autant les lieux que l’histoire et le quotidien des sujets photographiés. Au gré de ses douces pérégrinations, le duo apprend à se découvrir et s’apprivoise. La cinéaste, dont l’œil est toujours aussi aiguisé malgré la maladie, apparaît d’humeur taquine au côté d’un JR qui se refuse à ôter ses lunettes noires. "Tu fais ta mamie conseils", lui dit-il avec tendresse. "Et toi, ton jeune plein d’entrain". Du cliché de Guy Bourdin, réalisé par Varda en 1954 et transposé par JR sur un blockhaus en Normandie, au rendez-vous manqué chez Godard, lui aussi sommé par la cinéaste de retirer ses binocles fumées dans "Cléo de 5 à 7", leur périple empreint d’humanité est aussi un hymne puissant à la transmission entre les générations."
C'est souvent une France périphérique, rarement montrée par les médias, que nous font découvrir Agnès Varda et JR. Ce retraité confie avec dignité percevoir une faible retraite mais est heureux de vivre dans son village. Ce facteur se souvient de la générosité des fermiers qui lui donnaient des melons lors de sa tournée agrémentée par sa radio. Cette épouse de mineur qui refuse de quitter son coron. Cette éleveuse de chèvres qui refuse de brûler leurs cornes par respect pour leur intégrité physique : "Oui, les chèvres vont se battre. Mais les hommes aussi se battent".
En sillonnant des lieux connus jadis, Agnès Varda semble remonter aussi le fil de son temps. Sa mémoire, intacte, est remplie d'anecdotes drôles - lors de vacances chez Jean-Luc Godard, Anna Karina répétait "Qu'est-ce que je peux faire ? J'sais pas quoi faire" - ou émouvantes sur Henri Cartier-Bresson. Elle est si émue de se recueillir devant la tombe du photographe et de son épouse Martine Franck qu'elle en oublie de prendre une photographie.
Quant à l'imprévisible Jean-Luc Godard, il élude leur rendez-vous en laissant un message qu'Agnès Varda déchiffrera et auquel elle répondra sur deux registres : celui amical marqué par le souvenir de Jacques Demy, et l'autre direct, triste. Généreuse, elle laissera les gâteaux qu'il aimait tant savourer.
A la mort d'Agnès Varda, JR lui a rendu hommage sur Twitter en publiant une image de tous deux portant un casque d'astronautes ainsi légendée : "A mon étoile filante, où que tu sois, Agnès Varda".
Autre hommage de JR à la réalisatrice Agnès Varda : une photographie grandeur nature de la réalisatrice qui s'envole au-dessus de Paris emmenée par des ballons colorés...
« KM6 » au chantier de la friche Arrighi de Vitry-sur-Seine
Le "chantier de la friche Arrighi de Vitry-sur-Seine ouvrit ses portes avec une installation de l’artiste JR le 29 juin 2019 de 14 h à 20 h. Entrée libre, ouvert à tous. La Société du Grand Paris, en partenariat avec la ville de Vitry-sur-Seine, ouvre les portes du chantier de la friche Arrighi aux Ardoines pour le lancement de deux nouveaux tunneliers du Grand Paris Express sur la ligne 15 Sud". Adresse : 6 rue Léon Mauvais Vitry-sur-Seine. Départ en navette fluviale de Gare d’Austerlitz à 13h45 et 17h15. Service de navettes gratuites en continu depuis la gare RER C Les Ardoines et le centre-ville de Vitry
"Avec le « KM6 », samedi 29 juin de 14h à 20h, le chantier se transforme en un « site archéologique du futur », événement artistique, populaire et festif à destination des riverains, des habitants et de tous les curieux. Pour la première fois, l’artiste international JR est l’invité de la programmation artistique et culturelle du Grand Paris Express et intervient dans le cadre de KM6 avec une installation inédite tirée du projet « Inside Out ».
"JR est spécialisé dans le collage photographique dans les espaces publics. Artiste contemporain français de renommée internationale, JR expose dans les espaces publics du monde entier de Paris à Rio de Janeiro en passant par New York et Berlin. Pour KM6, il déploie une installation inédite issue du projet « Inside Out » dans le puits des deux tunneliers à 35 mètres de profondeur, en invitant les habitants de Vitry-sur-Seine à prendre part à cette nouvelle performance artistique."
"Sous la direction artistique de José-Manuel Gonçalvès, le programme de KM6 sera festif, jouant sur le dialogue entre performances techniques et performances artistiques, avec notamment la cérémonie
de baptême des deux tunneliers dont les noms seront dévoilés à cette occasion. En direct du chantier, les visiteurs pourront découvrir une exposition à ciel ouvert autour des machines et engins de chantier ainsi que la préfiguration des nouvelles gares du Grand Paris Express, et participer à des ateliers pédagogiques ou immersifs (avec notamment le collectif Ne Rougissez Pas) en lien avec la démarche des « Chantiers partagés » déjà engagée à Vitry-sur-Seine."
"Depuis le chantier et en bord de Seine, les habitants et riverains pourront découvrir le quartier en pleine mutation des Ardoines. Ce site de 300 hectares au riche patrimoine industriel est amené à devenir un pôle majeur du Grand Paris de demain desservi par la future gare des Ardoines sur la ligne 15 du Grand Paris Express. Le public pourra ainsi se rendre au KM en passant par les « Grandes Randonnées entre Industrie et Nature » (GRIN). Ces balades artistiques, urbaines ou fluviales permettront de découvrir le patrimoine industriel du quartier, son histoire, ses transformations futures, mais aussi ses œuvres de street-art ou d’art public, comme le Pavillon des Points de vue d’Alain Bublex. Des promenades-spectacles seront proposées avec les Visites Déguidées, déambulation mise en scène par l’artiste Bertrand Bossard, créations uniques et imaginées pour l’événement. Le collectif d’architectes urbanistes Yes We Camp, fort de leurs expériences urbaines, proposera lui une découverte des berges de Seine revisitées. Enfin, le Kilowatt, espace alternatif et festif situé non loin du chantier à proximité de la centrale électrique, accueillera un festival en plein air dédié aux cultures urbaines « Ligne 15 » avec une programmation hip-hop et rap."
"La Friche Arrighi est l’un des plus grands chantiers du réseau avec une emprise totale de 40 000 m². Ce chantier est le point de départ de deux tunneliers. Le premier tunnelier partira en direction de la gare Villejuif Louis Aragon (4,3 kilomètres) et le second partira à l’automne vers la gare Créteil l’Échat (2,8 kilomètres). Dans la tradition de la Sainte-Barbe, protectrice des mineurs et des ouvriers, les tunneliers porteront des prénoms féminins qui ont été choisis par les écoles du territoire. *L’événement « KM6» organisé à Vitry-sur-Seine s’inscrit dans la continuité des premiers événements KM du Grand Paris Express qui ont eu lieu à Clamart (KM1-juin 2016), à Arcueil-Cachan (KM2-novembre 2017), à Champigny-sur-Marne (KM3-février 2018), sur les villes de La Courneuve, du Bourget et Saint-Denis (KM4-octobre 2018) et à Bagneux (KM5-décembre 2018)."
José-Manuel Gonçalvès, directeur artistique et culturel, et le CENTQUATRE-PARIS assurent la production déléguée avec Manifesto, et Eva Albarran & Co
L’événement est organisé en partenariat avec la ville de Vitry-sur-Seine, le Département du Val-de Marne, Grand Paris Aménagement, le Comité départemental du tourisme du Val-de-Marne, l’entreprise Horizon, le Kilowatt, Haropa Ports de Paris, Enlarge Your Paris, l’association Orbival et le Fonds de dotation du Grand Paris Express.
"La Société du Grand Paris est l’entreprise publique créée par l’État dont la mission est de piloter le déploiement et le financement du Grand Paris Express. Elle assure la construction des infrastructures qui composent le réseau et acquiert, pour le compte d’Île-de-France Mobilités, les matériels roulants qui le parcourront. Futur métro du Grand Paris, le Grand Paris Express est le plus grand projet d’infrastructure et d’aménagement d’Europe. Avec 200 kilomètres de réseau, le projet prévoit la création de quatre nouvelles lignes autour de Paris, le prolongement de la ligne 14, la construction de 68 gares et l’aménagement de nouveaux quartiers autour de ces futurs pôles urbains."
"La Société du Grand Paris a décidé de doter le nouveau réseau de transport d’une dimension culturelle, afin de faire vivre une programmation culturelle plurielle et multiforme tout au long des 200 km de lignes du Grand Paris Express. Ce programme accompagne les différentes phases de ce grand projet, du lancement des premiers chantiers jusqu’à la mise en service complète du réseau prévue en 2030. La politique culturelle du Grand Paris Express doit contribuer à faire des chantiers puis des gares et de leurs quartiers de véritables lieux de vie pour donner naissance à un patrimoine métropolitain, populaire et vivant, incarnant l’appartenance de tous au Grand Paris".
Fresque Adama Traoré et George Floyd
Le 9 juin 2020, JR a rendu hommage par une fresque dans une rue du Xe arrondissement de Paris, près de la place Karski, à Adama Traoré, jeune délinquant décédé en 2016 après avoir résisté à son interpellation par les forces de l'ordre, et George Floyd, Afroaméricain mort lors de son interpellation par des policiers.
Le street artiste JR a apposé "un collage haut de plusieurs mètres dans les rues de Paris. L'oeuvre, représentant 2 yeux séparés par une fissure, a été réalisée dans la nuit du 8 au 9 juin, avec l'aide d'élèves de Kourtrajmé, l'école" de cinéma "fondée par Ladj Ly, le réalisateur du film Les Misérables. Ladj Ly a d'ailleurs indiqué, lors de l'inauguration ce mardi 9 juin : " Cette fresque est là pour rendre hommage à Adama Traoré et à George Floyd". Les 2 victimes sont devenus des symboles et la lutte pour plus d'égalité, que nous connaissons actuellement, est également une lutte pour honorer leur mémoire. Assa Traoré, la sœur d'Adama, qui lutte chaque jour pour obtenir la justice s'est également exprimée sur l'oeuvre du street artiste : "Cette fresque fait écho à la marche du 2 juin, le visage de George Floyd, le visage d'Adama Traoré". Effectivement, Le 2 juin dernier, à l'aube du déconfinement, plus de 20 000 personnes s'étaient rassemblées sur le parvis du tribunal de Paris pour réclamer justice. D'autres rassemblements sont prévus dans les jours à venir, la famille Traoré appelle à se réunir une nouvelle fois le 13 juin prochain pour dénoncer les "bavures" policières." (Mouv.fr, 10 juin 2020)
« Regards » à la RATP
Trois questions à JR
"En quoi est-ce particulier pour vous d’exposer votre œuvre dans un espace comme le métro ?
C’est un retour aux sources. J’ai commencé à prendre des photos avec un appareil photo trouvé dans le métro, puis j’ai suivi des artistes qui travaillaient dans ce monde souterrain. Revenir dans le métro, exposer sur les quais, c’est l’occasion de présenter mon travail à des gens qui n’ont rien demandé, qui ne se sont pas déplacés dans une galerie ou un musée, mais qui se rendent simplement au travail ou vont voir des amis. C’est conforme à ma vision de l’art qui doit aller à la rencontre des gens.
Avez-vous pensé différemment cette œuvre destinée au métro ?
J’essaye de penser différemment toutes les œuvres en fonction du contexte et du lieu. Le métro est un des rares espaces de brassage où toutes les catégories sociales se retrouvent, où les enfants et les personnes âgées se côtoient, où les banlieusards et les Parisiens se croisent. J’ai voulu interpeller les voyageurs avec un regard, et en même temps les rendre acteurs de mon projet en les représentant dans mes images.
Que représente pour vous, qui avez vécu en banlieue parisienne, cette collaboration avec la RATP ?
Quand comme moi on a vécu en banlieue, le train et le métro sont les seuls moyens de transports. Il y a des stations qui évoquent des souvenirs, des trajets que vous avez effectué des centaines de fois, et qui vous font penser que vous êtes ici un peu chez vous. Je ne travaille pas avec les entreprises privées ou les marques. Mais je suis heureux de collaborer avec des entreprises qui ont pour mission de servir le public, et davantage encore quand il s’agit de mon public."
Visuel : "Voyager avec d'autres", JR - Bir Hakeim Ligne 6 - Denis Sutton - RATP
Olivier Père : Comment est né ce film ? Pourquoi avez-vous eu envie de faire ce film ensemble ?
JR : Commençons par le commencement…Agnès Varda : Rosalie… ma fille… nous a fait savoir que ce serait bien qu’on se rencontre.
L’idée nous a plu.
JR : C’est moi qui ai fait le premier pas. Je suis allé voir Agnès rue Daguerre. J’ai fait des photos de sa façade légendaire — elle habite là depuis cent ans.
Et d’elle avec un chat.
AV : C’est ta grand-mère qui a cent ans.
Moi, pas encore.
Le lendemain, c’est moi qui suis allée le voir dans son atelier. J’ai fait des portraits de lui, mais j’ai vite compris qu’il n’avait pas l’intention d’enlever ses lunettes noires.
JR : On s’est revu le lendemain et le surlendemain à l’heure du goûter.
AV : J’ai tout de suite senti qu’on allait faire quelque chose ensemble.
JR : Nous avons d’abord pensé à un court métrage…
AV : … documentaire.
Il m’a semblé évident que ta pratique de représenter les gens agrandis sur les murs, valorisés par la taille, et ma pratique de les écouter et de mettre leurs propos en valeur, cela allait donner quelque chose.
JR : Et puis l’envie de partir ensemble.
Ni Agnès ni moi n’avions coréalisé un film auparavant.
OP : Pourquoi avez-vous choisi de vous intéresser essentiellement aux habitants de la campagne française ?
JR : C’est Agnès qui a voulu me sortir des villes.
AV : Oui, parce que tu es un artiste urbain, vraiment.
Et moi, j’aime beaucoup la campagne.
Très vite, l’idée de villages est arrivée. C’est là qu’on allait rencontrer des gens, et c’est ce qui s’est passé.
On est parti avec ton camion photographique et magique.
C’est l’acteur du film, toujours en représentation.
JR : Ce camion, je m’en sers depuis des années pour beaucoup de projets.
AV : Oui, mais là, c’était notre projet et on partait dedans ensemble.
En tout cas, on a joué à ne rouler qu’en camion pour ce voyage en France rurale.
Par-ci, par-là.
OP : Y avait-il quand même un plan, des itinéraires ? Comment élabore-t-on un film qui est essentiellement bâti sur le hasard, sur la rencontre, sur la découverte ?
AV : Chacun de nous avait parfois un contact quelque part dans un village ou une envie de quelque chose.
Donc, on allait voir. Comme toujours dans le documentaire, parce que j’en ai beaucoup fait, on a une idée, et très vite, le hasard, les rencontres, les contacts font que tout à coup, cela se cristallise sur quelqu’un, ou sur un endroit.
En fait, on engage le hasard, on l’engage comme assistant !
JR : On engage aussi la vie, puisque le film est aussi l’histoire de notre rencontre.
On s’est découvert sur la route à travers le projet, dans l’exercice finalement amusant de travailler en duo.
J’apprends à comprendre un peu plus Agnès, ce qu’elle voit, comment elle le voit, et elle aussi cherche à comprendre ma démarche d’artiste.
Souvent, on se parle, on essaye des idées.
Puis on a imaginé que ce serait un long-métrage.
AV : C’est là que Rosalie a pris les choses en main pour produire le film.
JR : Tu m’as dit : « On y va ! »
OP : Le film est un voyage à travers la France, mais c’est aussi un voyage à travers la mémoire, intime et collective. Des ouvriers, des agriculteurs, des villageois.
JR : Là où on est, on sent très vite si on va faire contact.
AV : Il y a quelque chose que j’aime chez toi, c’est ta rapidité.
Dès qu’on rencontre des gens, tu imagines tout de suite ce qu’on peut faire avec eux.
Par exemple, ce facteur de Bonnieux que j’avais connu, que je voulais te faire connaître parce que j’aime bien les facteurs, j’aime bien les courriers, j’aime bien les timbres.
Toi qui communiques essentiellement sur la toile et qui reçois quelque 20 000 likes quand tu postes une image, tu as été d’accord de faire de ce facteur un héros de village en format géant.
JR : Sur trois étages…
AV : Il était fier d’être si grand. De là, on a roulé vers les Alpes-de-Haute-Provence.
JR : Et vers Château-Arnoux, quelqu’un nous a parlé de cette usine.
AV : Je connaissais le gars du cinéma local, Jimmy Andreani. J’y avais présenté Sans toit ni loi.
Il nous a présenté l’usine.
JR : Un peu dangereuse (classée Seveso, seuil haut). Par curiosité, on est allés voir.
On a fait des rencontres et on a trouvé des idées là-bas.
AV : C’est beau, les lieux industriels.
Et les gens qui y travaillent sont bienveillants.
JR : Ils ont joué le jeu avec nous pour une photo de groupe. Ailleurs, parfois, je croyais te faire découvrir un lieu et tu y avais été des années plus tôt. Les images que tu avais faites il y a longtemps m’inspiraient.
Ces collages que l’on voit dans le film sont le fruit de notre collaboration.
AV : Souvent, ce sont des photos de moi que tu colles.
JR : Oui, c’est vrai.
AV : Comme la grande chèvre avec des cornes, c’était une photo que j’avais prise en repérage.
JR : On a passé pas mal de temps avec cette femme, Patricia, qui garde les cornes de ses chèvres alors que d’autres les brûlent au premier âge des bêtes.
AV : Les gens sont intenses dans leur travail et dans leurs propos. Oui, cette femme, elle s’est emballée sur ce sujet des cornes de chèvres avec une conviction impressionnante.
JR : Et dans le Nord aussi, on a entendu des paroles fortes.
AV : Aujourd’hui, il n’y a plus de mines, mais on a rencontré une femme, la dernière habitante d’une rue de coron. Elle a parlé de son père mineur, et des anciens mineurs nous ont dit des choses très belles sur un monde qu’on n’a pas connu. C’était intéressant de voir qu’ils en parlaient avec une telle force. Cette femme, Jeannine, nous a émus.
JR : Tu vas en profondeur en interviewant les gens. Cela me captivait de te voir mener ces conversations.
AV : Et toi aussi, tu leur parlais beaucoup.
JR : Bien sûr, j’ai toujours adoré le faire dans tous mes projets, comme j’ai toujours vu dans tes films cette approche qui est la tienne, si douce, si délicate… et féministe aussi.
AV : Ah ! Féministe, je suis !
OP : Les femmes sont très présentes dans le film. Vous montrez leur importance dans le monde paysan et le monde ouvrier.
AV : Oui, avec JR nous étions d’accord qu’il y a un plaisir et du bon sens à donner la parole aux femmes.
JR : C’était l’idée d’Agnès. Quand je lui ai montré toutes les photos des dockers du Havre, elle a dit : « Mais où sont les femmes ? » Donc, j’ai rappelé les dockers et je leur ai demandé : « Est-ce que vos femmes pourraient venir sur le port ? ». Ils m’ont répondu : « Écoute, elles ne sont jamais venues, mais c’est peut-être l’occasion. ». C’était assez dingue de leur faire découvrir le port grâce à ce projet.
AV : C’étaient trois femmes intéressantes qui avaient des choses à dire, donc c’était bien.
Moi, ça me faisait plaisir qu’elles se trouvent mises en valeur « pour une fois », comme dit l’une d’entre elles.
On a été aidés par les dockers qui ont mis à disposition d’énormes containers. On a construit des colonnes de containers comme un jeu de Lego pour créer des totems. Il faut le voir, c’est mieux que d’en parler. Quelle aventure !
JR : Il faut aussi noter que c’était en plein milieu d’une des grèves les plus importantes des dockers : ça m’étonne toujours qu’ils laissent une place d’honneur à l’art, peu importe ce qui se passe.
AV : C’est l’idée que l’art est pour tout le monde.
Si les dockers ont accepté de nous aider, c’est que cela les intéressait qu’on leur propose de participer à un projet artistique.
JR : Un ouvrier de l’usine a dit : « L’art, c’est fait pour surprendre ! » On les dérangeait, mais ils nous acceptaient. Il se passait dans le monde et en France des choses graves et compliquées, mais on tenait à notre projet qui était compris par les gens qu’on rencontrait.
AV : Un projet modeste dans une période de chaos
généralisé.
OP : Justement… votre film est apaisant.
AV : Ils aimaient aussi notre bonne humeur et que tu me mettes en boîte.
Notre engagement, c’était d’être nous-mêmes et de les impliquer dans notre projet.
OP : Il y a des relations très fortes qui se nouent avec les gens que vous rencontrez.
Il y a aussi des souvenirs et des hommages à des disparus, à l’occasion de ces voyages : Nathalie Sarraute, Guy Bourdin, Cartier-Bresson.
AV : Oui je les ai connus. Les évoquer c’est les replacer dans le présent.
C’est le résultat qui est présent.
Quand je passe devant la maison de Nathalie Sarraute, c’est par hasard et cela me fait plaisir, mais ce qui nous intéresse, tout près de là, c’est l’agriculteur local qui cultive seul 800 hectares.
JR : Ailleurs, on a tourné dans un village abandonné.
Il y avait un passé dans ce lieu mais on avait notre camion à images. On a fait une fête avec les gens du coin. C’est à Pirou-Plage, un drôle de nom.
AV : Et le soir, il y avait des centaines de visages sur les murs. Le lendemain, on était partis.
On a su que, depuis, le village a été démoli.
On est dans le courant de ce qui change.
JR : On ne travaille pas dans le solide, on vit des journées particulières.
AV : C’est toujours ce que j’ai aimé dans les documentaires.
On passe quelques jours avec des gens, on fait amitié avec eux et puis on les perd, de la même façon que tu les représentes avec des grandes images qui sont éphémères, qui vont s’effacer des murs.
On a conscience qu’on vit des moments privilégiés.
Le moment de la rencontre, le moment du tournage et du collage, et puis voilà ! Ça me plaît beaucoup.
JR : Des moments qui ne durent pas mais qui restent gravés.
OP : Comment s’est déroulé le tournage ?
AV : On faisait un ou deux déplacements et puis on s’arrêtait, parce que je n’ai plus la force de tourner huit semaines d’affilée, debout dans les champs.
On a tourné 2 à 4 jours par mois.
JR : Je trouve que ça fonctionnait bien. Cela nous permettait de décanter, de réfléchir, de voir où ça nous amenait. On commençait le montage.
On se parlait pendant des heures pour savoir où aller, comment… J’ai ce côté plus improvisé : « On essaye et on verra si ça marche. »
Agnès, elle, pense la séquence en son ensemble et à quelques plans précis. C’est ce qui a renforcé la dynamique de la coréalisation.
AV : Il y a aussi plusieurs générations entre toi et moi : en fait, on n’y pensait pas du tout, même si tu grimpes plus vite que moi dans les escaliers !
On était chacun le modèle de l’autre. Moi, je l’ai senti comme ça parce que quand on filmait la façon dont tu fonctionnes, dont tu montes sur les échafaudages, c’est aussi un portrait de toi et de ton travail.
De ton côté, tu t’intéressais aussi à moi, à mes yeux chancelants…
JR : Oui, on a essayé de raconter ce qui arrive à tes yeux. Je voulais voir pour toi, mieux que toi qui vois flou… spécialement de loin. J’ai photographié de près tes yeux et les ai montrés de loin.
Et tes doigts de pied aussi !
AV : Mes doigts de pied, eh oui… Tes idées me faisaient rire.
Ton insistance à me taquiner, mais aussi à inventer les images de notre amitié…
Oui, on partage le désir de trouver des liens et des formes.
JR : Il y a une chose dont je veux parler et qui me semble importante : tous les gens que nous avons rencontrés nous ont appris quelque chose. Et c’était réciproque.
AV : Quand on raconte au garagiste l’affaire des chèvres sans cornes, il répond : « Ah ! C’est épatant et j’apprends quelque chose, j’en parlerai aux autres. »
JR : D’une personne à l’autre, d’une idée à l’autre, en fait, le film est un collage.
OP : Tout le film est un collage, avec JR qui colle ses photos géantes sur les murs et Agnès qui procède à un collage cinématographique, avec des rimes et des charades visuelles.
AV : J’aime beaucoup cette idée que le montage est un collage avec des jeux de mots, des jeux d’images, qui s’installent tout seuls et nous permettent de ne pas dire Chapitre I, Chapitre II.
Parfois, je pensais que le montage, dans ma tête, c’était une série de mots qui rimaient : visages, villages, collages, partage…
OP : Et rivage. Parlez-nous de ce blockhaus, ce bunker sur la plage.
JR : J’allais souvent en Normandie faire de la moto sur la plage et j’avais découvert un endroit avec un blockhaus allemand du temps de la guerre, qui est tombé de la falaise, planté au milieu de la plage.
J’en parlais à Agnès mais elle ne réagissait pas trop, et puis un jour, je lui ai donné le nom du village et là, ça a fait tilt. Elle m’a dit : « Mais attends, je connais Saint-Aubin-sur-Mer, j’y allais avec Guy Bourdin dans les années cinquante. ».
Je l’ai emmenée là-bas et elle m’a emmené à la maison de Guy Bourdin, pas loin de là.
Elle m’a montré les photos qu’elle avait faites de lui à l’époque. On a marché tous les deux sur la plage et on s’est dit : « Pourquoi on ne le mettrait pas là ? » Le collage a été très éprouvant parce qu’il fallait faire vite. Le blockhaus est gigantesque et la marée montait.
AV : J’avais fait cette photographie de Guy Bourdin assis, les jambes droites, mais tu as eu l’idée de la coller en le penchant, et en fait, ce blockhaus de guerre devenait un berceau avec ce jeune homme qui se reposait. J’ai été énormément touchée de cette transformation de sens de l’image, de ce que c’est devenu, pour peu de temps, et pfuitt ! un coup de marée, et tout est parti.
OP : L’aventure de cette photographie-là, en fin de cette séquence-là, me semble tout à fait exemplaire de votre projet : comment c’est arrivé, comment ça s’est développé, et comment cela a disparu.
JR : Le film raconte cela et notre amitié qui a grandi pendant ces aventures.
Tu m’as impressionné avec l’aventure de tes yeux, cela me troublait, cela devenait aussi le sujet du film.
AV : Tu exagères, mais c’est vrai que « yeux et regard », c’est important dans ton travail, important dans le film… Tu vois très fort pour aider mes yeux qui voient flou et, paradoxe, tes yeux sont toujours planqués derrière des lunettes noires.
On se surprend l’un l’autre, l’une l’autre.
J’espère qu’on surprendra surtout les spectateurs par notre relation et par les témoignages épatants qu’on a recueillis. Certaines des paroles entendues sont à tout jamais dans ma tête.
OP : La fin du film m’a semblé surprenante.
AV : C’est une surprise que nous avons vécue et que je ne souhaite pas commenter.
JR : Quand on a pris le train, je ne savais pas où Agnès m’emmenait, c’était le jeu. Puis, on a cessé de jouer, tout est devenu vrai, une aventure. Ensuite, on a regardé le lac Léman…
AV : … qui est clément (c’est connu) et c’est là qu’on a quitté le film".
"Visages villages" de Agnès Varda et JR
France, 2016
Sur Arte le 26 juin 2019 à 20 h 55
Visuels :
Le facteur Jacky Patin devant son collage à Bonnieux dans le département du Vaucluse
Credit : © Agnes Varda/ JR/ Cine Tamaris
Agnes Varda et JR devant le collage des ouvriers
Credit : © Agnes Varda/ JR/ Cine Tamaris
L'agriculteur devant son collage
Credit : © Agnes Varda/ JR/ Cine Tamaris Animals
Agnès Varda et JR au milieu d'un tas de sel d'usine Arkema
Credit : © Agnes Varda/ JR/ Cine Tamaris Animals
Guy Bourdin pris en 1954 par Agnes Varda, collage sur le bunker de Saint-Aubin sur Mer
Credit : © Agnes Varda/ JR/ Cine Tamaris/
A la Maison européenne de la photographie (MEP)
5/7 rue de Fourcy - 75004 Paris
Tél. : + 33 1 44 78 75 00
Ouvert du mercredi au vendredi de 11 h à 19 h 45, et du samedi au dimanche de 10 h à 19 h 45.
A lire sur ce blog :
Articles in English
Les citations proviennent des sites de la MEP, d'Arte et de l'artiste. Cet article a été publié le 6 février 2019, puis le 26 juin 2019.
Les citations proviennent des sites de la MEP, d'Arte et de l'artiste. Cet article a été publié le 6 février 2019, puis le 26 juin 2019.
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