Le Mémorial de la Shoah présente l’exposition « August Sander. Persécutés / Persécuteurs des Hommes du XXe siècle » dotée d'un site Internet. Pionnier de la photographie documentaire, ayant du affronter le nazisme, August Sander (1876-1964) a conçu des œuvres iconiques du XXe siècle en s’affirmant en portraitiste rigoureux.
« À travers l’expression d’un visage, nous pouvons immédiatement déterminer quel travail il [l’individu] accomplit ou n’accomplit pas, dans ses traits nous lisons s’il éprouve du chagrin ou de la joie, car la vie y laisse immanquablement ses traces. Un poème dit : Dans chaque visage d’homme, son histoire est écrite de la façon la plus claire. L’un sait la lire, l’autre non. » – August Sander (5e conférence radiophonique, « Le carrousel des métiers », 1931).
« La photographie de Sander renonce à recourir à toute forme d’effet vulgaire, elle n’est que pure photographie […] Ni le photographe, ni ses procédés ne sont essentiels, mais bien davantage le sujet représenté, tel qu’il s’offre à l’objectif dans sa forme la plus simple et la plus naturelle. » Franz Wilhelm Seiwert, peintre allemand fondateur du groupe des Progressistes de Cologne, à propos d’August Sander, 1928
« La photographie de Sander renonce à recourir à toute forme d’effet vulgaire, elle n’est que pure photographie […] Ni le photographe, ni ses procédés ne sont essentiels, mais bien davantage le sujet représenté, tel qu’il s’offre à l’objectif dans sa forme la plus simple et la plus naturelle. » Franz Wilhelm Seiwert, peintre allemand fondateur du groupe des Progressistes de Cologne, à propos d’August Sander, 1928
Le Mémorial de la Shoah « consacre une grande exposition à des séries de portraits réalisés pendant le IIIe Reich par l’une des figures majeures de la photographie allemande, August Sander (1876-1964) ».
« Année après année, le Mémorial de la Shoah explore par le biais de ses expositions temporaires toutes les formes de récit et de souvenir. Un travail qui se réalise dans la diversité des regards qui montrent la tragédie que fut la Seconde Guerre mondiale, et particulièrement le caractère unique et l’ampleur de l’entreprise nazie d’extermination des Juifs. Pourquoi avoir choisi l’œuvre d’August Sander ? D’abord parce qu’il est l’un des premiers grands photographes du XXe siècle et qu’il occupe une place symbolique très forte. Allemand, son œuvre a été bannie car il ne partageait pas l’idéal national-socialiste. À son échelle, par son travail, il a donné une place à chacun, la même, quel qu’il soit, celle d’un sujet photographié en tant que tel. Il a donné à son art une ambition majeure, à la fois artistique et testimoniale, donc historique. Cette extraordinaire production, par son ampleur, son ambition, sa qualité, a fait entrer Sander dans la postérité comme le portraitiste de la République de Weimar et l’un des pionniers de l’art photographique. A travers cette exposition, nous appelons, encore et toujours, à la vigilance. Nos sociétés occidentales d’aujourd’hui voient coexister une tolérance toujours plus grande, permettant à chaque individu de vivre selon ses choix, et une multiplication des expressions d’intolérance et de haine. L’individu roi a toujours plus de liberté et de choix, mais le citoyen peine de plus en plus souvent à accepter l’autre. Cette exposition, comme toutes les manifestations du Mémorial, s’inscrit dans le combat primordial contre l’intolérance que nous menons chaque jour au Mémorial de la Shoah », a écrit Eric de Rothschild, président du Mémorial de la Shoah.
« Internationalement reconnu comme l’un des pères fondateurs du style documentaire, August Sander est l’auteur de nombreuses photographies iconiques du XXe siècle ».
« Exerçant son activité dans son atelier de Cologne, August Sander entreprend au sortir de la Première Guerre mondiale un projet qui deviendra celui d’une vie : dresser, sous le titre d’Hommes du XXe siècle, le portrait photographique de la société allemande de la république de Weimar ».
« Alors que son premier ouvrage est, en 1936, interdit à la vente par le régime national socialiste, il réalise vers 1938 de nombreuses photographies d’identités de Juifs persécutés puis pendant la Seconde Guerre mondiale des images de travailleurs étrangers ».
August Sander « intégrera ces images ainsi que celles faites par son fils Erich dans la prison où il meurt en 1944, Hommes du XXe siècle, tout comme les portraits des nationaux-socialistes réalisés avant et pendant la guerre ».
« N’ayant pu publier cette œuvre gigantesque de son vivant, ses descendants poursuivent son objectif jusqu’à aujourd’hui ».
« Ces images, complétées de tirages contacts, de correspondances et d’éléments biographiques sur les personnes photographiées sont exposées ensemble pour la première fois. Elles donnent à voir les portraits d’hommes et de femmes victimes d’une idéologie, qui s’inscrivent ici dans toute leur dignité au rang des Hommes du XXe siècle, dont les nazis avaient voulu les exclure ».
La « force d’August Sander réside ainsi dans la mise à plat par le portrait de la diversité, sociale, politique, mais aussi et surtout l’unicité des Hommes ».
Et « à cet égard, il renouvelle notre questionnement sur l’impossible, dont le mémorial a pour mission de rappeler, sans relâche, qu’il a été possible ».
L’exposition « présente 120 portraits, extraits des Hommes du XXe siècle et de tirages contact* inédits. Un tirage argentique par contact présente les mêmes dimensions que celles du négatif. »
1. August Sander
« Section biographique sur le photographe, qui mêle autoportraits, photos des lieux ayant marqué sa vie et autres documents ».
Cette « section offre « une réflexion sur l’homme qu’a été August Sander, dissident malgré lui, proche des idées de gauche sans jamais se déclarer comme tel, et témoin oculaire de l’histoire. Elle éclaire son oeuvre en évoquant ses amitiés et la relation privilégiée avec son fils aîné à travers une correspondance échangée durant les 10 années qu’Erich a passé en prison. Elle retrace aussi la situation de la communauté juive de Cologne entre 1933 et 1945 ».
2. Antlitz der Zeit (Visage d’une époque)
« Une sélection de portraits issus de l’ouvrage éponyme publié en 1929 et interdit en 1936, allant des paysans du Westerland aux chômeurs de Berlin, esquissant un portrait de la société allemande des années 1920 entre tradition et avant-garde, intellect et labeur, sans que soient oubliés les politiques à travers les portraits d’anarchistes ou de leaders communistes ou démocrates ».
3. Portraits
« L’exposition présente cinq corpus de photographies de August Sander, mettant en regard persécutés et persécuteurs ».
« Ainsi sont rassemblés douze portraits de membres du Parti national-socialiste : soldats, officiers, SS ou encore membre des Jeunesses hitlériennes, pris principalement au début des années 1940, douze portraits de Juifs allemands, dix images du portfolio « Prisonniers politiques » réalisé par Erich Sander dans l’enceinte de la prison de Siegberg entre 1934 et 1944. Elles sont un mélange d’autoportraits d’Erich, de portraits d’autres prisonniers et de clichés de la vie en prison. Enfin 6 photographies de travailleurs étrangers. L’ensemble termine par l’image du masque mortuaire d’Erich Sander, une photographie personnelle d’August Sander qui clôt le travail sur les Hommes du XXe siècle ».
« Enfin exposées pour la première fois, quarante images contact des Juifs de Cologne et des prisonniers politiques que August Sander et ses descendants n’ont pas retenues pour les Hommes du XXe siècle ».
Ces « portraits sont complétés par des informations biographiques obtenues grâce à des recherches entreprises à l’initiative du Mémorial de la Shoah et menées avec le NS-Dokumentationszentrum de Cologne qui retracent notamment le destin de certaines des personnes photographiées juives ou prisonniers politiques. »
Autour de l’exposition, le Mémorial de la Shoah a organisé des conférences. « August Sander. Persécutés/persécuteurs, des Hommes du XXe siècle. « « Voir, observer, penser » : trois actions qui vont guider le photographe August Sander dans son projet des Hommes du XXe siècle. Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, la conscience de ce qui s’est passé et la blessure de la mort en prison de son fils Erich inspirent la composition de son grand oeuvre. Son fils, ses petits-fils et arrière petits-fils poursuivront cette mission devenue familiale, en lien avec des spécialistes de la photographie. Une réunion en présence de Gerd Sander et Julian Sander, August Sander Stiftung, Werner Jung, directeur du Centre de documentation sur le nazisme, Cologne, Alain Sayag, conservateur honoraire, Centre Pompidou, et animée par Michel Guerrin, rédacteur en chef, Le Monde.
Une rencontre avec Patricia Reznikov (éd. Albin Michel, 2017) et Ariane Singer, journaliste, à l’occasion de la parution du « Songe du photographe » de Patricia Reznikov. « Joseph, un jeune Parisien de quinze ans, tente de fuir l’indifférence de sa famille. Accueilli dans une maison d’artistes, il trouve sa place parmi des exilés au passé douloureux. Au récit de leurs histoires, Joseph panse ses blessures et fait l’apprentissage de l’amour. Éducation sentimentale et esthétique, réflexion sur la solitude, ce roman est aussi une ode à la photographie du XXe siècle, à celle d’André Kertész ou d’August Sander ».
Autre événement : la conférence « Être Juif en Allemagne dans les années 1930 » en présence de Dominique Bourel, directeur de recherche, CNRS, Patrick Farges, professeur, histoire de l’Allemagne, université Paris Diderot, Christoph Kreutzmüller, historien et commissaire, Musée juif de Berlin, et Johann Chapoutot, professeur, université Paris 4. « Connue sous le nom « Les persécutés », la série de portraits des Juifs de Cologne est réalisée par August Sander à la fin des années 1930. Mais que savons-nous réellement de la situation quotidienne des Juifs allemands sous le régime national-socialiste ? Quelle est la chronologie des vagues d’émigration ? Et parmi ceux qui sont restés, comment ont-ils choisi de témoigner ? »
A été projeté « Hommage à August Sander » de Pavel Schnabel (Allemagne, documentaire, 21 min, Pavel Schnabel Filmproduktion, 1977, version numérisée 2017, VO diffusion de la traduction française par casque). « August Sander a passé une partie de sa vie dans la région du Westerwald. C’est là qu’il a réalisé ses fameux portraits de paysans locaux dans les années vingt et au début des années trente. Les photographies de Sander se vendent aujourd’hui à prix d’or. Le film débute d’ailleurs avec une vente chez Sotheby’s à Londres, coupe et enchaîne sur des plans dans le Westerwald, où de vieux et simples fermiers et leurs épouses fouillent dans leurs tiroirs pour y trouver leurs tirages de leurs portraits par Sander quand ils étaient jeunes ».
Deux autres documentaires ont éclairés l’exposition. « August Sander – Hommes du XXe siècle » de Reiner Holzemer (Allemagne, documentaire, 44 min, Reiner Holzemer Film, Baverischer Rundfunk, Arte, 2002, vostfr) en présence des réalisateurs et de Gabriele Betancourt Nuñez, professeure à l’université d’Hambourg. « Ce documentaire revient sur la vie du photographe et permet de parcourir son oeuvre, véritable panorama des classes socioprofessionnelles de l’Allemagne, notamment dans l’entre-deux guerres ».
Et « Ma vie en Allemagne au temps de Hitler » de Jérôme Prieur (France, documentaire, 100 min, Roche Productions, Arte, 2018, avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah). « À l’été 1939, une grande enquête est lancée par trois professeurs de Harvard auprès des Allemands qui se sont exilés depuis que Hitler est arrivé au pouvoir : ils doivent raconter leur vie en Allemagne « avant et après le 30 janvier 1933 », et pourquoi ils ont choisi l’exil. Hommes et femmes, de tous âges, ils sont juifs, mais aussi protestants, catholiques, sans religion, opposants politiques, résistants de tous bords... Les milliers de pages qu’ils ont noircies et envoyées des quatre coins du monde, sont restées largement ignorées jusqu’à aujourd’hui. Ce film nous fait entendre pour la première fois la voix de ces femmes et de ces hommes qui ont réussi à fuir à temps le pays des nazis ».
L’exposition « est organisée avec le concours de la August Sander Stiftung et le NS-Dokumentationszentrum de Cologne, plus grand site commémoratif pour les victimes du nazisme en Allemagne, fondé en 1988 ».
Le commissariat de l’exposition est assuré par Sophie Nagiscarde et Marie-Édith Agostini, assistées de Noémie Fillon, Mémorial de la Shoah, avec la participation de Gerhard Sander, Julian Sander et Kristina Engels, August Sander Stiftung.
Fondation Henri Cartier-Bresson
En 2009, la Fondation Henri Cartier-Bresson avait proposé en collaboration avec Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur l'exposition "August Sander. Voir, observer et penser".
"En 1927, à l’occasion de son exposition Hommes du 20ème siècle à la Kunstverein de Cologne, August Sander déclarait que « voir, observer et penser » était le credo de son travail. La Fondation HCB expose, en collaboration avec Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur de Cologne , une centaine de tirages du célèbre photographe allemand (1876-1964) qui nous livre une magistrale esquisse de son époque à la fois typologique et topographique, et une grande leçon de photographie. Tirages d’époque pour la plupart, les épreuves rassemblées sont d’une qualité rare, et l’ensemble constitue une proposition inédite à Paris. Présenter l’œuvre d’August Sander en faisant cohabiter portraits, paysages et études botaniques, c’est rendre justice à l’esprit même de sa démarche.
Le catalogue, publié en Français par Schirmer & Mosel, est accompagné d’une préface par Agnès Sire , d’une introduction par Gabriele Conrath-Scholl et de la retranscription pour la première fois en français de la cinquième conférence radiophonique sur la photographie tenue en 1931 par Sander : La photographie, langage universel.
Né en 1876, August Sander a cherché tout au long de sa vie à transmettre une image de son époque, fidèle à la réalité, grâce à la photographie . Il se passionne très jeune pour le médium et achète son premier appareil photo à16 ans. D’abord employé d’un studio photo, il s’installe très vite comme photographe professionnel à Cologne et gagne sa vie comme portraitiste. Au début des années 20, il se lie avec les cercles culturels de Cologne. Musiciens, écrivains, architectes et acteurs posent pour le photographe qui commence à travailler au projet de sa vie, Hommes du XXème siècle (publié dans son intégralité en 1980). Le regard objectif porté par Sander sur la réalité est accueilli avec enthousiasme lors de la publication en 1929 de Antlitz der Zeit ( Visages d’une époque ) .Ce recueil de portraits, avait pour objectif d’établir une sorte d’inventaire sociologique des types humains, classes sociales et métiers, en évitant les clichés idéalisant.
Parallèlement à l’attention portée aux hommes de son temps, August Sander observe précisément la nature. Il commence à établir un répertoire topographique des différentes régions d’Allemagne et réalise des études de botanique qui le passionnent. Il s’agit pour lui de montrer le lien existant entre l’homme et les espaces naturels qu’il façonne . Dès 1933 il élabore des albums ayant pour thème ces régions et notamment les paysages du Rhin, dont l’exposition à la Fondation présente un exemplaire complet.
L’arrivée au pouvoir des nazis marque le début d’une période difficile pour le photographe, qui va déménager à la campagne avec sa femme Anna très active dans le studio ; il y met en sécurité 10 000 négatifs parmi les plus précieux Son livre Antlitz der Zeit est interdit à la vente en 1936, et les stocks mis au pilon. Son fils Erich est emprisonné (il meurt en 1944), et une grande partie de ses négatifs est détruite dans l’incendie de son appartement de Cologne.
Après la guerre, Sander se consacre à l’organisation de ses archives et notamment à la constitution d’un vaste ensemble sur Cologne, avant la destruction de la ville pendant la guerre : Köln wie es war (Cologne telle qu’elle était). La ville l’achètera en 1953.
En 1951, son travail est montré à la Photokina de Cologne, il fait partie de la célèbre l’exposition Family of man organisée par Steichen au MoMA de New York en 1955, mais sa première grande exposition personnelle hors d’Allemagne, se tiendra au MoMA de New York en 1969, après sa mort.
August Sander meurt le 20 avril 1964 à Cologne ; il laisse une œuvre immense dont la lucidité et l’obsession de vérité furent d’une grande modernité. Son rapport à la série, son goût pour la démystification et la restitution objective ont éveillé chez de nombreux photographes contemporains une autre façon de voir."
Interview de Gerhard et Julian Sander, héritiers d’August Sander
« Pourquoi avoir accepté la proposition du Mémorial de la Shoah d’organiser cette exposition ?
Gerd Sander – C’est très simple : parce que je pense que le Mémorial de la Shoah est l’institution la plus appropriée pour une telle exposition. Et c’est la première institution de mémoire qui en a fait la requête.
Personne n’avait jamais imaginé une exposition comme celle-ci. J’ai eu beaucoup de chance quand Alain Sayag a donné mon contact à Sophie Nagiscarde, co-commissaire de l’exposition. Nous avons pris rendez-vous à Paris, je lui ai raconté tout ce que je savais, je lui ai donné des bouquins.
Quand deux personnes se rencontrent et peuvent discuter de la même chose les yeux dans les yeux, c’est que vous avez trouvé un vrai partenaire. Je suis donc vraiment heureux que la Fondation pour la Mémoire de la Shoah ait rendu tout cela possible, et j’ai investi beaucoup de moi-même dans ce projet. Parce que c’est une forme de continuation à tout ce que j’ai commencé quand j’ai pris les rennes de la succession, en 1988.
Julian Sander – Le monde entier aime voir l’Histoire comme un ensemble assez limité de motivations et causalités diverses. La réalité n’est pas toujours si simple. Pour moi, cette exposition était une opportunité de s’intéresser à un sujet très important, autour d’une période pendant laquelle un pays entier s’est retrouvé manipulé au point de se détourner de ses propres fondations morales. L’œuvre de Sander, grâce à sa précision et sa franchise, est un outil inestimable dans cette analyse. Elle retarde le jugement du public, et par là nous défie à réfléchir à comment nous nous tenons face aux préjugés véhiculés par la propagande nazie, et par d’autres formes de propagande de nos jours.
Comment l’œuvre d’August Sander s’inscrit dans la transmission de la mémoire de la Seconde guerre mondiale et de la Shoah, pour vous ?
GS – August Sander a toujours senti que ses photos étaient aussi des outils de documentation. Il disait, « je veux documenter mon époque ». C’est pourquoi il a tant voulu ajouter les différents groupes présents dans l’exposition aux Hommes du XXe siècle. Parce qu’ils font partie de l’histoire, parce que c’est comme ainsi que ça s’est passé. Il a vécu ces douze effroyables années qu’ont duré le National-Socialisme et la Seconde Guerre mondiale, comme tant d’autres en Allemagne.
Il a du subir le harcèlement de la Gestapo, comme tant d’autres l’ont subi. Nous devons comprendre que la notion de secret n’existe pas dans l’oeuvre de Sander. Le secret, c’est sa personnalité. Son œil et son esprit étaient très spéciaux. Il traitait tout ce qu’il regardait (avec ou sans appareil photo) de la même manière, avec la même objectivité. C’était vrai pour tout ce qu’il entreprenait.
JS – August Sander a dressé le portrait des hommes de son temps. Dans ses photos, il a capturé avec beaucoup de subtilité et de finesse les caractéristiques sous-jacentes de toutes sortes de gens.
À travers cet engagement, August Sander a capturé une forme directe de communication visuelle, des moments intemporels.
En regardant les photos de Sander, on peut voir dans les regards et les âmes des hommes de cette époque. Cette forme de clairvoyance transcende toute forme de distraction. À travers un respect universel pour ses sujets, l’oeuvre de Sander nous montre aujourd’hui comment percevoir ces personnes. Dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah, ce regard devient un contraste extrêmement fort par rapport à la réalité telle que nous la connaissons.
Quel est l’héritage d’August Sander dans la photographie aujourd’hui ?
GS – Je pense qu’il nous a laissé des recommandations très simples : “Voir, observer, penser”. Nous devrions penser à ce que nous faisons. Réfléchir à ce que nous disons. Réfléchir à ce que nous prenons en photo. Et ce pourquoi nous le faisons. Quel est le but de la photo, de la pensée, de l’écrit ? Qu’est-ce que nous voulons accomplir ? Juste du sens commun, rien de plus ni de moins.
JS – L’héritage d’August Sander est si profondément imprimé dans l’ADN de la création photographique contemporaine que ça n’est pas une question facile. August Sander présente dans son oeuvre à la fois toutes les qualités du métier ainsi que sa grande profondeur intellectuelle combinées.
Sa vision de la photographie a guidé et influencé des générations d’artistes.
Certains par la rigueur conceptuelle avec laquelle il a mené le grand projet de sa vie.
D’autres par la limpidité et l’humanisme de son regard. August Sander est un standard pour le portrait photographique, un modèle dont nous nous devons d’être à la hauteur ».
August Sander face au nazisme
« Loin des images d’exaltation aryenne et du mythe du surhomme, la grande variété des portraits réalisés par August Sander et des expressions souvent austères des visages photographiés reflètent la dure réalité sociale, ce qui va largement à l’encontre des principes fondamentaux du régime nazi.
En 1936, l’ouvrage Visage d’une époque est interdit de publication par le régime national-socialiste et les plaques photographiques sont détruites. En 1939, le début de la guerre va pousser August Sander à s’établir dans le Westerwald, emportant avec lui 10 000 négatifs pour les mettre à l’abri. Un incendie détruira les 30 000 autres pièces restées dans sa cave de Cologne en 1946.
Fidèle à son projet et à son travail de catalogage de la société allemande contemporaine, August Sander va également photographier des membres de la SA, de la SS et des Jeunesses Hitlériennes. Mais sur ces photographies, les poses, les regards et les sourires parviennent souvent à faire oublier les fonctions. Ce ne sont pas seulement des officiers SS ou des nazis que l’on observe sur ces portraits, ce sont des Hommes.
À la fin de la guerre, August Sander décide d’intégrer aux Hommes du XXe siècle les portraits de ces nazis en uniformes, au même titre que les photos des « Prisonniers politiques » de son fils Erich ou que la série de portraits des Juifs de Cologne.
En rassemblant ces portraits de « persécutés » et « persécuteurs », August Sander redonne une place au sein de la communauté du peuple allemand à ceux que l’Allemagne nazie avait tenté de déshumaniser. Acteurs et victimes d’une idéologie laissent leur empreinte sur le siècle et sur leur pays ».
Les Juifs de Cologne
« Présents dans la ville depuis l’an 321, victimes de plusieurs pogroms, chassés en 1424 puis autorisés à revenir en 1798, les Juifs de Cologne devront attendre 1871 et la constitution de l’Empire allemand pour obtenir l’égalité des droits civiques et politiques. Alors qu’en 1920, les 16 000 Juifs de la ville font partie intégrante de la vie colonaise et sont des citoyens allemands, l’arrivée au pouvoir des nationaux-socialistes en 1933 et la montée de l’antisémitisme font que les Juifs sont peu à peu évincés de la vie politique et sociale et contraints de quitter leurs fonctions. il leur sera ensuite interdit de voter ou encore de se marier avec des « citoyens de sang allemand ». Fin 1938, des centaines de Juifs polonais vivant à Cologne depuis des décennies sont expulsés vers la Pologne. Les 9 et 10 novembre 1938, les événements de la Nuit de Cristal mettent fin aux espoirs de voir la politique antisémite reculer. Des centaines d’hommes sont arrêtés et internés à Dachau. Des pillages, taxes, et expropriations se mettent en place. Entre 1938 et 1939, August Sander réalise de nombreux portraits de Juifs de Cologne qui, répondant à l’obligation de refaire leur pièce d’identité pour y marquer la lettre « J », se rendent chez le photographe. Ces portraits sont réalisés par l’artiste avec soin, retenue et gravité, bien qu’ils soient destinés à des papiers d’identité. Les premières déportations débuteront à l’automne 1941, jusqu’au printemps 1945. Il n’y aura presque aucun survivant ».
L’exposition « présente 120 portraits, extraits des Hommes du XXe siècle et de tirages contact* inédits. Un tirage argentique par contact présente les mêmes dimensions que celles du négatif. »
1. August Sander
« Section biographique sur le photographe, qui mêle autoportraits, photos des lieux ayant marqué sa vie et autres documents ».
Cette « section offre « une réflexion sur l’homme qu’a été August Sander, dissident malgré lui, proche des idées de gauche sans jamais se déclarer comme tel, et témoin oculaire de l’histoire. Elle éclaire son oeuvre en évoquant ses amitiés et la relation privilégiée avec son fils aîné à travers une correspondance échangée durant les 10 années qu’Erich a passé en prison. Elle retrace aussi la situation de la communauté juive de Cologne entre 1933 et 1945 ».
2. Antlitz der Zeit (Visage d’une époque)
« Une sélection de portraits issus de l’ouvrage éponyme publié en 1929 et interdit en 1936, allant des paysans du Westerland aux chômeurs de Berlin, esquissant un portrait de la société allemande des années 1920 entre tradition et avant-garde, intellect et labeur, sans que soient oubliés les politiques à travers les portraits d’anarchistes ou de leaders communistes ou démocrates ».
3. Portraits
« L’exposition présente cinq corpus de photographies de August Sander, mettant en regard persécutés et persécuteurs ».
« Ainsi sont rassemblés douze portraits de membres du Parti national-socialiste : soldats, officiers, SS ou encore membre des Jeunesses hitlériennes, pris principalement au début des années 1940, douze portraits de Juifs allemands, dix images du portfolio « Prisonniers politiques » réalisé par Erich Sander dans l’enceinte de la prison de Siegberg entre 1934 et 1944. Elles sont un mélange d’autoportraits d’Erich, de portraits d’autres prisonniers et de clichés de la vie en prison. Enfin 6 photographies de travailleurs étrangers. L’ensemble termine par l’image du masque mortuaire d’Erich Sander, une photographie personnelle d’August Sander qui clôt le travail sur les Hommes du XXe siècle ».
« Enfin exposées pour la première fois, quarante images contact des Juifs de Cologne et des prisonniers politiques que August Sander et ses descendants n’ont pas retenues pour les Hommes du XXe siècle ».
Ces « portraits sont complétés par des informations biographiques obtenues grâce à des recherches entreprises à l’initiative du Mémorial de la Shoah et menées avec le NS-Dokumentationszentrum de Cologne qui retracent notamment le destin de certaines des personnes photographiées juives ou prisonniers politiques. »
Autour de l’exposition, le Mémorial de la Shoah a organisé des conférences. « August Sander. Persécutés/persécuteurs, des Hommes du XXe siècle. « « Voir, observer, penser » : trois actions qui vont guider le photographe August Sander dans son projet des Hommes du XXe siècle. Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, la conscience de ce qui s’est passé et la blessure de la mort en prison de son fils Erich inspirent la composition de son grand oeuvre. Son fils, ses petits-fils et arrière petits-fils poursuivront cette mission devenue familiale, en lien avec des spécialistes de la photographie. Une réunion en présence de Gerd Sander et Julian Sander, August Sander Stiftung, Werner Jung, directeur du Centre de documentation sur le nazisme, Cologne, Alain Sayag, conservateur honoraire, Centre Pompidou, et animée par Michel Guerrin, rédacteur en chef, Le Monde.
Une rencontre avec Patricia Reznikov (éd. Albin Michel, 2017) et Ariane Singer, journaliste, à l’occasion de la parution du « Songe du photographe » de Patricia Reznikov. « Joseph, un jeune Parisien de quinze ans, tente de fuir l’indifférence de sa famille. Accueilli dans une maison d’artistes, il trouve sa place parmi des exilés au passé douloureux. Au récit de leurs histoires, Joseph panse ses blessures et fait l’apprentissage de l’amour. Éducation sentimentale et esthétique, réflexion sur la solitude, ce roman est aussi une ode à la photographie du XXe siècle, à celle d’André Kertész ou d’August Sander ».
Autre événement : la conférence « Être Juif en Allemagne dans les années 1930 » en présence de Dominique Bourel, directeur de recherche, CNRS, Patrick Farges, professeur, histoire de l’Allemagne, université Paris Diderot, Christoph Kreutzmüller, historien et commissaire, Musée juif de Berlin, et Johann Chapoutot, professeur, université Paris 4. « Connue sous le nom « Les persécutés », la série de portraits des Juifs de Cologne est réalisée par August Sander à la fin des années 1930. Mais que savons-nous réellement de la situation quotidienne des Juifs allemands sous le régime national-socialiste ? Quelle est la chronologie des vagues d’émigration ? Et parmi ceux qui sont restés, comment ont-ils choisi de témoigner ? »
A été projeté « Hommage à August Sander » de Pavel Schnabel (Allemagne, documentaire, 21 min, Pavel Schnabel Filmproduktion, 1977, version numérisée 2017, VO diffusion de la traduction française par casque). « August Sander a passé une partie de sa vie dans la région du Westerwald. C’est là qu’il a réalisé ses fameux portraits de paysans locaux dans les années vingt et au début des années trente. Les photographies de Sander se vendent aujourd’hui à prix d’or. Le film débute d’ailleurs avec une vente chez Sotheby’s à Londres, coupe et enchaîne sur des plans dans le Westerwald, où de vieux et simples fermiers et leurs épouses fouillent dans leurs tiroirs pour y trouver leurs tirages de leurs portraits par Sander quand ils étaient jeunes ».
Deux autres documentaires ont éclairés l’exposition. « August Sander – Hommes du XXe siècle » de Reiner Holzemer (Allemagne, documentaire, 44 min, Reiner Holzemer Film, Baverischer Rundfunk, Arte, 2002, vostfr) en présence des réalisateurs et de Gabriele Betancourt Nuñez, professeure à l’université d’Hambourg. « Ce documentaire revient sur la vie du photographe et permet de parcourir son oeuvre, véritable panorama des classes socioprofessionnelles de l’Allemagne, notamment dans l’entre-deux guerres ».
Et « Ma vie en Allemagne au temps de Hitler » de Jérôme Prieur (France, documentaire, 100 min, Roche Productions, Arte, 2018, avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah). « À l’été 1939, une grande enquête est lancée par trois professeurs de Harvard auprès des Allemands qui se sont exilés depuis que Hitler est arrivé au pouvoir : ils doivent raconter leur vie en Allemagne « avant et après le 30 janvier 1933 », et pourquoi ils ont choisi l’exil. Hommes et femmes, de tous âges, ils sont juifs, mais aussi protestants, catholiques, sans religion, opposants politiques, résistants de tous bords... Les milliers de pages qu’ils ont noircies et envoyées des quatre coins du monde, sont restées largement ignorées jusqu’à aujourd’hui. Ce film nous fait entendre pour la première fois la voix de ces femmes et de ces hommes qui ont réussi à fuir à temps le pays des nazis ».
Le commissariat de l’exposition est assuré par Sophie Nagiscarde et Marie-Édith Agostini, assistées de Noémie Fillon, Mémorial de la Shoah, avec la participation de Gerhard Sander, Julian Sander et Kristina Engels, August Sander Stiftung.
Fondation Henri Cartier-Bresson
En 2009, la Fondation Henri Cartier-Bresson avait proposé en collaboration avec Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur l'exposition "August Sander. Voir, observer et penser".
"En 1927, à l’occasion de son exposition Hommes du 20ème siècle à la Kunstverein de Cologne, August Sander déclarait que « voir, observer et penser » était le credo de son travail. La Fondation HCB expose, en collaboration avec Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur de Cologne , une centaine de tirages du célèbre photographe allemand (1876-1964) qui nous livre une magistrale esquisse de son époque à la fois typologique et topographique, et une grande leçon de photographie. Tirages d’époque pour la plupart, les épreuves rassemblées sont d’une qualité rare, et l’ensemble constitue une proposition inédite à Paris. Présenter l’œuvre d’August Sander en faisant cohabiter portraits, paysages et études botaniques, c’est rendre justice à l’esprit même de sa démarche.
Le catalogue, publié en Français par Schirmer & Mosel, est accompagné d’une préface par Agnès Sire , d’une introduction par Gabriele Conrath-Scholl et de la retranscription pour la première fois en français de la cinquième conférence radiophonique sur la photographie tenue en 1931 par Sander : La photographie, langage universel.
Né en 1876, August Sander a cherché tout au long de sa vie à transmettre une image de son époque, fidèle à la réalité, grâce à la photographie . Il se passionne très jeune pour le médium et achète son premier appareil photo à16 ans. D’abord employé d’un studio photo, il s’installe très vite comme photographe professionnel à Cologne et gagne sa vie comme portraitiste. Au début des années 20, il se lie avec les cercles culturels de Cologne. Musiciens, écrivains, architectes et acteurs posent pour le photographe qui commence à travailler au projet de sa vie, Hommes du XXème siècle (publié dans son intégralité en 1980). Le regard objectif porté par Sander sur la réalité est accueilli avec enthousiasme lors de la publication en 1929 de Antlitz der Zeit ( Visages d’une époque ) .Ce recueil de portraits, avait pour objectif d’établir une sorte d’inventaire sociologique des types humains, classes sociales et métiers, en évitant les clichés idéalisant.
Parallèlement à l’attention portée aux hommes de son temps, August Sander observe précisément la nature. Il commence à établir un répertoire topographique des différentes régions d’Allemagne et réalise des études de botanique qui le passionnent. Il s’agit pour lui de montrer le lien existant entre l’homme et les espaces naturels qu’il façonne . Dès 1933 il élabore des albums ayant pour thème ces régions et notamment les paysages du Rhin, dont l’exposition à la Fondation présente un exemplaire complet.
L’arrivée au pouvoir des nazis marque le début d’une période difficile pour le photographe, qui va déménager à la campagne avec sa femme Anna très active dans le studio ; il y met en sécurité 10 000 négatifs parmi les plus précieux Son livre Antlitz der Zeit est interdit à la vente en 1936, et les stocks mis au pilon. Son fils Erich est emprisonné (il meurt en 1944), et une grande partie de ses négatifs est détruite dans l’incendie de son appartement de Cologne.
Après la guerre, Sander se consacre à l’organisation de ses archives et notamment à la constitution d’un vaste ensemble sur Cologne, avant la destruction de la ville pendant la guerre : Köln wie es war (Cologne telle qu’elle était). La ville l’achètera en 1953.
En 1951, son travail est montré à la Photokina de Cologne, il fait partie de la célèbre l’exposition Family of man organisée par Steichen au MoMA de New York en 1955, mais sa première grande exposition personnelle hors d’Allemagne, se tiendra au MoMA de New York en 1969, après sa mort.
August Sander meurt le 20 avril 1964 à Cologne ; il laisse une œuvre immense dont la lucidité et l’obsession de vérité furent d’une grande modernité. Son rapport à la série, son goût pour la démystification et la restitution objective ont éveillé chez de nombreux photographes contemporains une autre façon de voir."
Interview de Gerhard et Julian Sander, héritiers d’August Sander
« Pourquoi avoir accepté la proposition du Mémorial de la Shoah d’organiser cette exposition ?
Gerd Sander – C’est très simple : parce que je pense que le Mémorial de la Shoah est l’institution la plus appropriée pour une telle exposition. Et c’est la première institution de mémoire qui en a fait la requête.
Personne n’avait jamais imaginé une exposition comme celle-ci. J’ai eu beaucoup de chance quand Alain Sayag a donné mon contact à Sophie Nagiscarde, co-commissaire de l’exposition. Nous avons pris rendez-vous à Paris, je lui ai raconté tout ce que je savais, je lui ai donné des bouquins.
Quand deux personnes se rencontrent et peuvent discuter de la même chose les yeux dans les yeux, c’est que vous avez trouvé un vrai partenaire. Je suis donc vraiment heureux que la Fondation pour la Mémoire de la Shoah ait rendu tout cela possible, et j’ai investi beaucoup de moi-même dans ce projet. Parce que c’est une forme de continuation à tout ce que j’ai commencé quand j’ai pris les rennes de la succession, en 1988.
Julian Sander – Le monde entier aime voir l’Histoire comme un ensemble assez limité de motivations et causalités diverses. La réalité n’est pas toujours si simple. Pour moi, cette exposition était une opportunité de s’intéresser à un sujet très important, autour d’une période pendant laquelle un pays entier s’est retrouvé manipulé au point de se détourner de ses propres fondations morales. L’œuvre de Sander, grâce à sa précision et sa franchise, est un outil inestimable dans cette analyse. Elle retarde le jugement du public, et par là nous défie à réfléchir à comment nous nous tenons face aux préjugés véhiculés par la propagande nazie, et par d’autres formes de propagande de nos jours.
Comment l’œuvre d’August Sander s’inscrit dans la transmission de la mémoire de la Seconde guerre mondiale et de la Shoah, pour vous ?
GS – August Sander a toujours senti que ses photos étaient aussi des outils de documentation. Il disait, « je veux documenter mon époque ». C’est pourquoi il a tant voulu ajouter les différents groupes présents dans l’exposition aux Hommes du XXe siècle. Parce qu’ils font partie de l’histoire, parce que c’est comme ainsi que ça s’est passé. Il a vécu ces douze effroyables années qu’ont duré le National-Socialisme et la Seconde Guerre mondiale, comme tant d’autres en Allemagne.
Il a du subir le harcèlement de la Gestapo, comme tant d’autres l’ont subi. Nous devons comprendre que la notion de secret n’existe pas dans l’oeuvre de Sander. Le secret, c’est sa personnalité. Son œil et son esprit étaient très spéciaux. Il traitait tout ce qu’il regardait (avec ou sans appareil photo) de la même manière, avec la même objectivité. C’était vrai pour tout ce qu’il entreprenait.
JS – August Sander a dressé le portrait des hommes de son temps. Dans ses photos, il a capturé avec beaucoup de subtilité et de finesse les caractéristiques sous-jacentes de toutes sortes de gens.
À travers cet engagement, August Sander a capturé une forme directe de communication visuelle, des moments intemporels.
En regardant les photos de Sander, on peut voir dans les regards et les âmes des hommes de cette époque. Cette forme de clairvoyance transcende toute forme de distraction. À travers un respect universel pour ses sujets, l’oeuvre de Sander nous montre aujourd’hui comment percevoir ces personnes. Dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah, ce regard devient un contraste extrêmement fort par rapport à la réalité telle que nous la connaissons.
Quel est l’héritage d’August Sander dans la photographie aujourd’hui ?
GS – Je pense qu’il nous a laissé des recommandations très simples : “Voir, observer, penser”. Nous devrions penser à ce que nous faisons. Réfléchir à ce que nous disons. Réfléchir à ce que nous prenons en photo. Et ce pourquoi nous le faisons. Quel est le but de la photo, de la pensée, de l’écrit ? Qu’est-ce que nous voulons accomplir ? Juste du sens commun, rien de plus ni de moins.
JS – L’héritage d’August Sander est si profondément imprimé dans l’ADN de la création photographique contemporaine que ça n’est pas une question facile. August Sander présente dans son oeuvre à la fois toutes les qualités du métier ainsi que sa grande profondeur intellectuelle combinées.
Sa vision de la photographie a guidé et influencé des générations d’artistes.
Certains par la rigueur conceptuelle avec laquelle il a mené le grand projet de sa vie.
D’autres par la limpidité et l’humanisme de son regard. August Sander est un standard pour le portrait photographique, un modèle dont nous nous devons d’être à la hauteur ».
Biographie d’August Sander
« Fils d’un mineur de Herdorf (Rhénanie-Palatinat), August Sander naît en novembre 1876 et entre en contact très tôt avec la photographie dont il fait son métier. Marié et père de quatre enfants, il s’installe en 1910 à Cologne où il fonde son propre studio, travaillant comme portraitiste. Au cours des années 1920, August Sander se lie à de nombreux artistes, musiciens, écrivains, architectes, en particulier ceux du groupe des Progressistes de Cologne, qui influencent l’idée directrice de son travail.
Pacifiste et socialiste, profondément marqué par les atrocités de la Première Guerre mondiale, August Sander va poser un nouveau regard sur ses portraits de paysans d’avant-guerre. Refusant d’adhérer aux flous artistiques qui subliment à l’époque les photos d’art, il choisit au contraire d’accentuer les contrastes clairs-obscurs qui font ressortir les marques du travail agricole sur les visages et les mains de ses modèles.
Au début des années vingt, Sander se rapproche d’artistes liés aux avant-gardes de Cologne comme Franz Wilhelm Seiwert et Heinrich Hoerle, à l’origine du mouvement des Progressistes (Die Progressiven) de Cologne. Ces fréquentations, mêlées aux conversations politiques qu’il échange avec son fils, Erich Sander, et les amis de celui-ci, vont influencer l’idée directrice de son travail.
En parallèle de son travail de photographie commerciale, August Sander développe un projet personnel nommé les Hommes du XXe siècle. Il photographie, tant à Cologne que dans le reste de l’Allemagne, des individus de toutes catégories sociales et professionnelles : artistes et militants communistes que fréquente son fils Erich, paysans, artisans, fonctionnaires, artistes, bourgeois et grands industriels, travailleurs et chômeurs, tsiganes et handicapés.
L’une des caractéristiques de son travail est de mêler portraits de studio, dont certains sont des commandes de photographies d’identité, à celles réalisés de sa propre initiative, dans le cadre de son projet, mêlant le travail de l’artisan et de l’artiste, une idée chère aux Progressistes de Cologne et au photographe. En 1929, August Sander publie Antlitz der Zeit (Visage d’une époque, préfacé par Alfred Döblin), recueil de 60 portraits et répertoire sociologique de la société allemande des années 1920.
Avec la montée du nazisme, August Sander connaît des temps difficiles. Antlitz der Zeit est interdit de publication et les plaques photographiques sont détruites.
Son fils aîné, Erich Sander, est emprisonné en 1934 pour appartenance au parti communiste et meurt dix ans plus tard, peu avant la fin de la guerre. Il laisse derrière lui une série de photos que August Sander intégrera à son propre portfolio sous le nom « Prisonniers politiques ». Toujours à Cologne, August Sander est amené en 1938-39 à réaliser de nombreuses photographies d’identité de Juifs de Cologne, forcés de refaire leur pièce d’identité pour l’apposition du « J » de Juif ou désirant quitter l’Allemagne, notamment après la Nuit de cristal. Douze de ces portraits seront à la fin de la guerre ajoutés au corpus photographique sous le nom de « Persécutés ».
En 1942, August Sander déménage certains négatifs et archives dans la cave de sa maison de campagne, les sauvant ainsi de la destruction. Son studio à Cologne est bombardé en 1944. Sander meurt en 1964, laissant derrière lui plus de 40 000 photos, chronique photographique et répertoire sociologique de son époque.
Son style franc et objectif, toujours à la recherche de la vérité a résolument influencé l’histoire de la photographie et marqué un départ du style plus classique de portraits, cherchant à dissimuler les imperfections.
Erich Sander
Erich, l’aîné des trois enfants de la famille Sander naît le 22 décembre 1903 à Linz, en Autriche. Dès 1914, il s’éveille aux idées socialistes et adhère en septembre 1922 à la Ligue des jeunes communistes d’Allemagne.
Père et fils se rejoignent tout de même sur un point : la photographie, qu’Erich pratique avec passion. En 1924, Erich adhère au Parti communiste allemand. En octobre 1932, il est nommé à la tête du SAP, le parti socialiste ouvrier d’Allemagne, et s’engage alors dans la Résistance. Le 11 septembre 1934, Erich Sander est arrêté par la Gestapo et condamné à dix ans de prison. Dès 1936, il devient photographe carcéral de la prison de Siegburg. Ses fonctions lui permettent de réaliser de nombreuses photographies qui témoignent de la vie quotidienne au sein de la prison, mais aussi de poursuivre ses activités de résistance. En mars 1944, Erich Sander est affecté d’une appendicite. Transféré trop tard à l’hôpital, il meurt le 23 mars 1944. August Sander, profondément attristé intégrera les clichés de son fils à son projet Hommes du XXe siècle dans le portfolio « Prisonniers politiques ».
« La photographie était bien davantage qu’un métier pour August et son fils Erich – elle reflétait leur vision du monde et des hommes, tels qu’ils sont. » Gerhard Sander, petit-fils d’August et neveu d’Erich Sander, « Postface à la correspondance d’Erich Sander », in NS-Dokumentationszentrum de la ville de Cologne (dir.), Erich Sander. Gefängnisbriefe 1935 – 1944, Berlin, Metropol, 2016, vol. 2, p. 341.
« Fils d’un mineur de Herdorf (Rhénanie-Palatinat), August Sander naît en novembre 1876 et entre en contact très tôt avec la photographie dont il fait son métier. Marié et père de quatre enfants, il s’installe en 1910 à Cologne où il fonde son propre studio, travaillant comme portraitiste. Au cours des années 1920, August Sander se lie à de nombreux artistes, musiciens, écrivains, architectes, en particulier ceux du groupe des Progressistes de Cologne, qui influencent l’idée directrice de son travail.
Pacifiste et socialiste, profondément marqué par les atrocités de la Première Guerre mondiale, August Sander va poser un nouveau regard sur ses portraits de paysans d’avant-guerre. Refusant d’adhérer aux flous artistiques qui subliment à l’époque les photos d’art, il choisit au contraire d’accentuer les contrastes clairs-obscurs qui font ressortir les marques du travail agricole sur les visages et les mains de ses modèles.
Au début des années vingt, Sander se rapproche d’artistes liés aux avant-gardes de Cologne comme Franz Wilhelm Seiwert et Heinrich Hoerle, à l’origine du mouvement des Progressistes (Die Progressiven) de Cologne. Ces fréquentations, mêlées aux conversations politiques qu’il échange avec son fils, Erich Sander, et les amis de celui-ci, vont influencer l’idée directrice de son travail.
En parallèle de son travail de photographie commerciale, August Sander développe un projet personnel nommé les Hommes du XXe siècle. Il photographie, tant à Cologne que dans le reste de l’Allemagne, des individus de toutes catégories sociales et professionnelles : artistes et militants communistes que fréquente son fils Erich, paysans, artisans, fonctionnaires, artistes, bourgeois et grands industriels, travailleurs et chômeurs, tsiganes et handicapés.
L’une des caractéristiques de son travail est de mêler portraits de studio, dont certains sont des commandes de photographies d’identité, à celles réalisés de sa propre initiative, dans le cadre de son projet, mêlant le travail de l’artisan et de l’artiste, une idée chère aux Progressistes de Cologne et au photographe. En 1929, August Sander publie Antlitz der Zeit (Visage d’une époque, préfacé par Alfred Döblin), recueil de 60 portraits et répertoire sociologique de la société allemande des années 1920.
Avec la montée du nazisme, August Sander connaît des temps difficiles. Antlitz der Zeit est interdit de publication et les plaques photographiques sont détruites.
Son fils aîné, Erich Sander, est emprisonné en 1934 pour appartenance au parti communiste et meurt dix ans plus tard, peu avant la fin de la guerre. Il laisse derrière lui une série de photos que August Sander intégrera à son propre portfolio sous le nom « Prisonniers politiques ». Toujours à Cologne, August Sander est amené en 1938-39 à réaliser de nombreuses photographies d’identité de Juifs de Cologne, forcés de refaire leur pièce d’identité pour l’apposition du « J » de Juif ou désirant quitter l’Allemagne, notamment après la Nuit de cristal. Douze de ces portraits seront à la fin de la guerre ajoutés au corpus photographique sous le nom de « Persécutés ».
En 1942, August Sander déménage certains négatifs et archives dans la cave de sa maison de campagne, les sauvant ainsi de la destruction. Son studio à Cologne est bombardé en 1944. Sander meurt en 1964, laissant derrière lui plus de 40 000 photos, chronique photographique et répertoire sociologique de son époque.
Son style franc et objectif, toujours à la recherche de la vérité a résolument influencé l’histoire de la photographie et marqué un départ du style plus classique de portraits, cherchant à dissimuler les imperfections.
Erich Sander
Erich, l’aîné des trois enfants de la famille Sander naît le 22 décembre 1903 à Linz, en Autriche. Dès 1914, il s’éveille aux idées socialistes et adhère en septembre 1922 à la Ligue des jeunes communistes d’Allemagne.
Père et fils se rejoignent tout de même sur un point : la photographie, qu’Erich pratique avec passion. En 1924, Erich adhère au Parti communiste allemand. En octobre 1932, il est nommé à la tête du SAP, le parti socialiste ouvrier d’Allemagne, et s’engage alors dans la Résistance. Le 11 septembre 1934, Erich Sander est arrêté par la Gestapo et condamné à dix ans de prison. Dès 1936, il devient photographe carcéral de la prison de Siegburg. Ses fonctions lui permettent de réaliser de nombreuses photographies qui témoignent de la vie quotidienne au sein de la prison, mais aussi de poursuivre ses activités de résistance. En mars 1944, Erich Sander est affecté d’une appendicite. Transféré trop tard à l’hôpital, il meurt le 23 mars 1944. August Sander, profondément attristé intégrera les clichés de son fils à son projet Hommes du XXe siècle dans le portfolio « Prisonniers politiques ».
« La photographie était bien davantage qu’un métier pour August et son fils Erich – elle reflétait leur vision du monde et des hommes, tels qu’ils sont. » Gerhard Sander, petit-fils d’August et neveu d’Erich Sander, « Postface à la correspondance d’Erich Sander », in NS-Dokumentationszentrum de la ville de Cologne (dir.), Erich Sander. Gefängnisbriefe 1935 – 1944, Berlin, Metropol, 2016, vol. 2, p. 341.
Hommes du XXe siècle, l’œuvre d’une vie
« Pour le projet “Hommes du XXe siècle”, j’ai également constitué un portfolio de portraits de Juifs qui ont émigré par la suite. Il s’agit essentiellement de personnages typiques du Cologne d’avant-guerre. Ce portfolio sera certainement un document précieux pour les Juifs, soyez-en assuré. » August Sander à Hans Shoemann, le 16 juillet 1946
« Les images qui composent l’oeuvre majeure d’August Sander, les Hommes du XXe siècle (Menschen des 20. Jahrhunderts), furent quasi intégralement réalisées sous la République de Weimar, même si les prises de vues vont se poursuivre jusqu’en 1954. Ces centaines de portraits sont classés en sept groupes (« Le paysan », « L’artisan », « La femme », « Les catégories sociales et professionnelles », « Les artistes », « La grande ville » et « Les derniers Hommes »). August Sander n’ayant pas eu le temps d’achever son travail, la composition de l’ouvrage final a été reconstituée par ses descendants à partir des instructions écrites qu’il a laissées.
Paysans, soldats, militaires, hommes politiques, saltimbanques, hommes d’affaires, serveurs, August Sander a photographié pas moins de 600 professions.
Débuté dans le monde paysan, le cycle s’achève dans la grande ville, avec ses mendiants, ses chômeurs, ses infirmes, tous ceux « marqués par la vie », que Sander appelle « Les derniers Hommes ».
À la fin de la guerre, il intègre aux Hommes du XXe siècle le portfolio « Prisonniers politiques », constitué de photographies prises par son fils Erich Sander, emprisonné en 1934 en raison de ses opinions politiques, ainsi que des portraits de Juifs de Cologne réalisés pour des pièces d’identité en 1938-1939 alors que ceux-ci cherchent à fuir l’Allemagne nazie.
Stylistiquement, le travail de Sander se rapproche d’un travail documentaire, associé à une incroyable rigueur technique : les poses sont travaillées, les clairs-obscurs maîtrisés, il nous entraîne au-delà du visible. Les différences sociales, inscrites dans le langage corporel des personnes photographiées ou dans des objets symboliques liés aux professions, créent ce qu’il nomme des « instantanés physionomiques de son époque ». Il espère laisser une image de la société allemande du XXe siècle fidèle à la réalité, et c’est cette obsession pour la vérité qui rend son oeuvre incroyablement moderne et lui confère une place significative dans l’histoire du portrait. Le caractère « sériel » de son travail renforce la singularité de l’oeuvre et va influencer de nombreux artistes comme Diane Arbus ou Bernd et Hilla Becher ».
« Pour le projet “Hommes du XXe siècle”, j’ai également constitué un portfolio de portraits de Juifs qui ont émigré par la suite. Il s’agit essentiellement de personnages typiques du Cologne d’avant-guerre. Ce portfolio sera certainement un document précieux pour les Juifs, soyez-en assuré. » August Sander à Hans Shoemann, le 16 juillet 1946
« Les images qui composent l’oeuvre majeure d’August Sander, les Hommes du XXe siècle (Menschen des 20. Jahrhunderts), furent quasi intégralement réalisées sous la République de Weimar, même si les prises de vues vont se poursuivre jusqu’en 1954. Ces centaines de portraits sont classés en sept groupes (« Le paysan », « L’artisan », « La femme », « Les catégories sociales et professionnelles », « Les artistes », « La grande ville » et « Les derniers Hommes »). August Sander n’ayant pas eu le temps d’achever son travail, la composition de l’ouvrage final a été reconstituée par ses descendants à partir des instructions écrites qu’il a laissées.
Paysans, soldats, militaires, hommes politiques, saltimbanques, hommes d’affaires, serveurs, August Sander a photographié pas moins de 600 professions.
Débuté dans le monde paysan, le cycle s’achève dans la grande ville, avec ses mendiants, ses chômeurs, ses infirmes, tous ceux « marqués par la vie », que Sander appelle « Les derniers Hommes ».
À la fin de la guerre, il intègre aux Hommes du XXe siècle le portfolio « Prisonniers politiques », constitué de photographies prises par son fils Erich Sander, emprisonné en 1934 en raison de ses opinions politiques, ainsi que des portraits de Juifs de Cologne réalisés pour des pièces d’identité en 1938-1939 alors que ceux-ci cherchent à fuir l’Allemagne nazie.
Stylistiquement, le travail de Sander se rapproche d’un travail documentaire, associé à une incroyable rigueur technique : les poses sont travaillées, les clairs-obscurs maîtrisés, il nous entraîne au-delà du visible. Les différences sociales, inscrites dans le langage corporel des personnes photographiées ou dans des objets symboliques liés aux professions, créent ce qu’il nomme des « instantanés physionomiques de son époque ». Il espère laisser une image de la société allemande du XXe siècle fidèle à la réalité, et c’est cette obsession pour la vérité qui rend son oeuvre incroyablement moderne et lui confère une place significative dans l’histoire du portrait. Le caractère « sériel » de son travail renforce la singularité de l’oeuvre et va influencer de nombreux artistes comme Diane Arbus ou Bernd et Hilla Becher ».
August Sander face au nazisme
« Loin des images d’exaltation aryenne et du mythe du surhomme, la grande variété des portraits réalisés par August Sander et des expressions souvent austères des visages photographiés reflètent la dure réalité sociale, ce qui va largement à l’encontre des principes fondamentaux du régime nazi.
En 1936, l’ouvrage Visage d’une époque est interdit de publication par le régime national-socialiste et les plaques photographiques sont détruites. En 1939, le début de la guerre va pousser August Sander à s’établir dans le Westerwald, emportant avec lui 10 000 négatifs pour les mettre à l’abri. Un incendie détruira les 30 000 autres pièces restées dans sa cave de Cologne en 1946.
Fidèle à son projet et à son travail de catalogage de la société allemande contemporaine, August Sander va également photographier des membres de la SA, de la SS et des Jeunesses Hitlériennes. Mais sur ces photographies, les poses, les regards et les sourires parviennent souvent à faire oublier les fonctions. Ce ne sont pas seulement des officiers SS ou des nazis que l’on observe sur ces portraits, ce sont des Hommes.
À la fin de la guerre, August Sander décide d’intégrer aux Hommes du XXe siècle les portraits de ces nazis en uniformes, au même titre que les photos des « Prisonniers politiques » de son fils Erich ou que la série de portraits des Juifs de Cologne.
En rassemblant ces portraits de « persécutés » et « persécuteurs », August Sander redonne une place au sein de la communauté du peuple allemand à ceux que l’Allemagne nazie avait tenté de déshumaniser. Acteurs et victimes d’une idéologie laissent leur empreinte sur le siècle et sur leur pays ».
Les Juifs de Cologne
« Présents dans la ville depuis l’an 321, victimes de plusieurs pogroms, chassés en 1424 puis autorisés à revenir en 1798, les Juifs de Cologne devront attendre 1871 et la constitution de l’Empire allemand pour obtenir l’égalité des droits civiques et politiques. Alors qu’en 1920, les 16 000 Juifs de la ville font partie intégrante de la vie colonaise et sont des citoyens allemands, l’arrivée au pouvoir des nationaux-socialistes en 1933 et la montée de l’antisémitisme font que les Juifs sont peu à peu évincés de la vie politique et sociale et contraints de quitter leurs fonctions. il leur sera ensuite interdit de voter ou encore de se marier avec des « citoyens de sang allemand ». Fin 1938, des centaines de Juifs polonais vivant à Cologne depuis des décennies sont expulsés vers la Pologne. Les 9 et 10 novembre 1938, les événements de la Nuit de Cristal mettent fin aux espoirs de voir la politique antisémite reculer. Des centaines d’hommes sont arrêtés et internés à Dachau. Des pillages, taxes, et expropriations se mettent en place. Entre 1938 et 1939, August Sander réalise de nombreux portraits de Juifs de Cologne qui, répondant à l’obligation de refaire leur pièce d’identité pour y marquer la lettre « J », se rendent chez le photographe. Ces portraits sont réalisés par l’artiste avec soin, retenue et gravité, bien qu’ils soient destinés à des papiers d’identité. Les premières déportations débuteront à l’automne 1941, jusqu’au printemps 1945. Il n’y aura presque aucun survivant ».
Du 8 mars au 15 novembre 2018
Au Mémorial de la Shoah
Niveau 1
17, rue Geoffroy–l’Asnier. 75004 Paris
Tél. : 01 42 77 44 72
www.memorialdelashoah.org
Tous les jours, sauf le samedi, de 10 h à 18 h.
Nocturne jusqu’à 22h le jeudi.
Entrée libre et gratuite
Visuels :
August Sander, VI/44b/1, Travailleur étranger, Portfolio VI/44b — La Grande Ville, Travailleurs étrangers, 1941-1945. Tirage gélatino-argentique, 1990.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn ; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
August Sander, VI/44b/1, Foreign Worker, Portfolio VI/44b — The City, Foreign Workers, 1941-1945. Gelatin silver print, 1990.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn ; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn ; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
Erich Sander, Political Prisoner [Erich Sander], 1936-1940. Contact print, 1990-2011.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn ; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
August Sander, Manœuvre, 1929. Tirage gélatino-argentique, 1990.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
August Sander, Odd-job man, 1929. Gelatin silver print, 1990.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
August Sander, IV/23a/4, National-socialiste [Membre de la SS-Leibstandarte Adolf Hitler], Portfolio IV/23a — Les Catégories socio-professionnelles, le National-socialiste, c. 1940. Tirage gélatino-argentique, 1990.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
August Sander, IV/23a/4, National Socialist [Member of SS-Leibstandarte Adolf Hitler], Portfolio IV/23a — Classes and Professions, The National Socialist, c. 1940. Gelatin silver print, 1990.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
August Sander, VI/44/5, Persécutée, Portfolio VI/44 — La Grande Ville, Persécutés, 1938. Tirage gélatino-argentique, 1990.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
August Sander, VI/44/5, Persecuted, Portfolio VI/44 — The City, Persecuted, 1938. Gelatin silver print, 1990.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
Gunther Sander, August Sander in Kuchhausen, c. 1956/1958. Gelatin silver vintage print, 1990.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
Erich et August Sander, VI/44a/7, Prisonnier politique [Marcel Ancelin], Portfolio VI/44a — La Grande Ville, Prisonniers politiques, 1943. Tirage gélatino-argentique, 1990.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn ; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
Erich and August Sander, VI/44a/7, Political Prisoner [Marcel Ancelin], Portfolio VI/44a — The City, Political Prisoners, 1943. Gelatin silver print, 1990.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn ; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
August Sander, Persecuted [Mrs Franken], c. 1938. Contact print, 1990-2011.
© Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne; VG Bild-Kunst, Bonn; ADAGP, Paris, 2018. Courtesy of Gallery Julian Sander, Cologne and Hauser & Wirth, New York.
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