Le musée des Beaux-arts de Caen présente l’exposition partiale « Murs ». Les représentations artistiques de murs en une « liste à la Prévert » non dénuée d'imprécisions ou d'erreurs historiques ou politiques.
« Que de suggestions peuvent naître de l'image du mur et de toutes ses dérivations ! Séparation, claustration ; murs des lamentations, murs des prisons ; témoins de la marche du temps, surfaces lisses, sereines, blanches, surfaces torturées, vieillies, décrépites ; marques d'empreintes humaines, d'objets, d'éléments naturels ; sensation de lutte, d'effort, de destruction, de cataclysme, ou de construction, de création et d'équilibre ; débris d'amour, de douleur, de dégoût, de désordre ; prestige romantique des ruines (...), sensation de chute, d'effondrement, d'expansion, de concentration ; de rejet du monde, contemplation intérieure, anéantissement des passions, silence, mort ; déchirures, tortures, corps écartelés, débris humains ; équivalence de sons, balafres, raclements, explosions, décharges de feu, coups, martèlement, cris, échos résonnant à travers l'espace… » (Antoni Tàpies, Communication sur le mur, 1999, avec José Angel Valente, éditions Unes)
« Situé dans l'enceinte du château fortifié de Guillaume le Conquérant, le musée des Beaux-arts de Caen évoque la figure du mur à travers ses représentations artistiques, comme une évidence physique et visuelle donnant corps et formes à la nécessité du regard. Le mur apparaît tantôt comme appui, tantôt comme limite, ici instrument d'un interdit, la promesse d'un ailleurs, contrainte pour les uns, protection pour les autres. Il est un bloc de matière traversant le temps, doué d'une vie propre et qui nous dépasse ou élément urbain dérisoire, recouvert d'inscriptions, simple témoignage voué à la ruine. Le mur engendre des réalités positives et négatives, dans un va-et-vient permanent ».
L'exposition « s'efforce d'éviter toute opposition binaire, comme elle écarte la tentation de l'inventaire ». Pourtant la lecture du dossier de presse et du dossier pédagogique suscite quelques questions...
« Nombreux sont ces murs d'une histoire ancienne ou contemporaine qui traversent l'exposition en creux, tout en demeurant à la porte du musée – mur de l'Atlantique ou de Berlin, mur des Lamentations, muraille de Chine, murs frontières, imposés en Palestine ou au Mexique, mur des fusillés… » Le Mur dit des Lamentations est situé dans la vieille ville de Jérusalem, capitale d’Israël. Ce Mur occidental est aussi appelé en hébreu le Kotel. C’est un mur de soutènement du mont du Temple. C’est un vestige d’un mur d’enceinte autour du Temple.
Temporaire, sillonnant des territoires disputés - Judée et Samarie -, et non « la Palestine » ou « la Cisjordanie », cette barrière de sécurité anti-terroriste n’est un mur que sur une part infime (3%) de son tracé d’environ 720 km. Pour l’essentiel, il s’agit d’une clôture de barbelés. La partie murale a été édifiée dans les zones où il était possible aux snipers palestiniens de tirer sur des cibles israéliennes, et donc de les blesser ou tuer.
L'efficacité de cette barrière pour réduire le nombre d’attentats terroristes islamistes palestiniens a été démontrée : « les statistiques montrent une nette corrélation entre l’édification de la clôture et le déclin du nombre d’attentats terroristes à partir des régions voisines des tronçons achevés. Entre 2002 et 2003, les données statistiques indiquent une chute de 30% du nombre des attentats perpétrés. De même, le nombre des victimes assassinées par des terroristes a diminué de 50% en 2003, par rapport à l’année précédente. Dans les régions où la clôture est édifiée, le nombre des victimes assassinées par des terroristes est passé de 46 en 2003 à 0 en 2004. D’avril à décembre 2002, 17 attentats-suicides à la bombe ont été perpétrés en Israël, provenant du nord de la Cisjordanie (Samarie). Par contre, depuis le début de la construction de la clôture, durant toute l’année 2003, 5 attentats-suicides seulement émanaient de cette région. Aucun déclin n’a été enregistré dans le nombre des attentats perpétrés à partir de la région où la construction de la clôture antiterroriste n’a pas encore commencé, c’est-à-dire la partie sud de la Cisjordanie (Judée) ».
« D'autres murs guident plus directement la pensée de l'exposition. Qui ne garde en tête ces murs, réels ou mythiques, lieux de la naissance d'un geste artistique : les parois des grottes de Chauvet ou de Lascaux, la cloison sur laquelle la fille de Dibutade trace le contour de l'ombre portée de son amant ? C'est à l'aune de ces murs originaires que le musée des Beaux-arts de Caen pose l'exigence d'un regard artistique résolu à affronter le réel ».
L'exposition « réunit un ensemble de plus de 80 œuvres, anciennes pour certaines, contemporaines pour la plupart, mêlant tous les champs d'expression que sont la peinture, la sculpture, l'architecture, l'installation pensée in situ, le dessin, l'estampe, la photographie, la vidéographie. Jean-Michel Alberola, Dieter Appelt, Guillaume Bodinier, Brassaï, Samuel Buckman, Pierre Buraglio, Théodore Caruelle d'Aligny, Léon Cogniet, Jean Baptiste Camille Corot, François Curlet, Maurice Denis, André Devambez, Noël Dolla, Jean Dubuffet, Gisèle Freund, Isa Genzken, Mona Hatoum, « artiste britannique d'origine palestinienne », Pascal Haüsermann, Jean-Jacques Henner, Thomas Jones, Per Kirkeby, Claude Lévêque, Georges Leroux, Jacques Lizène, Gordon Matta-Clark, Richard Monnier, Robert Morris, Jean-Luc Moulène, Edgardo Navarro, Daniel Pommereulle, Jean-Pierre Raynaud, Samuel Rousseau, Claude Rutault, Jacqueline Salmon, Gregor Schneider, Kurt Schwitters, Sean Scully, Christian Segaud, Léon Spilliaert, Nicolas de Staël, Pierre Tal Coat, Antoni Tàpies, Pierre-Henri de Valenciennes. »
« Le parcours s'articule en quatre sections thématiques qui se suivent dans une forme de discontinuité dialectique : Un petit pan, Quatre murs, Dans la rue, Ouvert ».
Le commissariat est assuré par Emmanuelle Delapierre et Marie Claire Sellier.
Le 16 septembre 2018, à 15 h, aura lieu la rencontre avec Marcel Cohen auteur de Murs (1979, rééd. Gallimard 2014), et Albert Dichy, directeur littéraire de l'IMEC.
Quant au dossier pédagogique, il suggère des pistes d'études aux enseignants de collèges et de lycées.
Pour l'Antiquité, il évoque le judaïsme antique par le "Temple de Jérusalem + mur des Lamentations" et la synagogue de Doura Europos, dans la ville hellénistique et romaine localisée dans la province de Syrie. Au Moyen-âge, le judaïsme est présenté de manière annexe par rapport à "l'islam et à la chrétienté" - un ordre curieux - dans une rubrique sur l'exclusion : les "murs de proscription" avec comme exemple "les ghettos : Venise". Quid du mellah au Maroc ? Quid de la « Maison Sublime » de Rouen ?
Le "Cycle IV, Géographie, 4e" a pour "Thème 2 : "Les mobilités humaines transnationales". L'"Étude de cas" proposée explique peut-être la raison de l'exposition : "Moyen-Orient et Europe, des flux migratoires qui explosent. Analyse de documents géographiques mais aussi d’un graffiti de Bansky à Calais, 12 décembre 2015 : Les réfugiés : un atout pour les pays d’accueil ?. Elle peut être prolongée avec l’impression murale de Samuel Buckman, Mort aux mondes, en s'interrogeant sur le rôle des graffitis urbains dans les zones conflictuelles." Ce thème est développé dans le "Cycle IV, Géographie, 3e - Thème 3 : "La France et l’Union Européenne" : "Frontières et murs érigés. Alors que la chute du mur de Berlin en 1989 laissait espérer un monde plus ouvert, un phénomène de fermeture des frontières s’affirme dans le monde d’aujourd’hui ; les objectifs, les matériaux et les dispositifs mis en place peuvent varier mais ce renouveau des murs de béton ou de barrières électrifiées témoignent de la volonté de certains États de fortifier leurs frontières".
Dans le "Cycle IV, Histoire, 3e" : le "Thème 1 : "L’Europe, un théâtre majeur des guerres totales (1914-1945)", "La Seconde Guerre mondiale, une guerre d’anéantissement". "Démarche : aborder les génocides des juifs et des tziganes à partir du texte de Hannah Harendt et le confronter avec plusieurs documents sur les camps : carte générale des camps, plan du camp d’Auschwitz-Birkenau, témoignages de déportés. On peut en plus faire réfléchir les élèves sur la question de l’enfermement avec une observation et une analyse des héliogravures de Robert Morris In the realm of the carceral (1978-79), représentant des schémas géométriques comme autant de signes d’une structure de la répression. Compétences travaillées : analyser des documents, en extraire des informations pertinentes, les classer, les hiérarchiser, écrire pour construire une pensée et un savoir.
"Le monde depuis 1989" ? "À partir de la carte des murs dans le monde (cf. sitographie) présentée aux élèves par deux, les faire travailler sur un des murs existants (localisation, pays concernés, objectifs de la construction, matérialisation, réactions). Chaque groupe restitue ensuite son travail à l’oral devant la classe. Des exemples de murs : "La ligne verte" à Chypre, le mur des États-Unis et du Mexique, le mur entre Israël et la Cisjordanie."
Suit le thème : "Femmes et hommes dans la société des années 1950- 1980". Quel rapport avec l'exposition ?
Le dossier pédagogique cite des oeuvres de Marcel Proust, Nathalie Sarraute, Georges Perec...
Quant au dossier pédagogique, il suggère des pistes d'études aux enseignants de collèges et de lycées.
Pour l'Antiquité, il évoque le judaïsme antique par le "Temple de Jérusalem + mur des Lamentations" et la synagogue de Doura Europos, dans la ville hellénistique et romaine localisée dans la province de Syrie. Au Moyen-âge, le judaïsme est présenté de manière annexe par rapport à "l'islam et à la chrétienté" - un ordre curieux - dans une rubrique sur l'exclusion : les "murs de proscription" avec comme exemple "les ghettos : Venise". Quid du mellah au Maroc ? Quid de la « Maison Sublime » de Rouen ?
Le "Cycle IV, Géographie, 4e" a pour "Thème 2 : "Les mobilités humaines transnationales". L'"Étude de cas" proposée explique peut-être la raison de l'exposition : "Moyen-Orient et Europe, des flux migratoires qui explosent. Analyse de documents géographiques mais aussi d’un graffiti de Bansky à Calais, 12 décembre 2015 : Les réfugiés : un atout pour les pays d’accueil ?. Elle peut être prolongée avec l’impression murale de Samuel Buckman, Mort aux mondes, en s'interrogeant sur le rôle des graffitis urbains dans les zones conflictuelles." Ce thème est développé dans le "Cycle IV, Géographie, 3e - Thème 3 : "La France et l’Union Européenne" : "Frontières et murs érigés. Alors que la chute du mur de Berlin en 1989 laissait espérer un monde plus ouvert, un phénomène de fermeture des frontières s’affirme dans le monde d’aujourd’hui ; les objectifs, les matériaux et les dispositifs mis en place peuvent varier mais ce renouveau des murs de béton ou de barrières électrifiées témoignent de la volonté de certains États de fortifier leurs frontières".
Dans le "Cycle IV, Histoire, 3e" : le "Thème 1 : "L’Europe, un théâtre majeur des guerres totales (1914-1945)", "La Seconde Guerre mondiale, une guerre d’anéantissement". "Démarche : aborder les génocides des juifs et des tziganes à partir du texte de Hannah Harendt et le confronter avec plusieurs documents sur les camps : carte générale des camps, plan du camp d’Auschwitz-Birkenau, témoignages de déportés. On peut en plus faire réfléchir les élèves sur la question de l’enfermement avec une observation et une analyse des héliogravures de Robert Morris In the realm of the carceral (1978-79), représentant des schémas géométriques comme autant de signes d’une structure de la répression. Compétences travaillées : analyser des documents, en extraire des informations pertinentes, les classer, les hiérarchiser, écrire pour construire une pensée et un savoir.
"Le monde depuis 1989" ? "À partir de la carte des murs dans le monde (cf. sitographie) présentée aux élèves par deux, les faire travailler sur un des murs existants (localisation, pays concernés, objectifs de la construction, matérialisation, réactions). Chaque groupe restitue ensuite son travail à l’oral devant la classe. Des exemples de murs : "La ligne verte" à Chypre, le mur des États-Unis et du Mexique, le mur entre Israël et la Cisjordanie."
Suit le thème : "Femmes et hommes dans la société des années 1950- 1980". Quel rapport avec l'exposition ?
Le dossier pédagogique cite des oeuvres de Marcel Proust, Nathalie Sarraute, Georges Perec...
Notices extraites du catalogue
« Brassaï (Gyula Halász, dit)
Brassó (Hongrie), 1899 – Paris, 1984
Brassaï, installé à Paris à partir de 1924, est fasciné par la ville et son foisonnement nocturne. Il publie Paris de nuit en 1932, un recueil de photographies dans lequel la matière des rues l'intéresse plus que les espaces ou les lieux. Le mur y est bien présent, déjà. Que l'on songe notamment à l'implacable mur de la prison de la Santé, que Gisèle Freund saisira à son tour, quelque quarante ans plus tard.
L'année suivante, il rédige un texte intitulé « Du mur des cavernes au mur d'usine », illustré de neuf photographies de dessins gravés. La grande entreprise des Graffitis est lancée, projet qui occupera Brassaï plus de vingt ans, de 1933 à 1958, regroupant entre cinq et six cents photographies, dont seulement cent vingt, approximativement, sont aujourd'hui connues de nous. L'artiste s'y révèle collectionneur. Le geste, répété d'un mur à l'autre, est simple : la prise de vue est toujours resserrée et frontale. Brassaï, unissant le grain de la photographie à la matière des murs, prélève des fragments de rue, qui deviennent les éléments assemblés d'un livre paru en 1961. Cent cinq photographies y sont réparties en neuf sections dont l'énoncé seul constitue une forme de récit essentiel : proposition du mur, langage du mur, la naissance de l'homme, masques et visages, animaux, l'amour, la mort, la magie, images de primitifs.
Parallèlement, Brassaï travaille sur les graffitis historiques, les dessins gravés de la grotte de Brantôme, en Dordogne, ou les inscriptions laissées par les prisonniers sur les murs de leur cellule - les plus anciennes datent du XVe siècle. Il insiste sur la puissance des graffitis, lesquels apparaissent portés par une expression populaire autant que par un élan primaire : « Le secret de l'homme d'aujourd'hui n'est pas moins profond que celui de l'homme des cavernes, et celui d'aujourd'hui a l'avantage d'être vivant 1. »
Mona Hatoum
« Née en 1952 à Beyrouth, vit et travaille à Londres
Mona Hatoum est une artiste britannique d'origine palestinienne. Exposée dans les plus grands musées, elle est l’une des représentantes incontournables de la scène contemporaine internationale. Son oeuvre s’impose par la justesse de son propos, par l’adéquation entre les formes et les matériaux proposés, ainsi que par la pluridisciplinarité de son travail.
Jardin suspendu est une œuvre éphémère, que les structures qui l'empruntent réactivent selon un protocole défini par l'artiste. Constituée de sacs de jute emplis de terre et de graines, lesquelles germent progressivement tout au long de l'exposition, elle explore le langage des matériaux et leur potentiel métaphorique : l'installation, qui évoque immanquablement un mur de tranchée ou une barricade, se transforme peu à peu en jardin.
Jardin suspendu sera réactivé dans le parc de sculptures du château de Caen en lien avec l'exposition MURS. Elle sera édifiée grâce au concours des élèves du lycée agricole de l'Institut Lemonnier, ainsi que de quatre classes d'écoles primaires. »
Du 5 mai au 18 septembre 2018
Le Château. 14000 Caen
Tél. : 02 31 30 47 70
Du lundi au vendredi de 9 h 30 à 12 h 30 et de 14 h à 18 h, le week-end de 11 h à 18 h.
Visuels :
Affiche
Rue Ernst Thälmann, 2015-2017, peinture sur châssis de contreplaqué tronqué, 51 x 49 cm, collection privée, photo Ricci, Adagp, Paris, 2018
Brassaï, Tête de clown, 1946, photographie noir et blanc, épreuve aux sels d'argent, 57,8 x 46,7 x 2,5,
Frac Bretagne, © photo RMN, Adagp Paris, 2018
Mona Hatoum, Jardin suspendu, 2008-2010, sacs de jute, terre, herbe, dimensions variables, Paris, Centre national
des arts plastiques, Adagp, Paris, 2018
Rue Ernst Thälmann, 2015-2017, peinture sur châssis de contreplaqué tronqué, 51 x 49 cm, collection privée, photo Ricci, Adagp, Paris, 2018
Brassaï, Tête de clown, 1946, photographie noir et blanc, épreuve aux sels d'argent, 57,8 x 46,7 x 2,5,
Frac Bretagne, © photo RMN, Adagp Paris, 2018
Mona Hatoum, Jardin suspendu, 2008-2010, sacs de jute, terre, herbe, dimensions variables, Paris, Centre national
des arts plastiques, Adagp, Paris, 2018
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