Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

dimanche 24 mai 2020

Mai 68


En mai et juin 1968, dans la France présidée par le général de Gaulle, se déroulent des manifestations d'étudiants ainsi que  des grèves générales et sauvages. Après un moment de surprise, le gouvernement dirigé par le Premier ministre Georges Pompidou négocie avec les syndicats des accords de Grenelle comprenant : hausse de 35% du Smic et de 10% des salaires. Après la dissolution de l'Assemblée nationale, les gaullistes remportent les élections législatives. Le 26 mai 2020, Arte diffusa "Les années 68", série documentaire en deux volets de Don Kent.

Raymond Aron (1905-1983)

Pierre Clostermann (1921-2006)

« Alger, la Mecque des révolutionnaires (1962-1974) » par Ben Salama 

Sans être la révolution espérée par des étudiants français, les événements de mai et juin 1968 ont durablement influé sur la société française. Ils s'insèrent dans un mouvement de contestation dans de nombreux pays.

« 1968, sous les pavés... les flics »

Pour le 50e anniversaire des événements de Mai 1968 qui ont bouleversé la vie politique, sociale et culturelle de la France, France 3 diffusa le 30 avril 2018 « 1968, sous les pavés... les flics », documentaire réalisé par David Korn-Brzoza. Des témoignages inédits de policiers, gendarmes et CRS sur des événements de mai 1968 dans l'hexagone.

« Ce documentaire  raconte, pour la première fois, les événements de Mai 68 à travers le regard des forces de l’ordre, de l’autre côté du pavé. Une vision inédite de l’explosion contestataire qui a secoué la France du général de Gaulle, à contre-courant des idées reçues. Car si la mémoire collective a retenu de Mai 68 une révolte joyeuse, fantasque et le plus souvent pacifique, menée par les étudiants du Quartier latin, elle a, comme souvent, occulté une réalité beaucoup plus conflictuelle. A l’occasion du cinquantenaire de Mai 68, ce film tente de comprendre comment et pourquoi Mai 68 a basculé dans la violence sans pour autant finir en bain de sang. »

« Mai 68. Les étudiants et les ouvriers sont dans la rue. Le pouvoir craint une révolution. De ces semaines tumultueuses, la postérité n’a retenu que ses meneurs, mais qui se souvient des hommes qui leur faisaient face ? Policiers, CRS, gendarmes... Ils sont les oubliés de l’histoire. Sous les injures et les pavés, attendant la charge, le sort de la Ve République était pourtant entre leurs mains. Malgré l’escalade de la violence, comment un bain de sang a-t-il été évité ? ». Christian Fouchet, ministre de l'Intérieur, Maurice Grimaud, préfet, et les membres des forces de l’ordre ont constitué  un rempart efficace pour le pouvoir politique.

Le documentaire « 68 : sous les pavés... les flics » donne la parole à ceux qui étaient de l’autre côté des barricades. 

Des événements de Mai 68, on se souvient de leaders étudiants - Daniel Cohn-Bendit ou Alain Geismar, des images de manifestations, d’un Festival de Cannes interrompu... « Mais que sait-on de ceux qui ont fait face aux étudiants et aux ouvriers dans les affrontements de rue ultra-violents qui ont marqué le milieu du printemps ? « 68 : Sous les pavés... les flics » s’intéresse surtout à ceux qui ont été fustigés aux cris de « CRS-SS ! ». À l’appui de témoignages d’acteurs des deux camps, le documentaire revient sur une opposition qui a marqué, parfois jusqu’au traumatisme, certains de ses protagonistes. L’escalade de la violence commença au lendemain de la fermeture de l’université de Nanterre, suite à laquelle les étudiants vont occuper la Sorbonne. Au lieu de simplement déloger ces derniers, la police décide d’interpeller les manifestants. Voitures retournées, scènes d’émeute, jets de pavés contre les policiers, déchaînement de violence des forces de l’ordre… Les Parisiens ont le sentiment d’assister à de véritables guérillas urbaines. Les policiers constatent quant à eux qu’ils ne sont ni suffisamment préparés, ni équipés pour faire face à des affrontements d’une telle nature. »

C’est donc une première. « Sous les pavés... les flics » donne « la parole à ceux que les étudiants traitaient de « CRS SS ». Douze membres des forces de l'ordre, gendarmes, CRS, policiers, « pas faciles à trouver », ont accepté de témoignent de « leur mai 68 », dit à l'AFP David Korn-Brzoza, coauteur du film avec Laurent Chabrun. Cinquante ans après la fermeture de la Sorbonne, le 3 mai 1968, qui a marqué le début de semaines d'émeutes estudiantines, ils ont tous « leur petite anecdote » à livrer, « enfin ». Ces témoignages sont entrecoupés d'images d'archives, dont une vingtaine de minutes colorisées, montrant la colère étudiante en action, les rues du Quartier latin ravagées, les montagnes de pavés et les voitures incendiées érigées en barricades. Les « flics » interrogés affirment qu'ils n'étaient guère préparés psychologiquement, ni équipés pour affronter une telle violence urbaine. « On leur avait fourni des casques de la Seconde Guerre mondiale qu'ils portaient sur des costumes cravate ». L'un d'eux déclare avec humour : « On était habillé comme pour faire le festival de Cannes ! » Un gendarme ironise sur le fait que les étudiants ne reconnaissaient pas les différents uniformes : pour eux, ils étaient « tous des CRS SS ». « Pour certains policiers qui avaient grandi pendant la guerre, qui ont pu avoir des parents ou amis fusillés, se faire traiter de SS était douloureux. Il y a eu un vrai malaise policier pendant mai 68 », remarque le réalisateur. 

Les coauteurs « ont eu l'idée du film à la lecture de documents évoquant « des enregistrements audio de la préfecture de police » de l'époque. Ils se sont empressés de « demander l'ouverture de ces archives ». La requête acceptée, ils mettent la main sur « trente-cinq heures de communication inédite entre la salle de commandement et les effectifs sur le terrain », précise l'auteur. A l'écoute de l'intégralité des enregistrements, dont on entend de nombreux extraits dans le film, l'auteur confie avoir été « très étonné de découvrir que les fonctionnaires sur le terrain ne perdent à aucun moment leur sang-froid, pas même verbalement ». Le mouvement étudiant avait eu ses prémices, partout dans le monde. Il avait commencé aux États-Unis au début des années 1960, culminant avec l'opposition à la guerre du Vietnam. C'était comme une sorte de cocotte minute du Gaullisme sur le feu depuis dix ans et qui devait exploser », poursuit David Korn-Brzoza. Une fois que les sommations d'usage sont faites, l'objectif du maintien de l'ordre est de dégager la rue avec des charges et des matraques. « C'est une force qui doit maîtriser la foule, sans provoquer de lésions irréparables », dit-il.

On dénombre cinq morts pendant les événements, dont deux en mai. Un « commissaire de police à Lyon a été écrasé par un camion vide lancé par les étudiants sur les forces de l'ordre avec l'accélérateur bloqué. « Ils voulaient faire du grabuge mais voulaient-ils tuer... ? », s'interroge David Korn-Brzoza. Maurice Grimaud, le préfet de Police à Paris à l'époque, qui était le successeur de Maurice Papon « a su tenir ses troupes », estime le réalisateur. « Il ne voulait pas qu'on se souvienne de lui comme un « Papon bis », qui avait ordonné de balancer des Algériens dans la Seine, pendant la guerre d'Algérie. « Le préfet avait écrit une lettre aux forces de l'ordre à bout, datée du 29 mai, « enseignée dans toutes les écoles de police aujourd'hui », selon le documentariste. Avec cet extrait cité dans le film : « Frapper un manifestant tombé à terre, c'est se frapper soi-même apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière ».

Les membres des forces de l’ordre « ont été le pilier qui a soutenu le régime, alors même qu'ils ont ressenti comme une trahison l'attitude de Pompidou qui, de retour d'Iran, après la nuit des barricades du 10 mai, fait rouvrir la Sorbonne et libérer les étudiants arrêtés, alors qu'ils venaient de se battre victorieusement pendant plusieurs jours pour empêcher cela. On imagine le moral des troupes, ce dont témoigne l'archive sonore de RTL où sur les ondes de cette radio, le 15 mai, Gérard Monate, grande figure du syndicalisme policier, menace presque d'une grève Georges Pompidou. On devine la pression qu'il devait subir de sa base exaspérée par la décision du Premier ministre. Sur les barrages, cela discutait beaucoup entre policiers. Le malaise policier était tel que, pour tenir certains barrages, il y a eu la formation d'unités mixtes où les gendarmes, des militaires pour qui la grève est interdite, sont venus compléter les effectifs des policiers afin de s'assurer de leur fidélité. Au cas où certains policiers décideraient de passer de l'autre côté... Ce qui n'est jamais arrivé », a déclaré David Korn-Brzoza au Point (26 avril 2018).

Et d’ajouter : « Certains m'ont dit qu'ils savaient bien qu'en face d'eux ce n'était ni des voyous ni des durs, on voit d'ailleurs sur les images de jeunes manifestants en costume-cravate. Mais ce n'est pas le discours dominant. Certains admettent qu'ils ont matraqué, obéissant aux ordres, ils n'avaient pas le choix. Ils étaient eux-mêmes à bout, insultés, agressés, mal équipés, attendant des ordres qui ne venaient pas, en particulier la nuit du 10 mai où ils doivent attendre jusqu'à deux heures du matin. Ils expliquent assez bien qu'ils avaient seulement ordre de contenir, c'était une force-tampon, qui tantôt avançait tantôt reculait, ils détaillent leurs différentes techniques, mais l'ordre numéro un était : s'en tenir au maintien de l'ordre, ne pas causer de blessures irrémédiables, hors de question de tirer sans ordre, surtout pas de Gavroche sur le pavé parisien. Mais ils ont eu des centaines de blessés, passaient parfois 24 ou 48 heures sans dormir. Le 24 mai, après la grande manifestation ; ils étaient à deux doigts de rompre. Contrairement aux policiers, qui devaient tenir leur poste, il y avait un roulement important parmi les étudiants qui se relayaient et pouvaient aller dormir. Par ailleurs, les jeunes avaient l'esprit rempli d'images de la guérilla à Cuba ou au Vietnam, ils incarnaient l'avenir, et puis ils ont été surpris de voir que les forces de l'ordre mettaient si longtemps à les charger ».

Le réalisateur a entendu les archives sonores inédites de la salle de commandement de la préfecture de police de Paris, où « l'on entend les directives données aux différents commissaires sur les barrages dans le Quartier latin » : « Sur les dizaines d'heures que nous avons écoutées, qui représentent près de 900 pages, à aucun moment il n'y a de débordement : les chefs de salle parlent toujours d'une voix claire, mesurée, afin de rassurer et de cadrer les troupes. C'est bien la preuve que l'état-major de la police n'a jamais perdu son sang-froid… Du côté des étudiants, on craignait la répétition du 17 octobre 61, où les Algériens avaient été balancés à la Seine. Il court le bruit qu'on a gazé au lacrymogène certains d'entre eux dans des fourgons. À force de crier « CRS SS », l'amalgame est vite fait. Ils ont vu leurs camarades entraînés dans ces fourgons, matraqués, ils n'ont parfois pas de nouvelles. Cela décuple leur rage. Du côté des policiers, il est question de trois morts dans leurs rangs. Dès le 3 mai, l'un d'eux tombe dans un coma qui dure douze jours, il restera hémiplégique. Le 10 mai, c'est le commandant Journiac, qui reçoit un pavé qui lui enfonce la boîte crânienne. Il décédera l'année suivante d'un accident de voiture provoqué par les séquelles, mais sa veuve mettra quinze ans à faire reconnaître par l'État le lien de cause à effet. Bref, les policiers aussi ont la rage. C'est un cycle : chaque manif entraîne une répression, laquelle, médiatisée, engendre une manif plus importante encore et ainsi de suite ».

"La Révolution introuvable"

« Cette révolution a été à la fois anachronique et futuriste », a analysé Raymond Aron. "Mai 68 n’aura-t-il été qu’un psychodrame bavard, selon la formule  cruelle et lapidaire de Raymond Aron ? Dans La Révolution introuvable, l’observateur perspicace de l’actualité  politique montre que par-delà le brouhaha des apparences, les  risques étaient faibles que Mai 68 ne constitue un danger sérieux  pour les institutions de la Ve République. Les deux grandes forces  qui structuraient alors la vie politique française, le Parti communiste  et le mouvement gaulliste, n’y avaient aucun intérêt. Comme l’analyse Philippe Raynaud dans sa préface inédite,  Raymond Aron, en héritier de la grande tradition sociologique, fut  également attentif à la crise essentielle de nos sociétés modernes  dont Mai 68 fut un des premiers symptômes  : la tension  contradictoire entre la passion de l’égalité, la demande de  reconnaissance des individus, et l’interdépendance croissante de  chacun à l’égard de tous."

"Les Juifs d'Extrême Gauche en Mai 68"

En 1998, Albin Michel a publié "Les Juifs d'Extrême Gauche en Mai 68" de Yair Auron (traduction de Katherine Werchowski). « Nous sommes tous des juifs allemands. » Ce célèbre slogan de Mai 68 a marqué toute une jeunesse solidaire de Daniel Cohn-Bendit, désigné par le pouvoir gaulliste comme l'apatride responsable des désordres. Il illustre l'action de nombreux jeunes juifs nés durant ou après la Seconde Guerre mondiale. Membres de groupes trotskistes, maoïstes ou anarchisants, ces militants ont animé le mouvement révolutionnaire de la fin des années 60 au début des années 70. Qu'ils se nomment Krivine, Geismar, Finkielkraut, Glucksman ou Kouchner..., ils continuent de tenir un rôle déterminant dans le débat politique et intellectuel, ayant en commun d'avoir grandi dans des familles profondément marquées par le drame de la Shoah. Yaïr Auron, universitaire israélien, a tenté de comprendre la place qu'a tenue leur culture -qu'elle ait été refoulée ou acceptée- dans l'engagement de ces juifs d'extrême gauche. Souvent peu enracinés dans le terreau français, considérant avec suspicion le mouvement sioniste et l'État d'Israël, ils se sont voulus solidaires de tous les opprimés, parmi lesquels les Palestiniens. Pourtant, à l'inverse de l'Allemagne ou de l'Italie, l'extrême gauche française s'est refusée à opter pour le terrorisme. Et là encore, explique Yaïr Auron, la dimension juive a pu jouer un rôle décisif. Ce document exceptionnel propose une relecture originale des « années gauchistes » et une analyse particulièrement fouillée de l'inconscient de cette période.*

"Icônes de Mai 68. Les images ont une histoire"

En 2018, la BnF a présenté l'exposition "Icônes de Mai 68. Les images ont une histoire". "Comment s’est construite notre mémoire visuelle collective des événements de Mai 68 ? Selon quels processus certaines photographies, présentées comme documentaires, ont-elles atteint un statut d’icônes ? S’appuyant sur près de deux cents pièces - photographies, planches-contact, magazines, documents audiovisuels, l’exposition présentée par la BnF fait notamment l’histoire de certaines de ces images désormais célèbres. Elle suit leur trajectoire médiatique pour mettre en évidence les conditions de leur émergence culturelle dans la mémoire collective."

"La barricade, le duel CRS/étudiants, le pavé lancé, le poing levé... depuis 50 ans, la représentation des événements de Mai 68 est associée à des motifs récurrents et une tonalité en noir et blanc. L’exposition analyse le parcours sinueux de différentes photographies, depuis la planche-contact jusqu’à leur circulation dans les magazines et autres produits éditoriaux ; elle revient sur l’élaboration médiatique et culturelle de la représentation de ces événements historiques. "

De la photographie à l’icône 
"Le portrait de Daniel Cohn-Bendit face à un CRS par Gilles Caron et la « Marianne de 68 » de Jean-Pierre Rey constituent deux exemples caractéristiques de la fabrique des icônes. La photographie de Daniel Cohn-Bendit par Gilles Caron n’a pas immédiatement été distinguée ni mise en exergue par les grands titres de la presse magazine. Reprise dans le milieu photojournalistique à partir de 1970, elle circule plus largement à partir de 1978 puis à l’occasion des anniversaires décennaux de Mai 68 et de l’agence Gamma (fondée en 1967). Ce sont ces publications successives dans la presse et autres supports culturels (livres, catalogues etc.) qui ont contribué à sa singularisation. Pour éclairer la trajectoire de cette photographie devenue icône, l’exposition en présente des tirages originaux mais aussi de nombreuses formes éditées jusqu’en 2008, tout en retraçant la légende photojournalistique de son succès dans les médias. La « Marianne de 68 » de Jean-Pierre Rey a également évolué vers un statut d’icône. Publiée en petit format en 1968 dans la presse française, elle a ensuite été diffusée à plusieurs reprises jusqu’en 2008. Au fur et à mesure de ses publications, le cadrage se resserre, faisant perdre à la photographie son ancrage historique. Les commentaires se recentrent sur l’image elle-même faisant d’elle un symbole de Mai 68. "
Une mémoire en noir et blanc 
"L’exposition interroge également la pratique de la couleur : comment et pourquoi la mémoire visuelle de Mai 68 se conjugue-t-elle en noir et blanc alors que les événements ont été couverts et diffusés en couleurs par la presse de l’époque ? Des clichés couleurs ont été pris par de nombreux photographes : Janine Niépce, Georges Melet, Bruno Barbey, Claude Dityvon... Peu de ces images sont pourtant réutilisées dans les médias par la suite. L’exposition éclaire rétrospectivement ces choix éditoriaux et l’amnésie paradoxale qui a frappé cet usage de la couleur car celle-ci traduisait en 1968 un traitement de choix des événements par les rédactions." 
Récits photographiques 
"D’autres récits photographiques des événements ont échappé à la mémoire visuelle commune. En marge de la presse magazine, des photographes ont pris part à des démarches collectives. Des initiatives d’expositions et de projections photographiques ont vu le jour, portées par des personnalités qui racontent leur propre printemps 1968 et participent aux réflexions politiques et sociales à l’oeuvre. C’est le cas de l’exposition du club amateur des 30x40 ou du diaporama collaboratif de Jean Pottier et Jacques Windenberger présentés dans l’exposition. Ces montages et séries photographiques constituent une redécouverte de recherches d’alternatives aux représentations dominantes des grands médias." 
« L’icône absente » 
"Pour finir, l’exposition interroge en creux le statut d’icône : pourquoi la première « nuit des barricades » n’a-t-elle paradoxalement laissé aucune image persistante ? Cette nuit du 10 au 11 mai a fait « monter » en Une des principaux magazines d’information de l’époque les événements du printemps 1968. Malgré l’imaginaire puissant qu’elles suscitent, ces scènes d’affrontements nocturnes n’ont généré aucune icône. Les photographies produites ont peu fait l’objet de publications à l’époque et de citations ultérieures. Cette absence d’icônes trouve des pistes d’explication dans le manque de lisibilité de ces images et leur inadéquation visuelle avec le récit porté par les médias : celle d’un duel entre jeunesse et forces de l’ordre."

"Les années 68"

Arte diffusa le 26 mai 2020 "Les années 68" (1968 - Die globale Revolte), série documentaire en deux volets - "La vague (1965-1969)" ( "Die Welle" (1965-1969))" et "L'explosion (1970-1975)" ("Die Explosion" (1970-1975)" - de Don Kent. "Du Brésil au Japon, de la Californie à l'Europe, Don Kent fait revivre la vague contestataire qui, de 1965 à 1975, a ébranlé le monde. Un voyage impressionniste porté par de vibrants témoins." 

"Ayant vécu à Paris ce que l'on appelle alors les "événements", "comme Fabrice à Waterloo" (le héros de Stendhal perdu au cœur d'une bataille historique sans le savoir ni en percevoir l'ampleur), le réalisateur britannique Don Kent a choisi d'élargir son champ de vision pour évoquer Mai 68. Celui qui était alors étudiant à l'Idhec, l'école de cinéma, se fait le narrateur modeste d'un voyage impressionniste à travers le monde, non sans rendre hommage à ses anciens condisciples en mêlant aux riches, et parfois rares, archives du film certaines de leurs images devenues fameuses (une séquence de La reprise du travail aux usines Wonder)." 

"Sans prétendre penser un mouvement déjà analysé tant de fois, et dont l'héritage continue de diviser, il donne la parole à une foule de témoins, aussi divers que pertinents, rencontrés du Brésil au Japon, de la Californie à l'Italie. Certains sont célèbres internationalement (l'ex-guérillera et présidente brésilienne Dilma Rousseff, les philosophes Régis Debray, Toni Negri et Judith Butler, l'ex-Panthère noire Kathleen Cleaver, les écrivains Hélène Cixous, Erri De Luca, Alain Mabanckou et Viet Thanh Nguyen, l'ancien batteur des Doors John Densmore…), d'autres beaucoup moins, à l'instar de ces extraordinaires activistes japonaises (l'une pacifiste, l'autre féministe), animées d'une foi restée intacte au fil du demi-siècle."

"Quarante ans après Chris Marker (Le fond de l'air est rouge, 1977), Don Kent fait revivre ce basculement planétaire en évitant l'hommage commémoratif empesé. Car il ne cesse de bifurquer avec ses interlocuteurs dans des directions inattendues, au gré de rafraîchissants pas de côté. Par exemple, quelques notes de Bach égrenées par la pianiste chinoise Zhu Xiao-Mei, rescapée de la Révolution culturelle, un ahurissant diagramme politique esquissé par le ludion brésilien Tom Zé, ou l'amertume obscurément touchante de l'écrivain américain David Horowitz, ex-gauchiste radical reconverti en néoconservateur…"


Premier volet

"En 1968 et 1969, alors qu'au Sud-Viêtnam les États-Unis s'engagent de plus en plus massivement dans la guerre, une vague de contestation déferle sur la planète". 

"Dans des pays aussi différents que les vieilles nations européennes, le Japon, les États-Unis, le Mexique, le Brésil sous dictature militaire, la Tchécoslovaquie communiste ou le Zaïre de Mobutu, la jeunesse étudiante constitue souvent le fer de lance de cette révolte multiforme et globale."

" Alors que les atrocités perpétrées contre les populations civiles vietnamiennes par la puissance américaine – au nom de la défense de la liberté et de la démocratie – jouent un rôle déclencheur, de multiples facteurs, comme le combat pour les droits civiques des Noirs et le mouvement hippie aux États-Unis, le poids de la tutelle soviétique à Prague ou la dénazification inachevée de la RFA, cristallisent aussi la révolte. Partout, la génération issue de la Seconde Guerre mondiale descend dans la rue pour rejeter les modèles politiques, économiques et familiaux qu'on lui enjoint de reproduire. Dans ce maelström d'événements, les deux mois de troubles et de grèves qui, de Paris, gagnent toute la France semblent presque anecdotiques."

Second volet
"Les mouvements féministe et gay, l'écologie politique, la violence de la Fraction Armée rouge (RAF) allemande et des Brigades rouges italiennes". 

"Si la révolution souhaitée bascule bien souvent à la violence, des aventures sanglantes de la Fraction Armée rouge (RAF) allemande à celles des Brigades rouges italiennes, les revendications sociétales, des mouvements féministe et gay à l'enracinement de l'écologie politique, amorcent des changements en profondeur, toujours à l'œuvre cinquante ans après. Quant aux mots d'ordre conspuant la société de consommation, le déni de démocratie ou la collusion des pouvoirs politique et économique, ils n'ont rien perdu de leur actualité. Même si les débats sur cet héritage soulèvent toujours autant les passions". 


"Nous sommes tous des Juifs allemands"

France 5 a diffusé, dans le cadre de "La Case du siècle", "Nous sommes tous des Juifs allemands" de Niko Apel. "Dany Cohn-Bendit ne connaît ni les murs, ni les frontières. Cet "empêcheur de tourner en rond" va poser un regard libre, sans complexe et sans à priori sur la situation en Israël et dans les Territoires occupés. Lors d'un périple audacieux et inattendu, il ne manquera pas d'affronter la question, complexe, de son rapport au sionisme et à la cause palestinienne."

"Quand ai-je commencé à m'occuper sérieusement de mon identité juive ? Au moment où, en 68, on me traitait si spectaculairement de « Juif allemand » ? En vérité, ce n’est que tard, même très tard, à 60 ans, que j'ai accepté de relever ce défi-là. Avant cela, mon identité juive était une "évidence non réfléchie" ; un peu dans l'idée de ce que disait Sartre : C'est l'antisémitisme qui façonne les Juifs. Donc je serai Juif tant qu'il y aura des antisémites !"

"Une sorte de réflexe, en quelque sorte. Car je n'ai jamais fait partie d'une communauté juive organisée, je ne vais pas à la synagogue, et ma femme n'est pas juive. Ce sont surtout les conversations avec Ingrid, mon épouse allemande, qui m'ont amené à me pencher davantage sur mon identité juive et à assumer : Oui, je suis Juif et ma judéité me façonne ! Mais, pendant longtemps, je ne savais pas exactement ce que cela voulait dire. C’est pourquoi j’ai fait ce voyage, ce film, entrepris cette quête d’une identité complexe, parfois introuvable." Dany Cohn-Bendit."

"La place du père"
Le 8 janvier 2023, La Yeshiva des étudiants a organisé, en partenariat avec Akadem, les éditions Les Belles Lettres et les EEIF(
Eclaireuses et Eclaireurs Israélites de France), le colloque sur "la place du père" en présence du psychanalyste jungien Luigi Zoja, auteur de Le Père. Le geste d'Hector envers son fils. Histoire culturelle et psychologique de la paternité (Les Belles Lettres, 2015)

Le rabbin Gérard Zyzek, directeur de cette Yeshiva, a déclaré à Actualité juive hebdo (n° 1671, 5 janvier 2023) : "Les fondements de l'humanité sont remis en question et cela nous oblige à réfléchir et à remettre les choses en chantier. Notre époque nous incite à nous poser la question : qu'est-ce qu'être père ?  En tant que juifs, cela nous interpelle particulièrement car les fondateurs du peuple juif sont les Avot, les Pères [les Patriarches sont Abraham, Isaac et Jacob mentionnés dans la Genèse, Bible, Ndlr]. Cette réflexion va donc nous forcer à créer un dialogue entre les fondements de la civilisation occidentale et la réflexion à partir de textes juifs, fondés sur la notion de paternité. Je pense à cette réflexion de Bela Grunberger : "Mai 68 n'était pas influencé par le judaïsme comme on le croit, mais par le christianisme car le christianisme est le refus du père". Mai 68, c'est la contestation, place aux jeunes, on refuse l'autorité. Or, le père, c'est la confrontation !"


"Dans Les années 68, le réalisateur Don Kent fait revivre avec de nombreux et passionnants témoins la vague de contestation qui a secoué le monde entre 1965 et 1975, avant de refluer. Entretien."

"Comment éviter la répétition sur un sujet aussi souvent traité que Mai 68 et son héritage ?
Don Kent : J'ai voulu l'aborder d'un point de vue global, car en France, la perception du phénomène reste souvent limitée aux échauffourées parisiennes et aux deux mois de grève générale. Or c'est le monde entier qui vacille à l'époque, et sur une période beaucoup plus longue. J'ai beaucoup appris en visionnant les archives internationales : sur le mouvement tropicaliste qui défie la dictature au Brésil, sur la violence de certaines manifestations de paysans au Japon, que je rapproche dans le film de la lutte du Larzac, ou encore sur l’instauration de dictatures en Afrique… L'une des difficultés était de trouver une construction qui relie toutes ces histoires nationales. La première partie est donc plutôt chronologique, et retrace les principales étapes de cette lame de fond planétaire, entre 1965 et 1969. La seconde est thématique, pour raconter ce qu'ont engendré ces années de révolte : une forme de violence répressive dans certains pays, mais aussi l'écologie politique, les droits des femmes, des minorités sexuelles, etc.

Comment avez-vous choisi les nombreux protagonistes de votre documentaire ?

Je ne voulais pas d'un énième film d'experts ou d'historiens, et encore moins d'un rassemblement d'anciens combattants, où seuls des vieux comme moi auraient pris la parole ! J'ai choisi des profils variés : écrivains, artistes, philosophes, sans évidemment exclure pour autant les historiens et les acteurs directs. Je tenais aussi à mettre en évidence l'héritage de 68, que l'on retrouve par exemple chez cette jeune porte-parole de Greenpeace en Allemagne, Susanne Neubronner, dans les romans de l'écrivain américain d'origine vietnamienne Viet Thanh Nguyen, ou encore dans le combat au Canada de Janaya Khan, du mouvement Black Lives Matter.

Quel est le bilan politique de 68, selon vous ?

J'étais déjà exaspéré par cette tendance à ressasser la référence au mouvement, par exemple en le rendant responsable de tous les maux de notre société. Mais c'est plutôt anecdotique, au fond. Je suis assez d'accord avec le résumé de Régis Debray : 68 a servi la liberté individuelle mais a raté son but sur le plan collectif. Cinquante ans après, cette déroute de l'intérêt général se traduit par la montée du populisme et le recul de la démocratie. Mais il ne faut pas nier l'importance des victoires sociétales du mouvement : on ne peut plus imaginer, par exemple, le bâillonnement de la parole étudiante que décrit dans le film la dramaturge Hélène Cixous.

Et vous-même, cette année vous a-t-elle changé ?

Je suis venu d'Angleterre en France pour faire l'Idhec (Institut des hautes études cinématographiques) en 1967. Le fait d'avoir vécu ce mouvement à Paris a vraiment éveillé ma conscience politique. En Angleterre, où la jeunesse était beaucoup moins politisée, les revendications se focalisaient sur le mode de vie. En France, même si elle a échoué, il existait une réelle volonté de changer la société."


"Nous sommes tous des Juifs allemands" de Niko Apel 
2020, 73' (inédit) 
Auteur et commentaires Dany Cohn-Bendit
Produit par Siècle Productions, avec la participation de France Télévisions, et avec la participation du Centre National du Cinéma et de l'Image Animée 
Sur France 5 le 7 juin 2020 à 23 h

"Les années 68" de Don Kent
Allemagne, France, Norvège, 2018, 2 x 97 min
Sur Arte :
"La vague (1965-1969)" ( "Die Welle" (1965-1969))" : le 26 mai à 22 h 25
"L'explosion (1970-1975)" ("Die Explosion" (1970-1975)" : le 27 mai 2020 à 00 h 00
Disponible du 19/05/2020 au 17/07/2020
Visuels :
Régis Debray
Dilma Roussef
Zur ARTE-Sendung Schwerpunkt: Mai 68 1968 - Die globale Revolte „Die Welle“ (1965-1969) 2273779: Monterey Pop Festival, 1967, USA (Archiv) © Artline Films/Gebrueder Beetz Foto: ZDF Honorarfreie Verwendung nur im Zusammenhang mit genannter Sendung und bei folgender Nennung " Bild: Sendeanstalt/Copyright" . Andere Verwendungen nur nach vorheriger Absprache

© Artline Films/Gebrueder Beetz

Du 17 avril au 26 août 2018
A la BnF I François-Mitterrand 
Quai François-Mauriac, Paris XIIIe 
Galerie 1
Du mardi au samedi de 10 h à 19 h, dimanche de 13 h à 19 h. Fermé lundi et jours fériés
Visuels :
Jean-Pierre Rey, manifestation unitaire du 13 mai 1968. Photographie surnommée la « Marianne de Mai 68. » © Jean-Pierre REY / Fond Photographique de Jean-Pierre REY

Daniel Cohn-Bendit face à un CRS devant la Sorbonne, le 6 mai 1968
Photographie de Gilles Caron. Tirage argentique de presse, vers 1977, avec indications de cadrage au crayon Fondation Gilles Caron © Gilles Caron

Planche-contact. Etudiant pourchassé par un CRS.
Photographie de Gilles Caron. Fondation Gilles Caron © Gilles Caron


« 1968, sous les pavés... les flics » par David Korn-Brzoza
Cinétévé, Fabienne Servan-Schreiber et Lucie Pastor, 2017, 90 minutes
Auteurs : Laurent Chabrun et David Korn-Brzoza
Sur France 3 le 30 avril 2018 à 21 h

Visuels :
Affrontements
Magasin occupé
Barricades, rue des Saints-Pères
Barricades, rue de Paris
© Gaumont Pathé Archives

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Les citations sont des communiqués de presse. Cet article a été publié le 30 avril 2018, puis le 24 mai 2020.

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