La Maison de la Photographie Robert Doisneau présente l’exposition Stephen Shames - Une rétrospective, assortie d’un catalogue. C’est la première rétrospective près de Paris de ce photographe américain né en 1947 et qui a couvert, au cours des années 1960-1970, le mouvement des Black Panthers, la violence et la pauvreté d’Afro-américains dans le Bronx, le dévouement d’associations pour sortir des enfants et adolescents de cet environnement. Et l’amitié de l’artiste avec Bobby Seale, co-fondateur des Black Panthers et son « mentor ».
« 1963. la marche sur Washington » par Serge Viallet et Pierre Catalan
Stephen Shames - Une rétrospective
Curieusement, aucun des principaux musées parisiens n’a voulu accueillir cette rétrospective du photographe américain Stephen Shames qui présentait pourtant des atouts : l’Amérique des sixties et seventies, des « minorités visibles » réclamant l’égalité des droits, l’activisme des Black Panthers, l’envers du « rêve américain » avec des gangs afro-américains, des enfants ou adolescents noirs pauvres... Un photographe engagé auprès des plus vulnérables, militant avec son art en faveur d’une vie meilleure pour tous. L'une des raisons de ce refus réside peut-être dans le fait que les photographies ne montrent pas de violence physique.
Seule la Maison de la Photographie Robert Doisneau a accepté ce projet et présente pour la première fois, à une dizaine de minutes en bus de Paris, cette exposition « retraçant son travail sur la société américaine des années 1960-1970. Ses photographies, du quotidien des gangs du Bronx, au mouvement radical d’émancipation « Black Panthers », vont au-delà de la simple illustration documentaire d’une période. Prises de l’intérieur, elles dressent le portrait d’une Amérique contrastée », écrit François Cheval, un des commissaires de l’exposition, avec Audrey Hoareau - The Red Eye.
L’Amérique « découvre dans les années 1960 le revers de l’abondance. La prospérité n’a pas profité à tous. Les laissés-pour-compte sont nombreux. Derrière la façade du « rêve américain » Stephen Shames, en observateur participant, enregistre tel un oscillographe tous les mouvements tectoniques d’une société ébranlée. Il en dresse l’inventaire avec patience et persévérance : sept années à suivre les Black Panthers, vingt années à accompagner les convulsions, la violence quotidienne du Bronx et de Brooklyn. Il consigne les traces, même les plus infimes, de la résistance du peuple à toutes formes d’oppression », observe François Cheval.
Et d’analyser : « Dans une forme retenue, éloignant l’étouffant souffle épique, Stephen Shames s’inscrit dans le meilleur de la tradition de la photographie documentaire. Peut-être trouvera-t-on que ses images procèdent de la tradition réformatrice de la photographie américaine, initiée par Jacob Riis et poursuivie par Lewis Hine. Mais le photographe, dans la seule vraie tradition revendiquée, la Photo League, méprise le pittoresque et la morale. Le réel vrai est en permanence confisqué et masqué par la censure, le spectaculaire ou une conception spirituelle du médium. Face à cela, il sera impitoyable avec le mensonge, et bienveillant pour les simples et les victimes ».
« Se sentant plus activiste que militant, il décide de faire de la photographie une forme d’engagement politique et du combat des Black Panthers sa première bataille », constate François Cheval.
« C’est sans doute la relation amicale entretenue par le photographe avec Bobby Seale qui est à l’origine d’un travail unique par sa liberté de ton et son unicité. Le fondateur du mouvement des Black Panthers introduit Stephen Shames auprès des principaux dirigeants. Dès lors, le photographe sera aux côtés de Kathleen et Eldridge Cleaver, de June et David Hilliard et d’Huey Newton. Une proximité qui lui procure non seulement un laissez-passer permanent à tous les niveaux de l’organisation mais lui donne aussi les clefs de compréhension du mouvement. Sept années de contribution à un combat, relatant les faits et gestes des principaux acteurs de l’avant-garde révolutionnaire américaine. Un monde s’ouvre. Le photographe côtoie au plus près la réalité de la minorité afro-américaine, ses conditions de vie exécrables et le racisme quotidien, soutenu par un système institutionnel discriminant. Les photographies de Stephen Shames montrent un pays aux antipodes de « l’idéal des pionniers ». Cette nation qui aime se présenter comme une terre vierge de toute inégalité offre une multiplicité de récits de vie semblables, d’une banalité consternante par la redite des mêmes maux. Stephen Shames répugne à mettre en scène, à recourir au pathos. Il cherche uniquement par les propriétés brutes des situations à exalter la dignité des communautés exclues du partage », considère François Cheval.
« Dans la série « Bronx Boys », Stephen Shames enregistre la brutalité de l’époque, les combats, les fusillades, les arrestations et les affaires de drogue, dont la conséquence directe est la mort ou la prison pour un certain nombre des adolescents du Bronx. Mais, il retranscrit aussi le bonheur de vivre de cette communauté, l’amour, la famille, la paternité… », note François Cheval.
Pour « Outside the Dream » ou « Child Poverty in America », Stephen Shames « témoigne de la pauvreté qui touche en priorité les enfants aux États-Unis dans les années 1980. Ce travail, le photographe le situe dans la tradition des commandes photographiques de la « Farm Security Administration ». Il affirme la photographie comme un objet de réforme des inégalités ».
Et de conclure : les « différentes séries de Stephen Shames présentées dans cette rétrospective, mettent en avant des hommes en mouvement, agissant. Ces photographies rayonnent d’une beauté qui s’enfonce profondément dans la mémoire des spectateurs ; noblesse des Black Panthers, densité dramatique des enfants pauvres, adolescents en prison, etc. S’en dégage une vie ardente, parfois embrasée, qui est celle de l’Amérique contemporaine. Grâce au généreux entêtement de certains photographes, dont Stephen Shames, il est encore loisible de penser que la photographie peut nous faire accéder à ce sentiment rare : l’attentive gravité ».
L’exposition est coproduite par le musée Nicéphore Niepce, Chalon-sur-Saône, le festival Portrait(s), Cichy, la Maison de la photographie Robert Doisneau, Gentilly, la Chambre, Strasbourg avec le soutien de la galerie Steven Kasher, New York.
A lire les panneaux de l'exposition, on ne comprend pas pourquoi ce mouvement politique, situé à l'extrême-gauche, a pu inquiéter le FBI. Lors du vernissage presse, Stephen Shames n'a pas caché ses critiques à l'égard du Président Donald Trump dont les résultats économiques et sociaux s'avèrent remarquables : économie florissante, taux de chômage faible - "4.1 % (2.1 millions d'emplois créés en une année, du jamais vu depuis 1990)" -, notamment parmi les Hispano-américains et les Afro-américains - "6,8 %, un taux qui n'a jamais été si faible depuis 1973" -, réduction drastique d'une réglementation pléthorique et jugulant les initiatives privées... Des réformes libérales rapidement adoptées et appliquées.
A lire les panneaux de l'exposition, on ne comprend pas pourquoi ce mouvement politique, situé à l'extrême-gauche, a pu inquiéter le FBI. Lors du vernissage presse, Stephen Shames n'a pas caché ses critiques à l'égard du Président Donald Trump dont les résultats économiques et sociaux s'avèrent remarquables : économie florissante, taux de chômage faible - "4.1 % (2.1 millions d'emplois créés en une année, du jamais vu depuis 1990)" -, notamment parmi les Hispano-américains et les Afro-américains - "6,8 %, un taux qui n'a jamais été si faible depuis 1973" -, réduction drastique d'une réglementation pléthorique et jugulant les initiatives privées... Des réformes libérales rapidement adoptées et appliquées.
Le 12 décembre 2017 à 18 h 30 a été projeté Black Panthers d’Agnès Varda (1968, 28 minutes, N&B). « Tourné à Oakland (Californie) au cours des manifestations autour du procès de Huey Newton, leader des activistes noirs… Au temps où les Black Panthers avaient un programme et des projets, avec entraînement des troupes, meetings, danses et déclarations, au temps où les Black Panthers inquiétaient les États-Unis ».
Des ateliers jeunes et en famille sont prévus les 4 et 5 janvier 2017.
En référence au mouvement afro-américain des Black Panthers, a été désigné Panthères noires israéliennes (HaPanterim HaSh'horim) le mouvement de protestation, fondé en 1971, contre le traitement réservé aux Juifs sépharades ou orientaux en Israël.
François Cheval, Stephen Shames. 4e numéro de la collection « Carnet » de la Maison de la Photographie Robert Doisneau. 60 pages. Français – anglais. En vente uniquement à la Maison Doisneau : 5 €
Du 11 octobre 2017 au 14 janvier 2018
1, rue de la Division du Général Leclerc. 94250 Gentilly, France
Tél. : +33 (0) 1 55 01 04 86
Du mercredi au vendredi de 13 h 30 à 18 h 30, samedi et dimanche de 13 h 30 à 19 h. Fermée les jours fériés
Visuels
Panther, Chicago,1970
© Stephen Shames / courtesy Steven Kasher Gallery
Black Panther Party, Chicago,1970
© Stephen Shames / courtesy Steven Kasher Gallery
“Panthers on Parade”, Oakland, 28 juillet 1968
© Stephen Shames / courtesy Steven Kasher Gallery
Black Panther Party, Chicago,1970
© Stephen Shames / courtesy Steven Kasher Gallery
Bronx Boys, The Bronx, New York, 1987
© Stephen Shames / courtesy Steven Kasher Gallery
Outside the Dream, Ventura, 1985
© Stephen Shames / courtesy Steven Kasher Gallery
Bronx Boys, The Bronx, New York, 1977
© Stephen Shames / courtesy Steven Kasher Gallery
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