Arte rediffusera le 26 mars 2019 à 20 h 50 « Sigmaringen, le dernier refuge » (Sigmaringen, Hauptstadt Frankreichs), docufiction réalisée par Serge Moati. « En septembre 1944, sur ordre de Hitler, le gouvernement de Vichy est exilé à Sigmaringen, en Allemagne. Serge Moati retrace les derniers combats de la collaboration française dans un ambitieux documentaire-fiction ».
« Signes de la collaboration et de la résistance » par Michel Wlassikoff et Philippe Delangle
La Collaboration 1940-1945
« Sigmaringen, le dernier refuge » par Serge Moati
« Le procès Céline » d’Antoine de Meaux
« Après les débarquements de juin en Normandie et d'août en Provence, l'heure de la reconquête a sonné pour la France libre ».
« Acclamé par les Parisiens, le 26 août 1944, le général de Gaulle descend les Champs-Élysées ».
Le Führer Adolf Hitler « exfiltre » au château de Morvillars, près de Belfort, le maréchal Philippe Pétain et son gouvernement. Et ce, en songeant à la victoire militaire qu’il espère sur les Alliés, tant sur le front à l’Est que sur les fronts à l’Ouest.
Les tensions entre d’une part le maréchal Pétain et Pierre Laval, vice-président du Conseil des ministres (juillet-décembre 1940) et chef du gouvernement (1942-1944) du régime de Vichy, et d’autre part les Nazis incitent ces derniers à chercher une solution à l’apparente légalité, en jouant sur les divisions et rivalités entre Français : Fernand de Brinon, journaliste, politicien et délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés (1940-1944), arrivé à Sigmaringen, Marcel Déat - fondateur en 1941 du Rassemblement national populaire, parti « socialiste et européen » pro-occupant nazi et ministre du Travail et de la Solidarité nationale (mars-août 1944) - à Nancy favorable à un gouvernement « national-révolutionnaire » pro-allemand, Jacques Doriot et ses affidés du PPF (Parti populaire français) vivant à Neustadt an der Weinstraße dans le Palatinat près du gauleiter Josef Bürckel avançant l’idée d’un gouvernement révolutionnaire et anti-communiste.
Le 1er septembre 1944, la « Commission gouvernementale française pour la défense des intérêts nationaux » est proclamée.
Après les avancées des Alliés, les Allemands nazis transfèrent le 7 septembre 1944 Pétain, Laval et leurs proches en Allemagne.
Le 8 septembre 1944, « de l'autre côté du Rhin, la France de la collaboration prend ses quartiers dans le château de Sigmaringen, dont Hitler a chassé la famille princière des Hohenzollern ».
Située dans le sud-ouest de l’Allemagne, dans l’actuel land du Bade-Wurtemberg, sur le Danube, « devenue « territoire français », la petite ville souabe héberge, sur instruction du Führer, la « pseudo-capitale » de la France en exil » qui se dote de fanfares, journaux, timbres, « Radio-Patrie »…
A Sigmaringen, se retrouvent un millier de Français collaborateurs, dont une centaine de dirigeants du régime de Vichy – arrivé le 8 septembre 1944, le maréchal Pétain refuse de se rendre aux séances de la Commission, Pierre Laval, etc. -, plusieurs centaines de membres de la Milice française et de membres des partis collaborationnistes, la rédaction de l’hebdomadaire collaborationniste et antisémite Je suis partout – ses directeurs ont été Robert Brasillach puis Pierre-Antoine Cousteau -, le membre de l’Académie française, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse (1942-1944) et conseiller municipal de Paris surnommé « gestapette » Abel Bonnard, l’écrivain et médecin Louis-Ferdinand Céline – celui-ci évoque son séjour dans D'un château l'autre (1957) -, l'acteur Robert Le Vigan, l'écrivain, journaliste et critique cinématographique Lucien Rebatet, des attentistes et leurs proches. Soit plus de deux mille civils français.
« Convaincue que le Reich peut encore gagner la guerre, la colonie française poursuit ses combats au service d'une « France allemande ». Réunis dans l'immense bâtisse à tourelles, les membres de la Commission gouvernementale, que préside Fernand de Brinon, s'acharnent à jouer un simulacre de pouvoir » en feignant d’assurer la continuité du régime de Vichy exilé dans cette enclave française au sein du IIIe Reich.
Rappelons que le 10 septembre 1944, est formé le gouvernement de Charles de Gaulle à Paris.
Si le maréchal Pétain, ses ministres et leurs familles résident dans le château de Sigmaringen, les autres habitent dans les écoles et gymnases, dans des hôtels - le Bären, le Löwen -, chez les Allemands…
Présidée par Fernand de Brinon, la Commission a pour secrétaire d'État à l'Intérieur Joseph Darnand, pour commissaire à l'Information Jean Luchaire, pour commissaire aux prisonniers de guerre français Général Eugène Bridoux, et pour ministre du Travail Marcel Déat.
Joseph Darnand part rapidement combattre en Italie, où il est fait prisonnier.
Pour sa part, Jean Luchaire lance le quotidien La France qui est publié jusqu’au 13 mars 1945 et vise le lectorat local.
Le général Eugène Bridoux fait des apparitions épisodiques aux séances de la Commission.
Quant à Marcel Déat, il fait publier par La France ses décrets et place dans le champ de son « ministère » la situation des travailleurs du STO (Service du travail obligatoire) et des prisonniers français en Allemagne.
Jacques Doriot ? Le 8 janvier 1945, il fonde le « Comité de libération française », et le 23 février 1945 il est mortellement touché lors du mitraillage de la voiture du conseiller d'ambassade Struve qui le convoyait.
Les victoires militaires du général de Lattre – libération de Colmar le 9 février 1945 – suscitent la panique chez les exilés à Sigmaringen.
Le 21 avril 1945, le 1er corps d'armée français du général Béthouart atteint Donaueschingen, à 60 km de Sigmaringen. Ce général reçoit l’ordre du général de Lattre de s’emparer de Sigmaringen au plus tôt.
En raison des avancées des troupes Alliées, les Allemands nazis amènent à l’aube le maréchal Pétain, son épouse et certains de ses collaborateurs vers Wangen, à l'est du lac de Constance.
Le 23 avril 1945 marque la fin de cette « Commission gouvernementale française pour la défense des intérêts nationaux ».
L’Armée française s’empare aisément de Sigmaringen où s’opposent à elle des Allemands et d’anciens miliciens.
Le maréchal Pétain entre en Suisse le 24 avril 1945 et est remis aux autorités françaises à Vallorbe le 26 avril 1945.
N’ayant pas obtenu l’asile en Suisse, Pierre Laval fuit en Espagne où l est interné pendant trois mois et, le 2 août 1945, il est remis au gouvernement provisoire français présidé par le général de Gaulle.
Arrêté par les troupes américaines près d’Innsbruck, Fernand de Brinon est remis aux autorités françaises, amené en France en mai 1945. Condamné à mort en mars 1947, il est exécuté le 7 avril à la prison de Fresnes.
Le nord de l’Italie s’avère la destination d’autres Français.
Jean Luchaire rejoint Merano (Alpes italiennes). Il se rend à la police militaire américaine, mais il n’est pas incarcéré. Reconnu par des agents français, il est emprisonné à Milan, puis ramené en France en juillet 1945. Condamné à mort le 23 janvier 1946, il est fusillé le 22 février 1946 au fort de Montrouge.
Après avoir traqué les résistants italiens, Joseph Darnand est arrêté le 25 juin 1945 par les Britanniques, et remis peu après aux autorités françaises. Condamné à mort le 3 octobre 1945, il est fusillé au fort de Châtillon le 10 octobre 1945.
Quant au général Bridoux, il est arrêté par les troupes américaines en mai 1945 et conduit en France. Détenu au fort de Montrouge, il est conduit à l’hôpital du Val-de-Grâce dont il s’échappe. Il fuit en Espagne où il décède en 1955. La Haute cour de justice l’avait condamné à mort en 1948.
Avec l’aide de membres de l’Eglise italienne, Marcel Déat se cache dans la péninsule italienne où il meurt en 1955.
« Vichy en terre nazie »
« Dans un documentaire-fiction passionnant, Serge Moati éclaire le dernier acte de cette odieuse tragédie que fut la collaboration. Ce film raconte, de septembre 1944 à avril 1945, les huit mois de querelles et d'errements des derniers zélateurs de la collaboration ».
« Guidé par les souvenirs d'un jeune officier de santé affecté auprès du maréchal Pétain, Serge Moati construit un récit haletant, ponctué de scènes de fiction dans lesquelles les principales figures de ce Vichy en terre nazie – comme Fernand de Brinon, sa secrétaire Jacqueline, Joseph Darnand et Jean Luchaire – sont incarnées par des comédiens, le médecin étant campé par Pierre Hancisse, de la Comédie-Française ».
« Par un montage fluide et harmonieux d'archives, de décryptages d’historiens (Bénédicte Vergez-Chaignon, Jean-Paul Cointet, Otto Becker), de dialogues rapportés par des mémorialistes et mis en scène, et de témoignages d'Allemands, dont celui du prince de Hohenzollern, Serge Moati signe un film passionnant, ancré dans le décor même de ce « château de la trahison », comme le surnommeront les troupes de la « France, enfin libre ».
La "docufiction" m'a déconcertée par les contrastes entre des archives intéressantes et des scènes "fictives" faibles.
Propos recueillis auprès de Serge Moati par Christine Guillemeau pour Arte
« J’ai lu des dizaines d’ouvrages sur cette période, et l’un d’eux, Philippe Pétain, le prisonnier de Sigmaringen, m’a inspiré pour la dramaturgie du film. Préfacé par Jacques Isorni, l’avocat du maréchal à son procès, ce livre de souvenirs est écrit par G. T. Schillmans, un jeune médecin prisonnier, libéré d’un stalag pour remplacer, au chevet de Pétain, le docteur Ménétrel, qui a été arrêté. Ce jeune homme décrit bien l’atmosphère au sein de la colonie d’exilés français. Il nous ressemble. Il est notre regard sur ce funeste microcosme ».
« J’aime ce genre [docufiction] car il permet de rendre l’histoire plus accessible en l’incarnant. Pour mon « casting », j’ai cherché bien sûr une ressemblance physique... Mais c’est surtout le talent de tous ces comédiens qui m’a retenu. C’est une tragi-comédie sur la fin d’un monde. Un épisode très méconnu de notre histoire. Un personnage m’intrigue, celui de Jacqueline, la secrétaire du « Président » de Brinon, qu’interprète Julie Debazac. Cette femme, que certains soupçonnent d’avoir été une taupe du Deuxième Bureau de la France libre, a disparu sans laisser de traces, après la guerre. Le médecin et elle ont été au cœur de cet enfer ».
Avant les repérages, j’avais peur du lieu, empli pour moi de fantômes. Une fois sur place, j’ai trouvé le château magnifique et impressionnant. J’ai été touché par la courtoisie du prince de Hohenzollern dont la famille a été chassée de son château du jour au lendemain par les nazis. J’ai eu la chance de tourner avec une équipe franco-allemande formidable. Et le soir, nous partagions, comédiens et techniciens, des moments joyeux sur les lieux mêmes où s’est passée cette terrible histoire ».
(*) délégué à l’information de Pétain en Tunisie, chargé de « mission spéciale »
Arte France, Belvédère Productions, Filmtank, 2017, 78 Min.
Scénario : Serge Moati et Aude Vassallo
Avec Pierre Hancisse, de la Comédie-Française (le jeune docteur), Christophe Odent (Fernand de Brinon), Julie Debazac (la secrétaire de Brinon), Bernard Blancan (Joseph Darnand), Thomas Chabrol (Jean Luchaire)
Sur Arte les 29 août 2017 à 20 h 50, 26 mars 2019 à 20 h 50
Visuels
Le château de Hohenzollern – Sigmaringen vu du Danube
© Serge Moati et Gérard de Battista
Jacqueline, la secrétaire de Brinon (Julie Debazac)
Le jeune docteur (Pierre Hancisse)
Serge Moati (réalisateur)
© Victor Moati
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Les citations sont extraites du site d'Arte. Cet article a été publié le 28 août 2017.
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