Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

lundi 3 avril 2017

Splendeurs de l’écriture au Maroc. Manuscrits rares et inédits


L’Institut du monde arabe (IMA) présente l’exposition Splendeurs de l’écriture au Maroc - Manuscrits rares et inédits, placée sous le Haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Un « événement d’exception » présentant notamment de superbes enluminures, mais véhiculant le « mythe al-Andalus ».
Parfois, l’art sert la diplomatie, notamment religieuse, les relations publiques (RP) d’un Etat soucieux de son image à l’étranger.

Une illustration ? Cette exposition conçue par la Direction des Archives Royales du Maroc, placée sous le haut patronage de S.M. le Roi du Maroc Mohammed VI et accueillie à l’Institut du monde arabe (IMA) à Paris.

A lire la presse dithyrambique, on peut considérer que l'opération est réussie.

L’invité d’honneur du Salon du Livre (24-27 mars 2017) a été le Royaume du Maroc. « Pour la première fois depuis sa création, le Salon met en lumière les lettres et la culture d’un pays du monde arabe, témoignant ainsi du dynamisme et de la richesse des échanges entre le Maroc et la France sur le plan éditorial et littéraire  ».

« Mythe al-Andalus »
En « réponse à la volonté de S.M. Mohammed VI de montrer les chefs-d’œuvre de l’Art du livre au Maroc à l’IMA, la Direction des Archives Royales a conçu une exposition d’écrits rares, tant par leurs sujets que pour leurs calligraphies et enluminures ».

« Si l'on en croit Ibn Khaldoun, l’écriture est le reflet de l’organisation d’une société en même temps qu'un art qui porte témoignage du degré de civilisation d’une nation ». Notons que l’écriture alphabétique hébraïque s’avère l’une des plus anciennes au monde.

Cette exposition « nous invite à découvrir et à admirer un patrimoine manuscrit, legs de 14 siècles d’histoire. Composée de manuscrits rarissimes, de documents inédits, de pièces muséologiques d’une immense valeur historique et symbolique, l’exposition permet de lire et de relire les facettes de la culture marocaine ». Le communiqué de presse de l’exposition fait remonter l’histoire de ce patrimoine à la conquête arabo-islamique du Maroc.

« Selon une conception scénographique et esthétique, l’exposition met en lumière la quintessence de la pensée marocaine. Trois livres sacrés, très anciens et inédits, se regroupent au centre de l’exposition pour dessiner les traits d’une conviction marocaine profonde, celle du respect des croyances ». 

Ce communiqué ne respecte pas l’ordre chronologique, car il liste ces « trois livres sacrés » en débutant par l’islam, en poursuivant avec le christianisme et en finissant par le judaïsme :
« un Coran sur parchemin, rare et précieux, copie datée probablement du 3ème siècle H. / IXe s.
un Évangile traduit en arabe conservé à la Qaraouiyne et datant du XIIe siècle, l’une des pièces rares et uniques dans le monde arabe et musulman, véritable joyau ;
un Rouleau de Torah écrite sur parchemin, avec graphie en hébreu, fixée dans un support métallique rotatif, l’ensemble dans un coffret couvert en cuir de couleur rouge, chef-d’œuvre exceptionnel jamais exposé ».

Et de poursuivre : « Tous les trois témoignent de la cohabitation et du respect des religions monothéistes au Maroc ». Une phrase qui occulte la dhimmitude - Corrélée au djihad, la dhimmitude est définie par Bat Ye’or comme « le statut de soumission des indigènes non-musulmans – juifs, chrétiens, sabéens, zoroastriens, hindous, etc. - régis dans leur pays par la loi islamique. Il est inhérent au fiqh (jurisprudence) et à la charîa (loi islamique) » -, dissimule que pour l’islam, la Bible est « une falsification de la vérité coranique » (Bat Ye’or), et véhicule le « mythe al-Andalus » de la coexistence pacifique inter-religieuse sous domination islamique.

Le livre « L’exil au Maghreb, la condition juive sous l’islam 1148-1912 » de David G. Littman et Paul B. Fenton (Presses de l'université Paris-Sorbonne, 2010) constitue une anthologie de témoignages émouvants, de récits incontestables de voyageurs et d'autochtones sur la condition juive sous joug islamique en Algérie et au Maroc de la fin du Moyen-âge à l'époque contemporaine. Une condition Juive faite d’humiliations, de précarité, de conversions forcées à l’islam, de rapts, de massacres, de rançons, de pillages, de destructions de synagogues et de textes sacrés…

La théologie islamique « voit dans la Bible une version falsifiée du Coran : pour l'islam, les prophètes bibliques sont des prophètes musulmans » a déclaré Bat Ye’or. 

L’exposition « nous fait aussi apercevoir les fondements de l’Etat marocain, caractérisés par l’adoption d’un islam modéré basé sur le rite malékite, la doctrine achaârite, le soufisme sunnite et la Commanderie des Croyants :
- « Al-Moata’ » de Al-Mahdi Mohammed ibn Tumart pour illustrer le rite malékite
- « Dalāil Al-khayrāt wa šawāriq Al-Anwār Fī Dikri Salāti ’alā An-nabiyyi al-Muẖtār » de Mohammed ibn Mohammad ibn Sulaymān al-Jazouli concernant le soufisme sunnite
- des documents de la Béïâ qui est à la base de la Commanderie des Croyants ».

« Porteur de valeurs universelles, le Maroc nous invite, à travers ses trésors inédits, à mieux connaître sa particularité et son identité politique et culturelle irriguée par plusieurs affluents : arabo-islamique, amazigh, saharo-hassani, africain, andalou, hébraïque et méditerranée :
- Coran sur parchemin, rare et précieux, copie datée probablement du 3ème siècle H. / IXe s. ère commune pour illustrer la composante arabo-islamique
- « Nayl al-ibtihaj bi-tatriz al-dibaj » de Ahmad Baba al-Timbukti as-Soudani qui témoigne de la dimension africaine
- « Infāq al-maysour fī tārīẖi bilādi at-takrour », du Prince Mohammad Belo ben Otmān ben Foudī (1879-1943) qui illustre les rapports historiques existant entre le Maroc et l’Afrique sub-saharienne 
- manuscrit de ben Maïmoun qui témoigne de l’affluent hébraïque ».

Pourquoi « l’affluent hébraïque » est-il systématiquement relégué en fin de liste ? Quid du christianisme ? Quid de la prohibition de la conversion à d’autres religions que l’islam ?

Autre facette du « mythe al-Andalous » : la « supériorité des sciences arabo-musulmanes  » et la dette de l’Occident à leur égard. Ainsi, l’exposition « nous invite également à nous enquérir des divers courants de la pensée et des diverses disciplines scientifiques qui se sont épanouies au Maroc, telles :
- la médecine et la pharmacopée avec le sixième volume du livre « Al-tasrif liman ‘ajaza ‘ani at-t’aleef » de Abū al-Qāsim Khalaf ibn Abbās al-Zahrāwī, copie écrite pour la bibliothèque du Sultan Moulay Hassan ;
- les mathématiques avec « Kitāb fī A’māl Al-hissāb», de Abī Al-Abbās Ahmed ibn Otmān Al-Azdī ;
- l’astronomie (« Charh Rawdat al-azhar li el-Jadiri Abderrahmane ben Abi Ghaleb Attajibi », Commentaire de Rawdat al-azhar par Abu al-Abbas Ahmed ben Mamad el-Mouassi décédé en 1505 et « At-tafhīm fī awāili at-tanjīm» de Mohammad ben Ahmed Al-Bīrounī décédé en 1048 (ère ch.)
- la physique-chimie avec « Nihāyat al-talab fi charhi al-mūktasab fi zirā’ati addahab » de Ibn Ali ben Aydmr Al-jaldakī (1342 ère commune) ;
- les sciences appliquées telles que l’architecture, l’urbanisme et l’aménagement des jardins ;
- la botanique avec « Hadikat al-azhar fi charhi mahiyat al’ouchb wa al’akâr », de Qasim ben Mohamed ben Ibrahim al-wazir al-Ghasani, décédé en 1600 ;
- l’agriculture avec « Kitab fi al-filaha » de Mohamed ben Ibrahim ben Bessal Al-Tolaytili décédé en 1067 ;
- la gestion de l’eau avec « Hadith bayad wa riad » ;
- la science vétérinaire avec « Kitab jar al-dhayl fi maarifati al-khail » de Djalâl Eddine Abderrahmane ben Abi Bakr Al-Souyoûtî et les soins apportés aux chevaux avec le Livre des soins pour les montures copie achevée en décembre 1714 et la production manufacturière avec « Kitāb Al-‘izzû wa Rīf’a wa Al-manāfi », livre sur la production manufacturière d’armes de Ibrāhīm ben Ahmed Ghānim ben Zakaria al-Andalusī décédé en 1132 ».

« D’autres livres se sont intéressés au domaine de la musique comme « Kitab fî Al-Msūsiqā Al-Andalussiyya» - copié en 1900 et à la création littéraire. »

Cette exposition « est un voyage à travers les méandres du passé. Elle nous éclaire sur la production intellectuelle propre à chacune des étapes de l’histoire marocaine. On y trouve ainsi des manuscrits qui remontent au IXe s., au XIIe s. ou encore au XXe s., ce qui permet une relecture de la civilisation marocaine, profondément enracinée dans l’histoire à travers notamment « Kitab al-Ibar » ou « Le Livre des exemples » d’Ibn Khaldoun ; ainsi que l’histoire de la dynastie Alaouite : « Al-Manza’ Al-lāītfī Fī At-talmīhi limafāẖri Mawlāy Ismā’īl », de Abd Rāhmān Ibn Zaydān ».

La manifestation « fait ressortir, en outre, les arts relatifs à la fabrication du livre, telles que la calligraphie sous ses diverses formes, les décorations et les dorures, les reliures et les enluminures. L’ensemble de ces arts révèle un haut niveau de créativité. Des objets méconnus se croisent au sein de l’exposition, éléments d’architecture, frises de céramique ou de bois, panneaux de zellige, plâtre sculpté, pièces de monnaie, qui tous apportent un nouvel éclairage sur l’empreinte de l’interaction de la production littéraire et artistique et témoignent de la rencontre de la spiritualité et de l’écriture ».

L’exposition « nous invite enfin à assister au dialogue des civilisations à travers les trésors des bibliothèques marocaines ».

La commissaire générale est Bahija Simou, Directrice des Archives Royales, et le co-Commissaire  Eric Delpont, Directeur du Musée de l’IMA.


Du 23 mars au 6 avril 2017
Salle du Haut Conseil (niveau 9)
1, rue des Fossés-Saint-Bernard
Place Mohammed V
75236 Paris Cedex 05
Du mardi au vendredi de 10 h à 18 h. Samedi, dimanche et jours fériés de 10 h à 19 h

Visuels © Thierry Rambaud sauf la première photographie

S.M. le Roi Mohammed V à la Quaraouiyne

Planche d’enluminures marocaines
Artiste : Abu Bakr Fassi Fihri
Ministère des Habous

Écritoire composée de deux encriers octogonaux et d’un plumier en étui s’ouvrant à l’une des extrémités ; décor végétal et géométrique sur cuivre ciselé, martelé et ajouré.
Matière : Bronze ajouré et gravé
Origine et provenance : Fès. Maroc
XIXe s.
Musée batha des Arts de vivre – Fès.
N° Inv. 46.1.1095
Fondation Nationale des Musées

Évangile
Support : parchemin
Reliure : cuir récent de couleur rouge avec des motifs
83 folios
En calligraphie « andalouse » authentique colorée
21 x 27 cm
inv. 730
Bibliothèque Qaraouiyne

La Torah
Rouleau d’une Torah écrite sur parchemin, graphie en hébreu, fixée dans un support métallique rotatif, l’ensemble dans un coffret couvert en cuir de couleur rouge.
Rabat (Maroc), Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc
inv. Non communiqué

Mushaf karim (exemplaire du Saint Coran)
Support : parchemin
Reliure : Cuir récent en couleur rouge
En calligraphie « koufi » authentique colorée.
25 x 18 cm
328 folios
inv. 876
Bibliothèque Qaraouiyne

Livre des soins pour les montures.
Titre et auteur non mentionnés. Livre en trois volumes incomplets et amputés, classé en 30 volets, dont manquent les 4 premiers volets et une partie des cinquième et huitième.
La copie est écrite en calligraphie marocaine à l’encre noire, les titres sont en grande partie en rouge et parfois en vert. La copie est enrichie par des illustrations de divers soins apportés aux chevaux. Huit dessins figurent dans cette copie : 4 dans le premier volume ; 2 dans le deuxième; 2 dans le troisième.
Reliure marocaine en cuir rouge, écriture gravée. Nom du copiste non mentionné.
Copie achevée en décembre 1714.
Nombre de folios : Premier Volume : 21 ; Deuxième Volume : 26 ; Troisième Volume : 20.
17 lignes par page.
Inv 6126
Bibliothèque Royale Hassanya

Panneau de Zellige
Maison mérinide, Fès
XIIIème – XIVème siècle
Céramique de polychrome
Musée Batha, Fès
Fondation Nationale des Musées

Encrier en marbre sculpté à décor de polylobes et à orifices pour contenir plume et encre.
Plume en roseau.
Matière : marbre
Période islamique.
Musée batha des Arts de vivre – Fès.
N° Inv. 45.711
Fondation Nationale des Musées

A lire sur ce blog :
Articles in English
Cet article a été publié le 3 avril 2017.
Les citations proviennent du communiqué de presse.

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    Magnifique exposition.
    Merci de nous la présenter.

    P.S. L'image torhat_001.jpg est tournée de 180°. Pouvez-vous la mettre dans le bon sens.
    Cordialement
    Claude

    RépondreSupprimer