Dans le cadre de l’émission dominicale Philosophie sur Arte, Raphaël Enthoven explora, avec Laurence Hansen-Love le bien et le mal, « les deux pôles symétriques qui bornent notre morale ». Ces deux philosophes ont évoqué notamment Vladimir Jankélévitch (1903-1985). Le Théâtre du Lucernaire présente Vladimir Jankélévitch. La vie est une géniale improvisation, dans une mise en scène de Bruno Abraham-Kremer et Corine Juresco, avec Bruno Abraham-Kremer.
Quelle est la différence entre le bien et le mal ?
Crime et châtiment
« Une conscience morale sensible ». C’est ainsi que Laurence Hansen-Love , professeure de philosophie, définit Vladimir Jankélévitch (1903-1985), philosophe et musicologue français né dans une famille d’intellectuels Juifs originaires de l’empire russe tsariste : son père Samuel figure parmi les premiers traducteurs d’œuvres de Sigmund Freud, de Hegel et Schelling. Élève brillant, normalien, premier à l’agrégation de philosophie en 1926, Vladimir Jankélévitch choisit dès janvier 1940 la clandestinité à Toulouse et s’engage dans la résistance. A la Libération, il enseigne à la Faculté de Lille, puis à la Sorbonne. Sa pensée morale s’exprime dans ses ouvrages majeurs Le Traité des vertus, Le je-ne-sais-quoi et le presque-rien, et La Mort. Et elle invite à développer une pensée personnelle, critique. Ainsi, lors d’un numéro d’Apostrophes en 1980, Vladimir Jankélévitch racontait entendre les étudiants, lors d’examens oraux, lui citer les positions de tel ou tel philosophe par exemple sur la mort. Et Vladimir Jankélévitch les interrogeait : « Et Monsieur X, qu’est-ce qu’il en pense de la mort ? Il n’est pas concerné par la mort ? »
Selon Vladimir Jankélévitch , « on ne fait jamais assez de bien, mais toujours le mal une fois de trop. Ne faut-il pas plutôt penser que le bien et le mal sont les deux pôles, les deux points de repères qui nous permettent de situer nos actions ? » « Le sommeil du Juste, c’est l’insomnie », déclarait Romain Gary cité par l’animateur de l’émission.
Raphaël Enthoven et Laurence Hansen-Love, exploraient « les deux pôles symétriques qui bornent notre morale ». Ils évoquèrent la Genèse, le jardin d'Eden...
"Ce qui est interdit c'est la connaissance qui ne semble pas compatible avec la religion", considère Laurence Hansen-Love qui estime "extrême la punition pour avoir croqué un fruit. Le mal n'existe pas en réalité, mais comme jugement que l'on porte". Une "sortie du Paradis nécessaire pour devenir humains" ou "place l'Homme en situation de responsabilité".
Le génocide programmé des Arméniens pose "la question du caractère absolu du mal. Le mal absolu n'a aucune excuse. Son danger n'est-il pas de risquer de nous priver de réfléchir à son sujet ?"
La racine du mal ? Le mal n'est-il pas accru par la bonne conscience de celui qui l'a commis ? Ces questions et d'autres alimentaient la conversation philosophique parcourue par des citations de Saint-Augustin, Rousseau, la comtesse de Ségur et Rémi Brague.
Le Théâtre du Lucernaire présente Vladimir Jankélévitch. La vie est une géniale improvisation, dans une mise en scène de Bruno Abraham-Kremer et Corine Juresco, avec Bruno Abraham-Kremer.
« On peut, après tout, vivre sans je-ne-sais-quoi, comme on peut vivre sans philosophie, sans musique, sans joie et sans amour. Mais pas si bien... Seul compte l’exemple que le philosophe donne par sa vie et dans ses actes », a constaté Vladimir Jankélévitch.
"Ils ont 20 ans en 1923 et sont élèves à Normale Sup, lorsque débute cet échange de lettres qui durera 60 ans : depuis leurs premières " disputes " philosophiques, en passant par la rencontre avec Bergson, la montée du fascisme, la guerre, la libération, mai 68, les premiers ordinateurs... ses réflexions sur le pardon et les crimes imprescriptibles de la Shoah. Une traversée du XXème siècle, éclairée par un esprit libre, visionnaire, et plein d’humour. "Seul compte l'exemple que le philosophe donne par sa vie et dans ses actes." Oui, Jankélévitch, était bien ce grand philosophe, musicien, professeur de Morale, recherchant "l'accord parfait" entre ses idées et ses actes. Plus que jamais, il nous aide à vivre".
"Écouter la correspondance de « Janké », comme l’appelaient ses élèves, c’est plonger dans l’intimité d’un grand penseur, traverser à ses côtés tout le XXe siècle, avec ses ombres et ses lumières, en partageant son amitié épistolaire avec Louis Beauduc. Ils ont 20 ans en 1923, et sont élèves à Normale Sup, lorsque débute cet échange de lettres qui durera 60 ans. Toute une vie en lettres, depuis ses premiers élans philosophiques, jusqu’à la puissance de sa maturité, avec pour ultime preuve de sa liberté d’esprit le retournement qu’il opère à 77 ans : Lui qui plaçait plus haut que tout la culture allemande, mais qui avait rompu avec l’Allemagne après la seconde guerre mondiale et les crimes de la Shoah, inaugure une « ère nouvelle » en répondant à la lettre d’un jeune professeur allemand, qu’il invitera chez lui. « Seul compte l’exemple que le philosophe donne par sa vie et dans ses actes. » Oui, Jankélévitch, philosophe, musicien, professeur de Morale, recherchait « l’accord parfait » entre ses idées et ses actes. Plus que jamais, il nous aide à vivre. Il est urgent de continuer à l’écouter", ont expliqué Bruno Abraham-Kremer et Corine Juresco.
"Avec Vladimir Jankélévitch, je retrouve ce que j’aime passionnément dans l’être humain, une adéquation parfaite entre les idées et les actes, une pensée en mouvement, une vitalité, un humour, une liberté de penser le monde sans préjugés, refusant toutes les chapelles intellectuelles de son temps. Un appel à notre intelligence, une invitation à devenir « l’acteur » de notre vie, à ne jamais désespérer de l’homme", a déclaré Bruno Abraham-Kremer.
1931 Henri Bergson, Paris Alcan, préfacé par Bergson lui-même.
1927-39 Il enseigne à Prague, en khâgne à Lyon et dans les facs de Toulouse et de Lille.
1936 L’Ironie, Paris, Alcan.
1938 Premier livre sur la musique : Gabriel Fauré et ses mélodies, Paris, Plon.
1939-45 Mobilisé, puis blessé, il est révoqué de l’université, comme « non-Français à titre originaire », par le régime de Vichy. Il entre dans la clandestinité et la Résistance à Toulouse où il s’est réfugié avec sa famille.
1942 Le mensonge et Le Nocturne, Lyon, Confluences. Publiés grâce à d’anciens étudiants de Lyon. Après la guerre, il affirme sa volonté de rompre avec la langue et la culture allemande.
1947 Mariage à Alger ; sa fille Sophie naîtra en 1953.
1949 Le Traité des Vertus, Paris, Bordas.
1951-1978 Titulaire de la Chaire de Philosophie morale à la Sorbonne. Il se consacre tout entier à la Philosophie (écrits et enseignement), et à la Musique (musicologue et musicien).
1954 Philosophie première : introduction à une philosophie du « presque », Paris, PUF.
1957 Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, Paris, PUF.
1960 Le Pur et l’Impur, Paris, Flammarion.
1965 L’imprescriptible dans le journal Le Monde. Texte où il se veut garant de la mémoire de ceux qui ont été exterminés et ne sont plus là pour se défendre.
1966 La Mort, Paris, Flammarion.
1967 Le Pardon, Paris, Flammarion.
1974 L’Irréversible et la nostalgie, Paris, Flammarion.
1985 Vladimir Jankélévitch meurt à l’âge de 82 ans.
Quelle est la différence entre le bien et le mal ? (Was ist der Unterschied zwischen Gut und Böse? )
Réalisation de Philippe Truffault
2016, 27 min
Sur Arte les 17 janvier à 12 h 30 et 18 janvier 2016 à 4 h 15
Quelle est la différence entre le bien et le mal ?
« Une conscience morale sensible ». C’est ainsi que Laurence Hansen-Love , professeure de philosophie, définit Vladimir Jankélévitch (1903-1985), philosophe et musicologue français né dans une famille d’intellectuels Juifs originaires de l’empire russe tsariste : son père Samuel figure parmi les premiers traducteurs d’œuvres de Sigmund Freud, de Hegel et Schelling. Élève brillant, normalien, premier à l’agrégation de philosophie en 1926, Vladimir Jankélévitch choisit dès janvier 1940 la clandestinité à Toulouse et s’engage dans la résistance. A la Libération, il enseigne à la Faculté de Lille, puis à la Sorbonne. Sa pensée morale s’exprime dans ses ouvrages majeurs Le Traité des vertus, Le je-ne-sais-quoi et le presque-rien, et La Mort. Et elle invite à développer une pensée personnelle, critique. Ainsi, lors d’un numéro d’Apostrophes en 1980, Vladimir Jankélévitch racontait entendre les étudiants, lors d’examens oraux, lui citer les positions de tel ou tel philosophe par exemple sur la mort. Et Vladimir Jankélévitch les interrogeait : « Et Monsieur X, qu’est-ce qu’il en pense de la mort ? Il n’est pas concerné par la mort ? »
Selon Vladimir Jankélévitch , « on ne fait jamais assez de bien, mais toujours le mal une fois de trop. Ne faut-il pas plutôt penser que le bien et le mal sont les deux pôles, les deux points de repères qui nous permettent de situer nos actions ? » « Le sommeil du Juste, c’est l’insomnie », déclarait Romain Gary cité par l’animateur de l’émission.
Raphaël Enthoven et Laurence Hansen-Love, exploraient « les deux pôles symétriques qui bornent notre morale ». Ils évoquèrent la Genèse, le jardin d'Eden...
Avec l’olivier, le grenadier et la vigne, le figuier est un des arbres bibliques. Pour certains sages du Talmud, la figue est le « fruit défendu » de la Bible hébraïque. « De l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas. Car du jour où tu en mangeras, sûrement tu mourras » (Genèse 2, 17), avait intimé Dieu. La source de cette interprétation ? Un autre verset (3, 7) de la Genèse : après avoir goûté le fruit défendu, Adam et Ève, nus, « se cousent des tuniques avec des feuilles de figuier » pour couvrir leurs corps. Interprétant des versets différents, d’autres sages du Talmud privilégient soit la vigne soit le blé comme « fruit défendu ». Alors pourquoi l’iconographie représente-t-elle traditionnellement ce « fruit défendu » par une pomme ? Rabbin du Mouvement Juif libéral de France (MJLF), Delphine Horvilleur précise que la Vulgate, traduction en latin de la Bible à la fin du IVe siècle, a traduit cet arbre en « lignum scientiae boni et mali ». Or, mali a un double sens : mal et pomme.
"Ce qui est interdit c'est la connaissance qui ne semble pas compatible avec la religion", considère Laurence Hansen-Love qui estime "extrême la punition pour avoir croqué un fruit. Le mal n'existe pas en réalité, mais comme jugement que l'on porte". Une "sortie du Paradis nécessaire pour devenir humains" ou "place l'Homme en situation de responsabilité".
Le génocide programmé des Arméniens pose "la question du caractère absolu du mal. Le mal absolu n'a aucune excuse. Son danger n'est-il pas de risquer de nous priver de réfléchir à son sujet ?"
La racine du mal ? Le mal n'est-il pas accru par la bonne conscience de celui qui l'a commis ? Ces questions et d'autres alimentaient la conversation philosophique parcourue par des citations de Saint-Augustin, Rousseau, la comtesse de Ségur et Rémi Brague.
Le Théâtre du Lucernaire présente Vladimir Jankélévitch. La vie est une géniale improvisation, dans une mise en scène de Bruno Abraham-Kremer et Corine Juresco, avec Bruno Abraham-Kremer.
« On peut, après tout, vivre sans je-ne-sais-quoi, comme on peut vivre sans philosophie, sans musique, sans joie et sans amour. Mais pas si bien... Seul compte l’exemple que le philosophe donne par sa vie et dans ses actes », a constaté Vladimir Jankélévitch.
"Ils ont 20 ans en 1923 et sont élèves à Normale Sup, lorsque débute cet échange de lettres qui durera 60 ans : depuis leurs premières " disputes " philosophiques, en passant par la rencontre avec Bergson, la montée du fascisme, la guerre, la libération, mai 68, les premiers ordinateurs... ses réflexions sur le pardon et les crimes imprescriptibles de la Shoah. Une traversée du XXème siècle, éclairée par un esprit libre, visionnaire, et plein d’humour. "Seul compte l'exemple que le philosophe donne par sa vie et dans ses actes." Oui, Jankélévitch, était bien ce grand philosophe, musicien, professeur de Morale, recherchant "l'accord parfait" entre ses idées et ses actes. Plus que jamais, il nous aide à vivre".
"Écouter la correspondance de « Janké », comme l’appelaient ses élèves, c’est plonger dans l’intimité d’un grand penseur, traverser à ses côtés tout le XXe siècle, avec ses ombres et ses lumières, en partageant son amitié épistolaire avec Louis Beauduc. Ils ont 20 ans en 1923, et sont élèves à Normale Sup, lorsque débute cet échange de lettres qui durera 60 ans. Toute une vie en lettres, depuis ses premiers élans philosophiques, jusqu’à la puissance de sa maturité, avec pour ultime preuve de sa liberté d’esprit le retournement qu’il opère à 77 ans : Lui qui plaçait plus haut que tout la culture allemande, mais qui avait rompu avec l’Allemagne après la seconde guerre mondiale et les crimes de la Shoah, inaugure une « ère nouvelle » en répondant à la lettre d’un jeune professeur allemand, qu’il invitera chez lui. « Seul compte l’exemple que le philosophe donne par sa vie et dans ses actes. » Oui, Jankélévitch, philosophe, musicien, professeur de Morale, recherchait « l’accord parfait » entre ses idées et ses actes. Plus que jamais, il nous aide à vivre. Il est urgent de continuer à l’écouter", ont expliqué Bruno Abraham-Kremer et Corine Juresco.
"Avec Vladimir Jankélévitch, je retrouve ce que j’aime passionnément dans l’être humain, une adéquation parfaite entre les idées et les actes, une pensée en mouvement, une vitalité, un humour, une liberté de penser le monde sans préjugés, refusant toutes les chapelles intellectuelles de son temps. Un appel à notre intelligence, une invitation à devenir « l’acteur » de notre vie, à ne jamais désespérer de l’homme", a déclaré Bruno Abraham-Kremer.
Vladimir Jankélévitch, Auteur
1903 Naissance à Bourges de parents juifs russes. Son père fut le premier traducteur en français de Freud.
1922-26 E.N.S A l’agrégation de Philo, il est reçu premier, Beauduc deuxième.1931 Henri Bergson, Paris Alcan, préfacé par Bergson lui-même.
1927-39 Il enseigne à Prague, en khâgne à Lyon et dans les facs de Toulouse et de Lille.
1936 L’Ironie, Paris, Alcan.
1938 Premier livre sur la musique : Gabriel Fauré et ses mélodies, Paris, Plon.
1939-45 Mobilisé, puis blessé, il est révoqué de l’université, comme « non-Français à titre originaire », par le régime de Vichy. Il entre dans la clandestinité et la Résistance à Toulouse où il s’est réfugié avec sa famille.
1942 Le mensonge et Le Nocturne, Lyon, Confluences. Publiés grâce à d’anciens étudiants de Lyon. Après la guerre, il affirme sa volonté de rompre avec la langue et la culture allemande.
1947 Mariage à Alger ; sa fille Sophie naîtra en 1953.
1949 Le Traité des Vertus, Paris, Bordas.
1951-1978 Titulaire de la Chaire de Philosophie morale à la Sorbonne. Il se consacre tout entier à la Philosophie (écrits et enseignement), et à la Musique (musicologue et musicien).
1954 Philosophie première : introduction à une philosophie du « presque », Paris, PUF.
1957 Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, Paris, PUF.
1960 Le Pur et l’Impur, Paris, Flammarion.
1965 L’imprescriptible dans le journal Le Monde. Texte où il se veut garant de la mémoire de ceux qui ont été exterminés et ne sont plus là pour se défendre.
1966 La Mort, Paris, Flammarion.
1967 Le Pardon, Paris, Flammarion.
1974 L’Irréversible et la nostalgie, Paris, Flammarion.
1985 Vladimir Jankélévitch meurt à l’âge de 82 ans.
Réalisation de Philippe Truffault
2016, 27 min
Sur Arte les 17 janvier à 12 h 30 et 18 janvier 2016 à 4 h 15
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