Le musée national Marc Chagall a présenté l'exposition Marc Chagall. Œuvres tissées. Pour le 30e anniversaire de la mort de cet artiste, il révélait des œuvres méconnues, des tapisseries tissées « dans une étroite collaboration avec les lissiers de la Manufacture nationale des Gobelins ou avec une grande spécialiste de la tapisserie, Yvette Cauquil-Prince » : trois tapisseries monumentales destinées au hall de la Knesset à Jérusalem (1965-1968), une tapisserie Paysage méditerranéen destinée au futur musée national Message Biblique Marc Chagall à Nice (1970-1971). Le 10 juillet 2016, le Président de la République François Hollande a inauguré la nouvelle Cité internationale de la tapisserie d'Aubusson (Creuse).
Le musée d’Art moderne de Troyes, a présenté l’exposition itinérante Chagall, de la palette au métier (6 septembre 2014-11 janvier 2015) : il a réuni des œuvres originales de Chagall (1887-1985), 16 tapisseries exécutées par Yvette Cauquil-Prince et un aperçu de la production des Gobelins. Le rapprochement des compositions de Chagall et de leur transposition textile, avec un rappel de « l’évolution de la technique du carton qui renouvelle les enjeux et les stratégies des manufactures dans la seconde moitié du XXe siècle ». En 2016, le MUba Eugène Leroy l Tourcoing a accueilli l'exposition Chagall - De la palette au métier.
A l’occasion du 30e anniversaire de la mort de Chagall, le musée national Marc Chagall propose au public de découvrir un pan moins connu de la production de l’artiste : l’œuvre tissé. « Transposition monumentale de la verve colorée de Marc Chagall, l’œuvre tissée est le prolongement de l’œuvre peinte ou gravée. Elle invite ainsi à penser le décloisonnement de la création, au-delà des frontières entre disciplines artistiques ».
Pour la première fois, le musée national Marc Chagall confronte « douze tapisseries chatoyantes ou plus nuancées avec 12 œuvres originales de Chagall qui ont servi de modèles pour le tissage ».
L’exposition Marc Chagall. Œuvres tissées évoque les réalisations des Gobelins « par la tapisserie créée pour l’ouverture du musée (1973) ainsi que par le tirage d’essai (détail de l’ensemble validé par Marc Chagall) pour les tapisseries de la Knesset », parlement israélien. Les « autres tapisseries présentées font apparaître avec éclat le talent d’interprète d’Yvette Cauquil-Prince ».
L’exposition « permet aussi de comprendre la part de liberté et d’interprétation laissée au maître d’œuvre. Une salle est dédiée à la technique de la tapisserie où le public peut découvrir les matériaux nécessaires au tissage ».
Les tapisseries de la Manufacture des Gobelins
A l’initiative du roi Henri IV et de son conseiller du commerce Barthélemy de Laffemas, est instituée en avril 1601, à Paris, la Manufacture des Gobelins.
La Manufacture nationale des Gobelins a tissé les tapisseries des palais des monarques, puis des édifices publics.
Les « plus grands artistes livrent à la Manufacture des modèles peints. Les meilleurs lissiers mettent leur talent au service de la transposition des couleurs et des formes dans une technique autre, faite de l’entremêlement de fils ».
Actrice majeure du renouveau de la tapisserie au XXe siècle, Yvette Cauquil-Prince (1928-2005) a dédié « son savoir-faire et son talent à la transcription en tapisserie des œuvres des plus grands artistes de l’époque » : Pablo Picasso, Max Ernst, Paul Klee, Roberto Matta, Kandinsky, Brassai, Alexandre Calder, Niki de Saint-Phalle… Par l’entremise de Madeleine Malraux, Chagall « la rencontre en 1964. Dès lors, s’instaure un dialogue fécond qui dure deux décennies, et même au-delà, dans les tapisseries que poursuit Yvette Cauquil-Prince après la mort de Chagall en 1985 ».
« Je suis comme un chef d’orchestre et Chagall est la musique. Je dois comprendre son travail afin de me fondre dedans au point de ne plus exister », a déclaré Yvette Cauquil-Prince, licière d’origine belge. Chagall la surnommait le « Toscanini de la tapisserie ».
« Interprète brillante de l’œuvre du maître », Yvette Cauquil-Prince « excelle dans la restitution des effets picturaux par les moyens de la tapisserie. Elle transpose dans l’œuvre tissée toute la richesse expressive de l’œuvre peinte, gravée ou dessinée. Les premières tapisseries, de petite taille, sont suivies de pièces de grandes dimensions, donnant ainsi à voir le modèle dans un nouveau format. En sa qualité de maître d’œuvre, Yvette Cauquil-Prince ne limite pas son intervention à la reproduction d’un modèle ni à son agrandissement. Elle propose, par le changement de médium et de format, une autre lecture de l’œuvre de Marc Chagall ».
Un « art de la transposition »
La « confrontation des tapisseries et des modèles qui les ont inspirées permet » de mesurer la grande maîtrise technique requise du lissier et d’évaluer « la part de liberté et d’interprétation laissée au maître d’œuvre » dans sa transposition en tapisserie de l’œuvre peinte. Un savoir-faire qui se déploie sur plusieurs années.
L’artiste « fournit tout d’abord un modèle, peint, dessiné ou gravé, qu’on nomme carton. Celui-ci est ensuite agrandi, soit par le dessin, soit par la photographie, à l’échelle de l’œuvre à tisser. L’agrandissement est étudié, voire annoté par le maître d’œuvre, qui laisse ses instructions aux artisans en charge du tissage, les lissiers ».
Le « carton agrandi est inversé par rapport à l’œuvre originale ». Il « est placé derrière la trame du métier à tisser. Le tissage s’effectue donc à l’envers. La chaîne est composée de fils tendus sur le métier à tisser. Le lissier constitue la trame en passant les fils colorés, enroulés sur les flûtes, entre les fils de la chaîne. À la fin du tissage, à la « tombée du métier », seule reste visible la trame et ainsi apparaît le motif ».
L’un « des enjeux principaux du passage de l’œuvre peinte à l’œuvre tissée est la restitution des effets picturaux. L’échantillonnage et le choix des teintes employées sont déterminés au préalable, pour permettre la teinture des fils. Pour réaliser dégradés et nuances, le lissier juxtapose et combine les fils colorés selon un principe de hachure ».
Le « maître d’œuvre et les lissiers composent ainsi, à partir de l’œuvre originale, une partition tissée faite de nouvelles vibrations de couleurs et de matières ».
Chagall et la tapisserie
Après la Libération, vivant dans le sud de la France, Marc Chagall « s’initie à d’autres techniques que la peinture ou la gravure. L’artiste cherche à étendre ses expérimentations plastiques : la céramique, le vitrail, la sculpture, la mosaïque et la tapisserie mobilisent son énergie ».
Dès les années 1950, Chagall songe à travailler avec la Manufacture des Gobelins.
En 1963, l’Etat d’Israël lui confie la décoration du hall d’entrée du futur bâtiment de la Knesset, parlement israélien situé à Jérusalem (Israël). Après avoir envisager des vitraux, puis une fresque, il s’oriente vers la tapisserie et la mosaïque. Des « gouaches préparatoires pour trois tapisseries monumentales, aux dimensions finales de près de cinq mètres de haut, sont confiées aux Gobelins en 1964 ». Inspiré par la Bible, Chagall « retrace les moments forts de l’histoire du peuple Juif » : le rêve de Jacob, les révélations au mont Sinaï, le non sacrifice d’Isaac, la prophétie d’Esaïe – « Le loup habitera avec l'agneau, Et la panthère se couchera avec le chevreau, Et le veau, le lionceau, et l’animal engraissé seront ensemble, Et un petit enfant les conduira » (Esaïe, 11:6), le lien entre le peuple d’Israël et son Dieu avec Eretz Israël, Moïse, Jérusalem - . « Attentif au choix des couleurs, il vient régulièrement dans les ateliers suivre le travail de tissage, qui débute en janvier 1965 et s’achève en novembre 1968 ».
En 1969, les Gobelins sont chargés d’un « modèle pour le tissage d’une tapisserie destinée au futur musée national du Message Biblique, à Nice. Réalisée en 1970-1971, la tapisserie tissée pour l’entrée révèle l’habileté des lissiers à rendre, avec légèreté et fluidité, les moindres nuances des dégradés de ce Paysage méditerranéen ».
Chagall voit ainsi « tomber du métier à tisser » 20 tapisseries destinées au décor de bâtiments publics ou à des collectionneurs privés.
« Non seulement Yvette Cauquil-Prince a donné corps à un nouvel espace avec un vocabulaire réinterrogé pour chaque dessein qui s’inscrit à une transposition renouvelée grâce à cette rencontre merveilleuse, mais elle a su extraire de l’œuvre de référence l’essence même pour la sublimer dans une matière différente, transposée à une échelle à laquelle l’œuvre de référence semblait aspirer, sans jamais la trahir, à travers une atmosphère de grandes liberté et fraîcheur vers une nouvelle existence, en toute indépendance », écrit Meret Meyer.
Jusqu'au 7 février 2016
Au MUba Eugène Leroy
2, rue Paul Doumer. 59200 Tourcoing
Tél. : 03 20 28 91 60
Tous les jours sauf mardis et jours fériés de 13 h à 18 h
Jusqu’au 22 juin 2015
Avenue du Docteur Ménard. 06000 Nice
Tél. : +33(0)4 93 53 87 20
Visuels :
Couverture du catalogue
Le Garçon dans les fleurs, 2005
Tapisserie réalisée d’après Le Garçon dans les fleurs
de Marc Chagall, 1955
Maître d’oeuvre : Yvette Cauquil-Prince
Tapisserie de basse lisse, H. 180 cm ; L. 134 cm
Collection particulière
Crédits photographie :
© Archives Cauquil-Prince, Paris
© Adagp, Paris 2015
Cirque I, 1970
Tapisserie réalisée d’après
L’Ecuyère au cheval rouge
de Marc Chagall, 1957
Maître d’oeuvre : Yvette Cauquil-Prince
Tapisserie de basse lisse, H. 238 cm ; L. 200 cm
Collection particulière
Crédits photographie :
© Archives Marc et Ida Chagall, Paris
© Adagp, Paris 2015
La Création, 1971
Tapisserie réalisée d’après Création de Marc Chagall, 1960
Maître d’oeuvre : Yvette Cauquil-Prince
Tapisserie de basse lisse, H. 255 cm ; L. 187 cm
Collection particulière
Crédits photographie :
© Archives Marc et Ida Chagall, Paris
© Adagp, Paris 2015
Le Rêve du peintre, 1974
Tapisserie réalisée d’après Le Bouquet du peintre de Marc Chagall, Paris 1967
Maître d’oeuvre : Yvette Cauquil-Prince
Tapisserie de basse lisse, H. 243 cm ; L. 184 cm
Collection particulière
Crédits photographie :
© Archives Marc et Ida Chagall, Paris
© Adagp, Paris 2015
Articles sur ce blog concernant :
Les citations proviennent du dossier de presse. Cet article a été publié le 22 juin 2015, puis le 4 février 2016.
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