Daniel Iffla (1825-1907), qui changea à 35 ans, en 1861, son patronyme en Osiris, nom d’un dieu égyptien, est un financier, patriote, collectionneur, mécène et philanthrope français juif. Le 21 juin 2020, de 10 h à 12 h 30, Cultures-J organise "Banquiers, collectionneurs et mécènes Juifs à Paris au XIXème siècle".
« Une élite parisienne. Les familles de la grande bourgeoisie juive (1870-1939) » par Cyril Grange
De la demeure au musée. Photographies de l'hôtel particulier du comte Moïse de Camondo en 1936
A la recherche d'Albert Kahn. Inventaire avant travaux
La collection Jonas Netter. Modigliani, Soutine et l'Aventure de Montparnasse « Osiris, mécène juif et nationaliste français », par Dominique Jarrassé
« Offrir à l'Etat le château de Malmaison restauré, ériger une statue de Jeanne d’Arc à Nancy ou de Guillaume Tell à Lausanne, acheter un cru de Sauternes, collectionner les reliques napoléoniennes, ouvrir pour les déshérités du port de Bordeaux un « bateau-soupe », véritable ancêtre des « restos du Cœur », rêver de restaurer le Temple de Jérusalem, et à défaut, financer une huitaine de synagogues de Paris à Tunis, ou encore léguer une trentaine de millions à l’Institut Pasteur », six fontaines publiques Wallace à Bordeaux… C'est une partie des œuvres Daniel Iffla (1825-1907), dont Osiris est le pseudonyme.
Professeur d’histoire de l’art, Dominique Jarrassé a écrit la biographie passionnante du méconnu Daniel Iffla (1825-1907), qui changea à 35 ans, en 1861, son patronyme en Osiris, nom d’un dieu égyptien.
Analysant notamment les testaments d’Osiris, véritables œuvres littéraires, l’auteur « propose une plongée dans les valeurs et les mythes du XIXe siècle. Il montre de quelle manière le mécénat artistique, le collectionnisme et la philanthropie soutiennent l’idéal de fidélité à la nation et au judaïsme d’un brillant financier, d’un homme romantique et énigmatique, qui avait pour devise « Dieu, Patrie, Liberté » et dont le Panthéon réunit Moïse, Rachi, Jeanne d’Arc, Napoléon, Pasteur, l’abbé Grégoire.
Mécène de la Belle Epoque
Issu d’une famille séfarade et pauvre du vieux quartier juif de Bordeaux – sa mère s’appelle Léa Cardozo d’Hourbino -, Osiris a construit son personnage, réussit une ascension sociale particulièrement brillante.
Issu d’une famille séfarade et pauvre du vieux quartier juif de Bordeaux – sa mère s’appelle Léa Cardozo d’Hourbino -, Osiris a construit son personnage, réussit une ascension sociale particulièrement brillante.
Après sa scolarité dans l’école israélite bordelaise, puis au lycée Turgot à Paris, il débute sa vie professionnelle comme grouillot chez l’agent de change Moreau. Rapidement, il se familiarise avec les techniques de la Bourse, et entre dans le cénacle des financiers juifs sépharades, dont les frères Emile et Isaac Pereire, Félix Solar, les Camondo.
Il est recruté par la banque Mires, liée à un Juif bordelais Moïse Millaud, et accède au poste de fondé de pouvoir. Il investit dans l’industrie et pratique aussi le prêt d’argent sans intérêt et au montant faible, mais décisif, pour les petits commerçants.
Opposant au Consistoire israélite, Osiris a bâti des synagogues notamment à Paris – rue Buffault, un temple pour lequel dès 1875, des fidèles originaires de Bayonne et de Bordeaux et de rite portugais, de l'Empire Ottoman et du Comtat Venaissin avaient réuni une somme , mais trop modeste pour l’achat du terrain et la construction de la synagogue -, à Arcachon, à Bordeaux, à Bruyères dans les Vosges, à Tours (1908), à Vincennes (1907), à Tunis et à Lausanne.
Il promeut aussi l’école de viticulture et d’œnologie de la Tour Blanche, dans le Bordelais.
Ce républicain convaincu a aussi conçu son mythe « Monsieur Osiris ».
Il « honore des valeurs à travers des héros ». Ainsi, ce petit-fils d’un soldat héroïque des guerres de l’Empire achète en 1896 le château de Malmaison, ancien « palais impérial » avec son parc réduit à 6 ha promis à une probable destruction, le restaure, puis l'offre à l'Etat en 1904 afin que celui-ci en fasse un musée dédié à l’ère napoléonienne. En 1906, un musée y est inauguré. Constituée de 200 peintures, sculptures, meubles et objets d'art, la collection personnelle d’œuvres d’art d’Osiris est offerte à l’Etat, avec une somme destinée à l’édification d’un pavillon pour l’abriter. Ouvert en 1924, ce pavillon Osiris entièrement rénové en 2010 est situé à l’entrée du domaine de la Malmaison, et y reconstitués son salon et son bureau.
En 2012-2013, le Musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau a présenté pour la première fois les 47 dessins et aquarelles, datant souvent des XVIIe et XVIIIe siècles, de cette collection dans l’exposition Un semblant de bonheur. Dessins de la donation Osiris (2012-2013). Des œuvres signées de « maitres hollandais et flamands comme Hendrick de Clerck, Aelbert Cuyp ou Frans van Mieris, des artistes italiens comme Francesco Guardi et Giambattista Tiepolo, ou Giulio Romano, mais aussi des français tel Jacques Callot, et surtout une magnifique série de quatre dessins de François Boucher ». Les sujets ? L’histoire sainte, la mythologie, les paysages, les ornements...
« Parmi les œuvres contemporaines d’Osiris, dominent trois artistes que le collectionneur appréciait particulièrement : Alexandre Bida, dont la technique raffinée met en valeur des personnages orientaux dans leur vie quotidienne, Antoine-Louis Barye, qui bâtit sa réputation sur la maitrise des sujets animaliers, et Eugène Lami, brillant illustrateur des poèmes d'Alfred de Musset auquel Osiris était particulièrement attaché. Une aquarelle d'Eugene Delacroix appartient également au courant orientaliste, tandis que le grand dessin d'Alphonse François reprend la figure emblématique de la reine Marie-Antoinette ». Une autre œuvre de Feyen-Perrin « se rattache au courant réaliste, tout en célébrant la grâce de ses modèles. Le dessin d'Alexandre Bida intitulé « Le mur de Salomon » est une des œuvres les plus significatives de la collection. Place dans la chambre qu’Osiris occupait dans son hôtel particulier de la rue La Bruyère a Paris, ce grand dessin avait été expose au salon de 1857 et Osiris était très fier de cette acquisition. Aujourd'hui encore, cette œuvre a une forte identité religieuse qui lui vaut une grande notoriété ».
Nul doute que ces œuvres graphiques évoquaient pour lui « un semblant de bonheur » comme l’écrit Alfred de Musset dans son poème « La Nuit de mai ».
Vouant un culte à Léonie née Carlier, son épouse bien-aimée morte en couches en 1855, ce républicain convaincu était motivé par le « bien de l’humanité » : il privilégia « la recherche médicale avec l’Institut Pasteur » dont il fit son légataire universel. Un symbole de sa recherche du « bien de l’humanité ».
Osiris repose au cimetière Montmartre à Paris. Sur sa tombe en marbre blanc : la reproduction de la statue monumentale de Moïse par Michel-Ange.
On peut regretter une ambiguïté terminologique sur le mot nationaliste utilisé comme synonyme de ce qui semble plutôt un fervent patriotisme.
Le 8 mars 2016, l'Institut Pasteur, qui abrite une partie de ses archives, lui a rendu hommage en dévoilant une stèle et un buste de cet homme méconnu qui avait fait de cet Institut son légataire universel : « Ayant toujours eu l’ardent désir de favoriser les découvertes scientifiques qui peuvent contribuer au soulagement de l’humanité, j’institue pour mon légataire universel l’Institut Pasteur établi à Paris (…). En faisant cette disposition, mon but est de permettre à l’Institut Pasteur la recherche de la prévention et de la guérison des maladies infectieuses en général et de la tuberculose, du cancer et de la syphilis. Il est bien entendu que je ne fais cette observation qu’à titre d’indication et que je n’entends nullement limiter le cercle des recherches auxquelles se livre l’Institut Pasteur, désirant avant tout que le revenu des biens et valeurs que je lui laisse serve en général aux maux de l’humanité ».
Le 7 juin 2016 à 18 h 30, l'Institut Maïmonide proposera la conférence de Patrice Sanguy, maître de conférences hors-classe (e.r.) à l’Université Paris-Dauphine, intitulée "Daniel Osiris Iffla (1825-1907), un philanthrope et patriote juif bordelais au siècle de l’émancipation et du progrès". " Né dans une famille bordelaise d'origine marocaine, monté à Paris où il commença comme saute-ruisseau chez un agent de change, Daniel Iffla qui prit plus tard le nom d'Osiris, se découvrit très jeune un don prodigieux pour la finance. Ayant accumulé une des plus grosses fortunes de son temps, il la consacra à des œuvres de trois ordres. Inventeur du micro-crédit, précurseur des restos du cœur, soutien des féministes, soucieux de formation professionnelle, il fit à l'Institut Pasteur le legs le plus important que cette institution ait jamais reçu. Attaché à ses origines juives, quoique souvent en délicatesse avec les autorités religieuses, il finança la construction de plusieurs synagogues, dont la Grande synagogue de Tunis et celle de la rue Buffaut à Paris qu'il consacra à la conservation du rite portugais. Enfin, petit-fils d'un engagé volontaire de l'an II, il voulut préserver le souvenir des grandes figures de l'histoire de France, donnant une statue de Jeanne d'Arc à la ville de Nancy, rachetant le domaine de Malmaison et l'offrant à l'Etat ainsi que le champ de bataille de Waterloo. Au-delà d'un parcours purement biographique, le conférencier s'attachera à identifier ce qui dans l'histoire familiale de Daniel Osiris Iffla et les idées de son temps, peut aider à comprendre une action apparemment désordonnée qui fit considérer comme un original, voire un excentrique, un homme qui fut le George Soros de son temps et qui est aujourd'hui injustement tombé dans l'oubli".
Le 7 juin 2016 à 18 h 30, l'Institut Maïmonide proposa la conférence de Patrice Sanguy, maître de conférences hors-classe (e.r.) à l’Université Paris-Dauphine, intitulée "Daniel Osiris Iffla (1825-1907), un philanthrope et patriote juif bordelais au siècle de l’émancipation et du progrès".
Le 2 mars 2017, de 14 h à 16 h, le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme (MAHJ), proposa Le 9e arrondissement, un nouveau foyer de vie juive au XIXe siècle. Une promenade par Danielle Malka, guide-conférencière nationale. "Rendez-vous en haut de l’escalier mécanique de la sortie n° 8 du métro Richelieu-Drouot". Ce "quartier en formation au XIXe siècle attire les milieux d’affaires et de nombreux représentants de la vie artistique et intellectuelle. On y rencontrera, entre autres personnages : James de Rothschild ; Osiris, l’étonnant et sulfureux mécène ; les frères Natanson et leur Revue blanche. On n’oubliera pas l’Alliance israélite universelle et sa bibliothèque... Le 9e arrondissement devient naturellement l’endroit où élever la première synagogue monument le et établir le Consistoire".
Le 6 novembre 2017, le conseil municipal de la mairie du IXe arrondissement de Paris a décidé unanimement de dénommer Place Daniel Iffla-Osiris une place parisienne située près du métro Richelieu-Drouot.
Le 21 juin 2020, de 10 h à 12 h 30, Cultures-J organise "Banquiers, collectionneurs et mécènes Juifs à Paris au XIXème siècle". "Marchez sur les pas des illustres familles juives parisiennes, de leurs origines au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Depuis l'hôtel de Salomon de Rothschild jusqu'au Jeu de Paume, venez découvrir plus d'un siècle d'histoire de la ville de Paris à travers les familles Rothschild, Camondo, Cahen d'Anvers et Pereire... Economie, rivalités, alliances mais aussi architecture, collections d'art et spoliations, ces quatre grandes familles, sous la direction de Napoléon III et d'Haussmann, vont donner à la capitale française son visage actuel. Prévoir des chaussures de marche. Les points de départ et d'arrivée se trouvent sur la ligne 1 du métro. Visite en extérieur uniquement. En raison des mesure sanitaires gouvernementales, nous vous informons que le nombre de participants à cette visite guidée est limité à 9 personnes. En fonction de le fermeture de certains parcs et jardins, il est possible que le parcours soit légèrement modifié, mais l'ensemble de la visite et le contenu de la conférence restent inchangés."
Dominique Jarrassé, Osiris, mécène juif et nationaliste français. Editions Esthétiques du divers, coll. Patrimoines, 2009. 300 pages. 25 euros. ISBN : 978-2-95-330410-7
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Cet article a été commandé, mais non publié par L'Arche. Il a été publié sur ce blog le 23 décembre 2013, puis les 6 mars et 7 juin 2016, 2 mars et 20 novembre 2017.
Cet article a été commandé, mais non publié par L'Arche. Il a été publié sur ce blog le 23 décembre 2013, puis les 6 mars et 7 juin 2016, 2 mars et 20 novembre 2017.
Bonjour,
RépondreSupprimerJ'ai eu l'honneur de rouvrir et de servir de chantre occasionnel de la Synagogue d'Arcachon dans les années 1959-62 pendant la période estivale.
Sous la direction du Rabbin de Bordeaux Alain Goldman et de son beau-père, le Grand Rabbin Henri Schilli (Z"L) alors directeur de l'école rabbinique de Paris
Voir http://www.synagogue-arcachon.com/index_fichiers/synagogue.htm
Cordialement
Quelle comparaison avec soros ?
RépondreSupprimerJ'ai cité entre guillemets la présentation par l'Institut Maïmonide.
SupprimerJe pense que la comparaison est infondée et diffamatoire à l'égard d'Osiris.
Mais elle révèle l'état d'esprit et des connaissances de cet Institut, ou du moins du rédacteur de ce texte.