Le 6 juin 2005, Ali Daamouch, responsable des relations extérieures du mouvement terroriste Hezbollah, a tenu une conférence de presse à l’invitation du Club de la presse arabe (CPA) au Centre d’accueil de la presse étrangère (CAPE) à Paris. Il a refusé de répondre à la question d’un journaliste israélien, Sety Hendler, qui a alors quitté la salle invitant ses confrères à le suivre. Sauf exceptions, tous les autres journalistes sont restés. Récit d’un scandale si français. Le Monde a illustré sa Une sur les « Panama Papers » par le président algérien Abdelaziz Bouteflika, en révélant l'apparition de noms de proches du président dans cette affaire. Indignée par « une campagne de presse hostile à l'Algérie », celle-ci a refusé d'accorder un visa au journaliste du Monde ayant souhaité couvrir la visite du Premier ministre Manuel Valls à Alger (9-10 avril 2016) "dans le cadre du comité interministériel de haut niveau, une rencontre annuelle entre les gouvernements français et algérien, organisée en alternance dans chacun des pays depuis 2013". En solidarité avec les journalistes du Monde et de "l'équipe du Petit Journal de Canal+, dont le reportage lors du dernier déplacement de François Hollande en Algérie n'avait pas été apprécié non plus, plusieurs médias français, dont France Culture, France Inter, Libération et Le Figaro, ont annoncé" le 8 avril 2016 "qu’ils boycotteraient ce déplacement".
15 h 15. La conférence débute avec un léger retard dans une salle comble, emplie de journalistes de médias français, arabes, américains, israéliens, etc. Ali Daamouch s’assied, entouré de Georges Sassine, membre du CPA, et de Nidal Hamadi, journaliste à Al-Manar.
Cette conférence se déroule dans l’ennui : M. Daamouch lit un discours en arabe, s’interrompt pour laisser M. Hamadi lire la traduction maladroite en français, puis reprend. Le discours est convenu : bref historique de la « résistance du Hezbollah contre l’ennemi israélien », hommage aux « martyrs » et à la France « liée au Liban par des intérêts politiques et des convergences de vues », « plaintes contre les violations de l’espace aérien et des eaux territoriales par Israël, violations condamnées par les Nations unies » et nécessité pour le Hezbollah, « force stratégique libanaise » présentée comme le défenseur des Libanais de conserver ses armes contre la « menace israélienne ».
Le Hezbollah ne désarmera pas
M. Daamouch déplore qu’« Israël tente de faire inscrire le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes avec l’aide du lobby sioniste et les moyens médiatiques et financiers que tout le monde connaît ».
M. Daamouch déplore qu’« Israël tente de faire inscrire le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes avec l’aide du lobby sioniste et les moyens médiatiques et financiers que tout le monde connaît ».
Quant à la résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations unies, votée à l’initiative des Etats-Unis, qui « cherchent par tous les moyens à mettre la main sur les ressources pétrolières du Moyen Orient », et de la France, « elle demande le retrait des forces étrangères, syriennes, et le désarmement des milices. La résistance libanaise doit demeurer armée même si Israël quitte les fermes du Chaba ».
Le Hezbollah « appelle au dialogue interne pour construire un Liban avec une unité nationale, une vie civile interreligieuse avec les Musulmans et les Chrétiens, le refus des interventions étrangères et militaires en territoire libanais et de la guerre civile, le soutien à un régime démocratique du Liban, un système électoral juste pour représenter toutes les forces politiques et religieuses libanaises ». Rien de moins !
Ah, la France ! « Une amie du Hezbollah qui partage avec ce mouvement les principes de paix, de démocratie ». Aussi, le Hezbollah lui demande « d’aider à pousser au dialogue interlibanais pour arriver à la paix pour ce pays ami, le Liban. Il demande aux peuples et gouvernements amis européens qui ont goûtés à l’occupation et on payé un prix élevé à la paix de faire attention à la réalité politique au Moyen Orient et de ne pas prendre en considération les arguments israéliens sur le Moyen Orient. Il demande de faire respecter leurs histoires en aidant notre peuple en Irak, en Palestine, en Iran qui cherchent à résister à l’occupation américaine et israélienne ».
La lecture du discours achevée, place au débat.
« L’exception française » dans toute sa honte
Premier journaliste à intervenir : Christian Chesnot, ancien otage avec Georges Malbrunot en Irak, très applaudi, demande si M. Daamouch rencontrera des officiels français. « Non, je suis en visite privée. Je suis invité pour prononcer un discours dans une conférence politique à Paris ». Où ? Mystère. Et M. Daamouch poursuit : « Le Hezbollah est en contact avec la France par les représentations diplomatiques, et notamment l’ambassadeur de France à Beyrouth ».
La « lettre à un ami français », de Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah libanais, en avril 2005 ? « Je crois que la France a pris en compte les spécificités religieuses et culturelles du Liban. C’est positif pour le Hezbollah qui est favorable à une loi pour la proportionnelle car elle permet une représentation juste et claire sur la composition du peuple libanais ».
Premier journaliste à intervenir : Christian Chesnot, ancien otage avec Georges Malbrunot en Irak, très applaudi, demande si M. Daamouch rencontrera des officiels français. « Non, je suis en visite privée. Je suis invité pour prononcer un discours dans une conférence politique à Paris ». Où ? Mystère. Et M. Daamouch poursuit : « Le Hezbollah est en contact avec la France par les représentations diplomatiques, et notamment l’ambassadeur de France à Beyrouth ».
La « lettre à un ami français », de Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah libanais, en avril 2005 ? « Je crois que la France a pris en compte les spécificités religieuses et culturelles du Liban. C’est positif pour le Hezbollah qui est favorable à une loi pour la proportionnelle car elle permet une représentation juste et claire sur la composition du peuple libanais ».
Sety Hendler, journaliste de Yedioth Ahronoth, se lève, se présente et interroge courtoisement : « Où sommes-nous dans le 2e volet de l’échange de prisonniers entre Israël et le Hezbollah ? Des sources israéliennes constatent que le Hezbollah est incapable de fournir des preuves concernant le sort du navigateur israélien Ron Arad probablement tué en captivité. Pourriez-vous nous fournir des nouvelles ? ». M. Hendler conclut en évoquant la famille Kontar [Ndlr : Samir Kontar est un terroriste libanais emprisonné en Israël depuis 25 ans pour le meurtre de 5 Israéliens à Naharya en 1979].
M. Daamouch s’enquière de la nationalité du journaliste. Il refuse de lui répondre en expliquant en arabe : « C'est un journaliste israélien ». M. Hendler répète sa question, puis appelle ses confrères à quitter la conférence en signe d’indignation et de solidarité avec lui. Une journaliste française insiste pour que M. Daamouch réponde. M. Sassine intervient. Christian Habonneau, Secrétaire général du CAPE, rappelle à M. Daamouch qu’il est au CAPE et qu’il doit répondre au journaliste israélien. Mais le représentant du Hezbollah maintient son refus.
M. Hendler demande de nouveau à la quarantaine de journalistes de quitter la salle. Il sort, accompagné de son confrère du Maariv, Heller Or, et de Clément Weill-Raynal, éditorialiste de France 3. Une journaliste française sort, puis interpelle ses collègues qui tous restent assis : « Il refuse de répondre à un journaliste juif israélien et vous restez ! C’est scandaleux. C’est honteux. Et vous êtes journalistes du service public ! » Dans l’assistance, se trouvait notamment Joëlle Hazard, éditorialiste de France 3.
Sort alors Antonia S. Kaplan, correspondante de Hearst Newspaper Group : « Ma voisine m’a dit que M. Daamouch refusait de répondre car le journaliste était israélien. Je suis partie car mon mari journaliste était juif, et surtout car je suis d’origine anglaise. Vous connaissez les Anglais. Ils savent résister ».
Tous les autres journalistes restent. Un journaliste non israélien répète la question de M. Hendler et obtient une réponse évasive. Les journalistes vont-ils se lever, indignés ? Non, la conférence se poursuit, comme si de rien n’était. Pourtant, M. Daamouch vient de démontrer à ces journalistes qu’il a refusé de répondre à une question posée par un journaliste israélien.
« Un incident » titre même l’AFP (Agence France-Presse) ! Mais c’est un drame dans notre chère terre de France, terreau des libertés.
Guysen doit avouer son étonnement. Guysen ne comprend pas que ses ces journalistes, français ou étrangers, vivant dans une démocratie, ne s’indignent pas et se désolidarisent d’un collègue juif israélien.
A ses pairs, Guysen leur dit : « Il n’est pas trop tard pour réagir et vous rendre compte de la terrible réalité. Aujourd’hui, Sety Hendler est ostracisé. Et demain, qui sera désigné à l’opprobre publique et professionnelle ?
Guysen s’adresse à ces journalistes. Imaginez-vous à la place de Sety Hendler. Imaginez-vous seul face à vos pairs, ostracisé, ignoré. Pourquoi ? Parce que vous avez été agressif ? Non. Raciste ? Non plus. Impoli ? Toujours pas. Malveillant ? Au contraire, vous avez fait écho à l’inquiétude d’une famille sans nouvelle de Ron Arad depuis vingt ans et d’une jeune fille qui n’a pas de souvenir de son père. Vous avez exprimé la détresse d’une famille qui ne peut pas faire son deuil, ne sait pas si elle doit espérer le retour d’un aimé ou pleurer un chéri décédé.
Cela méritait-il un traitement blessant et indigne ? Non. Cela justifiait-il d’être désigné à l’opprobre publique, a fortiori à celle de vos pairs ? Non.
Que devait faire Sety Hendler, journaliste accrédité ? Rester, s’asseoir, se taire et accepter ce déni de son être ? Non, il est sorti, seul, digne, dans un silence pesant, espérant que tous ses collègues le suivront. Imaginez sa détresse, sa solitude. Surmontant sa douleur, Sety Hendler a chaleureusement remercié les trois journalistes solidaires dans l’adversité. Cela s’est passé, non pas dans une dictature, mais à Paris, devant des défenseurs de la démocratie.
Who’s the next ? (Qui sera le suivant ?)
Guysen est persuadé que, dans les quelques minutes où s’est produit ce drame, vous, frères journalistes, n’avez pas saisi l’importance de ce qui s’est joué.
Guysen est persuadé que, dans les quelques minutes où s’est produit ce drame, vous, frères journalistes, n’avez pas saisi l’importance de ce qui s’est joué.
Sety Hendler aurait pu être originaire de France, des Etats-Unis, de Tchétchénie, du Darfour ou du Tibet, chrétien, musulman ou juif... Peu importe, la vérité est terrible et effrayante : on a refusé dans le pays des droits de l’homme de répondre à un journaliste en raison de ses origines. Oui, vous avez bien lu. Dans un espace public, financé par le gouvernement de la république, dans le pays dont la devise est « Liberté, Egalité, Fraternité », on a exclu un journaliste pour ce qu’il est : juif israélien. On a muselé la presse israélienne dans un pays qui s’efforce de renforcer ses relations bilatérales avec l’Etat d’Israël.
Ne sentez-vous pas que c’est la démocratie et notre capacité, à nous journalistes, à dire non à l’infamie qui ont été testées ce jour-là? Ne percevez-vous pas que nous devons nous unir pour défendre notre profession contre toutes les attaques afin d’être respectée par les pouvoirs et nos lecteurs ?
Vous, chers confrères, nous vous exhortons à réagir sur le plan professionnel, et non politique. A vous, Christian Chesnot que Guysen a soutenu pendant votre captivité en Irak, nous exprimons notre stupeur : comment avez-vous pu laisser sortir un de vos pairs ? Guysen est persuadé que vous n’avez pas compris la gravité de cet évènement, et que cette nuit, vous avez du être assailli de cauchemars.
Nous en appelons à vous, Monsieur le Premier ministre Dominique de Villepin, vous qui connaissez si bien cette Maison, le Quai d’Orsay. Notre rédacteur en chef vous connaît. Il a dialogué avec vous à l’Elysée. Il a suivi votre action afin de relancer les relations bilatérales entre ces deux pays, la France et Israël.
Nous en appelons aussi à vous, Dominique Douste-Blazy, nouveau Ministre des Affaires étrangères, qui avez su résister courageusement aux demandes de boycott du colloque franco-israélien de victimologie de l’enfant, qui s’est tenu du 21 au 23 mars à Toulouse, la ville dont vous êtes Maire.
Peu après, Mme Hazard sort de la salle et pénètre dans la cafétéria contiguë. Elle se dirige vers les deux journalistes, française et américaine et leur déclare : « M. Daamouch n’avait pas le droit de parler à un journaliste israélien. Il aurait été jugé. Il ne peut pas lui parler tant qu’il n’y a pas la paix entre Israéliens et Palestiniens [Ndlr : Quels risques couraient tous ces journalistes s’ils avaient manifesté leur solidarité avec le journaliste israélien ostracisé ? De plus, Mahmoud Abbas va bientôt rencontrer Ariel Sharon et le représentant du Hezbollah, et le Hezbollah refuse le dialogue. Pourquoi ?]. Combien de fois des ministres ont-ils refusé de répondre aux questions que nous leur posions ?[Ndlr : Aucun ministre français n’a refusé de répondre à un journaliste en raison de sa nationalité israélienne ou de sa religion juive] ». Mme Hazard ajoute : « C’était de la provocation pour prendre la presse en otage. Je connais Clément Weill-Raynal. Il a manifesté devant France 2 contre Charles Enderlin qui a failli mourir des dizaines de fois ».
La Presse israélienne à Paris (PIAP) a condamné « l’attitude xénophobe et raciste » de M. Daamouch et déplore que la « grande majorité » des journalistes soient restés « cautionnant ainsi l’attitude inacceptable de l’invité du CAPE ». Elle « souhaite vivement que les personnes prenant la parole dans ce centre cogéré par le ministère français des Affaires étrangères, se conforment aux usages et règles professionnelles en vigueur en France ».
Le 16 février 2003, Walter Veltroni, maire de Rome, avait annulé sa rencontre prévue avec Tarek Aziz, vice-Premier ministre irakien, après que ce dernier eut refusé de répondre à un journaliste israélien de « Maariv » lors d’une conférence de presse. M. Veltroni avait qualifié « d’inacceptable » ce refus et écrit une lettre à M. Aziz rappelant la tradition de paix, de tolérance et de liberté de la capitale : « Je ne peux pas accepter qu’un responsable public, le représentant d’un pays, refuse à quelqu’un, quelque position qu’il représente, le droit de s’exprimer. Devant le refus de M. Aziz, les autres journalistes avaient quitté la salle de la conférence de presse.
M. Habonneau devait-il arrêter cette conférence de presse ? Il estime que non. Et l’exemple italien ? « Les Français sont différents. C’est un sujet de débat ». Et pas un scandale dans le pays des droits de l’homme ?
Vérité en deçà des Alpes, erreur au delà… Non, tragédie au-delà des Alpes.
Le CAPE, situé dans la Maison de Radio-France, est subventionné par le ministère des affaires étrangères. « Nous avions appris la publication du « Mur de Sharon » de Alain Ménargues. Lorsqu'il a eu l'occasion de présenter cet ouvrage [au CAPE], ses propos [Ndlr : anti-israéliens et antijuives] ont provoqué des réactions de syndicats de journalistes qui les ont qualifiés d'inacceptables. Telle est bien aussi notre opinion », avait alors déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay, le 15 octobre 2004.
Interrogé par Guysen, le Quai d’Orsay s’exprimera le 7 juin sur ce refus de M. Daamouch.
A lire sur ce blog :
Mon article avait été publié par Guysen sous le pseudonyme de Ray Harsheld. Il a été publié sur ce blog le 24 août 2013.
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