A l’occasion du
cinquantenaire des accords d’Evian (1962), le musée d’art et d’histoire du
Judaïsme (MAHJ) présente l’exposition éponyme, assorti d’un
magnifique catalogue, et « inédite retraçant les grandes étapes de
l'histoire des Juifs d’Algérie »
grâce en particulier avec des archives familiales. Érudition et carences
informatives. Le "pogrom au nom du djihad" (Shmuel Trigano) du 5 août 1934, à Constantine (Algérie), sans intervention de l'Armée ou de la police françaises, a causé 27 victimes Juives, enfants et adultes généralement égorgés et 26 Juifs blessés, des incendies, saccages et pillages de magasins et logements de Français Juifs. Plus de 3 000 Juifs - un tiers des Juifs constantinois - ayant besoin d'assistance sociale après ce pogrom, etc. Dans le cadre des Journées européennes de la culture et du patrimoine juifs, consacrées aux voyages et aux migrations, le mahJ proposera le 6 septembre 2020, de 10 h à 18 h, "Noces de soleil et nostalgie. Récits des juifs d’Algérie".
C’est incroyable ! Le musée d’art et d’histoire du
Judaïsme de Paris, autant dire le plus important en Europe, ne parvient pas à
retracer l’histoire des Juifs en « terre d’islam ».
Le Maroc & l'Europe. Six siècles dans le regard de l’autre (Marrocos a Europa. Seis séculos no olhar do outro)
Certes, un panneau au début de
l’exposition reproduit un récit bouleversant, extrait du livre L’exil au Maghreb. La condition juive sous l’islam 1148-1912 de Paul B. Fenton et David L. Littman d’un pogrom antisémite commis par des musulmans sous joug
islamique.
Mais la dhimmitude est
évoquée en termes trop succincts dans le dossier de presse et dans la
scénographie de l’exposition : le panneau l’évoquant brièvement côtoie de
longs développements sur un « âge d’or ». Le catalogue n’en donne pas
le cadre exact, et insiste plus sur les persécutions chrétiennes que sur les
pogroms musulmans.
Autant l’antisémitisme chrétien et d’extrême-droite est
souligné, autant « l’antijudaïsme théologique et l’antisémitisme politique »
islamiques (Shmuel Trigano) ne sont même pas mentionnés dans cette exposition à
laquelle ont contribué pourtant des historiens et sociologues éminents.
Lors du vernissage presse de l’exposition, j’ai évoqué ces deux points. Mal m’en a pris ! Anne-Hélène
Hoog, commissaire de l’exposition, a nié vivement toute haine antisémite dans l’islam.
Tout au plus a-t-elle concédé un « mépris »
islamique à l’égard des Juifs. Quant à la journaliste d’un média arabe, elle a
nié tout antisémitisme musulman, notamment cet hadith :
« La pierre dira : « O musulman
! Viens tuer ce juif qui se cache derrière moi ».
De plus, cette histoire des Juifs d’Algérie - le 24 octobre 1870, le décret Crémieux "déclare citoyens français les Israélites indigènes de l'Algérie" - est lacunaire
par manque d’archives sur les périodes antiques et médiévales – ce qui explique
l’introduction générale de l’exposition - et, comme le remarque justement Anne-Hélène Hoog, car trop peu d’historiens étudient les
archives de l’ex-empire ottoman. Ces carences informatives révèlent aussi que les autorités algériennes occultent le passé Juif de l'Algérie, et les contributions des Juifs autochtones à l'histoire de ce pays depuis l'Antiquité.
En outre, des cartes délimitant l’Algérie
au fil des siècles auraient aidé à la compréhension de cette histoire.
« L'année 2012 marque les cinquante ans des accords d'Évian. Le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme a choisi de se joindre aux nombreuses institutions qui souhaitent rappeler, par diverses approches, la date charnière que fut celle de 1962 dans l'histoire française et algérienne. Du 28 septembre 2012 au 27 janvier 2013, le mahJ présente une exposition inédite retraçant les grandes étapes de l'histoire des juifs d'Algérie.
Un double constat est à l'origine du projet : l'impact important du rapatriement des juifs d'Algérie en 1962 sur le judaïsme métropolitain et la perte mémorielle de ce que fut le judaïsme en Afrique du Nord, plus précisément en Algérie. L'exposition Juifs d'Algérie met en lumière la grande diversité et la complexité de leurs histoires, de leurs trajectoires politiques et sociales. Sont également abordées la vie religieuse et les activités économiques. Enfin, la culture populaire des juifs d’Algérie est évoquée – notamment les coutumes et les divertissements. La musique est présente dans ce parcours : mélodies synagogales, chants traditionnels, musiques savantes ou populaires issues des traditions arabo-andalouse ou du maalouf constantinois, créations hybrides marquées par les modes européennes et latines.
Environ 250 documents (manuscrits, livres, textiles, objets, oeuvres d'art) issus de collections publiques françaises et étrangères, ainsi que d'archives administratives et familiales, forment le corpus du parcours. Celui-ci est complété par des documents audiovisuels, des cartes, des chronologies et des bases de données numériques.
Grâce à un appel à dons lancé dès 2011 en vue de collecter des archives, auquel ont répondu une centaine de familles, l’exposition fait une large place à la mémoire familiale, à des objets et archives conservés depuis plusieurs générations. Elle témoigne ainsi des liens maintenus ou rompus des juifs d'Algérie avec leur histoire et leur pays d'origine. Le parcours permet de comprendre, d'une part, ce que l'Algérie a représenté et représente à leurs yeux, et d'autre part, la manière dont ils ressentent, en France, la disparition de la communauté juive là-bas ainsi que les déchirements et résonances de l'histoire difficile de la France et de l'Algérie.
L'exposition est accompagnée d'une programmation culturelle et pédagogique (lectures, conférences, journée d'études, films, concerts, ateliers pédagogiques…)
Un catalogue est publié en coédition avec Skira-Flammarion.
Proposée dans le cadre du Mois de la Photo, l'exposition de Sophie Elbaz, Géographies intérieures, offre une approche contemporaine de l’histoire et de la mémoire des juifs d'Algérie. »
Le 5 juillet 1962, quelques jours après l'indépendance de l'Algérie, entre 700 et 1200 Européens, notamment juifs, ont été massacrés à Oran. Présente, informée, l'Armée française n'a rien fait pour protéger ces Européens.
I. Des rives puniques au monde judéo-berbère (Antiquité et Moyen Âge)
« La présence des populations juives en Afrique du Nord dès la haute antiquité (phénicienne, punique puis romaine), est attestée par des sources historiographiques mais reste difficile à démontrer du fait des lacunes archéologiques. Toutefois, il est certain que le monde judéo-berbère occupe une place importante dans la société en Afrique du Nord romaine. Ce lien entre les juifs et les berbères est incarné dans les mémoires par la figure légendaire d’une reine guerrière de la tribu des Djeraoua, la Kahena qui anima la résistance à l’invasion musulmane."
"Après la conquête de l’Afrique du Nord au VIIIe siècle par les tribus musulmanes venues de la péninsule arabique, la loi coranique soumet les juifs et les chrétiens à la dhimma, terme technique du droit musulman désignant le régime juridique des non musulmans." Un peu court sur un statut cruel, humiliant et déshumanisant lié au djihad.
Du Proche-Orient à la péninsule ibérique, la circulation des hommes, des biens et des savoirs au sein du monde musulman favorise l’épanouissement de la littérature et de la tradition rabbiniques ainsi que la participation des juifs aux échanges commerciaux transsahariens et méditerranéens. À partir du XIe siècle, les élans refondateurs des tribus berbères musulmanes cherchant à s’opposer à la Reconquista en Espagne suscitent des attaques meurtrières sur les communautés juives et chrétiennes maghrébines qui se replient sur elles-mêmes et s’étiolent. Les persécutions perpétrées par les tribus almohades au XIIe siècle seront déplorées dans l’élégie hébraïque composée par le sage Abraham Ibn Ezra. Trois siècles plus tard, la florissante communauté juive du Touat, en marge du Sahara, subit une persécution fanatique et connait une fin brutale en 1492. »
II. Entre chrétiens et musulmans : être juif dans l’espace algérien du XVIe au XVIIIe siècle
« Déclenchées par les persécutions chrétiennes de Séville, de Catalogne et de Majorque (1391), puis par les expulsions d’Espagne (1492) et du Portugal (1497), les vagues d’immigration séfarade bouleversent la géographie de la diaspora juive. La majeure partie des réfugiés gagne le Maghreb et s’installe dans les régions de Fès, Tétouan et Tlemcen, et le long du littoral méditerranéen (Oran, Alger et Tunis). Les exilés intègrent les communautés existantes."
"S’ils préservent leurs coutumes, ils adoptent rapidement les langues locales. Des rabbins séfarades (Isaac ben Sheshet Barfat, Simon ben Tsemah Duran, Efrayim Encaoua), deviennent les rénovateurs et les guides spirituels du judaïsme maghrébin alors sur le déclin. "
"De 1505 à 1791, les Espagnols occupent les ports de Mers el-Kebir et Oran. Bien qu’ils aient chassé les juifs d’Espagne, ils les tolèrent à Oran jusqu’en 1669. Dans cette région, la survivance de la langue judéoespagnole caractérisera la société juive jusqu’au XXe siècle. Dès 1518, l’Empire ottoman domine l’espace des Régences d’Alger et de Tunis tout en leur accordant une grande autonomie. Bien que menacées à tout moment d’être l’objet de la fureur populaire, les communautés juives sont attachées au régime ottoman et redoutent les ambitions espagnoles."
"Agents importants de l’activité commerciale entre les villes de la Méditerranée occidentale (Alger, Oran, Tunis, Livourne et Marseille), les juifs maghrébins sont aussi des intermédiaires précieux pour les Européens (comme dans les négociations pour le rachat des chrétiens capturés en mer)."
"Des liens étroits sont maintenus entre les communautés juives du Maghreb et Jérusalem. Qu’ils y viennent en pèlerins ou pour y finir leurs jours, les maghrébins ont leur propre quartier dans la Ville sainte."
"Les émissaires de la Terre sainte visitent régulièrement les communautés maghrébines. Grâce à eux, la connaissance de la Kabbale se répandra dans les communautés les plus reculées. »
III. Les voies de l’émancipation (1830 - 1870)
« À la fin du XVIIIe siècle, la Régence d’Alger s’affranchit progressivement de l’emprise ottomane. En 1805, à Alger, la famine déclenche une révolte contre le Dey au cours de laquelle plusieurs notables de la communauté juive sont assassinés. Avec le début de la conquête française en 1830, les dirigeants du judaïsme français se préoccupent du sort des juifs d’Algérie. Soutenu par quelques notables locaux, le Consistoire central des israélites de France entreprend de fonder des écoles pour les enfants juifs et les dirigeants français dépêchent des observateurs chargés d’effectuer un rapport sur l’état des communautés en vue de leur émancipation (Rapport Altaras et Cohen)."
"Le Second Empire poursuit la politique de colonisation tout en limitant les effets de cette dernière sur les sujets « indigènes ». En 1860 et 1865, Napoléon III voyage en Algérie et reçoit des délégations locales, européennes, musulmanes et juives. Il se déclare favorable à l’intégration progressive des « indigènes » dont celle des juifs d’Algérie. Le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 autorisant les « indigènes » à demander à titre individuel la citoyenneté française ne rencontre cependant pas le succès escompté: peu de juifs indigènes useront de cette disposition légale."
"En 1870, Adolphe Crémieux, ministre de la Justice au sein du gouvernement provisoire obtient la promulgation de plusieurs décrets dont celui naturalisant collectivement les juifs d’Algérie (décret Crémieux)."
"L’organisation consistoriale française va servir de modèle à l’organisation des communautés juives d’Algérie dès 1845. Dans les principales villes d’Algérie, de grandes synagogues, bâties sur des modèles français, sont édifiées. Cependant, des conflits opposent les notables locaux francisés, et les rabbins français aux rabbins et aux communautés indigènes. Aux préjugés des premiers s’oppose la résistance des seconds. »
IV. Mutations et traditions dans la société juive en Algérie française
« Les portraits présentés dans cette section permettent d’appréhender les diversités et les mutations survenues dans le judaïsme d’Algérie entre 1830 et 1962. De manière générale, force est de constater que les pères sont plus traditionalistes que les fils. Ces derniers sont formés dans les écoles françaises et apprennent de nouveaux métiers. Les juifs des milieux urbains et des couches sociales aisées adoptent plus rapidement les vêtements européens. Les prénoms sont également francisés selon les mêmes critères."
"Les institutions juives vont avoir une grande importance dans la formation et l’apprentissage de nouveaux métiers au sein des classes populaires : l’Alliance israélite universelle met en oeuvre très rapidement des programmes d’enseignement destinés à moderniser les métiers des juifs et à les faire sortir de la pauvreté, tandis que l’ORT fonde des écoles en Algérie après la fin de la Seconde Guerre mondiale, et créera à son tour des cours d’apprentissage qui se maintiendront jusqu’en 1962."
"En dépit de l’occidentalisation croissante, les structures communautaires continuent de marquer la vie juive. Même si la fréquentation des lieux de culte se relâche, l’attachement aux traditions juives et aux rites reste fort et la vie des communautés surtout dans les milieux ruraux et les petites villes se poursuit comme par le passé. Le statut des femmes connaît lui aussi de grands changements. L’école offre à la plupart d’entre elles – principalement dans les couches aisées de la communauté – de nouvelles possibilités d’indépendance, même si la vie professionnelle est rarement envisagée au-delà du mariage et de la maternité. »
« V.a. Contre les juifs : le déni de citoyenneté (les antijuifs, l’affaire Dreyfus, les émeutes de Constantine)
"Dès 1870, les Européens d’Algérie et les métropolitains rejettent l’égalité civique des juifs établie par le décret Crémieux. La création d’un parti antijuif s’inscrit dans ce contexte. La stigmatisation de la « République juive » trouve un écho particulier auprès des populations coloniales et se trouve amplifiée pendant l’affaire Dreyfus. À partir de 1897, des pillages et des pogroms font de nombreuses victimes, sous les yeux des soldats, tardivement chargés de rétablir l’ordre. Max Régis, chef de la Ligue antijuive, jouit d’une immense popularité. En mai 1898, Drumont est élu député de la province d’Alger. À plusieurs reprises, les autorités militaires et civiles interviennent pour muter ou emprisonner des agitateurs antisémites. En dépit des interdictions de discriminations, le refus de considérer les juifs comme des citoyens égaux en droits se traduit par des manoeuvres quotidiennes qui leur interdit l’accès à des lieux publics et privés. Malgré le retour à l’apaisement lors de la victoire des forces républicaines en 1902, les violences des années 1897/98 restent gravées dans les mémoires."
"Face aux revendications nationalistes des musulmans et à la crise économique, les colons profitent souvent de l’humiliation des musulmans pour exacerber les tensions. Celles-ci culminent lors des émeutes de Constantine, en 1934 : les affrontements entre les communautés juive et musulmane font plus de 25 morts et de nombreux blessés. L’événement plonge la communauté juive dans la peur et l’atterrement. Les chefs religieux des deux communautés appellent à la réconciliation, mais l’antisémitisme ne désarme pas. Le projet de loi du sénateur Maurice Viollette, qui annonce la citoyenneté à plus de 20 000 musulmans, déclenche de nouveau des réactions antisémites. »
V.b. Patriotisme et mobilisation politique des israélites d’Algérie (1914-1938)
« Durant la Première Guerre mondiale, environ 14 000 juifs d’Algérie sont mobilisés aux côtés de 125 000 musulmans et près de 92 000 Français de souche et naturalisés. Sur les 12 000 Français d’Algérie tombés pendant la guerre, on compte près de 1 700 juifs. Pourtant, les préjugés antisémites demeurent puissants."
"Au cours des années 1930, de nombreux notables juifs incités par Henri Aboulker, Albert Confino et Elie Gozlan s’engagent dans une oeuvre sociale pour améliorer la situation du prolétariat juif et musulman et enrayer l’éloignement des deux communautés. En février 1937 est créé le Comité juif algérien d’Etudes sociales (CJAES) pour combattre les agissements des groupements nationalistes qui comptent plus de 40 000 membres en Algérie. Charles Maurras et Jacques Doriot rassemblent leurs militants au nom de la « latinité du pays », et des slogans nazis apparaissent dans les grandes villes. En 1938, les conseils municipaux de Sétif et de Sidi-bel-Abbès rayent plus de 380 citoyens juifs des listes électorales. On appelle au boycott des magasins juifs et à l’abrogation du décret Crémieux. Le décret-loi Marchandeau (avril 1939) condamne l’incitation à la haine raciale ou religieuse et apaise en partie les tensions. Lorsque la guerre éclate, les juifs algériens répondent à l’appel de la patrie aux côtés des 200 000 Européens et indigènes mobilisés. Après l’armistice, le bilan est lourd : outre plusieurs milliers de morts, 60 000 combattants d’Algérie sont prisonniers dont près de 1 300 Juifs. L’accueil enthousiaste que les Européens feront au régime de Vichy, stigmatisant le « Juif » comme le principal responsable de la défaite, les décevra cruellement. »
VI. La France de Vichy en Algérie (1939-1945)
« La suppression du décret-loi Marchandeau (27 août 1940) inaugure une série de mesures destinées aux 130 000 Juifs d’Algérie : abrogation du décret Crémieux (octobre 1940), premier et second statut des Juifs (octobre 1940 et juin 1941), recensement des Juifs d’Algérie et de l’état de leurs biens (juin 1941)... La mention « Juif indigène » est apposée sur leur carte d’identité. Un numérus clausus exclut près de 19 500 élèves juifs de l’école publique. Seuls 6 782 d’entre eux pourront poursuivre leur scolarité, grâce notamment à l’ouverture d’écoles juives par les responsables communautaires. Cette réglementation d’exception est mise en oeuvre par le Service algérien des Questions juives tandis que le Service de l’aryanisation économique doit éliminer toute présence juive dans l’économie algérienne.
Une fois l’armistice signé, des centaines de combattants juifs étrangers sont dirigés de la métropole vers des camps d’Afrique du Nord. Ils sont rejoints par des réfugiés juifs détenus dans les camps métropolitains de la zone sud, ainsi que par les internés politiques juifs français, dont certains originaires d’Algérie. Les ressortissants juifs d’Algérie, mobilisés en 1939, sont quant à eux relégués à la condition de « prestataires étrangers », en raison des lois des 3 et 7 octobre 1940. Les déportés, qui dépassent le millier d’individus à la veille du débarquement allié, sont divisés en deux catégories : les Groupements de travailleurs étrangers et les internés.
Rentrés du front après la démobilisation, certains jeunes juifs, dont José Aboulker, rejoignent le chef résistant Henri d’Astier de la Vigerie. Ils préparent le débarquement des troupes anglo-américaines sur les côtes d’Afrique du Nord (opération « Torch »). La libération d’Alger se fait grâce à eux le 8 novembre 1942.
Malgré le cessez-le-feu avec l’armée américaine (10 novembre 1942), la législation antijuive est maintenue par Darlan, commandant civil et militaire de toute l’Afrique du Nord, puis par son successeur, le général Giraud. Dans l’armée, les soldats juifs sont affectés à des travaux agricoles ou de terrassement au sein d’unités spéciales non combattantes, « les pionniers ». Les camps du Sud-Algérien retiennent leurs internés six mois après le débarquement allié, ce qui émeut l’opinion publique alliée. Le président Roosevelt envoie Jean Monnet auprès de Giraud, afin d’assouplir les positions du général. Pourtant, le décret Crémieux ne sera pas rétabli avant le 20 octobre 1943. De très nombreux soldats juifs reprendront du service dans les forces alliées pour poursuivre l’oeuvre de libération du territoire français et la lutte contre l’Allemagne nazie en Europe. »
« VII. Déchirements (fidélité et indépendance, de 1945 à 1962)
Après la création de l’État d’Israël en 1948 et dans le contexte de la décolonisation, la situation des juifs dans les pays arabes (environ 850 000 personnes) se dégrade rapidement. Violences, intimidations, aggravation de la discrimination vont motiver les départs de ces derniers au cours des deux décennies suivantes.
En Algérie, pendant la guerre, les juifs se réfugient dans le silence et espèrent des jours meilleurs face aux attentats dont ils sont victimes. Sollicités d’abord par le FLN puis par l’OAS, mal guéris des avanies de Pétain qui avait abrogé le décret Crémieux, anxieux de ne pas se dissocier de la France, ils vivent le conflit dans le trouble, parfois même dans la mauvaise conscience. Leur engagement dans un camp ou dans l’autre est individuel alors que l’ensemble de la communauté s’abstient de prendre position. En juin 1961, l’assassinat de Raymond Leiris, dit « Cheikh Raymond », l’un des plus grands maîtres de la musique arabo-andalouse, est ressenti très douloureusement par toute la communauté juive. Fin 1961, les violentes manifestations du FLN dans les villes à forte majorité juive soulèvent un vent de panique. En quelques semaines, les communautés juives et chrétiennes abandonnent le territoire. De janvier à juin 1962, la politique de « la terre brûlée » menée par l’OAS accentue encore le désarroi et la fuite. Au lendemain de l’indépendance, des Européens et des juifs sont enlevés et disparaissent dans certaines villes notamment à Oran. »
VIII. Exil et Mémoires
« Dans le sillage de l’indépendance de l’Algérie, près de 150 000 juifs quittent le pays. En une décennie, une vie juive ancrée dans les villes et les bourgs algériens depuis près de deux mille ans s’efface ainsi brutalement. Les juifs d’Algérie choisissent majoritairement la métropole pour terre d’accueil. Les premiers temps sont particulièrement difficiles. Comme les autres rapatriés, les juifs sont dispersés dans l’espace français et font l’expérience de l’habitat précaire, de la quête angoissante d’un emploi, de la peur du lendemain et perte des repères familiers. En cinquante ans, ils connaitront pourtant une importante ascension sociale, liée aux mutations de la société française – notamment à un élargissement des classes moyennes – , ainsi qu’aux efforts menés par les familles pour favoriser la réussite de leurs enfants. Par ailleurs, les femmes, incitées à travailler pour augmenter les revenus du foyer, jouissent à terme d’une certaine autonomie.
Les juifs d’Algérie ont été confrontés à judaïsme façonné par les « israélites » français et par les ashkénazes. Dès 1961, les institutions communautaires comme le Fonds social juif unifié se mobilisent pour accueillir les coreligionnaires venus du sud de la Méditerranée, notamment à Marseille, Lyon, Strasbourg, Toulouse. À Paris, le Consistoire attribue aux nouveaux venus la synagogue de la rue des Tournelles. Le nombre de commerces cachères augmente et le taux de fréquentation des lieux de culte bat des records. L’arrivée des juifs d’Algérie – mais aussi du Maroc et de Tunisie – contribue à revitaliser le judaïsme français. Le judaïsme d’Algérie influence la vie cultuelle et l’élection de René-Samuel Sirat au poste de grand rabbin de France entre 1981 et 1987 en est l’exemple même.
À partir des années 1970 et surtout 1980, si certains prennent un nouveau départ en Israël, d’autres opèrent un retour aux sources algériennes. Sans aucune perspective de retour, il s’agit de faire vivre le monde ancien de ce côté de la Méditerranée. L’oeuvre de mémoire s’appuie en grande partie sur les liens conservés avec des modes de divertissements populaires (sport, musique et cinéma), expressions des croisements culturels de l’Algérie française. Parmi les sportifs célèbres, le champion de natation Alfred Nakache, les boxeurs Robert Cohen et Alphonse Halimi ont fait la fierté des juifs d’Algérie. La musique notamment arabo-andalouse et judéo-arabe, a particulièrement marqué le quotidien des habitants de l’Algérie comme la mémoire des exilés. La prolifération, à partir de la décennie 1990, de témoignages individuels témoigne de ce retour de la mémoire et de la persistance des liens avec la culture de l’Algérie d’avant. Un processus lent et complexe voit émerger une identité juive algérienne sur la scène publique.
Ainsi les juifs d’Algérie ont-ils su trouver en France (ou en Israël) une place singulière combinant subtilement l’attachement à une culture ancienne, de plus en plus affirmée à mesure que s’éloignait le temps de l’exode, et une citoyenneté exigeante. »
« L'année 2012 marque les cinquante ans des accords d'Évian. Le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme a choisi de se joindre aux nombreuses institutions qui souhaitent rappeler, par diverses approches, la date charnière que fut celle de 1962 dans l'histoire française et algérienne. Du 28 septembre 2012 au 27 janvier 2013, le mahJ présente une exposition inédite retraçant les grandes étapes de l'histoire des juifs d'Algérie.
Un double constat est à l'origine du projet : l'impact important du rapatriement des juifs d'Algérie en 1962 sur le judaïsme métropolitain et la perte mémorielle de ce que fut le judaïsme en Afrique du Nord, plus précisément en Algérie. L'exposition Juifs d'Algérie met en lumière la grande diversité et la complexité de leurs histoires, de leurs trajectoires politiques et sociales. Sont également abordées la vie religieuse et les activités économiques. Enfin, la culture populaire des juifs d’Algérie est évoquée – notamment les coutumes et les divertissements. La musique est présente dans ce parcours : mélodies synagogales, chants traditionnels, musiques savantes ou populaires issues des traditions arabo-andalouse ou du maalouf constantinois, créations hybrides marquées par les modes européennes et latines.
Environ 250 documents (manuscrits, livres, textiles, objets, oeuvres d'art) issus de collections publiques françaises et étrangères, ainsi que d'archives administratives et familiales, forment le corpus du parcours. Celui-ci est complété par des documents audiovisuels, des cartes, des chronologies et des bases de données numériques.
Grâce à un appel à dons lancé dès 2011 en vue de collecter des archives, auquel ont répondu une centaine de familles, l’exposition fait une large place à la mémoire familiale, à des objets et archives conservés depuis plusieurs générations. Elle témoigne ainsi des liens maintenus ou rompus des juifs d'Algérie avec leur histoire et leur pays d'origine. Le parcours permet de comprendre, d'une part, ce que l'Algérie a représenté et représente à leurs yeux, et d'autre part, la manière dont ils ressentent, en France, la disparition de la communauté juive là-bas ainsi que les déchirements et résonances de l'histoire difficile de la France et de l'Algérie.
L'exposition est accompagnée d'une programmation culturelle et pédagogique (lectures, conférences, journée d'études, films, concerts, ateliers pédagogiques…)
Un catalogue est publié en coédition avec Skira-Flammarion.
Proposée dans le cadre du Mois de la Photo, l'exposition de Sophie Elbaz, Géographies intérieures, offre une approche contemporaine de l’histoire et de la mémoire des juifs d'Algérie. »
1962. Une date charnière pour la France et pour l’Algérie. Celle des accords d’Evian, et du départ des Juifs d’Algérie en direction essentiellement de la France métropolitaine.
Le 5 juillet 1962, quelques jours après l'indépendance de l'Algérie, entre 700 et 1200 Européens, notamment juifs, ont été massacrés à Oran. Présente, informée, l'Armée française n'a rien fait pour protéger ces Européens.
Un « double constat est à l’origine du projet : l'impact important du rapatriement des Juifsd’Algérie en 1962 sur le judaïsme métropolitain et la perte mémorielle de ce que fut le judaïsme en Afrique du Nord, plus précisément en Algérie. L’exposition Juifs d’Algérie met en lumière la grande diversité et la complexité des expériences, des trajectoires politiques et sociales des membres de cette communauté. Sont également abordées leur vie religieuse et leurs activités économiques. Enfin, la culture populaire des Juifs d’Algérie est évoquée, notamment les coutumes et les divertissements. La musique n’est pas absente de ce panorama : mélodies synagogales, chants traditionnels, compositions savantes ou populaires issues des traditions arabo-andalouse ou du malouf constantinois, créations hybrides marquées par les modes européennes et latines. Environ 250 documents (manuscrits, livres, textiles, objets, œuvres d’art), issus de collections publiques françaises et étrangères, ainsi que d’archives administratives et familiales, forment le corpus du parcours. Celui-ci est complété par des documents audiovisuels, des cartes, des chronologies et des bases de données numériques… L’exposition fait une large place à la mémoire familiale, à des objets et à des archives conservés depuis plusieurs générations. Elle témoigne ainsi des liens maintenus ou rompus des Juifs d’Algérie avec leur histoire et leur pays d’origine », écrit Anne Hélène Hoog, commissaire de l’exposition.
Et de poursuivre : « La majorité des documents recueillis datent d’une période allant de la fin du XIXe jusqu’à 1962 et consistent en photographies, portraits peints, papiers familiaux et administratifs, et objets. Les périodes antérieures sont d’un abord plus difficile et les archives des consulats de France à Alger, Oran et Bône (aux ANOM à Aix-en-Provence) ont été fort utiles pour évoquer par exemple la part prise par les juifs dans le commerce méditerranéen. Rassembler des judaica (objets de culte), qui jouent un rôle important pour montrer la diversité des communautés, des styles esthétiques et des liturgies, permet d’évoquer une profession exercée en majorité par des juifs, l’orfèvrerie, qui a produit une série d’objets en tous points remarquables, tels les rimmonim (ornements de bâtons de torah) de la collection du MAHJ mais aussi l’ensemble des judaica constantinoises appartenant au Wolfson Museum of Jewish Art du Heichal Shlomo ou les magnifiques objets composant la collection du Musée d’Israël à Jérusalem. Soucieux de transmettre leur patrimoine juif ou familial à la postérité, nombre de juifs d’Algérie ont choisi le MAHJ pour être le garant d’une (nouvelle) forme de continuité de la mémoire, collective et familiale, et de la transmission. Citons ici l’exemple du manuscrit Duran offert au musée en 2002 par l’ensemble des membres de la famille Durand, descendants de Rabbi Simon ben Tsemah Duran, précieux ouvrage conservé et transmis de génération en génération depuis le XVe siècle ».
« La présence des populations juives en Afrique du Nord dès la haute antiquité (phénicienne, punique puis romaine), est attestée par des sources historiographiques mais reste difficile à démontrer du fait des lacunes archéologiques. Toutefois, il est certain que le monde judéo-berbère occupe une place importante dans la société en Afrique du Nord romaine. Ce lien entre les juifs et les berbères est incarné dans les mémoires par la figure légendaire d’une reine guerrière de la tribu des Djeraoua, la Kahena qui anima la résistance à l’invasion musulmane."
"Après la conquête de l’Afrique du Nord au VIIIe siècle par les tribus musulmanes venues de la péninsule arabique, la loi coranique soumet les juifs et les chrétiens à la dhimma, terme technique du droit musulman désignant le régime juridique des non musulmans." Un peu court sur un statut cruel, humiliant et déshumanisant lié au djihad.
Du Proche-Orient à la péninsule ibérique, la circulation des hommes, des biens et des savoirs au sein du monde musulman favorise l’épanouissement de la littérature et de la tradition rabbiniques ainsi que la participation des juifs aux échanges commerciaux transsahariens et méditerranéens. À partir du XIe siècle, les élans refondateurs des tribus berbères musulmanes cherchant à s’opposer à la Reconquista en Espagne suscitent des attaques meurtrières sur les communautés juives et chrétiennes maghrébines qui se replient sur elles-mêmes et s’étiolent. Les persécutions perpétrées par les tribus almohades au XIIe siècle seront déplorées dans l’élégie hébraïque composée par le sage Abraham Ibn Ezra. Trois siècles plus tard, la florissante communauté juive du Touat, en marge du Sahara, subit une persécution fanatique et connait une fin brutale en 1492. »
II. Entre chrétiens et musulmans : être juif dans l’espace algérien du XVIe au XVIIIe siècle
« Déclenchées par les persécutions chrétiennes de Séville, de Catalogne et de Majorque (1391), puis par les expulsions d’Espagne (1492) et du Portugal (1497), les vagues d’immigration séfarade bouleversent la géographie de la diaspora juive. La majeure partie des réfugiés gagne le Maghreb et s’installe dans les régions de Fès, Tétouan et Tlemcen, et le long du littoral méditerranéen (Oran, Alger et Tunis). Les exilés intègrent les communautés existantes."
"S’ils préservent leurs coutumes, ils adoptent rapidement les langues locales. Des rabbins séfarades (Isaac ben Sheshet Barfat, Simon ben Tsemah Duran, Efrayim Encaoua), deviennent les rénovateurs et les guides spirituels du judaïsme maghrébin alors sur le déclin. "
"De 1505 à 1791, les Espagnols occupent les ports de Mers el-Kebir et Oran. Bien qu’ils aient chassé les juifs d’Espagne, ils les tolèrent à Oran jusqu’en 1669. Dans cette région, la survivance de la langue judéoespagnole caractérisera la société juive jusqu’au XXe siècle. Dès 1518, l’Empire ottoman domine l’espace des Régences d’Alger et de Tunis tout en leur accordant une grande autonomie. Bien que menacées à tout moment d’être l’objet de la fureur populaire, les communautés juives sont attachées au régime ottoman et redoutent les ambitions espagnoles."
"Agents importants de l’activité commerciale entre les villes de la Méditerranée occidentale (Alger, Oran, Tunis, Livourne et Marseille), les juifs maghrébins sont aussi des intermédiaires précieux pour les Européens (comme dans les négociations pour le rachat des chrétiens capturés en mer)."
"Des liens étroits sont maintenus entre les communautés juives du Maghreb et Jérusalem. Qu’ils y viennent en pèlerins ou pour y finir leurs jours, les maghrébins ont leur propre quartier dans la Ville sainte."
"Les émissaires de la Terre sainte visitent régulièrement les communautés maghrébines. Grâce à eux, la connaissance de la Kabbale se répandra dans les communautés les plus reculées. »
III. Les voies de l’émancipation (1830 - 1870)
« À la fin du XVIIIe siècle, la Régence d’Alger s’affranchit progressivement de l’emprise ottomane. En 1805, à Alger, la famine déclenche une révolte contre le Dey au cours de laquelle plusieurs notables de la communauté juive sont assassinés. Avec le début de la conquête française en 1830, les dirigeants du judaïsme français se préoccupent du sort des juifs d’Algérie. Soutenu par quelques notables locaux, le Consistoire central des israélites de France entreprend de fonder des écoles pour les enfants juifs et les dirigeants français dépêchent des observateurs chargés d’effectuer un rapport sur l’état des communautés en vue de leur émancipation (Rapport Altaras et Cohen)."
"Le Second Empire poursuit la politique de colonisation tout en limitant les effets de cette dernière sur les sujets « indigènes ». En 1860 et 1865, Napoléon III voyage en Algérie et reçoit des délégations locales, européennes, musulmanes et juives. Il se déclare favorable à l’intégration progressive des « indigènes » dont celle des juifs d’Algérie. Le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 autorisant les « indigènes » à demander à titre individuel la citoyenneté française ne rencontre cependant pas le succès escompté: peu de juifs indigènes useront de cette disposition légale."
"En 1870, Adolphe Crémieux, ministre de la Justice au sein du gouvernement provisoire obtient la promulgation de plusieurs décrets dont celui naturalisant collectivement les juifs d’Algérie (décret Crémieux)."
"L’organisation consistoriale française va servir de modèle à l’organisation des communautés juives d’Algérie dès 1845. Dans les principales villes d’Algérie, de grandes synagogues, bâties sur des modèles français, sont édifiées. Cependant, des conflits opposent les notables locaux francisés, et les rabbins français aux rabbins et aux communautés indigènes. Aux préjugés des premiers s’oppose la résistance des seconds. »
IV. Mutations et traditions dans la société juive en Algérie française
« Les portraits présentés dans cette section permettent d’appréhender les diversités et les mutations survenues dans le judaïsme d’Algérie entre 1830 et 1962. De manière générale, force est de constater que les pères sont plus traditionalistes que les fils. Ces derniers sont formés dans les écoles françaises et apprennent de nouveaux métiers. Les juifs des milieux urbains et des couches sociales aisées adoptent plus rapidement les vêtements européens. Les prénoms sont également francisés selon les mêmes critères."
"Les institutions juives vont avoir une grande importance dans la formation et l’apprentissage de nouveaux métiers au sein des classes populaires : l’Alliance israélite universelle met en oeuvre très rapidement des programmes d’enseignement destinés à moderniser les métiers des juifs et à les faire sortir de la pauvreté, tandis que l’ORT fonde des écoles en Algérie après la fin de la Seconde Guerre mondiale, et créera à son tour des cours d’apprentissage qui se maintiendront jusqu’en 1962."
"En dépit de l’occidentalisation croissante, les structures communautaires continuent de marquer la vie juive. Même si la fréquentation des lieux de culte se relâche, l’attachement aux traditions juives et aux rites reste fort et la vie des communautés surtout dans les milieux ruraux et les petites villes se poursuit comme par le passé. Le statut des femmes connaît lui aussi de grands changements. L’école offre à la plupart d’entre elles – principalement dans les couches aisées de la communauté – de nouvelles possibilités d’indépendance, même si la vie professionnelle est rarement envisagée au-delà du mariage et de la maternité. »
« V.a. Contre les juifs : le déni de citoyenneté (les antijuifs, l’affaire Dreyfus, les émeutes de Constantine)
"Dès 1870, les Européens d’Algérie et les métropolitains rejettent l’égalité civique des juifs établie par le décret Crémieux. La création d’un parti antijuif s’inscrit dans ce contexte. La stigmatisation de la « République juive » trouve un écho particulier auprès des populations coloniales et se trouve amplifiée pendant l’affaire Dreyfus. À partir de 1897, des pillages et des pogroms font de nombreuses victimes, sous les yeux des soldats, tardivement chargés de rétablir l’ordre. Max Régis, chef de la Ligue antijuive, jouit d’une immense popularité. En mai 1898, Drumont est élu député de la province d’Alger. À plusieurs reprises, les autorités militaires et civiles interviennent pour muter ou emprisonner des agitateurs antisémites. En dépit des interdictions de discriminations, le refus de considérer les juifs comme des citoyens égaux en droits se traduit par des manoeuvres quotidiennes qui leur interdit l’accès à des lieux publics et privés. Malgré le retour à l’apaisement lors de la victoire des forces républicaines en 1902, les violences des années 1897/98 restent gravées dans les mémoires."
"Face aux revendications nationalistes des musulmans et à la crise économique, les colons profitent souvent de l’humiliation des musulmans pour exacerber les tensions. Celles-ci culminent lors des émeutes de Constantine, en 1934 : les affrontements entre les communautés juive et musulmane font plus de 25 morts et de nombreux blessés. L’événement plonge la communauté juive dans la peur et l’atterrement. Les chefs religieux des deux communautés appellent à la réconciliation, mais l’antisémitisme ne désarme pas. Le projet de loi du sénateur Maurice Viollette, qui annonce la citoyenneté à plus de 20 000 musulmans, déclenche de nouveau des réactions antisémites. »
Cette phrase fait penser aux prétendus "affrontements communautaires" allégués par les pouvoirs publics lors de la vague d'agressions antisémites à l'automne 2000 pour masquer l'identité d'agresseurs.
Le "pogrom au nom du djihad" (Shmuel Trigano) du 5 août 1934, à Constantine (Algérie), sans intervention de l'Armée ou de la police françaises, a causé 27 victimes Juives, enfants et adultes généralement égorgés et 26 Juifs blessés, des incendies, saccages et pillages de magasins et logements de Français Juifs. Plus de 3 000 Juifs - un tiers des Juifs constantinois - ayant besoin d'assistance sociale après ce pogrom, etc. Ce pogrom avait été précédé le 3 août 1934 de violents incidents dans le Constantinois. Au coût financier de 150 millions de francs Poincaré de l'époque, il a été suivi pendant des mois par le boycott de magasins Juifs, du non paiement par des musulmans de leurs dettes auprès de leurs prêteurs Juifs, etc.
V.b. Patriotisme et mobilisation politique des israélites d’Algérie (1914-1938)
« Durant la Première Guerre mondiale, environ 14 000 juifs d’Algérie sont mobilisés aux côtés de 125 000 musulmans et près de 92 000 Français de souche et naturalisés. Sur les 12 000 Français d’Algérie tombés pendant la guerre, on compte près de 1 700 juifs. Pourtant, les préjugés antisémites demeurent puissants."
"Au cours des années 1930, de nombreux notables juifs incités par Henri Aboulker, Albert Confino et Elie Gozlan s’engagent dans une oeuvre sociale pour améliorer la situation du prolétariat juif et musulman et enrayer l’éloignement des deux communautés. En février 1937 est créé le Comité juif algérien d’Etudes sociales (CJAES) pour combattre les agissements des groupements nationalistes qui comptent plus de 40 000 membres en Algérie. Charles Maurras et Jacques Doriot rassemblent leurs militants au nom de la « latinité du pays », et des slogans nazis apparaissent dans les grandes villes. En 1938, les conseils municipaux de Sétif et de Sidi-bel-Abbès rayent plus de 380 citoyens juifs des listes électorales. On appelle au boycott des magasins juifs et à l’abrogation du décret Crémieux. Le décret-loi Marchandeau (avril 1939) condamne l’incitation à la haine raciale ou religieuse et apaise en partie les tensions. Lorsque la guerre éclate, les juifs algériens répondent à l’appel de la patrie aux côtés des 200 000 Européens et indigènes mobilisés. Après l’armistice, le bilan est lourd : outre plusieurs milliers de morts, 60 000 combattants d’Algérie sont prisonniers dont près de 1 300 Juifs. L’accueil enthousiaste que les Européens feront au régime de Vichy, stigmatisant le « Juif » comme le principal responsable de la défaite, les décevra cruellement. »
VI. La France de Vichy en Algérie (1939-1945)
« La suppression du décret-loi Marchandeau (27 août 1940) inaugure une série de mesures destinées aux 130 000 Juifs d’Algérie : abrogation du décret Crémieux (octobre 1940), premier et second statut des Juifs (octobre 1940 et juin 1941), recensement des Juifs d’Algérie et de l’état de leurs biens (juin 1941)... La mention « Juif indigène » est apposée sur leur carte d’identité. Un numérus clausus exclut près de 19 500 élèves juifs de l’école publique. Seuls 6 782 d’entre eux pourront poursuivre leur scolarité, grâce notamment à l’ouverture d’écoles juives par les responsables communautaires. Cette réglementation d’exception est mise en oeuvre par le Service algérien des Questions juives tandis que le Service de l’aryanisation économique doit éliminer toute présence juive dans l’économie algérienne.
Une fois l’armistice signé, des centaines de combattants juifs étrangers sont dirigés de la métropole vers des camps d’Afrique du Nord. Ils sont rejoints par des réfugiés juifs détenus dans les camps métropolitains de la zone sud, ainsi que par les internés politiques juifs français, dont certains originaires d’Algérie. Les ressortissants juifs d’Algérie, mobilisés en 1939, sont quant à eux relégués à la condition de « prestataires étrangers », en raison des lois des 3 et 7 octobre 1940. Les déportés, qui dépassent le millier d’individus à la veille du débarquement allié, sont divisés en deux catégories : les Groupements de travailleurs étrangers et les internés.
Rentrés du front après la démobilisation, certains jeunes juifs, dont José Aboulker, rejoignent le chef résistant Henri d’Astier de la Vigerie. Ils préparent le débarquement des troupes anglo-américaines sur les côtes d’Afrique du Nord (opération « Torch »). La libération d’Alger se fait grâce à eux le 8 novembre 1942.
Malgré le cessez-le-feu avec l’armée américaine (10 novembre 1942), la législation antijuive est maintenue par Darlan, commandant civil et militaire de toute l’Afrique du Nord, puis par son successeur, le général Giraud. Dans l’armée, les soldats juifs sont affectés à des travaux agricoles ou de terrassement au sein d’unités spéciales non combattantes, « les pionniers ». Les camps du Sud-Algérien retiennent leurs internés six mois après le débarquement allié, ce qui émeut l’opinion publique alliée. Le président Roosevelt envoie Jean Monnet auprès de Giraud, afin d’assouplir les positions du général. Pourtant, le décret Crémieux ne sera pas rétabli avant le 20 octobre 1943. De très nombreux soldats juifs reprendront du service dans les forces alliées pour poursuivre l’oeuvre de libération du territoire français et la lutte contre l’Allemagne nazie en Europe. »
« VII. Déchirements (fidélité et indépendance, de 1945 à 1962)
Après la création de l’État d’Israël en 1948 et dans le contexte de la décolonisation, la situation des juifs dans les pays arabes (environ 850 000 personnes) se dégrade rapidement. Violences, intimidations, aggravation de la discrimination vont motiver les départs de ces derniers au cours des deux décennies suivantes.
En Algérie, pendant la guerre, les juifs se réfugient dans le silence et espèrent des jours meilleurs face aux attentats dont ils sont victimes. Sollicités d’abord par le FLN puis par l’OAS, mal guéris des avanies de Pétain qui avait abrogé le décret Crémieux, anxieux de ne pas se dissocier de la France, ils vivent le conflit dans le trouble, parfois même dans la mauvaise conscience. Leur engagement dans un camp ou dans l’autre est individuel alors que l’ensemble de la communauté s’abstient de prendre position. En juin 1961, l’assassinat de Raymond Leiris, dit « Cheikh Raymond », l’un des plus grands maîtres de la musique arabo-andalouse, est ressenti très douloureusement par toute la communauté juive. Fin 1961, les violentes manifestations du FLN dans les villes à forte majorité juive soulèvent un vent de panique. En quelques semaines, les communautés juives et chrétiennes abandonnent le territoire. De janvier à juin 1962, la politique de « la terre brûlée » menée par l’OAS accentue encore le désarroi et la fuite. Au lendemain de l’indépendance, des Européens et des juifs sont enlevés et disparaissent dans certaines villes notamment à Oran. »
VIII. Exil et Mémoires
« Dans le sillage de l’indépendance de l’Algérie, près de 150 000 juifs quittent le pays. En une décennie, une vie juive ancrée dans les villes et les bourgs algériens depuis près de deux mille ans s’efface ainsi brutalement. Les juifs d’Algérie choisissent majoritairement la métropole pour terre d’accueil. Les premiers temps sont particulièrement difficiles. Comme les autres rapatriés, les juifs sont dispersés dans l’espace français et font l’expérience de l’habitat précaire, de la quête angoissante d’un emploi, de la peur du lendemain et perte des repères familiers. En cinquante ans, ils connaitront pourtant une importante ascension sociale, liée aux mutations de la société française – notamment à un élargissement des classes moyennes – , ainsi qu’aux efforts menés par les familles pour favoriser la réussite de leurs enfants. Par ailleurs, les femmes, incitées à travailler pour augmenter les revenus du foyer, jouissent à terme d’une certaine autonomie.
Les juifs d’Algérie ont été confrontés à judaïsme façonné par les « israélites » français et par les ashkénazes. Dès 1961, les institutions communautaires comme le Fonds social juif unifié se mobilisent pour accueillir les coreligionnaires venus du sud de la Méditerranée, notamment à Marseille, Lyon, Strasbourg, Toulouse. À Paris, le Consistoire attribue aux nouveaux venus la synagogue de la rue des Tournelles. Le nombre de commerces cachères augmente et le taux de fréquentation des lieux de culte bat des records. L’arrivée des juifs d’Algérie – mais aussi du Maroc et de Tunisie – contribue à revitaliser le judaïsme français. Le judaïsme d’Algérie influence la vie cultuelle et l’élection de René-Samuel Sirat au poste de grand rabbin de France entre 1981 et 1987 en est l’exemple même.
À partir des années 1970 et surtout 1980, si certains prennent un nouveau départ en Israël, d’autres opèrent un retour aux sources algériennes. Sans aucune perspective de retour, il s’agit de faire vivre le monde ancien de ce côté de la Méditerranée. L’oeuvre de mémoire s’appuie en grande partie sur les liens conservés avec des modes de divertissements populaires (sport, musique et cinéma), expressions des croisements culturels de l’Algérie française. Parmi les sportifs célèbres, le champion de natation Alfred Nakache, les boxeurs Robert Cohen et Alphonse Halimi ont fait la fierté des juifs d’Algérie. La musique notamment arabo-andalouse et judéo-arabe, a particulièrement marqué le quotidien des habitants de l’Algérie comme la mémoire des exilés. La prolifération, à partir de la décennie 1990, de témoignages individuels témoigne de ce retour de la mémoire et de la persistance des liens avec la culture de l’Algérie d’avant. Un processus lent et complexe voit émerger une identité juive algérienne sur la scène publique.
Ainsi les juifs d’Algérie ont-ils su trouver en France (ou en Israël) une place singulière combinant subtilement l’attachement à une culture ancienne, de plus en plus affirmée à mesure que s’éloignait le temps de l’exode, et une citoyenneté exigeante. »
Le 16 juin 2015, la Mairie du IVe arrondissement de Paris a accueilli la conférence Le Décret Crémieux : la longue marche des Juifs d’Algérie vers la liberté d'Albert Maarek, historien, avec la participation de l'ADACIA (Association des amis de Crémieux Isaac Adolphe) et la lecture de morceaux choisis par René Cheneaux et Paul Krissi.
Le 18 janvier 2016, de 19 h 30 à 21 h 30, à l'Institut Universitaire d'Etudes Juives Elie Wiesel, Joëlle Allouche-Benayoun, docteur en psychologie sociale, maître de conférences, Université Paris XII, présentera son livre Les Juifs dans le tournant de l'Algérie. "Cet ouvrage fait appel à des spécialistes de diverses disciplines il montre comment, pendant la période française (1830-1962), la population juive d’Algérie s’est transformée par un processus social et politique d’accès à la citoyenneté. Ce processus continu fut largement troublé d’une part par l’hostilité plus ou moins ponctuelle des Français, des Européens de la colonie et des Musulmans, et d’autre part par les polémiques incessantes qui ont accompagné ce passage progressif d’un groupe d’indigènes colonisés en citoyens de la République française. Sans concertation préalable entre les auteurs, tous les textes de ce recueil abordent les moments forts de l’histoire contemporaine des Juifs d’Algérie, ceux qui ont façonné durablement leur identité: le décret Crémieux (1870), les émeutes de Constantine (1934) -le "pogrom au nom du djihad" (Shmuel Trigano) du 5 août 1934, à Constantine (Algérie), sans intervention de l'Armée ou de la police françaises, a causé 27 victimes Juives, enfants et adultes généralement égorgés et 26 Juifs blessés, des incendies, saccages et pillages de magasins et logements de Français Juifs. Plus de 3 000 Juifs - un tiers des Juifs constantinois - ayant besoin d'assistance sociale après ce pogrom, etc. Ce pogrom avait été précédé le 3 août 1934 de violents incidents dans le Constantinois. Au coût financier de 150 millions de francs Poincaré de l'époque, il a été suivi pendant des mois par le boycott de magasins Juifs, du non paiement par des musulmans de leurs dettes auprès de leurs prêteurs Juifs, etc. - , l’"Antijudaïsme" des Français, des Européens d’Algérie et des Musulmans, un racisme qui culmina sous le régime pétainiste de Vichy avec son lot d’exclusions scolaires et professionnelles, la rupture d’avec la terre natale (1962). Ces textes de statut divers ont l’avantage de varier les angles de vue, de n’exclure aucune voix concernée par des faits encore récents à l’échelle de l’histoire, de mettre en valeur l’intime que l’histoire avec grand H abandonne à l'oubli, tout en soulevant des questions toujours sensibles ; ils proposent en toute rigueur une photographie actuelle de l’historiographie des Juifs d’Algérie et renouvellent en partie les savoirs".
Le 27 février 2017, à 19 h 30, le Centre des Cultures juives à Grenoble organisa la conférence de Norbert Bel Ange sur les soldats juifs d'Algérie pendant la Grande Guerre."Très peu de travaux ont été consacrés au sujet des soldats juifs d'Algérie, à l’exception des travaux de Philippe Landau. Norbert Bel Ange est allé au plus près des archives militaires et des mémoires familiales. Les Poilus juifs d’Algérie et leurs familles ont payé un lourd tribut lors de la Grande Guerre. Une histoire encore méconnue".
Dans le cadre des Journées européennes de la culture et du patrimoine juifs, consacrées aux voyages et aux migrations, le mahJ proposera le 6 septembre 2020, de 10 h à 18 h, "Noces de soleil et nostalgie. Récits des juifs d’Algérie".
"Au mahJ, partez à la découverte de la richesse de l’histoire des juifs d’Algérie, ces Français par décret depuis 1870, exilés sans retour après 1962, au travers de rencontres avec écrivains et historiens, de visites dans les collections du mahJ à l’heure algérienne et de nombreuses activités gratuites à destination du jeune public."
Dans le cadre des Journées européennes de la culture et du patrimoine juifs, consacrées aux voyages et aux migrations, le mahJ proposera le 6 septembre 2020, de 10 h à 18 h, "Noces de soleil et nostalgie. Récits des juifs d’Algérie".
"Au mahJ, partez à la découverte de la richesse de l’histoire des juifs d’Algérie, ces Français par décret depuis 1870, exilés sans retour après 1962, au travers de rencontres avec écrivains et historiens, de visites dans les collections du mahJ à l’heure algérienne et de nombreuses activités gratuites à destination du jeune public."
Repères chronologiques
70 de notre ère : Prise de Jérusalem par Titus et destruction du second Temple ; afflux de réfugiés juifs en Afrique du nord, surtout en Cyrénaïque.
IIe siècle de notre ère : Expansion du christianisme en Afrique romaine ; les Kabyles et les Berbères sont alors majoritairement juifs et latinisés ; Tertullien, berbère latinisé converti au christianisme dénonce les cultes païens et le prosélytisme des juifs parmi les populations berbères ; la communauté juive de Carthage est la plus importante d’Afrique du nord ; des juifs réfugiés de Cyrénaïque s’installent dans le Touat (Sahara, 118-130).
670-708 : Conquête de l’Ifriqiya (Maghreb oriental) par la dynastie omeyyade ; Kahena, reine judéo-berbère, prend la tête des tribus des Aurès pour résister à l’invasion ; selon la tradition, cette reine guerrière sera victorieuse à deux reprises et règnera cinq ans sur l’Ifriqiya.
VIIIe siècle et après : Rayonnement des foyers rabbiniques de Tahert et Tlemcen.
944 : Fondation d’Alger (al-Djazaïr).
1086 : Invasion du Maroc, des provinces entourant Alger puis de l’Andalousie par les Almoravides.
1146 : Massacre des juifs de Tlemcen, Marrakech et Fez, puis dans les communautés du Maghreb central (Algérie) et oriental (Tunisie et Tripolitaine).
1391 : À la suite d’un pogrom en Espagne, arrivée à Alger de juifs fuyant les persécutions.
1492 : Persécution des juifs du Touat ; les survivants se convertissent ou se dispersent vers le Nord et dans les espaces des marges sahariennes ; expulsions des juifs d’Espagne : nouvelle vague d’émigrants juifs sur les côtes marocaines algériennes.
1497 : Expulsion des juifs du Portugal.
1507 : L’armée espagnole conquiert les ports d’Oran et de Mers el-Kébir ; les familles juives sont autorisées à demeurer sur place.
1541 : Défaite de la flotte de Charles Quint devant Alger ; Alger devient la principale ville (officiellement capitale en 1568) des États Barbaresques dominés par des corsaires musulmans ou renégats.
Seconde moitié du XVIIe siècle : Les juifs francs (francos) s’installent dans les comptoirs des Livournais (Alger, Bône, Oran) et sont, en tant qu’étrangers, placés sous la protection des consuls de France.
1666 : Les juifs d’Oran sont expulsés de la ville ; ils n’y reviendront pas avant 1792.
1708 : Oran passe sous tutelle ottomane jusqu’en 1732.
1798 : Pour les besoins de l'expédition du général Bonaparte en Égypte, le gouvernement du Directoire achète du blé à la Régence d'Alger, financé par un emprunt de la France auprès des familles juives d’Alger, Bacri et Busnach ; celles-ci demandent une garantie du dey qui gouverne la ville.
1805 : Massacre de la population juive à Alger en marge de la révolution manquée contre le dey Mustapha d’Alger ; le chef de la Nation juive d'Alger, Nephtali Busnach est tué lors des émeutes.
1815 : Le grand rabbin d'Alger, Isaac Aboulker est décapité lors d'une émeute.
1830 : Début de la conquête de l’Algérie."
1835 : 6 décembre. Massacre de Juifs à Mascara par des Arabes.
1842 : « Rapport sur l’état moral et politique des Israélites d’Algérie et les moyens de l’améliorer » de Jacques I. Altaras et Joseph Cohen (« Rapport Altaras »), commandé par les autorités juives françaises et le ministère de la Guerre, réalisé par 1845 : Création à Alger d’un Consistoire israélite algérien, sous l’autorité duquel se trouvent le consistoire de la province d’Oran et celui de la province de Constantine.
1848 : Renversement de la monarchie et abdication de Louis-Philippe ; le gouvernement provisoire auquel appartient Adolphe Crémieux, décrète la réunion de l’Algérie à la France.
1858 : Création d’un ministère de l’Algérie et des Colonies (1858-1860).
1859 : Émeutes antijuives à Tlemcen (1er janvier).
1860 : Fondation de l’Alliance israélite universelle ; premier voyage de Napoléon III en Algérie ; des responsables communautaires lui remettent des pétitions de juifs indigènes demandant à ne plus être des étrangers.
1863 : Second voyage du couple impérial en Algérie et nouvelles pétitions des autorités juives locales.
1865 : Le sénatus-consulte du 14 juillet déclare français tous les « indigènes » de la colonie et offre le droit de demander à titre individuel la citoyenneté française ; inauguration de la grande synagogue de la place Randon à Alger (septembre).
1870 : Proclamation de la IIIe République (septembre) ; le décret Crémieux (24 octobre) accorde la citoyenneté française aux 35 000 juifs « indigènes » d’Algérie ; les musulmans d'Algérie sont maintenus dans le statut d'indigènes.
1871 : Commune de Paris (février-mai) ; de nombreux communards sont déportés en Algérie ; Adolphe Thiers, chef du gouvernement provisoire, dépose un projet d'abrogation du décret Crémieux (juillet) ; fondation de la première Ligue antijuive à Oran (juillet).
1880 : Pose de la première pierre de la grande synagogue d’Oran (mai).
1884 : Émeutes antisémites à Alger.
1892 : Scandale de l’Affaire de Panama ; création de la Ligue antijuive à Alger.
1895 : À Paris, le capitaine Dreyfus est condamné pour trahison par un tribunal militaire.
1896 : Émile Morinaud, candidat de la Ligue antijuive, est élu maire de Constantine.
1897 : Élections municipales d’Oran, le pharmacien Gobert, radical antijuif est élu ; émeutes antijuives à Mostaganem ; à Oran, mise à sac des boutiques appartenant aux israélites ; graves émeutes dans les principales villes de l’Oranie (mai) ; le gouvernement refuse d'accéder aux exigences de la population qui demande l'abrogation du décret Crémieux.
1898 : Manifestations antijuives dans toute la France et en Algérie (janvier) ; Paul Samary, député d’Alger, et Dominique Forcioli, député de Constantine, demandent l’abrogation du décret Crémieux (février) ; lors des campagnes électorales législative et municipale, Max Régis, directeur du journal l’Antijuif d’Alger, appelle au boycott des juifs ; victoire de 36 candidats antijuifs aux élections municipales ; aux élections législatives, 4 sièges sur 6 vont aux « candidats antijuifs » : Édouard Drumont et Charles Marchal (Alger), Émile Morinaud (Constantine), Firmin Faure (Oran).
1906 : Réhabilitation officielle du capitaine Dreyfus ; création de l’Institut colonial de Marseille.
1914 : La minorité juive algérienne compte 65 000 personnes, pour 810 000 Français et Européens et moins de 5 millions de musulmans.
1914 -1918 : Grande Guerre.
1915 : Création du Comité algérien d’Études sociales (CAES) par le docteur Henri Aboulker pour lutter contre l’antisémitisme.
1918 : Émeutes à Alger contre des commerçants juifs.
1925 : La liste du docteur Molle, porte-parole de l’antijudaïsme, remporte les élections municipales d’Oran.
1932 : Oran et Sidi-bel-Abbès élisent des députés qui se proclament antijuifs comme Michel Pares.
1933 : Pendant l’été, saccage de magasins juifs à Tlemcen.
1934 : Pogrom de Constantine, émeutes et affrontements entre les communautés juive et musulmane.
1935 : Heurts violents aux cris de « Vive Hitler ! » dans les villes de Constantine, Oran et Sétif ; fondation à Alger de l’Union des Croyants monothéistes, rassemblant juifs, musulmans et chrétiens et oeuvrant à une compréhension mutuelle.
1936 : Essor des mouvements fascistes : le Francisme, la Solidarité française, les Jeunesses patriotes ; les électeurs juifs apportent leurs suffrages au Front Populaire ; dissolution des ligues par le gouvernement Blum (juin) ; le projet Blum-Violette prévoyant de donner la nationalité française à des membres de l’élite musulmane (officiers, instituteurs ou propriétaires fonciers) est rejeté.
1938 : Les leaders d’extrême-droite réclament l’abrogation du décret Crémieux ; création à Oran d’un « comité de vigilance pour la défense des intérêts moraux de la communauté israélite » (mai).
1939 : Promulgation du décret-loi Marchandeau qui condamne toute incitation à la haine raciale ou religieuse (21 avril).
1940 : Armistice entre l’Allemagne et la France (22 juin) ; abrogation du décret Marchandeau (27 août) et du décret Crémieux (7 octobre) ; le haut commandement militaire interdit aux juifs de s’engager comme simples soldats (24 octobre) ; application des lois discriminatoires de Vichy sur le statut des juifs (30 octobre) ; le général Picquendar, chef d’état-major de l’armée de terre, souhaite « le maintien des soldats juifs sous le drapeau », malgré l’abrogation du décret Crémieux (10 novembre).
1941 : Création des Unités de Travailleurs juifs (27 mars) ; premiers soldats juifs internés au camp de Bedeau ; loi interdisant aux juifs des fonctions et professions et fixant un numerus clausus dans l’enseignement ( juin) ; recensement des juifs et de leurs biens ; en Algérie, les juifs, alors 111 021 de nationalité française et 6 625 de nationalité étrangère, subissent les nouveaux règlements les excluant de la vie sociale ; création auprès du gouvernement général d’un « service spécial pour le règlement de la question juive » (août ) et du Service de l’aryanisation économique visant à éliminer toute influence juive dans l’économie algérienne (15 décembre) ; loi donnant au gouvernement de Vichy le contrôle de l’enseignement juif en Algérie (31 décembre) ; ouverture d’écoles secondaires juives.
1942 : Les attributs militaires sont retirés aux soldats juifs (4 février) ; statut des juifs indigènes d’Algérie (18 février ) ; décret radiant les juifs d’Algérie des listes électorales (19 octobre) ; débarquement anglo-américain en Afrique du Nord (8 novembre) ; organisation de la résistance par 377 insurgés d’Alger, dont 80 % sont juifs, qui favorise le débarquement américain ; des insurgés juifs sont arrêtés et déportés dans des camps de travail forcé ; le général Giraud, dans une note secrète, confirme l’affectation des juifs dans des « unités de travail » (15 novembre) ; promesse du général Eisenhower d’abolir les lois raciales à la libération (17 novembre) ; maintien de la législation antijuive par le général Giraud ; arrestation et internement des principaux acteurs du débarquement américain (30 novembre) ; les Camps de Travailleurs laissent la place aux Bataillons de Pionniers israélites (1er décembre).
1943 : Aux États-Unis, campagne de presse dénonçant la situation des juifs dans les camps d’internement algériens ; les juifs du département d’Oran sont de nouveau incorporés au camp de Bedeau (janvier) ; Ferhat Abbas, leader musulman, réclame une Algérie autonome dans le manifeste du peuple algérien ( février) ; le général Giraud abroge une deuxième fois le décret Crémieux (mars) ; les soldats israélites remobilisés sont relégués au Maroc ou dans le Sud algérien ; dissolution des Bataillons de Pionniers israélites (entre avril et juillet) ; abolition de toute disposition faisant apparaître la qualité de juif dans le recrutement, l’avancement aux différents grades, classes ou échelons, les affectations ou mutations des personnels civils et militaires (mai) ; remise en vigueur du décret Crémieux par le Comité national de libération, fin des discriminations (octobre).
1945 : Massacre de Sétif (8 mai), entre 8 000 et 20 000 musulmans (selon les historiens) sont tués ; ce drame consacre la rupture entre les musulmans et les Européens d’Algérie.
1946 : Formation de l’Union française à partir des « Territoires d’Outre-Mer ». Fin du régime de l’indigénat.
1947 : Fondation de la Fédération des communautés israélites d’Algérie ; création d’une école rabbinique à Alger ; ouverture du premier centre de formation ORT à Alger.
1948 : Naissance de L’Information juive, bulletin du Comité juif algérien d’études sociales ; maintenu à Alger jusqu’en avril 1962, il reprendre sa publication à Paris, en septembre 1963.
1949 : Ouverture du second établissement de formation de l’ORT à Constantine.
Début des années 1950 : arrivée massive en France d’émigrés nord-africains.
1951 : 4 000 juifs d’Algérie se rendent en Israël.
1954 : Insurrection générale dans le Constantinois au nom du Front de libération nationale FLN (novembre), victimes juives ; des juifs « progressistes » et communistes favorables aux indépendantistes algériens sont assignés à résidence dans des camps d’internement ou expulsés.
1955 : Condamnation du colonialisme à la conférence de Bandoung (Indonésie) ; émeutes du FLN à Philippeville et El-Alia (août) ; début de la guerre d’Algérie ; ouverture d’un centre de formation de l’ORT à Oran (octobre).
1956 : Indépendance du Maroc et de la Tunisie ; multiplication des agressions antisémites ; suite à un attentat à la grenade, des jeunes juifs s’arment et abattent des musulmans en représailles ; des soldats juifs sont envoyés par l’armée française pour rétablir le calme (mai) ; arrivée en Algérie de juifs marocains clandestins en partance pour Israël (juin) ; appel du FLN au grand rabbin d’Algérie demandant que les juifs affirment leur appartenance à la nation algérienne (octobre) ; le Comité juif algérien d’études sociales, se déclarant apolitique, met en avant des positions strictement individuelles et appelle à un règlement pacifique du conflit entre la France et les Algériens (novembre) ; crise du canal de Suez.
1957 : attentats contre les juifs de Nedroma (janvier) ; début de la bataille d'Alger, le général Massu reçoit les pleins pouvoirs.
1958 : Les autorités consistoriales évaluent à 40 000 le nombre de juifs qui ont quitté l’Algérie ; une grenade lancée dans la synagogue de Boghari fait un mort (mars) ; Alger se révolte contre la IVe République (mai).
1959 : Une grenade est lancée dans la synagogue de Bou-Saada.
1960 : Indépendance des républiques de l’Afrique française ; participation de membres ultras de la communauté juive à la « semaine des barricades » pour la défense de l’Algérie française (24-31 janvier) ; incidents à Oran, cimetière juif profané, échauffourées, affrontements entre membres des communautés musulmane et juive (11 novembre) ; saccage de la grande synagogue d’Alger (12 décembre).
1961 : putsch des généraux (avril) ; assassinat du Cheikh Raymond à Constantine (juin) ; nuit bleue à Oran, attentats, victimes (18 août) ; un père de famille juif assassiné devant une synagogue d’Oran, émeutes et affrontements entre communautés juive et musulmane (septembre) ; manifestation d’Algériens à Paris réprimée (17 octobre) ; les juifs des Territoires du Sud sont déclarés citoyens français.
1962 : Les juifs sont assimilés aux Français dans les accords d’Evian (18 mars) ; cessez-le-feu (19 mars) ; départs en masse des Européens, dont 110 000 juifs (avril-juin) ; indépendance de l’Algérie (juillet) ; massacre d’Oran ; l’exil des Pieds Noirs et des juifs s’accélère (5 juillet) ; 25 000 juifs restent en Algérie dont 6 000 à Alger (octobre).
1992-1994 : Départ des derniers juifs à la suite de la guerre civile algérienne.
1999 : Discours d’Abdelaziz Bouteflika rendant hommage aux juifs de Constantine (5 juillet).
2000 : Annulation de la tournée d’Enrico Macias en Algérie.
2005 : Rencontre de 2 000 juifs du Constantinois à Jérusalem (mars). »
Juifs d’Algérie. Musée d’art et
d’histoire du Judaïsme et Skira-Flammarion, 2012. 272 pages, 35,50 €.
ISBN : 9782081282483
Hôtel
de Saint-Aignan
71, rue
du Temple. 75003 Paris
Tél. :
01 53 01 86 53
Lundi, mardi, jeudi, vendredi de
11 h à 18 h, le dimanche de 10 h à
18 h, le mercredi de 11 h à 21 h.
Visuels :
Sarah Benzacar, épouse de Moïse Adida
Alger vers 1900
© Archives familiales
Souvenir du rabb
Tlemcen/ Algérie/ Afrique du Nord, XXe siècle
Don de Julie Garcia Beloulou en mémoire de ses parents Moïse et Marie Beloulou
© MAHJ
Maurice El Médioni (le premier au 2e rang) avec l’orchestre Bendaoud à l’Opéra d’Oran
1960
Archives familiales
© MAHJ
Antoine-Samuel ADAM-SALOMON, Isaac Adolphe Crémieux
Paris, vers 1860
Photographie
Don d'Aline Emsalem et Marcel Bénichou
Paris, musée d’art et d’histoire du Judaïsme, 99.48.001
Photo Michel Urtado © Rmn
Elie Bensimon et sa famille
Constantine, vers 1881
Archives familiales
Photo Christophe Fouin © MAHJ
Simon Rappoport, aumônier israélite, avec des zouaves originaires d’Algérie
Verdun, 1916
Photographie
Collection particulière
© DR
La synagogue d’Alger dite « synagogue du marché Randon »
Alger, 1909
Carte postale illustrée
MAHJ Archives CP/674
© MAHJ
Sarah Benzacar, épouse de Moïse Adida
Alger vers 1900
© Archives familiales
Souvenir du rabb
Tlemcen/ Algérie/ Afrique du Nord, XXe siècle
Don de Julie Garcia Beloulou en mémoire de ses parents Moïse et Marie Beloulou
© MAHJ
Maurice El Médioni (le premier au 2e rang) avec l’orchestre Bendaoud à l’Opéra d’Oran
1960
Archives familiales
© MAHJ
Antoine-Samuel ADAM-SALOMON, Isaac Adolphe Crémieux
Paris, vers 1860
Photographie
Don d'Aline Emsalem et Marcel Bénichou
Paris, musée d’art et d’histoire du Judaïsme, 99.48.001
Photo Michel Urtado © Rmn
Elie Bensimon et sa famille
Constantine, vers 1881
Archives familiales
Photo Christophe Fouin © MAHJ
Simon Rappoport, aumônier israélite, avec des zouaves originaires d’Algérie
Verdun, 1916
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Collection particulière
© DR
La synagogue d’Alger dite « synagogue du marché Randon »
Alger, 1909
Carte postale illustrée
MAHJ Archives CP/674
© MAHJ
Articles
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Les citations sont extraites du dossier de presse. Cet article a été publié le 26 janvier 2013, puis les 12 juin 2015, 18 janvier et 5 juillet 2016, 28 février 2017.
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