Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

lundi 16 mai 2016

« Serait-ce un rêve ? Le cinéma en chansons de W. R. Heymann » de Helma Sanders-Brahms


Arte diffusa le 9 mai 2012 « Serait-ce un rêve ? Le cinéma en chansons de W. R. Heymann » (So wie ein Wunder, Das singende Kino des Herrn Heymann) de Helma Sanders-Brahms (2012). L’histoire de Werner Heymann, compositeur, chef d'orchestre et musicien allemand Juif (1896-1961), auteur prolifique de chansons populaires et de musiques de films, en Europe et aux Etats-Unis, des années 1930 aux années 1950. Arte diffuse Le Chemin du Paradis, de Wilhelm Thiele et Max de Vaucorbeil.


Vous vous souvenez de la chanson optimiste  Avoir un bon copain ? Un succès des années 1930 en Allemagne et en France.  Elle débute ainsi :
Voilà c'qui y a d'meilleur au monde
Oui, car, un bon copain
C'est plus fidèle qu'une blonde
Unis main dans la main
A chaque seconde
On rit de ses chagrins
Quand on possède un bon copain »

L’auteur de sa musique : W. R. Heymann.

"L'opérette, un genre Juif"
Werner Richard Heymann nait en 1896 à Königsberg, alors en Prusse. Une ville dénommée actuellement Kaliningrad et située en Russie.

Cet enfant compose dès l’âge de cinq ans, et apprend le violon à six ans. Il est élevé par une gouvernante française, et devient francophone.

Il arrive à Berlin en 1912.

Ce jeune marié compose des œuvres de musique classique. Sa Symphonie rhapsodique est créée par Felix Weingartner et l'Orchestre philharmonique de Vienne en 1918.

Il débute alors sa carrière de compositeur de musique pour des chansons de cabarets. Des cabarets -  Schall und RauchSchall und Rauch, Die Rampe - dont il assure parfois la direction artistique. Il collabore avec Max Reinhardt, Mischa Spoliansky, Rosa Valetti et Friedrich Hollaender.

En 1923, grâce au producteur Erich Pommer, Werner Richard Heymann travaille comme directeur musical pour les studios berlinois de cinéma de la UFA à Babelsberg. Il y crée les arrangements pour des films muets – Faust de Murnau, Spione de Fritz Lang -, puis compose sa première musique de film en 1926.

Il créée la musique du premier film parlant de l’UFA, Melodie des Herzens.

L'UFA crée le genre des opérettes filmées. Le tandem Pommer/Heymann brille dans ces films populaires. Dans les années 1930, les compositions de Werner Richard Heymann remportent un vif succès dans des comédies musicales franco-allemandes sophistiquées, désormais oubliées. Ses chansons "s'intègrent dans la tradition des lieder de Schubert ou Schumann".

Après l’avènement du parlant, par souci de rentabilité, les films sont tournés dans les studios parisiens ou allemands en plusieurs langues. Ces coproductions - Princesse, à vos ordres ! (Ihre Hoheit befiehlt) de Hanns Schwarz et Max de Vaucorbeil - recourent à la même intrigue, au même montage, aux mêmes stars européennes, telles Lilian Harvey ou Annabella dans des rôles de jeunes premières. Seules changent les équipes techniques et artistiques (seconds rôles) comptant un grand nombre d'artistes ou de techniciens Juifs. Ce qui évite le doublage, et exige des acteurs sachant chanter et jouer la comédie. Heymann participe aussi à l'adaptation en français de ses chansons.

Ainsi Lilian Harvey est la star de comédies franco-allemandes de la UFA rythmées par des chansons dont la musique est signée Werner Richard Heymann et les paroles Robert Gilbert : Le chemin du paradis (version allemande de Wilhelm Thiele avec Heinz Rühmann, française de Max de Vaucorbeil avec Henri Garat, 1930), Le congrès s’amuse (respectivement de Erik Charell avec Willy Fritsch et de Jean Boyer avec Henri Garat, 1931) et, sur un scénario de Billy Wilder, Un rêve blond (de Paul Martin avec Willy Fritsch et d'André Daven avec Henri Garat et Pierre Brasseur, 1932).

Le Chemin du Paradis
Première comédie musicale allemande, Le chemin du paradis fut tourné en 1930 en deux versions différentes, l'une allemande (Die Drei von der Tankstelle) et l'autre française, en bénéficiant de la même équipe technique, mais avec deux distributions différentes pour attirer des publics nationaux différents et un changement du nom de la station service. Il "est resté célèbre pour sa chanson "Avoir un bon copain". Sa version française a été assurée par Max de Vaucorbeil avec Henri Garat, et sa version allemande par Wilhelm Thiele avec Heinz Rühmann. Quand "le film sortit en 1930, les spectateurs connaissaient bien les situations qu'il dépeignait : crise économique, chômage, faillites, etc." 

"Willy, Jean et Guy forment un trio inséparable. À leur retour d'un fantastique voyage en automobile, ils apprennent que l'huissier a mis leur appartement sous scellés, que leur banque a fait faillite et qu'ils n'ont plus un sou. Ils prennent les événements avec philosophie, vendent leur voiture chérie et s'achètent un poste à essence. Ces trois amis font fi de leurs ennuis financiers pour profiter de la vie, entre leur station-service et la belle Lilian, l'une de leurs clientes. Tout en se relayant à la pompe, ils déploient des trésors d'ingénuité pour travailler le moins possible. Et des trésors de galanterie lorsque la belle Lilian, une cliente, vient faire le plein".

Le chemin du paradis était novateur en ce qu'il tournait les malheurs en dérision, préférant faire l'éloge de la paresse. Un redoutable défaut du film qui n'échappera pas aux censeurs nazis, qui l'interdirent en 1937. L'autre raison de cette sanction est qu'on trouve au générique de cette oeuvre un peu trop de noms juifs : le réalisateur Wilhelm Thiele (qui tournera à Hollywood Tarzan et les nazis), le compositeur Heymann et le producteur Erich Pommer. Tous émigrèrent aux États-Unis. Le film fait également date de par ses prouesse techniques, entre montage novateur, séquence d'animation et une nouvelle esthétique de la vitesse dans le cinéma parlé, encore très statique à l'époque. Certains critiques de cinéma verront d'ailleurs dans cette réalisation l'ancêtre de la comédie musicale américaine, notamment grâce au tout premier enregistrement, resté célèbre, de la chanson "Avoir un bon copain".

Arrivée au pouvoir du nazisme
Des années durant, dans un contexte de crises économique et politique, les chansons signées par Werner Richard Heymann sont fredonnées dans les deux pays : Les Gars de la Marine - créée par Jean Murat, extraite du film Le Capitaine Craddock (1931) - et Serait-ce un rêve, un joli rêve ?, créée par Lilian Harvey, extraite du Congrès s'amuse (1931).

Cette coopération artistique prolifique franco-allemande s’interrompt en 1933, avec l’arrivée au pouvoir d’Hitler. Il n'est autorisé à prendre avec lui que "deux valises et 600 deutsche marks. Son chien sera abattu car appartenant à un Juif", précise Elisabeth (Kiki) Trautwein-Heymann.

De nombreux artistes et professionnels du monde du cinéma Juifs ou d’origine juive sont contraints à l’émigration, vers la France ou directement vers les Etats-Unis.

Pendant plusieurs années, Werner Richard Heymann travaille à Paris, notamment avec Maurice Chevalier et Charles Boyer. Il compose la musique de deux opérettes, Florestan Ier, Prince de Monaco - livret de Sacha Guitry, lyrics d'Albert Willemetz -, créée au théâtre des Variétés en 1933 (Amusez-vous ! est interprétée par Henri Garat et reprise par Albert Préjean), et Trente et Quarante - livret et lyrics de Ladislas Fodor et Jean de Létraz -, créée aux Bouffes-Parisiens en 1935. Et il collabore à son unique film français, Le Grand Refrain (1936) dirigé par Robert Siodmak.

Werner Richard Heymann tente sa chance aux Etats-Unis, mais revient en France.

Puis, il s’installe en 1936 pour Hollywood où il compose la musique et les chansons d’une cinquantaine de films, dont ceux d’Ernst Lubitsch : Illusions perdues, Ninotschka (1939), The Shop around the Corner (1940), To Be or not to Be (1942) et avec Hollaender Bluebeards-Eighth Wife – son ami Billy Wilder a travaillé sur le scénario de ce film. A quatre reprises, il sera concourt aux Oscar.

Entre 1937 et 1950, Werner Richard Heymann compose la musique de près de 50 films réalisés par Charles Vidor, Preston Sturges, Lewis Milestone, Richard Wallace...

En 1951, Werner Richard Heymann retourne en Allemagne. Il épouse l’actrice Elisabeth Millberg. Son quatrième mariage. En 1952, nait leur fille Elisabeth-Charlotte Heymann. La famille Heymann vit à Salzburg et Munich, où Heymann retrouve ses vieux amis, Trude Hesterberg, Robert Gilbert et Friedrich Hollaender. En 1957, il récupère sa nationalité allemande.

Werner Richard Heymann  compose la musique de chansons et de films – Heidelberger Romanze avec Liselotte Pulver et O.W. Fischer et Die Drei von der Tankstelle -, ainsi que pour le théâtre (Professor Unrat).

Ce compositeur, qui revendiquait la volonté d'écrire des chansons populaires, décède à Munich en 1961.

La réalisatrice Helma Sanders-Brahms signe ici un film, un peu décousu, mêlant des éléments liés à sa vie familiale, divertissant et documenté, avec des séquences de films et d’archives et le témoignage de Kiki, la fille du compositeur.

  
de Helma Sanders-Brahms
France/Allemagne, 2012, 52 minutes
Diffusion le 9 mai 2012 à 22 h 40


Visuels : ZDF / © Werner-Richard-Heymann-Archiv/Akademie der Künste, Berlin/Helma Sanders et UFA

Le Chemin du Paradis, de Wilhelm Thiele et Max de Vaucorbeil
Alliance Cinématopraphique Européenne, UFA, Eric Pommer, 1930, 95 min
Image : Franz Planer
Musique : Werner R. Heymann, Jean Boyer
Scénario : Franz Schulz, Paul Frank
Avec Lian Harvey (Liliane Bourcart), Henry Garat (Willy), René Lefèbvre (Jean), Jacques Maury (M. Bourcart), Olga Tchekowa (Edith de Tourkoff), Hubert Daix (Maître Dupont-Belleville) et Jean Boyer (L'huissier)
Sur Arte les  16 mai à 13 h 35 et  30 mai 2016 à 13 h 35

Articles sur ce blog concernant :
Articles in English
Cet article a été pub lié le 7 mai 2012.

1 commentaire:

  1. Bonjour,

    Il me semble que cette œuvre n'a jamais été publiée en disque.

    Der Kongress tanzt (Le congrès danse)
    Opérette de Werner Richard Heymann

    https://www.volksoper.at/produktion/der-kongress-tanzt-2016.de.html

    Le CD est tiré du spectacle éponyme
    du 17 Mars 2017.

    Malheureusement, le CD est limité à des extraits d'env. 1h (Il faut espérer la publication du spectacle complet en DVD
    Werner Richard Heymann (1896-1961)

    Der Kongress tanztHome
    Base Records 9120006610797
    Orchester der Wiener Volksoper
    Christian Kolonovits, dir.
    Sortie le 7.4.2017

    https://www.amazon.co.uk/dp/B01NBTOLVS/

    Cordialement

    RépondreSupprimer