C’est un homme particulièrement placide, posé, à l’humour à
froid et très modeste. A l’en croire, le parcours de pilote d’essai sur
hélicoptère de Jean Boulet - 9 000 heures de vol, dont 8 000 sur hélicoptère, et 17 records de
distance, d’altitude et de vitesse sur cet aéronef en dix-neuf ans - n’a rien
d’exceptionnel. Mais la simple vision des décorations, cadeau de l’Aérospatiale
(1983) et photographies dédicacées de diverses personnalités qui garnissent le
bureau de son appartement provençal infirment les propos de Jean Boulet. Le 1er février 2018, RMC Découverte diffusera en soirée Le Tigre, hélicoptère de combat, Caracal, hélicoptère d'élite, La légende des hélicoptères français.
Avec lui, c’est tout un pan important de l’histoire de
l’hélicoptère qui se déroule. En effet, à la fin des années 1940, Jean Boulet
débute une carrière stable chez un seul constructeur, au travers de ses
dénominations variées, consécutives à des fusions : la Société Nationale
de Constructions Aéronautiques du Sud-Est (SNCASE), devenue Sud Aviation en
1957, puis Aérospatiale en 1969. Parallèlement, naît véritablement l’industrie
française, avec près de douze ans de retard par rapport aux Etats-Unis. Et
cette vie professionnelle a été couronnée par de multiples décorations. Ainsi,
cet officier de la Légion d’Honneur a reçu entre autres la Grande Médaille de
l’Aéro-Club de France, le « Pilot of the Year » award de l’Helicopter
Association of America (1976) et le Trophée Louis Bréguet de la Royal
Aeronautical Society britannique (1984). Des décorations qui honorent un pilote
émérite sans vocation précoce...
Une passion tardive révélée par hasard
Né en 1920 en région parisienne, Jean Boulet grandit à Lyon
où sa famille s’installe alors qu’il a deux ans. C’est à dix ans qu’il observe
de près un avion quand son père, ingénieur électricien, l’emmène voir l’un de
ses cousins, capitaine aviateur. Mais de cet épisode ne débute aucune vocation.
C’est dans le contexte dramatique de l’été 1940, suivant les transferts de
centres d’examens, qu’il réussit les épreuves d’admission à l’école
Polytechnique. Sans idée précise de son futur métier, il songe alors à
s’orienter vers « les chemins de fer, les statistiques ou les eaux et
forêts ».
Et c’est à l’X, devenue une école civile exilée à Lyon,
qu’il écoute un jour le colonel Fleurquin, dans un « amphi-retape »,
proposer dix places à l’armée de l’Air.
La présentation doit être
enthousiasmante car il s’y engage avec trois autres condisciples. Seuls deux
poursuivront la carrière : André Turcat, autre pilote d’essai fameux, et
lui.
Sous-lieutenant de l’armée de l’Air, Jean Boulet débute en école
d’application à Salon, début octobre 1942. De cette période, il garde « le
souvenir d’un fou rire collectif et inextinguible » car ces novices sont
entraînés par un capitaine plein d’humour, un peu à l’écart, « pour éviter
les quolibets des Poussins ». Fin octobre 1942, c’est sur un Bloch 210,
surnommé le « cercueil volant » qu’il reçoit son baptême de l’air.
« Un peu impressionné », ce simple passager « trouve superbe de
s’élever dans les airs ».
Après l’invasion de la zone Sud, il espère pendant 48
heures le départ des élèves de l’Ecole de l’Air de Salon, avec les avions, pour
l’Afrique du Nord. Mais la « direction obéit aux ordres et interdit tout
départ. Ce qui était assez frustrant pour nous ». Après la dissolution de
l’armée d’armistice, l’armée de l’air ordonne : « Ne bougez pas. On
fera appel à vous quand ce sera nécessaire ». C’est en janvier 1943 que
Jean Boulet entre à l’Ecole Nationale Supérieure de l’Aéronautique de Toulouse
où il reste six mois, puis suit sa deuxième année à Paris. Il trouve
« ennuyeux ou archaïques la plupart des cours - textiles et cordages,
cuirs et peaux ou météorologie sous la forme de théorie mathématique ». Excédé
par les atermoiements de l’armée, il entre dans un mouvement de résistance
savoyard où ses deux frères combattent. La même année, il se marie et obtient
son diplôme de l’école... avec vingt minutes en vol comme passager.
Une formation américaine de chasseur
En février 1945, c’est après sélection sur tests médicaux
que l’armée de l’Air envoie, via Casablanca, en convois de Liberty Ships sous
la menace de sous-marins ennemis, 150 pilotes de l’Ecole de l’Air - dont Jean
Boulet - se perfectionner aux Etats-Unis.
Un mois plus tard, ce jeune Français,
habitué aux privations, découvre émerveillé un pays de cocagne, à
l’architecture urbaine moderne - « les gratte ciels new yorkais se dégagent
du brouillard matinal » -, une contrée immense aux petites villes très
accueillantes et un peu pudibondes, et à l’extraordinaire organisation de
l’entraînement : « Dès le matin, sur chaque aérodrome, une centaine
d’avions aux moteurs chauds sont alignés, préparés par les mécaniciens... »
Un « entraînement intensif passionnant » commence
à Craig Field (Alabama) en Pre-Flight par des cours théoriques au sol de
météorologie, de mécanique de vol et d’américain.
Puis, en mai, c’est à
Orangeburg (Caroline du Sud) que Jean Boulet, en plus des cours théoriques,
s’initie au pilotage : atterrissage et navigation.
Jean Boulet vole avec
enthousiasme sur PT-13, un biplace à cockpit torpedo, en double commande. En
août, il va à Gunterfield (Alabama) pour un Basic Training sur AT-6 (Advanced
Training), « un biplace excellent, maniable, utilisé ensuite pendant la
Guerre d’Algérie sous le nom de T6 ».
Et il pratique le vol aux
instruments, en formation et en vol de nuit, ainsi que la voltige,
« nécessaire en combat aérien pour éviter d’être pris par derrière par le
chasseur ennemi et pour pouvoir attaquer rapidement dans n’importe quelle
position ». En cas de panne - une pure hypothèse d’école pour cet avion au
moteur increvable de 600 ch - on conseille au pilote de s’éjecter en parachute.
Avec la fin de la guerre, les besoins militaires diminuent et beaucoup d’écoles
de pilotage, notamment en Alabama, ferment. Jean Boulet se spécialise dans la
chasse et continue en septembre à Moultrie (Géorgie) sur des AT6. « La
guerre aérienne, ça m’attirait », commente-t-il avec un art consommé de la
litote. Parmi les qualités du chasseur, similaires à celles d’un pilote
d’essai, il cite « le sang-froid, de bons réflexes et l’adresse de
pilotage ».
C’est vers la mi-novembre qu’il revient à Craig Field, pour y
recevoir son brevet de pilote de chasse avec lâcher sur avion de guerre en
décembre, et y achever son entraînement par deux vols sur P47 Thunderbolt,
« un avion solide et puissant de 2 000 ch qui a beaucoup servi pour les
attaques au sol lors du Débarquement et a de bonnes performances en altitude en
raison de son turbocompresseur. C’est impressionnant d’être lâché tout de
suite seul, dans ce monoplace de sept tonnes ».
Au cours de ce séjour
américain, la moitié des pilotes est éliminée, en fonction de leur aptitude au
pilotage - parfois pour des erreurs involontaires - et les pilotes, que les
moniteurs n’ont pas voulu lâcher seuls, sont envoyés comme navigateurs, radios
ou mécaniciens.
A la suite de la rupture des accords franco-américains en
janvier 1946, les pilotes français sont rapatriés par bateau dès février. C’est
en permission que ce jeune chasseur aux 210 heures de vol fait la connaissance
de son fils aîné âgé de dix mois.
Mais, en mars, il est vite appelé pour
joindre l’école de chasse de Meknès (Maroc) dirigée par le colonel Ezanno. Ce « grand chasseur de la Seconde Guerre mondiale » annonce qu’il ne peut
accueillir tous les pilotes qu’en octobre et les envoie à Rabat. Ne se plaisant
pas dans cette atmosphère, fatigué à l’avance par la promesse d’une
« attente interminable », Jean Boulet prospecte pour trouver un autre
emploi et quitte l’armée en décembre 1946, dans une période de dégagement des
cadres, donc sans avoir à rembourser l’Etat.
De sa formation de chasseur, il
garde « une méfiance à l’égard des problèmes d’oxygène expérimentés dans
un caisson de décompression». Volontaire pour débrancher le tuyau d’oxygène, il
peine à exécuter des ordres simples de coordination et de précision - délacer
ses chaussures -, sans réelle conscience d’avoir finalement réussi grâce à une
main extérieure qui le réoxygène. Nul doute que le souvenir de cet épisode lui
sera précieux quand, au début des années 1950, lors d’un vol de réceptions sur
Vampire,« n’ayant pas bien suivi la check list » par étourderie, il
se sent mal à l’aise vers 6 000 m .
Méfiant de nature, il rebranche à temps le tuyau d’oxygène.
Le brevet anglosaxon de pilote d’essai sur
hélicoptère
Directeur des essais en vol de la SNCASE et ancien pilote
d’essai dans les années 1930 au Centre d’Essais du Matériel Aérien (CEMA) -
ancêtre du Centre d’essais en vol (CEV) -, Jacques Lecarme recrute Jean Boulet
comme ingénieur-pilote chargé des hélicoptères, un domaine que la firme compte
bien développer. Quelques semaines après son retour du Maroc, c’est le 1er
février 1947 que ce jeune pilote entre dans cette firme où il poursuivra sa
carrière.
En septembre, la SNCASE l’envoie aux Etats-Unis en
Constellation piloté par Jean Dabry, un compagnon de Saint-Exupéry, pour suivre
un entraînement de deux mois de pilote sur hélicoptère avec Claude Dellys,
« une grande figure, un très fin pilote qui se tuera sur un avion à
réaction en 1950 ». L’attaché de l’Air à Washington les envoie à
l’Helicopter Air Transport (HAT), une firme qui a déjà formé Jacques Guignard
de la SNCASO (Sud-Ouest). C’est le ministère qui finance cette formation de
pilotes disposant chacun de 3 000 $, dont 2 300 $ de formation payés d’avance.
A Camden (New Jersey), Jean Boulet « voit un hélicoptère voler pour la
première fois », car il en avait vu un autre en construction en France.
Là, il effectue son premier vol et a son premier accident. Peu expérimenté,
l’instructeur veut faire une démonstration de maniabilité du Sikorsky S-51 à un
passager admiratif et... « il perd le contrôle. L’appareil heurte
violemment le sol. Les pales volent en éclat, la queue se casse. Le pilote sort
comme un diable de sa boîte, sans penser à couper le moteur ». Alors que
Jean Boulet se défait tranquillement, il doit essuyer la colère des pompiers
stupéfaits de le voir encore dans l’appareil. Mais, après des difficultés
financières, la HAT fait faillite, engloutissant l’avance française. C’est avec
les 700 $ restant que Jean Boulet fait, chez Bell à Niagara Falls, une douzaine
d’heures de vol sur Bell 47, « très maniable ». Puis il retourne en
France en novembre, mais sans la licence, faute d’une trentaine d’heures de
vol. C’est en février 1948 qu’il finit son apprentissage à l’école
d’hélicoptère de Prestwick (Ecosse) sur Bell 47 et obtient la licence de pilote
d’hélicoptère n°8 - Claude Dellys a le n° 7.
Pour lui, « c’est excitant, nouveau » de voler
sur hélicoptère. Il y éprouve des « sensations différentes. La vitesse
n’est pas primordiale ». Il « se sent comme un oiseau, pouvant se
poser n’importe où ».
Et il poursuit, didactique : « Il y a
trois commandes dans l’hélicoptère : dans la main droite, le manche à
balai commande l’inclinaison du rotor dans toutes les directions, dans la main
gauche, un levier augmente l’incidence des pales, donc la puissance de
l’appareil, et le palonnier commande l’orientation en lacet ».
A l’époque,
l’hélicoptère est moins stable que l’avion. « Tenir un hélicoptère en vol
stationnaire, c’est un peu comme tenir un balai du bout du doigt. Avec un peu
d’entraînement, on arrive à le garder en position verticale, en corrigeant
rapidement la tendance à basculer, sans grands coups qui augmentent le
mouvement. Il faut apprendre à le détecter très vite, voire l’anticiper, pour
le corriger très vite, par des gestes légers. Quand vous voyez un pilote sur un
appareil instable, vous avez l’impression que son manche ne bouge pas. Or, il
bouge tout le temps, par de très petits mouvements. Il faut regarder l’horizon,
et dès la plus légère inclinaison, corriger, agir, non sur les variations de
vitesse de déplacement, mais sur les variations d’assiette ».
Les débuts difficiles de la série des SE 3
000 de la SNCASE
Equipé d’un seul rotor principal et de « deux petits
rotors de queue aux extrémités d’un empennage en V », le premier prototype
du SE-3101 fait l’objet de longs mois d’essais au sol. Avec un moteur Mathis de
90 ch, il n’arrive pas à décoller faute de puissance suffisante. C’est en juin
1948, avec une trentaine d’heures de vol, que Jean Boulet remplace un pilote
d’essai sur ce monoplace... car il pèse moins lourd - une différence de quinze
kg. Et pour être le plus léger possible, il porte « une combinaison en
toile et des espadrilles empruntées au contrôleur ». Il est content
d’avoir réussi à faire décoller - en vol stationnaire de 30 cm du sol - ce prototype
et à le maîtriser. De cet appareil date la spécificité des rotors français
qui « tournent vu du pilote de gauche à droite - en sens inverse des
rotors américains - car, compte tenu du sens de rotation de ce moteur Mathis,
le renvoi de transmission était un peu plus simple avec ce rotor-là ».
C’est en octobre 1948 qu’a lieu le premier vol du SE-3000, un biplace à deux
rotors latéraux, « un Focke-Achgelis 223 modifié ».
« Ces appareils ont eu beaucoup d’ennuis mécaniques et
ont volé rarement, ce qui sans doute m’a protégé car à l’époque, on connaissait
peu et mal les problèmes de résistance des matériaux à la fatigue - les efforts
successifs finissent par casser la pièce plus vite qu’un effort statique. On ne
savait pas mesurer les contraintes dans les pièces tournantes, on utilisait des
calculs mathématiques statiques en ignorant l’effort dynamique. Maintenant, on
fait subir des essais au vol - mouvements alternatifs - aux pièces vitales et
on sait mesurer leur résistance ». C’est à partir du milieu des années
1950 qu’on mesure les contraintes en vol avec des enregistreurs installés à
bord : on procède progressivement, par vitesses successives. La décennie
suivante voit l’avènement de la télémesure : une équipe d’ingénieurs au
sol observe sur des écrans les contraintes sans avoir à s’arrêter entre deux
étapes et des essais multiplient le nombre d’alternances sur les pièces vitales
dans des laboratoires. « Dans les années 1970, les ordinateurs et les
simulateurs de vol sont employés, réduisant le degré d’incertitude.
Heureusement, il n’y a pas eu d’accident mortel d’hélicoptère en essais en
France ».
C’est à l’initiative de Jacques Lecarme que le SE-3000,
commandé en série, est abandonné en raison de ses dangers : ignorance de
ses résistances, etc... En septembre 1950, le dernier modèle de cette série
d’hélicoptères, le 3110 - « un biplace joliment profilé avec deux petits
rotors arrière en V inversé », sur le modèle du 3101 - est cassé lors d’un
essai en vol par Jacques Lecarme. A la fin de 1950, « découragée, la
société abandonne pratiquement l’hélicoptère, après deux années d’essais avec
ces appareils préhistoriques ». Réduit à une dizaine de personnes - dont
les ingénieurs René Mouille et Charles Marchetti -, délaissant les modèles avec
les deux rotors latéraux ou à la queue, le bureau d’études de l’hélicoptère
s’oriente alors vers « le système américain - un seul rotor de queue à
l’arrière - et travaille sur le 3120, la future Alouette I. A la fermeture de
la base d’essais de Villacoublay, Jean Boulet est envoyé à Marignane pour
faire, jusqu’en début 1953, des « réceptions d’avions, soit quatre ou cinq
heures de vol avant la livraison ». En effet, le CEV intervient une
première fois quand « le constructeur estime que la mise au point du prototype
est terminée, donc après définition de son mode d’utilisation, mesure des
performances, vérification de ses qualités de vol - stabilité - et contrôle de
sa conformité au cahier des charges de l’Etat. Il intervient une seconde fois
par un vol de vérification sur chaque appareil de série ». En réception,
Jean Boulet procède à des « vérifications de fonctionnement - comportement
dans tous les extrêmes : altitude, vitesse, facteur de charge -
d’appareils de série n’ayant pas encore volé, mais conformes à un modèle qui a
déjà volé. Ce qui réduit les
aléas ».
The right man at the right time at the right place
C’est en novembre 1952 que le président, Georges Héreil
achète la licence du Sikorsky S-55 pour mieux pénétrer le marché des hélicoptères grâce à la technologie
américaine. Le SE-3120 est alors en essais et Henri Stakenburg en a fait le
premier essai en août 1951. Début 1952, Jean Boulet succède à ce pilote d’essai
qui se spécialise dans les avions. Nommé en 1953 chef des essais en vol sur
hélicoptères, il occupe cette fonction pendant vingt-deux ans, en étant
toujours le plus expérimenté, ce qui le fait désigner pour les premiers essais
des prototypes - car jugé le plus apte à « affronter l’inconnu - et pour
les records », ajoute-t-il modestement. Parallèlement, de 1948 à 1973, il
présente des hélicoptères aux Salons de l’aéronautique.
Les qualités d’un directeur des Essais ? « Savoir
organiser et commander ». Viennent progressivement étoffer son équipe des
ingénieurs - comme Jean-Marie Besse et Gérard Boutin, des mécaniciens - comme
Joseph Turchini et André Ganivet - et d’autres pilotes d’essai, comme Gérard
Henry, son second pilote. Ce directeur recrute souvent au CEV - un vivier de
pilotes déjà titulaires de la licence de pilote d’essai et expérimentés comme
Roland Coffignot et Denis Prost - ou recourt aux instructeurs car les essais en
vol comprennent non seulement les essais de prototypes, les réceptions des
appareils de série et les démonstrations, mais aussi l’instruction des pilotes
de l’acheteur sur un matériel différent : passage du piston à la turbine
ou adaptation sur Puma ou Super Frelon.
Jean Boulet a fait sienne la devise de Saint-Exupéry :
« Le courage pour un pilote, c’est de savoir s’arrêter à ses limites, de
façon à pouvoir toujours ramener au sol l’appareil qui lui a été confié »,
l’espoir de tous ceux qui travaillent dessus. Car un accident de prototype
pendant les essais préfigure souvent la fin du projet, en raison de « la
suspicion sur l’appareil et des retards » consécutifs.
Aussi, en avril
1949, pendant les essais d’atterrissage en autorotation du SE-3101 aux
commandes compliquées, quand ce « novice casse son premier prototype - qui
sera reconstruit en deux semaines pour une présentation au Salon de
l’Aéronautique » -, il est consterné.
Les qualités d’un pilote
d’essais ? « Savoir observer et hiérarchiser les importances »,
ses atouts avec sa maîtrise de lui et son intérêt pour la formation des pilotes
et la sécurité des vols. Pilote d’essai chez un constructeur, conscient que le risque
zéro n’existe pas, il développe un point de vue différent de ses homologues du
CEV qui prônent la résolution de tous les problème avant la mise en service.
« Les défauts rédhibitoires d’un appareil doivent être résolus avant sa
mise en service. Mais, si on veut que tous les problèmes soient résolus, on
retarde de beaucoup la mise en service et l’accumulation d’expérience sur ce
type d’appareils, et l’on est rattrapé par la concurrence qui fabrique un
appareil plus efficace et moins cher. Certains problèmes seront résolus plus
tard sans présenter de risques, le pilote s’en sortira. Cette rapidité de mise
en service est l’une des raisons du succès de l’Alouette II ».
Comme il
n’est « peut-être pas assez regardant sur les petits détails », il
avoue s’entourer de personnes qui le complètent, tel ce pilote
« pinailleur » du CEV. A l’égard des pilotes d’essais du CEV, il
affirme jouer la transparence. Ainsi, « surtout pour les gros appareils,
il organise des vols d’information au cours des essais pour les mettre au
courant des solutions à apporter aux problèmes posés et avoir leur avis ».
Pour cet homme conscient de l’impératif de trouver « un compromis entre la
sécurité et l’efficacité », exiger par souci de sécurité, en cas de panne,
deux turbines, c’est oublier que « des appareils monoturbines ont
sauvé » de nombreuses vies humaines.
Les licences de pilote d’essais sur avions
et hélicoptères du CEV
Pendant ses six premiers mois de directeur, Jean Boulet vit
alors une double vie paradoxale. D’une part, il continue ses essais sur
l’Alouette I. Et d’autre part, pour se conformer à la nouvelle réglementation,
il suit à Brétigny un stage à l’école de pilote d’essais du CEV dirigé alors
par Louis Bonte, « un visionnaire très estimé, organisé et aux grandes
qualités humaines ».
Sous la férule d’André Turcat, « une
personnalité très marquante, pleine d’humour et très éclectique », cette
école dispense une formation nécessaire à ce pilote expérimenté afin d’obtenir
le brevet de pilote d’essais sur avions.
Après avoir suivi les cours précis de
son ancien condisciple en mécanique de vol et de professeurs en aérodynamique
ou sur les moteurs, Jean Boulet obtient la licence n°148 en 1952, puis celle
d’ingénieur-navigant n°156 en 1957.
Enfin, c’est en 1962 qu’il reçoit par équivalence
la licence de pilotes d’essais d’hélicoptères n°12, après que les
« pilotes du CEV, bien moins anciens, se soient attribués sans vergogne
les premiers numéros ».
En novembre 1952, lors d’une démonstration à
Issy-les-Moulineaux, en présence des médias, un Sikorsky S-55, cabré trop bas
et trop fort, s’écrase au sol. Georges Héreil décide alors que les sept pilotes
d’essai « touche-à-tout » doivent se spécialiser dans un aéronef.
Jean Boulet est le seul à choisir les voilures tournantes. Comme il aime voler
sur les avions à réaction dont les essais sont plus nombreux, « renoncer
aux avions a été un peu difficile ». Mais, avec quelques dizaines d’heures
de vol sur hélicoptères - un atout rare à l’époque en France -, ce trentenaire
pense que sa voie passe par cet aéronef dont il pressent et espère un avenir
prometteur. « Cela a été le bon choix », constate-t-il satisfait.
Le premier Français à s’éjecter en détresse
d’un avion à réaction
Le 23 janvier 1953, lors d’un essai de réception du
Mistral, version sous licence du Vampire, c’est en « vérifiant le
comportement de l’avion au décrochage que Jean Boulet se met en vrille. Elle
s’arrête un court instant, avant de repartir en sens inverse, et à plat, une
situation particulièrement dangereuse car les gouvernes n’agissent plus et on a
beaucoup de mal à s’en sortir ». De 6 000 m , il descend à 1 000 m avant de s’éjecter
car il n’arrive pas à la contrôler, puis a bien du mal à provoquer l’ouverture
du parachute. Il est alors le premier pilote français à utiliser, en détresse,
son siège éjectable, conçu par la SNCASO, sur un chasseur à réaction.
Jusque-là, certains Anciens étaient plutôt réticents, peut-être par crainte
d’un « fonctionnement intempestif ». Deux jours auparavant, un
responsable de la SNCASO avait fait aux pilotes une démonstration des gestes à
effectuer en cas d’éjection inévitable. Et juste avant ce vol devenu
historique, après avoir hésité, Jean Boulet avait répondu au mécanicien que
« l’on fait de gros efforts pour équiper le Mistral en siège éjectable, ce
n’est pas pour le rendre inopérant ». Le mécanicien avait donc ôté
l’épingle du siège éjectable pour le rendre efficace. Jean Boulet s’éjecte
« quand il est sûr que de toutes façons, il n’y arrivera pas, que plus
rien n’est possible ». C’est en mai 1953 qu’il revient en région
parisienne pour poursuivre les essais de l’Alouette I, abandonnant
définitivement les essais avions.
En 1958, dans un essai de survitesse, c’est à bord d’un SE
3131 Gouverneur qu’il rencontre un problème grave : flutter en vol (fortes
vibrations, oscillations dangereuses des pales). N’arrivant pas à contenir le
manche, il songe à la faute commune, avec l’ingénieur-navigant, de n’avoir pas
emporté de parachute. Ils arrivent à maintenir le manche et à réduire la
vitesse. Ensuite, « les pilotes ont toujours emporté des parachutes, ne
serait-ce que par tranquillité d’esprit. Mais aucun pilote ne l’a
utilisé ». En 1962, Jean Boulet quitte Le Bourget pour Marignane.
Les essais, un travail d’équipe
Sur un gros appareil comme le Superfrelon ou le Puma, c’est
un véritable quintette que réunit le travail des essais constructeur :
« L’ingénieur qui exploite les enregistrements en collaboration étroite
avec les pilotes, le mécanicien et l’expérimentateur chargé de la marche des
instruments de mesure. Sur des hélicoptères plus petits, il y a généralement un
seul pilote d’essais qui vole avec un ingénieur-navigant ou un
mécanicien-navigant ». Au sol, les télémesures occupent une équipe et une
meilleure appréciation « des contraintes augmente beaucoup la
sécurité ». Quant aux missions du pilote d’essai, elles consistent à
« explorer les limites du domaine de vol - masse maximum, centrages
extrêmes, vitesse limite, régimes extrêmes du rotor, altitude maximale,
températures extrêmes d’utilisation - tout en mesurant les contraintes dans les
pièces vitales, à collaborer avec le bureau d’études afin de définir les
modifications nécessaires pour rendre les qualités de vol satisfaisantes, à
préciser les règles d’utilisation de la machine, à effectuer les vols
d’endurance, à promouvoir l’hélicoptère par des démonstrations et
éventuellement des records, et à assurer la formation des premiers utilisateurs
et des instructeurs ». Le pilote d’essai expérimenté participe avec le
bureau d’études à la construction d’un nouvel appareil en le conseillant
« sur l’agencement de la cabine, l’ergonomie des commandes ou les
instruments à y monter ». Pour Jean Boulet, ce dialogue est facilité par
sa formation d’ingénieur. « Pour les équipages d’essais, la période la
plus exaltante est celle des Alouette II et III pour une double raison :
après des années d’effort, ils rencontrent enfin le succès et ils sont à
l’époque relativement libres de règlements, de clauses techniques ».
De 1957 à 1981, un nouveau prototype sort tous les deux ou
trois ans de la division Hélicoptères de Sud-Aviation (Aérospatiale). Dans les
années 1950, ce sont les Alouette, puis dans les années 1960, les Super Frelon,
Puma et Gazelle, enfin dans les années 1970, les Lama, Dauphin, Ecureuil, Super
Puma et Twinstar. Soit plus de 7100 appareils qui sont vendus dans une centaine
de pays. Comment naît un hélicoptère ? Soit le constructeur prend
l’initiative - « Alouette III à sept places, une niche bien choisie car
sans concurrence » - et finance, ce qui s’avère difficile pour un appareil
complexe comme le Tigre qui requiert un autofinancement important. Soit l’armée
établit une fiche technique et contacte le seul constructeur français ou
procède à un appel d’offres. C’est le cas du Super Frelon ou du Puma, un
« hélicoptère de manoeuvre » souhaité par l’armée de Terre française
et intéressant ensuite le marché civil, un prototype dont Jean Boulet effectue
le premier vol en avril 1965 avec Coffignot, Ricaud et Boutin. C’est aussi le
cas du Lama qui répond à un appel d’offres de l’Inde qui cherche un appareil
pouvant « atterrir à 6
000 m avec une charge utile de 200 kg ». Et, comme
« l’autorisation de se poser sur le Mont Everest, une montagne sacrée,
aurait été difficile à obtenir, pour démontrer ses capacités, le constructeur
décide en 1972 de battre le record d’altitude, toujours détenu sur Alouette
II ».
Au total, en comptant les appareils dérivés, Jean Boulet a
essayé « vingt-et-un prototypes - du SE-3101 au Dauphin SA-365, en passant
par le Faon ou le Puma (SA-330) - dont dix ont été construits en série ».
Il a aussi « contribué à la mise en service dans les armées françaises des
hélicoptères américains Sikorsky S55, puis S58 ». Ses hélicoptères
préférés, ce sont incontestablement l’Alouette III dont il effectue le premier
vol en 1959 - en souvenir des « nombreux vols d’endurance et de ses
superbes performances en très haute montagne - et la Gazelle- à cause de son
fenestron à la place du rotor arrière, dangereux pour les personnes risquant de
s’en approcher ». S’il a rarement eu peur, il ne regrette l’abandon
d’aucun prototype car « tous l’ont été pour de bonnes raisons ».
De juin 1948 - premier vol du premier prototype du SE-3101
à juin 1972 - record d’altitude du Lama à 12442 m -, il a observé les
nombreuses mutations technologiques dont il a aidé la mise au point. Ainsi,
a-t-il vécu notamment « le passage à la configuration définitive des
rotors - un seul rotor principal, un rotor de queue -, la motorisation par
turbine et les innovations considérables dans les matériaux utilisés ».
Par exemple, les pales des premiers appareils - SE-3120 et SE-3000 - étaient constituées « comme les ailes des avions
légers d’avant-guerre : un longeron en acier sur lequel étaient fixées des
nervures donnant la forme du profil, le tout entoilé. Puis, à partir de
l’Alouette II, les pales sont métalliques, à durée de vie limitée : elles
doivent être déposées au bout de 1 500 h de vol. Enfin, avec la Gazelle et le
Puma, les pales sont fabriquées en matériaux composites - en particulier la
fibre de verre - dont le caractère « fail-safe » permet de
s’affranchir de la limite de vie ». C’est avec fierté que ce pilote, qui
« a tourné la page », a lu que la France est devenue à la fin de ce
siècle, le premier exportateur, par nécessité, faute d’un marché intérieur
large, puis le premier producteur, devant les constructeurs américains Sikorsky
et Bell.
Dix-sept records ou un recordman « récidiviste »
Un record, c’est bien sûr une réussite individuelle et
collective - celle des bureaux d’études, de fabrication, du contrôle et des
équipes au sol -, un succès qui rejaillit sur le pays et est largement
médiatisé : pour accroître son écho, le record coïncide souvent avec un
salon aéronautique.
C’est aussi le fruit d’une décision industrielle à visées
commerciale et promotionnelle : ainsi, le record d’altitude révèle
« les performances et la valeur d’un appareil qui seul peut aller à une
certaine altitude ».
Entre 1953 et 1972, ce ne sont pas moins de dix-sept
records internationaux - le dernier étant le record mondial d’altitude toutes
catégories qu’il conserve toujours - que Jean Boulet va collectionner, en
attribuant généralement le mérite aux seules qualités des appareils !
Homologuées par La Fédération Aéronautique Internationale selon diverses
catégories, ces prouesses - qui rappellent un peu la devise olympique : plus
loin, plus haut et plus vite - lui valent une célébrité mondiale.
C’est le 2 juillet 1953 sur SE-3120 - Alouette I au moteur
à piston - que Jean Boulet effectue son plus long vol : 12 heures. Il bat
alors le record du monde de distance en circuit fermé avec 1 252,572 km , seul à
bord, à la différence des majors Jensen et Dodds qui se sont relayés à bord de
leur Sikorsky R-5A sur 1000
km le 14 novembre 1946. L’hélicoptère allégé, il décolle
en surcharge avec un réservoir supplémentaire et ... un panier de provisions.
C’est au Salon de l’Aviation qu’il présente cet hélicoptère auréolé du
commentaire laudatif du speaker Jacques Noetinger. Si ce record n’est pas
vraiment à l’origine de l’essor de la SNCASE, il signifie la contestation de
l’hégémonie américaine.
En effet, construite en deux prototypes, l’Alouette I
n’apporte pas de nouveauté par rapport aux « appareils américains
triplaces - le Bell 47 ou le Hiller 360, à l’expérience opérationnelle de
plusieurs années » et au réseau commercial mondial (services après-vente)
et n’intéresse donc pas les acheteurs.
C’est « le premier appareil doté
d’un moteur à turbines », l’Alouette II, qui marque une « révolution considérable »
et initie en 1955 l’essor de la firme productrice dans un créneau sans réelle
concurrence - les appareils à cinq places - et lui permet d’obtenir d’autres
records, dont celui d’altitude. Cet appareil allie trois avantages
décisifs : « performance - vitesse et surtout possibilité d’emport de
charges en particulier en altitude -, simplification de l’entretien moteur et
sécurité - les moteurs à piston tombent en panne toutes les 3 000 heures de
vol, la turbine Artouste II de 450 ch, certes plus chère, toutes les 100 000
heures.
Avec l’Alouette II, les sauvetages en montagne passent de 2 500 m à plus de 4 000 m , mais son pilotage
est assez délicat en altitude. C’est en juillet 1956, par un vent très violent,
que Jean Boulet et son équipier Henri Petit effectuent sur cet hélicoptère le
premier sauvetage au monde à plus de 4 000 m
d’altitude, sauvant la vie d’un alpiniste malade. Le 3 janvier 1957, avec des
Alouette « près de leurs limites », les deux pilotes participent au
sauvetage lié au drame de deux jeunes alpinistes égarés sur le Grand Plateau,
Vincendon et Henry.
« Surnommée le Saint-Bernard volant, l’Alouette III
dispose d’une cabine avec sept sièges bien conçue avec un treuil pour y ramener
les blessés et d’un moteur surpuissant et très « derated ». Comme la
puissance d’un moteur diminue en altitude, son pilote n’utilise pas, tout près
du sol, toute la puissance de son moteur Artouste III - puis Astazou XIV - de
880 ch « thermiques ». Il dispose donc encore de 550 ch à 5 000 m . C’est
l’hélicoptère utilisé encore actuellement par la Protection civile et la
gendarmerie pour les sauvetages dans les Alpes ».
Les records en altitude s’enchaînent : 8 209 m sur Alouette II le
6 juin 1955, puis 10 984 m
sur une Alouette II, dotée des pales et de la turbine de l’Alouette III, le 13
juin 1958, et enfin 12 442
m - soit 3 100 pieds de plus que le record américain de
1971 non homologué car inférieur de 3% au précédent record - le 21 juin 1972,
sur un Lama.
Equipé d’un moteur Artouste III, cet hélicoptère est « allégé
au maximum, sans chauffage et sans horizon artificiel ». Mais le mauvais
temps arrive plus vite que prévu. A travers des nuages clairs, Jean Boulet voit
« un vague halo indiquant le soleil et essaie de le garder au-dessus de sa
tête ». Doté d’un équipement léger pour l’oxygène, il monte au plafond en
vingt minutes et descend en autorotation - sans moteur, le rotor est entraîné
par le flux d’air qui le traverse - en vingt-cinq minutes.
Avant ce dernier
record, en plus de la visite médicale semestrielle obligatoire pour les pilotes
de ligne ou d’essais, il fait l’objet d’une « surveillance médicale au sol
particulière exercée au CEV par le Dr Valérie André, pilote d’hélicoptère,
auteur de nombreux sauvetages en Indochine et première femme général de l’armée
de l’Air ». Il repasse en « caisson d’altitude car, pour monter
au-delà de 6 000 m ,
le besoin d’oxygène est nécessaire, et d’autres problèmes apparaissent - des
bulles d’air se formant dans le sang en cas de basse pression » - rendant
nécessaire une cabine pressurisée. Comme l’hélicoptère en est dépourvu, on
vérifie le comportement du pilote à 12 ou 13 000 m . Nul doute
qu’avec des normes de sécurité de plus en plus sévères, Jean Boulet gardera
vraisemblablement toujours ce record.
Le record de vitesse, il le partage avec son copilote,
Roland Coffignot, « doué pour rédiger de bons rapports consécutifs aux
essais », le 19 juillet 1963, sur un Super Frelon. C’est un trimoteur de
13 tonnes, dont « le brouillon, le Frelon, un appareil raté et abandonné en
1960 » fait son premier vol le 10 juin 1959. Les deux pilotes atteignent
341,23 km/h à moins de 100
m de hauteur sur une base de 3 km . Pour ce record, l’équipe
s’est adjointe l’aide bénévole et précieuse d’un aérodynamicien septuagénaire,
Marcel Riffard, qui « habille l’hélicoptère d’une coque aérodynamique
modifiant l’aspect du Super Frelon.
Les records de hauteur des avions se font
sur 3 km
à moins de 100 m
d’altitude pour bien vérifier le passage.
Avec les nouveaux instruments de
mesure plus sophistiqués et avec les avions à réaction, les avions vont plus
vite en altitude qu’au sol. On crée donc un nouveau type de record pour que le
pilote puisse choisir son altitude optimale : basse ou haute ».
Avec ce
Super Frelon, accompagnés du mécanicien Joseph Turchini, les deux pilotes
gagnent deux autres records : sur base de 15/25 km à 350 km/h à 1 000 m de hauteur et sur
circuit fermé de 100 km
à 334 km/h .
Après un premier vol en décembre 1962, la réussite de cet hélicoptère est
attestée par l’engouement de la Marine qui l’utilise en duo pour détecter les
sous-marins avec un sonar et les attaquer. Et en août 1973, c’est pour
satisfaire une mission technique chinoise madrée que Jean Boulet démontre dans
les Alpes que l’on peut arrêter les turbines, les laisser refroidir et les remettre
en route à 4 000 m .
Chargé de missions centrées sur la sécurité
En 1975, à sa retraite du personnel navigant, Jean Boulet
désigne à sa succession, Jean-Marie Besse, et occupe le poste de chargé de
missions auprès de la direction jusqu’en 1983, année où il quitte une société
dont la division hélicoptères compte 6 500 employés à Marignane et un millier à
la fabrication des pales à La Courneuve. A l’instigation du directeur
d’Aerospatiale Helicopter Corporation, il consacre un livre à l’histoire de cet
aéronef en interviewant des pionniers ou en dénichant des documents, au gré de
ses déplacements professionnels.
Représentant de sa société au sein de l’American Helicopter
Association (AHA), devenue l’Helicopter Association Internationale (HAI) - un
groupement de sociétés d’exploitation -, Jean Boulet en est membre du conseil
de sécurité de 1972 à 1980.
Ce recordman est aussi expert mandaté par le constructeur
lors des accidents d’hélicoptères « dus à 80 % à des fautes de pilotage
car le matériel est devenu très sûr : la probabilité de casse d’un
appareil par rupture de pièce vitale est alors de l’ordre d’un accident pour un
million d’heures de vol, or on compte 20 à 25 accidents pour 100 000
heures ». C’est un peu à une « enquête policière qu’il se livre en
ignorant tout au départ ou en ayant des informations fausses ». Il soumet
la mécanique et les témoignages humains à un doute scrupuleux et méthodique.
Sans boîte noire, c’est sa connaissance du matériel et de son utilisation qui
fonde ses jugements, « toujours suivis par l’expert de la compagnie
d’assurances et les représentants de l’Aviation civile ». Formel, il
assène calmement : « Un pilote est seul maître à bord et doit avoir
une certaine autorité », il peut toujours et doit refuser de voler,
notamment si les pressions exercées l’amènent à enfreindre les consignes de
sécurité. Nul « ne lui reprochera de ne pas avoir suivi les influences
qu’il subit ». Aussi, conscient de ses responsabilités, Jean Boulet
transporte des responsables politiques sans prendre de risques, même s’il
s’attire leur courroux en restant prudent.
Enfin, en plus de la réception de personnalités, ce
titulaire d’une licence de pilote privé prend conscience des frustrations des
ingénieurs qui attendent plusieurs années avant de faire un vol. Il complète
donc l’accueil des nouveaux cadres en leur proposant un vol en hélicoptère
facultatif, car il comprend les réticences ou appréhensions de certains. Mais « aucun
n’a refusé », ajoute-t-il dans un sourire. En 1977 et 1979, comme membre
du conseil des Sages - composé de pilotes à la retraite veillant à la
discipline des chargés de présentations du Salon du Bourget -, il sait moduler
les sanctions. A la même époque, il vice-préside pendant deux ans l’American
Helicopter Society, une association qui rassemble ingénieurs, constructeurs et
techniciens.
Un vétéran sollicité
A sa retraite, ce bon skieur s’adonne au planeur pendant
six ans et, sans regret, ne vole plus en hélicoptère depuis une dizaine
d’années. Membre de l’Académie Nationale de l’Air et de l’Espace fondée par
André Turcat, Jean Boulet participe à ses réunions et est invité en 1998 à
Washington pour les cinquante ans de l’HAI. Selon lui, « l’hélicoptère
classique ne dépassera guère 300
km/h en croisière et les appareils convertibles du type
V22 américain - vitesse de l’ordre de 500 km/h - relèvent d’un usage restreint,
uniquement militaire, car les problèmes qui limitent l’utilisation civile de
l’hélicoptère, à savoir le coût et le bruit, ne sont pas résolus par ce type
d’appareil ».
Il analyse avec finesse les divers impacts indéniables de la
politique sur l’industrie de cet aéronef : interdiction d’exporter des Super
Frelon vers Israël après un raid israélien sur Beyrouth à la fin des années
1960, acheteurs potentiels froissés - en juin 1998, la Turquie discute avec
Sikorsky après le vote d’une loi française reconnaissant le génocide des
Arméniens - et absence de commandes des gouvernements français ou allemand du
Tigre , ce qui obère ses chances à l’export.
Pour lui, l’avenir passe
vraisemblablement par un seul hélicoptériste européen, mais la coopération
entre les deux pôles - franco-allemand avec Eurocopter, alliance de
l’Aerospatiale et Dasa, et anglo-italien avec Westland-Agusta - s’avère
délicate tant elle bute sur des réticences réciproques et la désignation du
« dominant » en cas de fusion.
Mais pour l’heure, cet amateur de
bridge s’attelle à l’écriture de ses mémoires destinées à un public privilégié :
celui de ses petits-enfants dont l’un est ingénieur de la navigation aérienne.
Leur lecture inspirera peut-être la vocation au benjamin, encore enfant.
Habitant non loin d’Eurocopter, cet abonné à de nombreuses
revues aéronautiques est invité à des déjeuners mensuels, « dans
l’intimité, avec les navigants de l’Aérospatiale, une grande
maison ». S’il n’a plus grand chose à apprendre aux pilotes d’essai en
raison des mutations technologiques, il note amusé qu’ils « sont
intéressés par les vieilles histoires que leur content les anciens »...
Jean Boulet est mort le 13 février 2011, à l'âge de 90 ans.
Histoire de l’hélicoptère racontée par ses pionniers 1907-1956
Pour évoquer ce jubilé d’une aventure mondiale (Editions
France-Empire, 1982), Jean Boulet présente des documents rares, écrits ou
iconographiques, multiplie et confronte les souvenirs de constructeurs ou de
pilotes, ajoutant son contre-point averti, sceptique ou ironique.
Le moindre de
ses mérites est d’avoir composé un livre clair, assorti d’annexes précieuses
couvrant succinctement les années 1960 à 1980.
C’est avec intérêt que l’on
découvre les premiers engins et la vitale ténacité, malgré les obstacles ou les
déceptions, de précurseurs passionnés par cet aéronef antérieur à l’avion - un
jouet volant à Paris en 1784 - et dont l’appellation est forgée par Ponton
d’Amécourt en 1863.
Rien ne manque : des balbutiements de Paul Cornu à la
maturité avec le S-58, le Bell 47 ou l’Alouette II, en passant par la
stagnation des années 1920, les hérauts - Louis Bréguet - et souvent le contexte
- rivalité des Alliés après 1945 pour débaucher des ingénieurs allemands et
autrichiens.
Si, par souci de logique, l’auteur reproche à la nouvelle
couverture de jurer par son modernisme, le lecteur nourrit un regret persistant
: Jean Boulet n’écrira pas la suite de cette histoire... par manque d’une
connaissance personnelle des acteurs contemporains !
Quelques chiffres
La France a joué un rôle déterminant dans l'histoire de l'ascension verticale.
Les principaux fabricants sont : Eurocopter créée en 1992 de la fusion entre Aérospatial et l'allemand DASA, Agusta (Italie), Bell et Sikorsky (Etats-Unis), Kamov, MIL et Kazan (Russie). En 2007, plus de la moitié du parc en exploitation était constitué d'appareils d'Eurocopter.
En 2007, selon Olivier Jouis, délégué général de l'Union française de l'hélicoptère (UFH), le secteur de l'hélicoptère représente en France neuf milliards d'euros/ an, et emploie 33 000 personnes (70 000 avec les emplois indirects). Sur les 1 500 hélicoptères en France, 900 sont d'usage civil.
La fermeture d'hôpitaux ruraux en France a accru le recours au transport par hélicoptère.
Le développement de l'usage de drones, notamment pour les tournages télévisés, a réduit le recours plus coûteux à l'hélicoptère.
Incommodant les riverains des héliports, le volume sonore des hélicoptères a été diminué de sept fois en quarante ans, a souligné Olivier Jouis.
Le 4 mai 2017, RMC Découverte consacrera sa soirée à l'hélicoptère en diffusant ces documentaires : Caracal, hélicoptère d'élite, Machines de Titan spécial : hélicoptères, et La légende des hélicoptères français.
Visuels : © DR
Articles sur ce blog
concernant :
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Culture
France
Il ou elle a dit...
Ces deux premiers articles ont été publiés dans le numéro 531 (Février 1999) d'Aviasport.
Ils ont été publiés sur ce blog les :
- 27 février 2012, 12 octobre et 20 novembre 2013 : Arte a diffusé Les incroyables machines volantes du Professeur Oehmichen, documentaire de Stéphane Bégoin. "Ingénieur et bricoleur de génie, Étienne Oehmichen fut le premier à réussir un vol en hélicoptère en 1924. Une exploration passionnante des travaux du professeur, qui passa sa vie à observer les oiseaux et les insectes pour percer leurs secrets. Tout commence avec une bobine de film retrouvée par hasard dans la région de Montbéliard. Ces images datent du début du XXe siècle. Elles montrent les premiers balbutiements d’un étrange appareil, un des ancêtres de l’hélicoptère. Cette machine a été inventée par Étienne Oehmichen, un savant et ingénieur français. Grâce à elle, il fut le premier à réussir un vol d’un kilomètre en circuit fermé. Bricoleur de génie, pilote d’essai, mais aussi brillant naturaliste, Oehmichen a laissé derrière lui nombre d’inventions et de théories. Et pourtant, après sa mort, il a disparu complètement de l’histoire. Comment a-t-il pu sombrer dans l’oubli ? Au début du XXe siècle, en Europe et aux États-Unis, des inventeurs de tous bords se lancent dans une course incroyable afin d’être les premiers à construire un hélicoptère. Mais d’échecs en catastrophes, ils renoncent les uns après les autres. À l’aube des années 1920, seuls deux hommes restent en compétition : l'espagnol Raúl Pateras de Pescara et le français Étienne Oehmichen. Longtemps, ils sont au coude à coude dans la course aux records. C'est finalement Oehmichen qui l'emporte en 1924. Sa victoire lui vient d’une idée originale : là où ses concurrents tentent de trouver des solutions techniques, lui a l’idée d’observer le vol animal. Il construit des caméras qui enregistrent image par image le vol des oiseaux et des insectes. Il comprend ainsi ce qui, jusque-là, empêchait l’homme de voler. Aujourd’hui, les scientifiques travaillent au développement de petits robots volants conçus pour se mouvoir de façon autonome. Ces micro ou nanodrones sont de minuscules hélicoptères qui ressemblent à des insectes… Mais les chercheurs d’aujourd’hui se heurtent aux mêmes difficultés qu’Étienne Oehmichen. Comme lui, ils se tournent vers les libellules pour décrypter la complexité de leurs incroyables performances en vol".
- 16 mai 2014. France 5 diffusa le 18 mai 2014 Comment réparer un hélicoptère, documentaire de Jon Eastman ;
- 22 juillet 2014. Planète + a diffusé les 22, 23 et 27 juillet 2014 des numéros des séries Les ailes de légende, Pales et rotors et Histoire de l'aviation consacrés aux hélicoptères. RMC Découverte diffusa dès 22 h 20 deux documentaires sur les hélicoptères, dont l'un sur les hélicoptères Apache ;
- 9 février 2015 et 10 novembre 2016. RMC Découverte diffusa à 22 h 25 La Légende des hélicoptères français : "Saviez-vous que l'hélicoptère était une invention française? Qu'Airbus helicopters, à Marignanne près de Marseille, est numéro 1 mondial du marché civil? Que l'Alouette 3, 67 ans au compteur, reste un précieux atout de la Marine nationale, y compris sur les terrains d'opérations militaires ? Alouette, SuperPuma, Ecureuil, Dauphin, tout au long du siècle , les Français ont su, avec ces machines emblématiques, se hisser au sommet d'une industrie mondiale et ultra compétitive... Ce film raconte cette aventure humaine, technologique et industrielle" ;
- 4 mai 2017.
Ils ont été publiés sur ce blog les :
- 27 février 2012, 12 octobre et 20 novembre 2013 : Arte a diffusé Les incroyables machines volantes du Professeur Oehmichen, documentaire de Stéphane Bégoin. "Ingénieur et bricoleur de génie, Étienne Oehmichen fut le premier à réussir un vol en hélicoptère en 1924. Une exploration passionnante des travaux du professeur, qui passa sa vie à observer les oiseaux et les insectes pour percer leurs secrets. Tout commence avec une bobine de film retrouvée par hasard dans la région de Montbéliard. Ces images datent du début du XXe siècle. Elles montrent les premiers balbutiements d’un étrange appareil, un des ancêtres de l’hélicoptère. Cette machine a été inventée par Étienne Oehmichen, un savant et ingénieur français. Grâce à elle, il fut le premier à réussir un vol d’un kilomètre en circuit fermé. Bricoleur de génie, pilote d’essai, mais aussi brillant naturaliste, Oehmichen a laissé derrière lui nombre d’inventions et de théories. Et pourtant, après sa mort, il a disparu complètement de l’histoire. Comment a-t-il pu sombrer dans l’oubli ? Au début du XXe siècle, en Europe et aux États-Unis, des inventeurs de tous bords se lancent dans une course incroyable afin d’être les premiers à construire un hélicoptère. Mais d’échecs en catastrophes, ils renoncent les uns après les autres. À l’aube des années 1920, seuls deux hommes restent en compétition : l'espagnol Raúl Pateras de Pescara et le français Étienne Oehmichen. Longtemps, ils sont au coude à coude dans la course aux records. C'est finalement Oehmichen qui l'emporte en 1924. Sa victoire lui vient d’une idée originale : là où ses concurrents tentent de trouver des solutions techniques, lui a l’idée d’observer le vol animal. Il construit des caméras qui enregistrent image par image le vol des oiseaux et des insectes. Il comprend ainsi ce qui, jusque-là, empêchait l’homme de voler. Aujourd’hui, les scientifiques travaillent au développement de petits robots volants conçus pour se mouvoir de façon autonome. Ces micro ou nanodrones sont de minuscules hélicoptères qui ressemblent à des insectes… Mais les chercheurs d’aujourd’hui se heurtent aux mêmes difficultés qu’Étienne Oehmichen. Comme lui, ils se tournent vers les libellules pour décrypter la complexité de leurs incroyables performances en vol".
- 16 mai 2014. France 5 diffusa le 18 mai 2014 Comment réparer un hélicoptère, documentaire de Jon Eastman ;
- 22 juillet 2014. Planète + a diffusé les 22, 23 et 27 juillet 2014 des numéros des séries Les ailes de légende, Pales et rotors et Histoire de l'aviation consacrés aux hélicoptères. RMC Découverte diffusa dès 22 h 20 deux documentaires sur les hélicoptères, dont l'un sur les hélicoptères Apache ;
- 9 février 2015 et 10 novembre 2016. RMC Découverte diffusa à 22 h 25 La Légende des hélicoptères français : "Saviez-vous que l'hélicoptère était une invention française? Qu'Airbus helicopters, à Marignanne près de Marseille, est numéro 1 mondial du marché civil? Que l'Alouette 3, 67 ans au compteur, reste un précieux atout de la Marine nationale, y compris sur les terrains d'opérations militaires ? Alouette, SuperPuma, Ecureuil, Dauphin, tout au long du siècle , les Français ont su, avec ces machines emblématiques, se hisser au sommet d'une industrie mondiale et ultra compétitive... Ce film raconte cette aventure humaine, technologique et industrielle" ;
- 4 mai 2017.
Bonjour,
RépondreSupprimer1°) Ingénieur ESIEE, Je suis le fils du pionnier aéronautique Raoul Pateras-Pescara de Castelluccio(1890 - 1966). j'écris des articles sur l’œuvre technique de mon père.
2°)Le film documentaire 'Les incroyables machines du professeur Oehmichen"dans lequel je n'ai pas voulu témoigner contient des erreurs sur l'histoire de l'Aéronautique et plus particulièrement sur l’œuvre technique du marquis Pateras Pescara.
3°) J'ai eu discuté téléphoniquement en 2006 avec M. Boulet sur son livre"Histoire de l'hélicoptère"raconté par ses pionniers (1907 - 1956) qui n'a jamais rencontré mon père ainsi que moi qui gravitait comme directeur technique dans une PME travaillant pour Turboméca, Socata, CGTM, et Matra espace. Pour un polytechnicien son livre était incomplet sur les hélicoptères Pescara ....
4°)Voici un résumer sur l'activité de mon père jusqu'à la révolution Espagnole de 1936 : voir votre Email. où sur FaceBook le site de SPOT'AERO
C.de Pescara ESIEE. www.pateras-pescara.net.
La vie extraordinaire du Marquis Raùl Pateras-Pescara de Castelluccio" Un livre de 180 pages disponible sur http://editions-scripta.com/catalogue-des-livres-en-vente/?logout=1
SupprimerBon de commande: http://editions-scipta.com/bon-de-commande/
Des documents de l'époque permettant d'éclairer ceux qui font des romans et ne respectent pas l'Histoire. Une oeuvre en trois grandes période.
1°) 1911 - 1936. Pionnier de l'Aéronautique, l'Hydrtorpilleur Pateras-Pescara, les hélicoptères: 1F à Barcelone(1919-1921) Pescara 2R (1922 à Issy-les Moulineaux) Pescara 2F (1923 -1924 - 16 janvier 1924, le kilomètre est fait 1160 m; Le record du monde de distance en ligne droite le 18 avril 1924) ; Pescara 3F construit en 1925 est essayé en 1926 à Saint Raphaël et enfin le Pescara S4 à Barcelone (1930 - 1935)
2°) Les voitures Nacional Pescara. Grand prix d'Europe de la montagne en 1931.
3°) Les auto-compresseurs Pescara à Pistons-Libres en 1936 et le premier générateur à pistons-libres à L'Alsthom Belfort. L'industrialisation du GS 36 par la Sigma. Les nouvelles techniques.
Conclusion: Rien n'est plus beau que la grandeur nécessaire
Jean Boulet : Avec cet homme rare j'ai eu , en tant que Mec de bord Marine d'endurance du Super Frelon 122 , 3 turbines à Fréjus , le privilège de l'accompagner aux essais en altitude de la réaction des deux autres en cas d'arrêt inopiné de l'une . Méticuleusement préparée , la manip s'est déroulée comme prévue et en effet , nous nous sommes arrêtés en stationnaire à quelques mètres de la neige , sur deux turbines . Cela parait évident, mais seulement tous les deux à bord , pour moi cet homme m'a fait vivre l'un des meilleurs vols de ma vie . André Herrou
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