Le musée Jenisch Vevey a présenté l’exposition éponyme sur l’œuvre - ensemble des productions artistiques – de Cécile Reims, graveuse d’après ses compositions et interprète avec virtuosité, légèreté et mélancolie des œuvres de son époux Fred Deux, de Hans Bellmer – environ 200 dessins gravés -, de Léonor Fini... Une vie d’artiste exigeante. Un monde anthropomorphique mêlant animaux, végétaux et humains. Le 14 février 2016, à 15 h 30, dans le cadre de ses portraits-filmés, le MAHJ propose Cécile Reims. Conversation autour d'une collection, d'Isabelle Filleul de Brohy (2014, 28 min), en présence de Cécile Reims.
« Car graver m'est plaisir, jouissance, quand mon burin poussé délicatement, avec force et retenue de ma main droite, pénètre et incise le cuivre que, de la main gauche, je fais pivoter sur lui-même afin que la pointe de l'outil en excise une ligne, creuse un sillon qui obéit à mon désir... », a confié Cécile Reims (1986)
« Dès l’enfance en Lituanie, puis à Paris, à Jérusalem ou à Barcelone, Cécile Reims (née en 1927) dessine le monde qui l’entoure ».
Née à Paris dans une famille Juive originaire de Lituanie, Tsila Remz est confiée, après le décès de sa mère, à ses grands-parents maternels, Juifs traditionnalistes, en Lituanie. Elle revient en France en 1933 vivre dans le foyer paternel.
Juive persécutée par le régime de Vichy, résistante dans l’Organisation juive de combat qui la charge de porter des messages et faux papiers.
En 1945, elle découvre que sa famille en Lituanie est décimée par la Shoah. Elle ne parvient pas à reprendre ses études, qui lui paraissent « un non-sens ».
Elle rejoint en 1946 la Palestine mandataire pour s’engager dans le combat de l’armée clandestine pour la recréation de l’Etat Juif. Détentrice de faux papiers, elle séjourne dans un kibboutz, puis vit dans un quartier pauvre près de Jérusalem et se consacre au dessin. Lors de la guerre d’Indépendance, Cécile Reims sert dans l’armée. Pour être soignée de la grave tuberculose révélée pendant le siège de Jérusalem, elle revient en France en 1948.
Là, vers 1949-1950, elle rencontre le graveur Joseph Hecht (1891-1951) dont elle suit l’enseignement de gravure sur métal, au burin. C’est la découverte du burin, « instrument exigeant qui devient son moyen d’expression privilégié » et répond à son exigence.
« Je continuais à fréquenter les séances libres de croquis à la Grande Chaumière à dessiner des paysages de banlieue, celles des terrains vagues et des usines désaffectées – lieux de désolation –, mais cette divagation était désormais encadrée par les exigences et les limites du burin. Je dessinais en vue de graver ces dessins », se souvient Cécile Reims.
Guérie de cette grave tuberculose, Cécile Reims « se sent le devoir de donner un sens à cette vie de rescapée », et « entre en art », comme on entre en religion.
Dans ces premières années naissent les mystérieuses séries Visages d’Espagne, Métamorphoses et Bestiaire de la mort. En 1951, ses gravures sont publiées à Barcelone, exposées dans des galeries parisiennes et au musée Bezalel à Jérusalem.
« Mais, afin de soutenir la vocation d’artiste et le travail de Fred Deux (né en 1924) », un écrivain et dessinateur dont elle fait la connaissance en 1951 et qu’elle épousera, l’engagement de Cécile Reims dans la cause artistique revêt une autre forme : « elle se détache de son propre travail créateur pour devenir graveur d’interprétation, reportant en gravure le dessin d’un autre artiste ». Elle se consacre alors au tissage : elle vend certaines créations dans les magasins de la Rive gauche et à des maisons de haute couture de Paris.
« Je ne m’imaginais pas vivre ailleurs qu’à Jérusalem. Fred Deux me fit découvrir une autre voie : celle qui n’a pas de destination, un chemin âpre, périlleux où j’allais pouvoir mettre en pratique les paroles de Rabbi Nachman de Bratslav : "Ne demande pas ton chemin à qui le connaît, tu risquerais de ne pas t’égarer". Je suis toujours allée vers la difficulté et j’ai accompagné Fred sur ce chemin », précise Cécile Reims.
Cécile Reims « remplit ce rôle de praticien avec un certain bonheur et un immense talent, et collabore secrètement à l’œuvre gravé », au burin et à la pointe sèche, de nombreux artistes de la veine surréaliste, dont Hans Bellmer de 1966 à 1975, Salvador Dali de 1969 à 1988, Fred Deux de 1970 à 2008, ou Leonor Fini de 1972 à 1995.
Parallèlement, pour des raisons de santé, Fred Deux et Cécile Reims s’installent à Lacoux (Ain), puis à La Châtre (Berry).
Alors que « s’insinue en Cécile Reims le manque de s’exprimer en son propre nom, ses pas la guident un jour vers le Museum d’histoire naturelle, et ce sont les planches d’un Traité anatomique de la chenille qui ronge le bois de saule qui forcent un passage, « un accès à elle-même ». Elle grave à son tour la dissection de cet insecte, et l’album La Chenille consacre, en 1986, sa sortie d’une certaine clandestinité, à laquelle met fin définitivement l’importante rétrospective que lui consacre en 2004 la Bibliothèque nationale de France », puis à la Chalcographie du Louvre et au musée de la Halle Saint-Pierre en 2009-2010.
« Nourrie par l’observation de la nature, des êtres, des paysages qui l’entourent ou des reproductions de terres d’ailleurs, Cécile Reims, à travers nombre de suites et séries fondées sur un questionnement anthropocentrique, offre une libre projection de ses questionnements intérieurs, révèle un sens caché des apparences et cherche à mettre en images ce qui lie l’ensemble de la création » (Les Métamorphoses d’Ovide en 1958, Bestiaire de la mort, Cosmogonies en 1960).
« Les Métamorphoses d’Ovide et Bestiaire de la mort furent le moyen de sortir – sans y renoncer – de l’expression figurative qui était jusqu’alors la mienne : une manière de la détourner par l’étrangeté, en plaçant des animaux dans un univers essentiellement minéral, invivable pour leur espèce. Le désert reviendra plus d’une fois dans mes gravures d’où l’être vivant sera désormais absent (sinon sous sa forme la plus élémentaire, infime partie ou principe d’un tout). Avec Cosmogonies, je franchis le pas et aborde l’imaginaire. C’est le monde de la création tout en désir et promesse, comme les Métamorphoses ou le Bestiaire sont celui de tous les possibles devenus impossibles. C’est peut-être de cette nostalgie qu’ils sont empreints », confiait Cécile Reims lors de sa rétrospective à la BNF intitulée Cécile Reims, graveur et interprète de Hans Bellmer et de Fred Deux (2004).
« La rencontre avec Bellmer fut un prodigieux cadeau du hasard. Toucher un cuivre me bouleversait. Bellmer me donna l’occasion – grandiose ! – d’y revenir et de me découvrir : graveur- interprète, dont un autre que soi-même (toujours suspect) accepte, reconnaît la juste traduction de son dessin en gravure. Son univers n’était pas le mien mais la facture "académique" de son dessin m’était accessible. Il m’offrait l’occasion, dans le cadre de la gravure, de continuellement me dépasser, ce qui était mon besoin profond, dans une absence à soi qui était aussi une forme de dépassement. Je ne sais si, sans cette rencontre, j’aurais pu par la suite accéder à nouveau à mon propre vocabulaire ».
Cécile Reims a été distinguée par le prix Maratier de la Fondation Pro-MAHJ pour l’ensemble de son œuvre. Matthieu Chatellier a consacré à Cécile Reims et à Fred Deux le film Voir ce que devient l’ombre (2010) qui a reçu le Prix SCAM 2011 Œuvre de l’année.
Au printemps 2012, le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme a présenté l’exposition « L’œuvre gravé, 1950-2011 » - l’œuvre est l'ensemble des productions artistiques – de Cécile Reims.
L’exposition est réalisée en collaboration avec le Musée Jenisch Vevey – Cabinet cantonal des estampes, qui édite le catalogue raisonné de son œuvre gravé, Cécile Reims. L’œuvre gravé, 1945-2011.
Dans le cadre de la Journée européenne de la culture et du patrimoine juifs, sur le thème La femme dans le judaïsme, le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme (MAHJ) a présenté le 14 septembre 2014, à 11 h "Cécile Reims: La gravure comme chemin". L'artiste a témoigné pendant une heure de son parcours singulier dans le judaïsme.
Le 15 novembre 2015, à 16 h, dans le cadre de ses portraits-filmés, le MAHJ a proposé Cécile Reims. Conversation autour d'une collection, d'Isabelle Filleul de Brohy (2015, 28 min), en présence de Cécile Reims. La séance est présentée par Nathalie Hazan-Brunet, conservatrice chargée de l’art moderne et contemporain, et Isabelle Filleul de Brohy, réalisatrice des films projetés. Cécile Reims "est née à Paris en 1927. Parallèlement à ses gravures d’interprétation pour Hans Bellmer et Fred Deux, son compagnon, Cécile Reims développe une œuvre personnelle. Au burin et à la pointe sèche, elle fait naître des univers iconographiques, où, à travers la nature sous toutes ses formes, sous le sens caché des apparences, s’exprime son questionnement intérieur".
Au musée Jenisch Vevey
Cabinet cantonal des estampes
Av. de la Gare 2
CH – 1800 Vevey. Suisse
Tél. : +41 21 925 35 20
Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h. Jeudi jusqu'à 21 h.
CH – 1800 Vevey. Suisse
Tél. : +41 21 925 35 20
Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h. Jeudi jusqu'à 21 h.
Jusqu’au 11 mars 2012
Hôtel de Saint-Aignan
71, rue du Temple. 75003 ParisTél. : (33) 1 53 01 86 60
Lundi, mardi, jeudi, vendredi de 11 h à 18 h, mercredi de 11 h à 19 h 30 et dimanche de 10 h à 18 h
Visuels de Cécile Reims :
Cécile Reims. © Tarmak films
- Aube
- Aube
1952
Copyright : Musée Jenisch Vevey -
Cabinet cantonal des estampes - Collection de la Ville de Vevey – ADAGP, Paris,
2011
- L'Herbier charnel
2002-2003 – Burin
Collection Musée Jenisch, Vevey © ADAGP, Paris, 2011
Cécile Reims dans le film d'Isabelle Filleul de Brohy Cécile Reims. Conversation autour d’une collection
© DR
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