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« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
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mercredi 18 janvier 2017

Jacques Canetti, 50 ans de chansons, 50 ans de passion

 Né dans une famille Juive sépharade en Bulgarie, directeur artistique à la radio (Radio Cité) et dans des firmes discographiques (Polydor, Philips, Fontana), producteur, directeur du mythique cabaret parisien Les trois baudets, Jacques Canetti (1909-1997) a fondé le premier label indépendant de disques, et a été un incontournable découvreur de chanteurs talentueux, souvent auteurs-compositeurs-interprètes – Jacques Brel, Georges Brassens, Serge Gainsbourg, Guy Béart - de la variété francophone à textes. Les éditions Jacques Canetti ont sorti deux coffrets d'Introuvables composés de raretés, enregistrées entre 1964 et 1981, du label Jacques Canetti. Le 17 janvier 2017 à 19 h, le Farband proposera la conférence "Georges, Jacques et Elias Canetti : trois frères, trois visionnaires, trois destins", avec Françoise Canetti, directrice de l'agence Canetti Conseil et du label Production Jacques Canetti et des Editions musicales Jacques Canetti. "Georges, Jacques et Elias Canetti ont marqué le siècle, chacun dans son domaine : littérature, culture science".


« Le talent ne s'insuffle pas, mais il peut se détecter avec de la chance et de l'intuition. Je ne suis qu'un catalyseur. Et je donne de la confiance aux artistes, c'est épanouissant », déclarait Jacques Canetti.

La remise du Prix Georges, Jacques et Elias Canetti a offert à l’Institut Pasteur l’occasion de rendre hommage à Jacques Canetti, figure méconnue, mais influente pendant 50 ans dans l’histoire de la chanson française. L’Institut Pasteur a présenté l’exposition itinérante éponyme honorant Jacques Canetti (1909-1997).

« On cherche jeune homme aimant la musique »
Nissim Jacques Canetti est né en 1909 à Roustchouk (Bulgarie) dans une famille Juive sépharade et polyglotte (allemand, judéo-espagnol) de commerçants aisés.

Jacques Elias et Mathilde, née Arditti, Canetti ont trois fils qui se distingueront chacun dans un domaine particulier.


L’ainé, Elias Canetti (1905-1994) s’épanouit dans la littérature comme écrivain - Die Blendung (Auto-da-Fé), Masse und Macht - et dramaturge - Die Befristeten (1956) -. Germanophone, Elias Canetti reçoit le Prix Nobel de littérature en 1981.

Jacques Canetti s’illustre dans la chanson française.


Georges Canetti (1911-1971) est célèbre pour ses études sur la tuberculose – sa mère meurt de tuberculose -, dont il est aussi atteint dès 1934. Brillant chercheur, célèbre biologiste, Georges Canetti devient professeur et vice président du conseil d’administration de l’Institut Pasteur. Il innove en associant plusieurs antibiotiques, ce qui réduit la durée du traitement antituberculeux, et découvre une mycobactérie. Il est nommé expert à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à Genève (Suisse) en 1958. En 1977, Elias Canetti lui dédie Die gerettete Zunge. Geschichte einer Jugend (La langue sauvée - Histoire d'une jeunesse).

Un de leurs cousins est le peintre Georges Arditi.

En 1911, la famille Canetti émigre à Londres (Angleterre) pour collaborer avec la branche familiale qui y vit.

En 1912, Jacques Elias Canetti décède. La famille Canetti s’installe à Vienne (Autriche), puis en 1916 à Zurich (Suisse), avant de revenir à Vienne et de se rendre à Paris en 1926.

Les enfants Canetti fréquentent des lycées parisiens prestigieux. Leur mère a de très hautes ambitions pour eux. Passionné de musique, Jacques Canetti poursuit des études commerciales à HEC.


Agé de 20 ans, il répond à une annonce publiée par Paris Soir et débute ainsi chez Polydor, qui représente en France la célèbre firme discographique Deutsche Gramophon. Sa fonction est modeste : il écrit les étiquettes des disques et fiches biographiques pour les catalogues. Repéré pour ses qualités, il enregistre des disques de musique classique – Maurice Ravel assiste à l’enregistrement de son Boléro – et de variétés.

Parallèlement, Jacques Canetti devient correspondant en France de l’hebdomadaire britannique Melody Maker.

Féru de jazz, il invite Duke Ellington (1931) à Paris et Louis Armstrong (1934) à Lausanne – c’est leurs premières tournée ou enregistrement discographique –. Il crée aussi le premier orchestre de musiciens noirs de jazz.

En 1933, il « enregistre les premières chansons de Marlène Dietrich… en français » (Assez et Moi j’m’ennuie)

En 1935, il est recruté par Radio-Cité, station de radio parisienne propriétaire de Marcel Bleustein. Il y exerce la fonction de directeur artistique. Présente Jazz Hot. Crée des concepts radiophoniques qui perdurent, tels le radio crochet publicitaire (Le Music hall des jeunes), des annonces publicitaires encadrant des bulletins d’informations ou le jingle. Fait découvrir au public enthousiasmé la jeune Edith Piaf, qui enregistre des chansons pour Polydor, Charles Trénet, Lucienne Delyle (Sur les quais du vieux Paris) et des chansonniers.


Jacques Canetti acquiert la nationalité française en 1938.

En 1939, ce polyglotte est mobilisé dans les télécommunications.

Il subit les persécutions antisémites du régime de Vichy.  

Avec l’aide de la comédienne Françoise Rosay, il fuit Paris en 1942 pour la zone libre où il organise avec elle des spectacles et des tournées dans le Sud de la France et en Afrique du Nord.

En 1942, il se réfugie en Algérie où il travaille comme directeur artistique à Radio-Alger et fonde à Alger avec le chansonnier Pierre-Jean Vaillard, Georges Bernardet et Christian Vebel le théâtre des Trois-Anes. « Il organise avec eux des tournées de l’Algérie à l’Égypte pour soutenir l’action de René Capitan, qui représentait la France Libre et le Général de Gaulle en Afrique du Nord », précise sa fille, Françoise Canetti.

Un producteur influent
En 1945, Jacques Canetti retourne à Paris où il associe en 1947 la production artistique pour une firme discographique à la direction d’une salle de spectacles. 


Son choix se porte sur les Trois Baudets, ancien dancing situé face au Chat Noirdans le quartier de la butte Montmartre, sur la rive droite de la capitale. Un petit théâtre laboratoire de 247 places. 

Là, lors de l’âge d’or des auteurs-compositeurs-interprètes et de la chanson à texte, Jacques Canetti présente des artistes devenus légendaires, notamment Georges Brassens qui le surnommait "Socrate", et en 1954 le belge Jacques Brel découvert sur une maquette qu'il avait reçue. Son épouse est très active à ses côtés.

Brel, « Un jeune homme correct et timide »
"Jacques Brel, alors inconnu du public, m’a fait parvenir une maquette de disque. Je l’ai écouté un soir de mai 1953 à minuit aux Trois Baudets. J’ai tellement été impressionné que j’ai téléphoné sur le champ à Bruxelles pour faire dire à Brel que je voulais le voir dans les plus bref délais. Il vint. Jeune homme correct et timide. Pas question d’habiter à Paris, il était employé chez son père, industriel cartonnier et venait de se marier. J’étais très accroché par les quatre chansons que Brel avait enregistrées sur un souple et que l’on m’avait envoyées à son insu. Longue et amicale discussion. Mon enthousiasme finit par convaincre Brel; il arrive fin septembre 1953 à Paris. Représailles immédiates de sa famille qui lui coupe les vivres. Jacques Brel interprète quatre chansons : La haine, Le grand Jacques, Sur la place, Il peut pleuvoir. Tous les thèmes bréliens étaient déjà là avec, en sous-jacence, l’espoir, le lyrisme, l’aspiration désespérée au grand amour. De 1953 à 1958, je l’ai fait passer dans mon petit théâtre des Trois Baudets dans six spectacles à toutes les places imaginables" se souvenait Jacques Canetti.

Et d'ajouter : La carrière de Jacques Brel "dans le disque mit du temps à démarrer. Il fallut attendre que sa chanson Quand on n’a que l’amour, que je lui fis enregistrer,  obtienne le Grand Prix du Disque pour que Philips abandonne son attitude hésitante. Les choses changèrent à partir de 1958, toutes ces chansons auxquelles personne n’avait cru devinrent des classiques. Brel était sans cesse préoccupé par le problème de la musique. Il a essayé tous les arrangeurs : André Grassi, André Popp, Michel Legrand, avant de se fixer sur François Rauber et Gérard Jouanest. Il prit la décision de quitter Philips en 1962, en même temps que moi. Mon dernier service aura été de confier la suite de sa carrière au plus doux et plus patient des Marouani : Charley. Comme pour Brassens et Guy Béart, l’ensemble de son oeuvre enregistrée reste le témoignage précieux et impérissable d’une grande époque du music-hall français.*

Après avoir entendu une maquette de Jacques Brel, Jacques Canetti le réveille en pleine nuit, et lui propose de le rencontrer à Paris. Une rencontre décisive : Jacques Brel décide alors d'abandonner son poste stable d'entrepreneur en Belgique, pour entamer en 1953 une carrière d'auteur-compositeur-interprète. Quand on n'a que l'amour en 1958 marque le démarrage réel de sa carrière par ce succès public. En 1967, Jacques Brel assène à Jacques Canetti : : « Vous avez eu le mérite de me sortir de mon trou, mais, en somme, vous m'avez dit ce qui était probablement évident et, comme vous étiez Canetti, cela m'a donné l'élan nécessaire pour faire ce que j'avais envie de faire dans mon for intérieur. [...] C'est vous qui devez me dire merci ! J'ai fait honneur à votre réputation de découvreur ». Ce qui poussait Jacques Brel : "Le besoin d'être aimé".


Auteurs-compositeurs-interprètes
De Boris Vian à Anne Sylvestre, en passant par Raymond Devos, Pierre Roche et Charles Aznavour, Serge Gainsbourg, Philippe Clay, Isabelle Aubret, les Frères Jacques Ils sont repérés à leurs débuts, encadrés, encouragés et produits par Jacques Canetti, attaché à des chansons éternelles, de qualité, dans deux domaines alors essentiels : les disques et la scène, à une époque où la télévision publique est balbutiante.


« Le Théâtre des Trois Baudets devient "le" lieu où s’épanouit une nouvelle chanson : celle des Auteurs-Compositeurs-Interprètes (les "ACI"). Une formule originale : une première partie avec cinq-six "ACI" ou humoristes inconnus, et une seconde partie composée d’une courte pièce de théâtre avec des textes de Boris Vian, Pierre Daninos ou François Billetdoux … Ainsi, dans une même soirée Henri Salvador, Félix Leclerc, Pierre Dac, Francis Blanche et toute l'équipe de La Rose Rouge – Rosy Varte, Michel Roux et Yves Robert – étaient sur scène. Ou encore Jean Yanne et Raymond Devos que mon père avait encouragé à interpréter ses propres textes », rappelle Françoise Canetti.

Henri Salvador
"En 1948, Henri Salvador est déjà très connu. Artiste complet, musicien, chanteur, fantaisiste, compositeur, il s’est déjà produit « Chez Carrère », a participé à l’orchestre de Ray Ventura et connu la gloire au Brésil. Après les premières tentatives infructueuses dans mon Théâtre des Trois Baudets, je le programme du 13 au 21 mai 1948 dans le spectacle Ici l’on rit qui connut un grand succès. Il y présente pour la première fois un tour de chant solo", se souvient Jacques Canetti dans le coffret « Mes 50 ans de chansons françaises ».

Et d'ajouter : "Puis je lui fais enregistrer Le loup, la biche et le chevalier, Maladie d’Amour et Clopin clopant qui obtiennent en 1949 le Grand Prix du Disque. Quelques années plus tard, de retour des Etats-Unis avec Michel Legrand, je rapporte dans mes bagages un style de musique encore inconnu en France ; le rock n’roll. Boris Vian est chargé de « franciser » quatre chansons qui seront chantées par Henri Salvador sur des arrangements de Michel Legrand, et pour faire plus américain, le trio décide de prendre des pseudonymes. Un 45 tours EP est gravé: Henry Cording and his Original Rock and Roll Boys. Les chansons sont signées « Vernon Sinclair  », alias Boris Vian, Michel Legrand devient « Big Mike »  et Henri Salvador, « Henry Cording ». 

Guy Béart
"En 1956, Béatrice Moulin me recommanda d’aller écouter Guy Béart au petit restaurant de la Colombe de Belaine et Michel Valette dans lequel j’ai entendu beaucoup d’inconnus de talent. Je me souviens parfaitement de cette première soirée : Guy Béart chantait fort mal des chansons superbes. Je le croyais paralysé par le trac, alors qu’il n’en était rien, dans cette ambiance si amicale", se souvenait Jacques Canetti. Très intéressé par cet auteur, il l'invite à le retrouver le lendemain à son bureau de l’avenue Franklin Roosevelt. 

Et d'ajouter : Guy Béart "était encore ingénieur des Ponts et Chaussées, mais je ne le savais pas. Il réussit à se libérer et arriva, flanqué de sa guitare et porteur d’une vingtaine de textes. Notre rencontre fut détendue, confiante. Déjà se dessinait une amitié réciproque et ces moments furent décisifs pour toute la suite de nos relations. A cette époque, Guy Béart ne savait trop quelle route emprunter : Jacques Grello (dont je constatais une fois de plus le goût très sûr) lui avait conseillé de persévérer quoi qu’il arrivât dans la chanson. C’était bien mon avis! Guy Béart inconnu me rendait doublement heureux : d’un côté quelqu’un à aider, d’un autre des risques à prendre. Voici que je nageais dans mes propres eaux! Mais il y avait un problème majeur : il n’avait qu’un « filet » de voix, un timbre encore plus voilé que celui de Mouloudji, un registre des plus réduits. En revanche, les textes étaient éblouissants de recherche, de poésie, de fraîcheur, éclatants de style et d’idées nouvelles, les thèmes musicaux simples, très bien harmonisés, faciles à retenir. Au début de 1957, malgré les déboires de Guy aux Trois Baudets, j’étais pleinement confiant dans le lancement de son disque accompagné de deux préfaces : une de Pierre MacOrlan, et cette autre de Brassens : « Encore un qui s’approche d’une guitare et qui ne finira jamais à l’Opéra, et qui ne sait pas faire l’acrobate sur la place publique. Encore un qui ne parle tout à fait de la pluie et du beau temps. Bref un poète, un chrétien pas très catholique et qu’on donne à manger aux lions. Que les oreilles ouvertes aux quatre vents aillent écouter autre chose, mais pour ceux qui ont cinq minutes à perdre, pour ceux qui veulent prendre des vacances dans la lune et sortir de leurs habitudes, voici Guy Béart enchanté de faire leur connaissance qui les entraîne vers des horizons sans gares ni garages et bon voyage. » Ce disque exceptionnel par le choix et la qualité des chansons fut réalisé avec quelques-uns de ses amis. On y entend les voix de Michel Valette, Jacques Grello et celles d’autres copains reprenant les refrains de Qu’on est bien dans les bras, Le Quidam, Il y a plus d’un an, L’agent double, Chandernagor et Bal chez Temporel, ce dernier texte étant d’André Hardellet. L’enregistrement n’avait pas été facile. Dès que Guy poussait un peu sa voix, elle devenait pratiquement inaudible. Homme prévoyant et organisé, Guy s’était confectionné une pancarte qu’il attachait à son cou et sur laquelle on pouvait lire : « Veuillez ne pas me parler… je ne pourrais pas vous répondre. » Je rapporte cette anecdote de la pancarte, parce qu’elle fit le tour de toute la maison : pendant quelque temps on s’adressa à Guy en langage de sourds-muets ! Le Grand Prix du Disque précipita les événements : Juliette Gréco, toujours attentive aux jeunes inconnus de talent, incorpora à son microsillon « New Style » cinq chansons de Béart. Patachou, à son tour, donna une très belle version de Temporel et de Poste restante. Sur un texte de René Fallet, Guy composa La Gambille, air principal de Charmants garçons, film interprété par Zizi Jeanmaire. Ensuite il y eut Eau vive, chanson au thème très pur, très folklorique qu’il m’a jouée pour la première fois, au début de 1958 dans sa loge des Trois Baudets. François Villiers, venu au théâtre afin d’y trouver une idée de chanson pour le film L’eau vive tiré du roman de Jean Giono, s’adressa à Guy. Jamais je n’aurais pensé que ce thème musical si simple obtiendrait une telle popularité. Guy Béart participa évidemment à de nombreuses représentations de Festival du Disque, notamment avec Raymond Devos et Catherine Sauvage. Mais ce fut sans grande joie. Il m’est difficile d’émettre une opinion sur la phobie qu’il avait du public. Bien qu’il prétende le contraire, je le crois animé par un désir d’exhibition sans lequel il n’y a pas de carrière d’artiste. Quand un auteur-artiste arrive à un tant soit peu de notoriété, et que ses chansons prennent plus d’importance que son rôle d’interprète, je comprends alors que la confrontation avec le public n’apporte plus de satisfaction. Dans le cas de Guy Béart, comme dans celui de Brel ou de Brassens, « l’exhibitionnisme de la scène » est effectivement dépassé, mais il demeure cependant. Brassens a limité ses apparitions, Brel a fui, Béart a choisi le récital à un rythme irrégulier parce qu’il ne s’adresse plus qu’à un public averti. Mais un public de connaisseurs est toujours un public ! Ses trois récitals que j’ai vus successivement au Vieux Colombier, à la Comédie des Champs-Élysées et même au Carré Thorigny m’ont paru des modèles du genre. Guy Béart, que je considère comme un homme intelligent et supérieurement doué pour son métier, prépare minutieusement chacun de ses disques. Depuis son départ de chez Philips, il est son propre producteur et sait magnifiquement organiser et promouvoir ses émissions de télévision. Je n’ai pas été surpris par ailleurs d’apprendre qu’il avait réussi à obtenir à son profit la résiliation d’un contrat d’édition que j’avais eu toutes les peines du monde à lui faire signer avec Tutti peu de temps avant mon propre départ de Philips en 1962. Les années 1961 à 1965 ont été, pour les auteurs-compositeurs, une période de pénitence. Guy Béart a réussi à s’en prévaloir comme d’un préjudice moral pour se faire restituer toutes les grandes chansons de ses débuts. Ce jugement, qu’il a su gagner contre une société très puissante, maîtresse de contrats habilement rédigés, prouve l’habileté du grand joueur d’échecs Guy Béart".

Cabaret/Disque/Tournée
« Il y en eut bien d’autres : Georges Brassens, Jacques Brel, Guy Béart, Boris Vian, Félix Leclerc, Bobby Lapointe, Anne Sylvestre, Jean Yanne, Mouloudji, Catherine Sauvage, Serge Gainsbourg, etc. La chanson a pris ses lettres de noblesse en étant ‘’engagée’’ dans son temps. Aujourd’hui, cette formule est banale. À l’époque, Boris Vian se faisait huer par les anciens d’Indochine avec Le DéserteurGeorges Brassens était interdit d’antenne avec Le Gorille », précise Françoise Canetti.


Ainsi, au théâtre des Trois Baudets, se succèdent des humoristes – Robert Lamoureux, Darry Cowl, les comédiens Philippe Noiret et Jean-Pierre Darras - et des chanteurs (quasi-) débutants : Félix Leclerc, découvert lors d’un séjour au Québec en 1951, Francis Lemarque, Ricet-Barrier, Lény Escudéro, Maurice Fanon, etc.

Jacques Canetti organise aussi les tournées à l'étranger d'artistes consacrés, tels les illustres Maurice Chevalier et Yves Montand. 

Yves Montand
"C’est à Marseille, en 1942, que j’ai vu Yves Montand sur scène pour la première fois. Six ans plus tard je le retrouvais au Théâtre de l’Étoile, dans un tour de chant triomphal réglé avec le concours d’Édith Piaf. Elle nous présenta l’un à l’autre dans sa loge. Sourires, compliments, banalités. Bien entendu, j’ai glissé à Yves mon désir de l’enregistrer, au moins dans les chansons de Pré­vert. Son contrat avec la firme Odéon l’en empêchait. Les choses prirent leur temps. Son silence dura jusqu’en 1958", se souvenait Jacques Canetti.

Et il ajoutait : "En février, Bob Castella, pianiste et homme de confiance d’Yves Montand, m’appela : « Yves voudrait vous voir… Il y a du nouveau…  Le contrat d’Yves avec Odéon vient à expiration. » Nous nous sommes alors rencontrés à plusieurs reprises et un jour, Yves me proposa de me charger de ses récitals. De septembre 1958 à la fin 1968, j’organisai plus de 500 présentations d’Yves Montand à travers toute la France, mais aussi dans le monde et entre autres ses récitals à New-York, au Henry Miller Theater et sa tournée au Japon. Le premier disque que nous avons fait ensemble fut le premier enregistrement public réalisé au Théâtre de l’Etoile en 1958. Quant au plus beau disque que nous ayons enregistré, je pense qu’il s’agit de Montand chante Prévert. Montand m’a fait découvrir la véritable signification du mot « clan ». C’est en effet à un « clan » d’auteurs et de compositeurs auxquels il s’adressait quand il recherchait de nouvelles chansons : Francis Lemarque, Eddy Marnay, Jean Dréjac, René Rouzeaud, Philippe Mareuil, Philippe-Gérard, Georges Lieferman, Norbert Glantzberg, Émile Stern et bien entendu, Jacques Prévert. Il discutait longtemps les textes, dont il a souvent donné le « départ ». Quelle que soit l’in­fluence de son entourage : c’est toujours lui qui décidait en dernière analyse. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la plupart des chansons qu’il a créées sont devenues des classiques, car il a eu l’intelligence et l’instinct de choisir des thèmes qui ne se démodent pas". (Extrait du livre et du coffret « Mes 50 ans de chansons françaises »)

Arte diffusera les 15 mai à 22 h 50 et 12 juin 2016 à 17 h 30 Yves Montand, l'ombre au tableau (Yves Montand. Charme, Chanson und Schauspiel), documentaire de 60 minutes. dimanche 15 mai à 22 h 50 (2015, 60 min).  "Vingt-cinq ans après sa mort, Karl Zéro et Daisy d'Errata offrent un portrait fouillé et touchant d'Yves Montand, interrogeant les multiples facettes, glorieuses ou pathétiques, et les fêlures de la star".

Le "timbre profond des "Feuilles mortes", l'air d'enfant vieilli de César et Rosalie, le cabotin sublime du Milliardaire... : dans la chanson comme au cinéma, Yves Montand a été immensément populaire, dépassant son statut de saltimbanque pour devenir, au côté de sa femme Simone Signoret, l'icône de toute une génération. Pourtant, rien n'aura été facile pour l'acteur, né Ivo Livi, disparu il y a un peu moins de 25 ans, le 9 novembre 1991, à l'âge de 70 ans. Celui qui a débuté au cabaret, repéré puis épaulé par Édith Piaf, aura passé sa vie à frôler le scandale amoureux tout en fonçant tête baissée dans tous les combats de son temps, quitte à se fourvoyer, du communisme encore stalinien au libéralisme bon teint".

"Pour ce deuxième opus de leur collection après Charles Trenet, l'ombre au tableau, Karl Zéro et Daisy d'Errata interrogent les multiples facettes, glorieuses ou pathétiques, et les fêlures de la star Yves Montand. Le couple de réalisateurs met en évidence les grandes lignes de fuite d'une existence et d'une personnalité complexes, que la célébrité a longtemps dérobées aux regards, à travers de nombreuses archives, pour certaines inédites ou oubliées, mais aussi des entretiens approfondis avec ses proches : Jean-Louis Livi, son neveu, le cinéaste Costa-Gavras, qui lui a donné ses rôles politiques les plus marquants, de L'aveu à Z, Bernard Kouchner, qui fut à la fois un compagnon politique et un ami, et l'animateur Benjamin Castaldi, fils de Catherine Allégret. Il évoque les attouchements dont cette dernière, fille de Simone Signoret, a dit avoir été victime, toute petite, de la part de son beau-père. Entre ombres et lumière, un portrait sans concession et pourtant émouvant".

Tournées et Philips
Pour des salles de spectacles, Jacques Canetti monte des spectacles de music-hall variés pour les tournées estivales Radio Programme avec des artistes placés en première - lever de rideau, vedette anglaise - et deuxième parties – vedette américaine précédant la vedette principale - des tours de chant selon leur degré d’expérience et leur notoriété. Là, les artistes ont ainsi la faculté de s’aguerrir et de tester leurs nouvelles chansons avant une rentrée parisienne.

De 1948 à 1962, Jacques Canetti constitue, en tant que directeur artistique chez Philips « le plus beau catalogue de chansons françaises » où figurent aussi Zizi Jeanmaire, Dario Moreno et Michel Legrand. 

Le premier disque enregistré pour cette firme célèbre : celui de Juliette Gréco.

Les vagues rock’n’roll et yéyé s’avèrent difficiles à traverser pour nombre d’artistes. De plus, le succès croissant de la télévision fragilise les cabarets. En outre, l’activité discographique s’industrialise, recourt davantage au marketing et gère désormais différemment les carrières d’artistes, débutants ou confirmés.

Les Productions Jacques Canetti
En 1962-1963, Jacques Canetti démissionne de Philips et lance le premier label français indépendant, Les Productions Jacques Canetti, que dirige depuis 1997 sa fille Françoise Canetti. Jacques Canetti vend aussi les Trois Baudets.


Comme les meilleurs chanteurs avaient signé, sous son influence, des contrats avec Philips, Jacques Canetti cherche de nouveaux talents. Il découvre  et promeut les jeunes Jacques Higelin et Brigitte Fontaine.


Il encourage des comédiens à enregistrer des chansons et poèmes mis en musique. 

Ainsi, Jeanne Moreau, qui avait chanté Le Tourbillon de la vie dans Jules et Jim de François Truffaut, interprète des chansons de Serge Rezvani (J'ai la mémoire qui flanche), et Serge Reggiani enregistre un disque de chansons de Boris Vian. 

Jacques Canetti grave aussi des pièces de théâtre -  La Voix humaine de Jean Cocteau par Simone Signoret - et poèmes lus par des comédiens : Arletty prête sa voix à ceux de son ami Jacques Prévert. Jacques Canetti constitue ainsi des équipes artistiques et un patrimoine musical national de grande valeur afin de le faire connaitre du plus grand nombre par un medium populaire et pérenne : le disque.

« Détecter, expérimenter et révéler : la démarche d’une vie pour Jacques Canetti ! Ce « révélateur » de talents a accompagné les artistes en qui il croyait. Ils avaient du talent, Jacques Canetti leur a donné du temps et de la confiance pour grandir et s’imposer. Il aimait "explorer les sentiers nouveaux, découvrir de jeunes talents. Il a amené la chanson au Théâtre nationale populaire de Vilar", explique sa fille.

Photos, affiches cultes, archives inédites ont été réunies par Françoise Canetti, sa fille, pour retracer ce parcours musical original, exceptionnel et un brin nostalgique. « Une balade musicale dans les coulisses de la chanson française ».


Créé en 2006, à la suite de la donation à l’Institut Pasteur des correspondances des frères Canetti entre 1938 et 1952 - Le livre Lettres à Georges paru fin 2009 chez Albin Michel réunit cette correspondance. -, le prix Georges, Jacques et Elias Canetti encourage les travaux de chercheurs de l’Institut Pasteur sur les maladies infectieuses, en particulier la tuberculose. 

Il a récompensé cinq chercheurs pasteuriens qui se sont illustrés par leurs travaux sur la tuberculose. Il a été remis à l’Institut Pasteur le 27 septembre 2011 par le Pr Alice Dautry, directrice générale de l’Institut Pasteur, lors de l’inauguration de cette exposition intéressante qui contribue à remettre à l’honneur un patrimoine français musical remarquable.

Le 21 septembre 2014, France 2 a consacré à Henri Salvador, qui a enregistré certains de ses plus grands succès - Le loup, la biche et le chevalier, Maladie d’Amour et Clopin clopant - pour la firme discographique dirigée par Jacques Canetti, l'émission Un jour, un destin, à 23 h 20.

Arte diffusa les 15 mai à 22 h 50 et 12 juin 2016 à 17 h 30 Yves Montand, l'ombre au tableau (Yves Montand. Charme, Chanson und Schauspiel).

Jusqu’au 28 octobre 2011
25, rue de Docteur Roux. 75015 Paris
Tél. : +33 (0)1 45 68 80 00
Du lundi au vendredi de 14 h à 17 h 30

Du 16 novembre au 16 décembre 2011
Place Paul Eluard, 59282 Douchy-les-Mines
Tél : 03 27 21 44 70
Le mardi de 14 h à 18 h, les mercredi et samedi de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h, les jeudi et le vendredi de 16 h à 18 h

Du 6 mars au 14 avril 2012
A la Bibliothèque Francophone Multimédia de Limoges

Visuels :
 Le portrait de Elias Canetti
© Raphael Sorin
Le portrait de Georges Canetti
© Institut Pasteur

Le portrait de Jacques Canetti
© Agence Enguerant

Articles sur ce blog concernant :
France
Judaïsme/Juifs
- Monde arabe/Islam
Shoah (Holocaust)

Cet article a été publié les 19 octobre 2011, 21 septembre 2014, 26 avril et 22 septembre 2015 : Guy Béart (1930-2015) a été enterré le 21 septembre 2015, et 15 mars 2016 - le 15 mars 2016, France 2 consacre sa soirée à Jacques Brel -.

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