vendredi 23 novembre 2018

« Casher mais pas trop » de Ruth Olshan

« Casher mais pastrop » (Nicht ganz koscher ; Being Kosher) est un documentaire de Ruth Olshan. La quête de son identité menée par la jeune réalisatrice : née à Moscou d’un père Juif et d’une mère non Juive, dont certains ancêtres étaient Juifs, elle a grandi en Israël, puis en Allemagne. Un périple familial et historique qui évoque certains commandements (mitzvot) du judaïsme, cible d'attaques en Europe sur l'abattage rituel, la circoncision, etc. Le 23 novembre 2018, de 9 h à  16 h 30, l'Université catholique de Lyon | Campus Carnot accueillera "La Table Juive à travers les siècles". Une journée d’étude organisée par le Centre Chrétien pour l’Étude du Judaïsme


« Qui suis-je ? Juive ou catholique? »

C’est la question posée par Ruth Olshan à diverses personnalités juives, dont des rabbins, et qui sert de trame à son film.

Une quête identitaire
Le judaïsme estime juive une personne née de mère juive ou qui se convertit au judaïsme.

Si le père de Ruth Olshan est Juif, sa mère, chanteuse, ne l’est pas, mais elle a eu « le désir de devenir Juive ». Sa grand-mère maternelle Juive s’était convertie au catholicisme car elle était terrorisée par les pogroms antisémites, et a fait baptiser Ruth Olshan enfant à l’insu de ses parents et avant leur départ pour Israël.

Les parents libres penseurs franchissent avec leur fille le rideau de fer pour faire leur aliyah. Puis, la famille s’installe en Allemagne, Ruth Olshan s’y intégrant plus vite que ses parents. Elle se rend à la synagogue pour les fêtes juives, entonne les chants de Noël et suit des cours de catéchisme.

Par ses recherches menées sur Internet (site JewishGen), en interviewant sa mère et sa grand-mère maternelle, avec l’aide d’un expert en généalogie Michael Schmidt, Ruth Olshan va constituer un dossier réunissant des documents témoignant de la vie des Juifs en Lituanie où vivait ses ancêtres maternels et un faisceau de preuves pouvant attester de sa judéité. Mais qui ne convainc pas le rabbin.
Sur l’insistance de Ruth Olshan, sa grand-mère raconte ses souvenirs douloureux des navires allemands entrant en mars 1939 à Klaipėda (Memel en allemand) avec à leur bord Hitler. « Beaucoup d’Allemands de Prusse orientale accueillent Hitler avec des cris de joie ». Elle vit alors dans une rue longeant ce port lituanien, ancienne cité hanséatique et se souvient de sa peur à l’irruption d’Allemands au domicile familial. Comédien, le grand-père de la réalisatrice a assisté à un massacre pendant la guerre. Il a été arrêté, interné dans un camp de concentration, libéré dans un état de santé déplorable… La Shoah a longtemps été un sujet tabou dans la famille de Ruth Olshan. « Vous souffrez du syndrome de la 2e génération », analyse un rabbin.

613 commandements (mitzvot) de la Torah
Au cours de son périple, Ruth Olshan interviewe des Juifs, orthodoxes et libéraux, sur leur pratique religieuse et présente sommairement des principes, rites, fêtes et commandements du judaïsme. Elle émet parfois des préjugés faux : la réalisatrice allègue ainsi que la gastronomie cacher n’est pas fine. Ce que tend à démentir notamment le chef étoilé Franz Raneburger.

Cacher signifie « conforme ou apte à la consommation ». La nourriture juive doit être cacher. Pourquoi ? Ordre de la Bible pour un rabbin. Souci d’une « bonne santé » pour un autre.

L’abattage rituel juif (shehita) obéit à des règles spécifiques réduisant la souffrance animale. Est prohibé la consommation de certains animaux : crustacés, coquillages, fruits de mer, porc, etc. Seule peut être consommée la partie antérieure jusqu’à la 11e côte d’animaux autorisés (ruminants à sabots fendus, poissons avec écailles et nageoires) : ainsi, un cuisinier précise couper les faux-filets cacher dans les épaules, et non dans l’aloyau.

« Tu ne cuiras pas le chevreau dans le lait de sa mère ». Ce qui implique aussi deux vaisselles distinctes : l’une pour la viande, l’autre pour le lait. Face à la multiplication des labels cacher, la réalisatrice demeure pensive et filme Yitzhak Ehrenberg, rabbin de la communauté de Berlin, qui délivre un label de cacherout à son nom et mandate Leonid Golzmann, son chomer (surveillant des règles de la cacherout) auprès de traiteurs. Par amour pour son mari, la mère (mat en russe) de la réalisatrice a appris à « vivre cacher » et à « enlever le gravier du gésier » de la volaille.

Le chabbat, une sexagénaire Juive avoue ne pas l’observer entièrement, mais n’allume pas le feu ce jour. Un livre pour enfants illustre chacun des 39 actes prohibitions bibliques pendant chabbat : interdiction de travailler, de se raser, etc.

C’est à leur bar-mitsva (« profession de foi des filles », majorité religieuse) que se préparent Laura et Lena Haas. Celles-ci énoncent sans intonation « Chema Israël, l’Eternel est un » ! Le rabbin leur rappelle qu’il s’agit d’un impératif. Les interroge sur le sens de cette phrase essentielle du judaïsme : « Adonaï est-il aussi le Dieu des autres ? » « Après ma bar-mitsva, je me sens plus liée à la religion », explique l’une des deux adolescentes.

Autre impératif : « Multipliez-vous ». La vie conjugale juive est abordée franchement par un couple qui souligne la conjugaison du sentiment amoureux et des relations sexuelles.

Se convertir au judaïsme ? C’est observer 613 commandements.

Au terme de ce périple personnel, géographique, historique, Ruth Olshan, marquée par son immersion dans le bain rituel, n’a pas constitué un dossier probant sur sa judéité, mais a réuni des archives familiales rares, et n’envisage pas de se convertir au judaïsme.

Sa quête se termine pas son mariage avec un… non-Juif.

Parfois ironique, ce documentaire intéressant mérite mieux qu’une diffusion unique, si matinale.

Le 19 janvier 2016 de 20  h 30 à 22 h 00, le Beit Halimoud de Bordeaux proposa la conférence Manger cacher: une affaire de goût, avec Emmanuel Valency, rabbin.

Le 23 novembre 2018, de 9 h à  16 h 30, l'Université catholique de Lyon | Campus Carnot accueillera "La Table Juive à travers les siècles". Une journée d’étude organisée par le Centre Chrétien pour l’Étude du Judaïsme. "Les traditions de la table sont des éléments essentiels du judaïsme. Coutumes culinaires et rites spirituels se mêlent étroitement afin d’observer la persistance d’une mémoire identitaire forte . Les valeurs symboliques qui s’attachent à ces traditions et à ces rites ont permis au peuple juif de traverser les siècles en conservant son particularisme et son identité tout en s’enrichissant des milieux et des atmosphères des pays où il vivait. Le prophète Ezéchiel disait déjà en son temps, « la table familiale est un autel ». "Nous ferons un parcours à partir des origines de la table des hébreux, en passant par l’analyse de l’édification des règles alimentaires, la description des symboles alimentaires à travers les fêtes, la compréhension de leur sens et de leur importance, pour aller jusqu’à la présentation de la multiplicité des traditions culinaires signifiant les diversités des cultures juives. Nous évoquerons l’évolution de celles-ci dans un contexte qui voit l’inflation des principes du licite des interdits." Intervenante : Mme Catherine Déchelette Elmalek, historienne du judaïsme et tout particulièrement du judaïsme à Lyon.


« Casher mais pas trop » de Ruth Olshan
Allemagne, 2010, 52 minutes
Diffusions les 4 août 2011 et 22 novembre 2013 à 0 h 40

Visuels : © SWR

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Shoah (Holocaust)

Cet article a été publié le 3 août 2011, puis le 19 novembre 2013, puis le 19 janvier 2016.

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