En 1422, don Luys de Guzman demande au rabbin Moïse Arragel de lui traduire la Bible en langue vernaculaire, agrémentée d'explications rabbiniques modernes et d'images. Une tâche délicate relatée avec clarté par Sonia Fellous dans un livre superbement illustré. Le 17 novembre 2022, de 12 h 30 à 14 h, dans le cadre du cycle Art et archéologie du judaïsme, le musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ) propose la conférence de Sonia Fellous, Institut de recherche et d'histoire des textes, CNRS, sur "La Bible d'Albe. Tolède 1422-1433".
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« Histoire de la Bible de Moïse Arragel - Quand un rabbin interprète la Bible pour les chrétiens (Tolède 1422-1433) » de Sonia Fellous
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« Non par la force physique, non par la puissance, mais par ma force d’esprit ». Ce verset de Zacharie a du inspirer le rabbin Moïse Arragel pendant la réalisation d’une commande étrange.
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Laquelle ? En 1422, don Luys de Guzman lui demande de « traduire pour lui la Bible en romance, c’est-à-dire en langue vernaculaire, la parer d’explications rabbiniques modernes et d’images dans le style des luxueux manuscrits enluminés » (Gérard Nahon).
Manifestation de respect du troisième personnage du royaume de Castille pour ce rabbin érudit, de faveur dédaigneuse pour un Juif, d’espoir profond en « une coexistence pacifique fondée sur la connaissance de l’autre entre Juifs et Chrétiens » ou de curiosité sincère pour les exégèses juives ? En tout cas, la tâche du rabbin réticent s’avère délicate à mener sous le contrôle de deux superviseurs chrétiens, le dominicain Johan de Zamora et le franciscain Arias de Enzinas.
Au cours des onze ans de ce travail « humaniste avant l’heure », Moïse Arragel, docte et rusé, use de diplomatie, confronte le texte hébreu et une Bible de Tolède en latin, joue de subtilités de traductions, rédige la glose admissible et, conscient de l’interdiction juive de représenter D., veille aux illustrations, parfois violentes et crues.
En 1433, un comité de lecture composé de théologiens agrée cette œuvre comparative exceptionnelle.
Puis, après avoir été détenue par l’Inquisition, cette somme est rendue à la famille de Guzman en 1624 !
La Biblia de Alba est composée d’un prologue relatant « son » histoire, la méthode de travail et un glossaire - prudence oblige ! -, des commentaires rabbiniques parfois juxtaposés à des gloses chrétiennes, et « 324 miniatures somptueuses dont certaines témoignent d’un syncrétisme religieux unique en son genre ; d’autres recèlent un message apologétique que seules les sources rabbiniques permettent de décrypter ». Elle doit être acceptable par les Juifs et les Chrétiens.
Rencontre de cultures ? Certes, mais pas égales.
Cette Bible révèle la latitude variable du traducteur : « quand la version latine diverge trop de celle en hébreu », c’est celle-ci qui prévaut, et en cas de divergence l’approche chrétienne est aussi citée brièvement.
Elle inclut les ajouts au texte biblique et les interprétations de Moïse Arragel.
Si cette commande visait à « conduire les Juifs à l’apostasie en les rapprochant du dogme chrétien par le biais de la langue », elle s’est muée en Livre subversif, résultant d’une résistance essentielle du rabbin : rester fidèle aux Treize articles de foi du judaïsme.
Exemples : le rédacteur calligraphie en suspendant l’écriture à la réglure supérieure, et non au-dessus de celle inférieure, règle du scribe chrétien, et écarte définitivement le mot « vierge » (virgen) au profit de « jeune femme » (alma).
Sonia Fellous émet des hypothèses, notamment sur les modalités de collaboration entre scribes et artistes, l’origine des modèles ou l’éventuelle participation d’Isaac, fils du rabbin, à ce travail.
C’est à une enquête passionnante que convie ce docteur en sciences religieuses dans ce très beau livre à l’approche pluridisciplinaire - histoire, paléographie, codicologie, linguistique -, à l’iconographie éclairée de précieuses notices, et au style vivant.
En 2016, la Bibliothèque nationale d'Israël et la Bibliothèque nationale de France (BNF), qui détiennent respectivement 15 millions et 14 millions de documents, ont signé un accord visant à la numérisation de 1 400 manuscrits en hébreu, dont des Bibles de Perpignan (1299) et de Lisbonne (XVe siècle), détenus par la BNF. Ces œuvres numérisées seront gracieusement mises à la disposition des chercheurs.
Le 17 juin 2018, de 11 h à 12 h, dans le cadre des Journées nationales de l’archéologie, le musée d'art et d'histoire du Judaïsme présente Le regard de… Sonia Fellous. Historienne des religions, Sonia Fellous est spécialiste de l’iconographie biblique et des relations judéochrétiennes. Ses recherches portent, entre autres, sur l’épigraphie hébraïque de la France médiévale. Elle met en exergue la présence juive en Europe au Moyen Âge, illustrée notamment au mahJ par un fragment de stèle funéraire du cimetière juif d’Ennezat, près de Clermont-Ferrand retrouvé en 1976, et un précieux recueil de poèmes liturgiques du XIVe siècle d’Espagne."
En 2016, la Bibliothèque nationale d'Israël et la Bibliothèque nationale de France (BNF), qui détiennent respectivement 15 millions et 14 millions de documents, ont signé un accord visant à la numérisation de 1 400 manuscrits en hébreu, dont des Bibles de Perpignan (1299) et de Lisbonne (XVe siècle), détenus par la BNF. Ces œuvres numérisées seront gracieusement mises à la disposition des chercheurs.
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Le 17 novembre 2022, de 12 h 30 à 14 h, dans le cadre du cycle Art et archéologie du judaïsme, le musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ) propose la conférence de Sonia Fellous, Institut de recherche et d'histoire des textes, CNRS, sur "La Bible d'Albe. Tolède 1422-1433".
"Traduction en castillan des vingt-quatre livres de la Bible hébraïque, la Biblia de Alba fut commandée en 1422 au rabbin Moïse Arragel de Guadalajara par Luis González de Guzmán, grand maître de l’ordre de Calatrava, un ordre militaire et religieux chargé de la reconquête de l’Espagne sur l’Islam".
"Souhaitant se plonger dans la lecture de la Bible des Juifs, cet éminent personnage doté d’un grand pouvoir politique demanda que le texte soit traduit en castillan, et accompagné de luxueuses miniatures. À la demande de son commanditaire, le rabbin Arragel a juxtaposé au texte biblique de très nombreux commentaires rabbiniques. Mais le texte qui nous est parvenu contient aussi ceux des Pères de l’Eglise lorsque les dogmes juif et chrétien s’opposent".
"Parmi les trois cent vingt-quatre miniatures qui ornent le texte et les marges de l’ouvrage, nombre d’entre elles, influencées par les sources rabbiniques, ont parfois provoqué la réaction du superviseur chrétien de cette œuvre qui a inscrit ses remarques à côté des textes ou des images concernés. En signalant ainsi les divergences d’interprétation, il permet au lecteur de discerner « à première vue » ce qui procède d’une collaboration forcée et ce qui y échappe. D’autres annotations marginales apportent des informations sur le travail conjoint des artistes et du maître d’œuvre ou sur le devenir de cette œuvre. Mais le silence des marges, en particulier dans le livre d’Esther, est aussi révélateur de la régression du dialogue religieux en péninsule ibérique après les émeutes antijuives de 1391 et la dispute de Tortose qui conduisit des milliers de juifs à la conversion forcée ou à l’exil."
"Rabbi Moché ben Maïmone (« Maïmonide », appelé également « Rambam », qui est l’acrostiche de son nom), compila ce qu’il a dénommé les Chlochah Assar Ikarim, les « Treize Principes Fondamentaux » de la foi juive, tel qu’ils découlent de la Torah. Maïmonide décrit ces principes de foi comme étant « les vérités fondamentales de notre religion et ses fondements même ».
Les Treize Principes de la foi juive s’énoncent comme suit :
"1. La croyance en l’existence du Créateur, qui est parfait dans toutes les modes d’existence et est la Cause Première à tout ce qui existe.
2. La croyance en l’unité absolue et sans égale de D.ieu.
3. La croyance en la non-corporalité de D.ieu, ni qu’Il peut être affecté par tout événement matériel, tel que le mouvement, le repos ou la résidence.
4. La croyance en l’éternité de D.ieu.
5. La croyance en l’impératif d’adorer D.ieu exclusivement et de n’adresser de prière à aucune fausse divinité.
6. La croyance que D.ieu communique avec l’homme à travers la prophétie.
7. La croyance en la primauté de la prophétie de notre maître Moïse.
8. La croyance en l’origine divine de la Torah.
9. La croyance en l’immuabilité de la Torah.
10. La croyance en l’omniscience et la providence de D.ieu.
11. La croyance en la récompense et le châtiment divins en fonction des actes de l’homme.
12. La croyance en l’avènement du Machia’h, le Messie, et de l’ère messianique.
13. La croyance en la résurrection des morts.
Il est de coutume dans de nombreuses communautés de réciter les Treize Principes, dans une forme légèrement plus poétique, commençant par les mots Ani Maamine – « Je crois » – chaque jour après les prières du matin à la synagogue.
Le vendredi soir, après l’office de l’entrée du Chabbat, le poème Yigdal qui retrace les Treize Principes de Foi est chanté dans de nombreuses communautés".
Sonia Fellous, Histoire de la Bible de Moïse Arragel, Quand un rabbin interprète la Bible pour les chrétiens Tolède 1422-1433. Somogy Editions d’Art, 2002. 384 pages. 250 illustrations. ISBN : 2-85056-671-3
Le 17 novembre 2022, de 12 h 30 à 14 h
Hôtel de Saint-Aignan
71, rue du Temple. 75003 Paris
6 € / 4 € (réduits et Amis du mahJ)
> Sur place, venez à la billetterie (du mardi au samedi de 15h à 17h)
> Par téléphone*, au 01 53 01 86 57 (lundi et mercredi de 10h30 à 13h)
* Paiement sécurisé par carte bancaire
Articles sur ce blog concernant :
Cet article a été publié en une version plus concise par Actualité juive, et sur ce blog le 10 décembre 2010, puis les 6 mai 2016, 17 juin 2018.
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