Quelques milliers de personnes, essentiellement juives, ont répondu à l’appel des organisations juives françaises à se rassembler sur le parvis des droits de l’homme du Trocadéro (Paris) le 22 juin 2010, pour soutenir l’Etat juif et exhorter à la libération de l’otage franco-israélien Guilad Shalit, kidnappé par les terroristes islamistes en Israël, le 25 juin 2006, à l’âge de 20 ans. Un échec ni reconnu ni analysé par les organisateurs. L’essentiel de cet article sera évoqué lors de mon interview par Radio Chalom Nitsan le 8 juillet 2010, vers 17 h 30. Cet article est republié alors que les circonstances de la capture du soldat franco-israélien Guilad Shalit sont révélées par Ben Caspit dans le Jerusalem Post : une capture par des terroristes palestiniens sans les avoir combattus. Sont soulignés aussi l'importance de la vie par les Juifs, notamment Israéliens, l'urgence pour Tsahal de tirer les leçons de ce rapt et le recours avec plus de parcimonie au terme "héros".
« Nous ne sommes pas 5 000, nous sommes 10 000 ! », s’exclamait un responsable juif français ce 22 juin 2010, sur le parvis du Trocadéro, en début de soirée.
« Nous ne sommes pas 10 000, mais nous sommes 15 000 ! », renchérissait un de ses homologues, peu après.
Difficile à les croire. La foule n’occupait au mieux qu'une moitié de la place du Trocadéro. La police estimait à environ 3 200 le nombre de personnes ayant participé à ce rassemblement. Un nombre vraisemblable.
A Nice, un rassemblement similaire avait réuni environ 340 personnes selon la police et 500 selon le CRIF Sud-Est.
Guilad Shalit, captif sans aucun droit
Le ton de la soirée ? Paradoxal. Quelques chansons israéliennes joyeuses ; des discours sur une réalité dramatique : un jeune otage franco-israélien, Guilad Shalit, dénué de tout droit par ses geôliers islamistes dans la bande de Gaza ; des médias occultant les jihadistes à bord du Marmara de la prétendue « flottille de la paix » ; des « rues arabes » haineuses (« Hamas-sur-Seine » de Jean-Paul Ney). Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), a rappelé le sort d’un aviateur israélien Ron Arad dont on est sans nouvelle depuis sa capture par les milices chiites Amal du Liban en 1986. Et d’ajouter :
« Un otage est par définition déshumanisé. Il devient une marchandise avec une valeur vénale aussi élevée que possible. La valeur vénale de Gilad Shalit est élevée, très élevée, tout simplement parce que en Israël, la valeur d’un homme est infinie. « Qui sauve un homme sauve le monde…. ». Cela permet au Hamas tous les chantages, toutes les exigences, comme cela était déjà le cas avec le Hezbollah, qui a rendu l’an dernier deux cercueils en échange d’un assassin particulièrement répugnant. Et le monde ne s’étonne plus, accepte cette confusion des valeurs comme si elle allait de soi, comme si c’était normal d’échanger un innocent contre des centaines de coupables avec du sang sur leurs mains ».
Les politiciens ? Sauf exceptions, pas des personnalités politiques de premier plan. Des discours convenus sur la libération espérée du jeune Guilad Shalit. Et l’annonce que plus d’une dizaine de mairies vont afficher son portrait sur le fronton de leur hôtel de ville. Anne Hidalgo, première adjointe socialiste du Maire de Paris Bertrand Delanoë, rappelait que Guilad Shalit avait été fait citoyen d’honneur de Paris. Mais la foule voulait que lui fût réservé le même traitement que celui dont a bénéficié la colombo-française Ingrid Betancourt. En vain.
Quant aux intellectuels français juifs - Claude Lanzmann, Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut - leurs discours ont été largement applaudis. « Gaza n’est pas affamée ! Détracteurs d’Israël, vous mentez ! Les soldats de Tsahal ont le droit de tirer si leur vie est en danger », a rappelé Claude Lanzmann, qui a égratigné les soutiens de JCall. Dénonçant les slogans des manifestants anti-israéliens - « Israël, casse-toi ! La Palestine n'est pas à toi ! La Palesitne vivra ! Israël s'en ira ! », Alain Finkielkraut était brièvement chahuté en raison de ses digressions critiques sur la politique israélienne. Comme pour s’excuser, un responsable d’association juive française expliquait l’absence d’autres intellectuels soutenant la pétition Raison garder – Shmuel Trigano – en raison de leur séjour en Israël. Le 28 juin 2010, Shmuel Trigano déclarait avoir été invité la veille du rassemblement.
Le tout rythmé par des vidéos, dont des images de ces défilés anti-israéliens, un message du père de l’otage, Noam Shalit, et de journaux télévisés de chaines publiques aux discours partiaux. Et conclu par S.E. Daniel Shek, ambassadeur d'Israël en France, qui affirmait ne pas craindre les boycotts contre son pays.
« Un grand succès » ?
Dès le lendemain, les organisateurs du rassemblement se félicitaient du « grand succès » : « 15 000 personnes » rassemblées ! Mais ne pourrait-on pas plutôt parler d’un échec à motiver et faire venir plus de quelques milliers de personnes dans un pays où vit la première communauté juive en Europe (environ 500 000 âmes sur une population totale en France de 64,3 millions d'habitants) ? Pourquoi gonfler les chiffres ? N’y a-t-il pas là un risque de se décrédibiliser et de décourager nombre de juifs ? N'est-il pas préférable de dire la vérité à ses coreligionnaires ?
Indigné par le silence médiatique général sur ce rassemblement, Gil Taieb, « grand ordonnateur de la soirée » et président de l’ABSI (Association pour le bien-être du soldat israélien), invitait à écrire aux rédactions de journaux pour qu’ils « remplissent leur rôle : celui d'informer ». Pourquoi ne pas saisir le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à propos des extraits de ces journaux de France Télévisions contestés devant une audience essentiellement juive ? Faut-il regretter ce silence journalistique ? Que gagne cette communauté juive institutionnalisée à révéler à tous sa faiblesse ? Pourquoi a-t-elle repris unanimement l’appel au rassemblement initié primitivement par la radio juive parisienne de gauche, Radio Shalom, et s’est-elle opposée à tout rassemblement juste après l’arraisonnement du Marmara le 31 mai 2010 ? Par crainte d’agressions commises par des « Palestinistes » (expression de Sammy Ghozlan) ? Mais c’est à la police française d’assurer la sécurité des manifestants. L'explication avancée par les organisateurs du rassemblement était que ces défilés anti-israéliens ont mobilisé un nombre moindre que prévu de manifestants et que les Français dits de souche n'y ont pas massivement participé.
Le 13 février 2012, sur Radio Chalom, Bernard Abouaf, directeur de la rédaction de Radio Chalom, a déclaré avoir eu l'initiative, avec Gil Taieb et Raphaël Haddad, de ce rassemblement que tous trois ont suggéré au CRIF.
Pourquoi cette communauté juive française institutionnalisée - CRIF, Consistoire Central de France-Union des communautés juives de France, Consistoire de Paris Ile-de-France, etc. - ne voit-elle pas, ne dit-elle pas et n’analyse-t-elle pas cette réalité triste et dérangeante : son unité actuelle ne dégage aucune synergie, aucune efficacité ; certaines actions s’effectuent dans un mauvais timing, en décalage par rapport aux souhaits de nombre de juifs français et en l'absence généralisée de concitoyens non-juifs ? Ce qui réduit la portée de sa voix et grève son avenir. D’autant que les enjeux sont graves et que la France tend à se structurer autour de communautés. Et ce n’est pas le premier rassemblement que cette communauté juive française institutionnalisée organise et qui attire une assistance réduite. Rappelons que le rassemblement à Paris, le 13 juillet 2009 pour exhorter le Parquet à interjeter appel de condamnations de membres du gang des Barbares a été maintenu même après l’annonce, par la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie, d’un appel partiel du jugement controversé et qu'il avait attiré quelques centaines de personnes, essentiellement juives.
S’agit-il d’un échec de la communication ou de la stratégie de la communauté juive française institutionnalisée ? Du côté pêle-mêle des mots d’ordre : « Rassemblement pour la vérité, la justice, la liberté et pour la paix » (14 juin 2010), puis « Pour dire à Gilad et à Israël qu’on est à leurs côtés » (18 juin 2010) ? Pourtant, ceux-ci relevaient d’un consensus au sein des juifs français.
Pourquoi cette absence des ténors de la classe politique, des journalistes qui assistent au dîner du CRIF, quitte à s’éclipser après les deux discours - celui du président du CRIF et celui du Premier ministre ou du Président de la République -, et après avoir été photographiés ou filmés ?
Pourquoi un rassemblement si tard ? Ce qui donnait un air de session de rattrapage estivale. Le 6 juin 2010, peu après l’arraisonnement du navire turc Mavi Marmara par la marine israélienne, la Ligue de défense juive (LDJ) avait organisé un rassemblement près de l’ambassade d’Israël en France, réunissant plusieurs centaines de jeunes à Paris. Par ce rassemblement tardif dans un lieu symbolique et de tourisme, les organisations juives françaises ont laissé des artères de quartiers, populaires ou huppés, à une « rue arabe » hurlant sa haine et son refus d’Israël et à la violence destructrice aussi pour la république française. Ce qui habitue les passants à cette propagande alléguant une prétendue et fausse crise humanitaire dans la bande de Gaza.
Certes, ce 22 juin 2010, à Paris, une banderole signalait la présence d’Arméniens à ce rassemblement. Certes, Lynda Asmani, conseillère de Paris (UMP) d'origine berbère, manifestait son soutien à Israël. Mais, la communauté juive française demeurait isolée, sans présence massive de chrétiens et musulmans à ses côtés. Sont-ce là les heureuses retombées des dialogues judéo-chrétien – nombre d’associations judéo-chrétiennes sont dominées par des Palestinistes ou peuplées de personnes âgées - ou judéo-musulman ? A titre de comparaison, une manifestation de soutien à Israël réunissait 2 500 Finlandais, majoritairement chrétiens, à Helsinki, le 10 juin 2010. Rappelons le nombre de juifs finlandais - entre 1 000 et 2 000 fidèles - et la population totale en Finlande : 5,3 millions d'habitants.
Souhaiter la libération de Guilad Shalit ? Oui.
La demander à qui ? Au mouvement islamiste Hamas dont la charte vise la disparition de l’Etat juif et qui instrumentalise les opinions publiques ?
Ou exercer des pressions sur le gouvernement d’un Etat démocratique israélien, celui de Benjamin Netanyahu, pour une libération à n’importe quel prix ?
Ce débat divise les Israéliens. Pourquoi ne pas s’en faire l’écho en France, au lieu et place du seul slogan réitéré depuis quatre ans ? Pourquoi suivre Noam Shalit en occultant les refus d’associations israéliennes de victimes du terrorisme palestinien d’un échange entre Guilad Shalit et des terroristes palestiniens dont on sait qu’un grand nombre fomentera des attentats contre les Israéliens sitôt libérés ?
La mobilisation médiatique sert-elle les intérêts des otages et des démocraties ?
Que nous enseignent l’histoire et le judaïsme en matière de juifs captifs ?
Quel est le bilan de quatre ans de ces actions pour libérer Guilad Shalit ? Certaines municipalités le mettent en parallèle avec le terroriste Salah Hamouri !!
Quid des autres soldats israéliens kidnappés ou portés disparus ? Quid de Jonathan Pollard, condamné au terme d'un procès inique et emprisonné depuis 20 ans ? Ne méritent-ils pas eux aussi un minimum d'intérêt ?
La communauté juive française, institutionnalisée ou non, est-elle mûre pour entendre ces questions essentielles et apte à y répondre vite et de manière adéquate ?
Le 9 juillet 2010, le CRIF a posté les vidéos du rassemblement sur Youtube.
Le 9 juillet 2010, le CRIF a posté les vidéos du rassemblement sur Youtube.
Parmi les terroristes libérés contre la libération de Guilad Shalit : Fouad abd el-Hani al-Oumarine et Amina Mouna.
"Fouad abd el-Hani avait 19 ans, au printemps 1992, quand il a pris un taxi à Gaza pour se faire déposer dans une ville de la banlieue de Tel Aviv. Il était 7 h 30 quand il a croisé le chemin d'Helena Rap, une adolescente de 16 ans qui se rendait au lycée. Quand la jeune fille est passée devant lui, Al-Oumarine s'est retourné et lui a planté un grand couteau de cuisine dans le dos. Après ce premier coup, il a enfoncé son arme dans la poitrine de la jeune fille. Quand il a été arrêté, il lui avait littéralement arraché le cœur. Sa camarade Alina Mouna s'est illustrée dans ce qu'on pourrait appeler le cyber-terrorisme artisanal. Cette jeune femme est entrée en contact, par messagerie instantanée, avec des adolescents israéliens dans le but de les séduire et de les attirer dans un piège mortel. Elle y est parvenue en janvier 2001 avec Ofir Rahoum, 16 ans. En arrivant à Ramallah avec sa cyber-copine, l'adolescent a été criblé de balles (une vingtaine) de kalachnikov à bout portant. Dans son interrogatoire, Amina Mouna a décrit ses sentiments au moment où elle s'est approchée de sa proie : "Je sentais qu'il avait peur [...] La peur était peut-être réciproque mais je me suis concentrée sur mon objectif. Je voulais aider mon peuple et c'est ça qui comptait." La phrase qui suit est plus glaçante encore : "Aujourd'hui, je sais que j'ai trouvé ma place. J'ai un statut, je suis célèbre dans la société palestinienne. Je suis plus respectée que n'importe quelle autre fille. Désormais, je n'aurai aucun problème pour faire tout ce que je voudrai. On m'écoute à l'intérieur de l'Autorité palestinienne, le Tanzizim [la milice armée du Fatah] me donne de l'argent, on met des avocats à ma disposition et on fait tout ce je demande", a écrit Gil Mihaely (Causeur, novembre 2011)
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Cet article a été publié le 8 juillet 2010 et modifié le 15 janvier 2021.
Véronique,
RépondreSupprimerBravo pour cet article mais j'aurais malheureusement tendance à me positionner en un pessimiste du réactionnel français ( juif ou non) quant à Israël en général ou au devenir de Gilad. J'essaye moi-même depuis quelques 3 annés déjà de réagir sur mon propre blog ( http://marclev.canalblog.com)et..? Oui. les réactions attendues, espérées ont tout de la peur du juif français, de son inefficacité à prouver concrétement qu'une force juive réelle existe sur le sol de " la Patrie des droits de l'Homme".
N'hésitez pas à m'écrire pour de plus profonds échanges.
Cordialement. Marc Lev.
J'aimerai savoir ce que vous proposez comme action pour renverser la tendance en France à la diabolisation d'Israël, qui finira par déboucher sur une attaque de synagogue, comme à Strasbourg ou à Metz, un jour où les CRS ne seront pas là pour nous protéger.
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