Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

jeudi 20 février 2025

Conrad Veidt (1893-1943)

Conrad Veidt (1893-1943) 
était un acteur allemand chrétien qui s’est illustré dans des classiques du cinéma expressionniste germanique -  Le Cabinet du docteur Caligari (1920), Les Mains d'Orlac (Orlacs Hände) de Robert Wiene (1924) - et du cinéma européen. Antinazi, époux de l'actrice juive allemande Flora Ilona Prager, il a fui l’Allemagne nazie pour se réfugier en Grande-Bretagne, puis à Hollywood. Ses interprétations de personnages parfois terrifiants ont influé sur Tim Burton (« Edward aux mains d'argent » et Jack Nicholson (Joker). La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé propose la rétrospective « Conrad Veidt. Un acteur hanté de Berlin à Hollywood ».

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Conrad Veidt (1893-1943), dont le père est fonctionnaire, arrête sa scolarité durant son adolescence pour étudier l'art dramatique auprès de Max Reinhardt.

En 1916, il débute sa carrière cinématographique. 

Après la Première Guerre mondiale, Conrad Veidt excelle dans les films « d'éducation sexuelle » qui rencontrent un grand succès public durant la république de Weimar. 

Le mouvement expressionniste allemand recourt à cet acteur pour incarner des personnages fous, criminels, sadiques. Les plus grands réalisateurs l'emploient : 
Paul Leni - Le Cabinet des figures de cire (Das Wachsfigurenkabinett) de Paul Leni et Leo Birinski (1924) -, Robert Wiene - Les Mains d'Orlac (Orlacs Hände) de Robert Wiene (1924) -, Ewald André Dupont - Menschen im Käfig (1930)  -, Reinhold Schünzel - Der Graf von Cagliostro (1920) - et Friedrich Wilhelm Murnau (La Marche dans la nuit, Der Gang in die Nacht1921).

De 1926 à 1929, Conrad Veidt joue le rôle du Marquis de Sade dans le Napoléon d'Abel Gance, et à Hollywood dans quatre films, notamment L'Homme qui rit (1928) de Paul Leni avec Mary Philbin.

 A l'avènement du cinéma parlant, Conrad Veidt revient en Allemagne. En 1930, il joue Raspoutine, le « moine » démoniaque (faux moine) dans le film éponyme, puis le prince Metternich dans Le Congrès s'amuse (1931) d'Erik Charell.

Après l'arrivée au pouvoir d'Hitler, marié à l'actrice juive Ilona Prager, Conrad Veidt répond au questionnaire de Goebbels à la question sur sa "race" : "Jude" ("Juif"). Sur intervention diplomatique britannique, le couple peut quitter l'Allemagne nazie dès 1933. Au Royaume-Uni, Conrad Veidt tourne sous la direction de Maurice Elvey, Victor Saville, Michael Powell, Lothar Mendes (Le Juif Süss, Jew Süss, 1934), Maurice Elvey (Le Juif errant, The Wandering Jew, 1933) ainsi que Ludwig Berger, Michael Powell et Tim Whelan (Le Voleur de Bagdad, The Thief of Bagdad, 1940). En France, il est dirigé par Jean Dréville (Le Joueur d’échecs, 1938) avec Françoise Rosay. En 1939, il acquiert la nationalité britannique. L'année suivante, Conrad Veidt se rend aux États-Unis pour les scènes du film Le Voleur de Bagdad, où il interprète Jaffar, le méchant vizir. Il se fixe en Californie et tourne souvent des personnages de nazis : Il était une fois de  George Cukor (1940), Échec à la Gestapo de Vincent Sherman (1941) et Casablanca de Michael Curtiz.

De 1916 à 1943, dans sa filmographie d'une centaine de films - Journal d'une fille perdue (Das Tagebuch einer Verlorenen) de Richard Oswald (1918) -, figurent des classiques du septième art.

En 1943, il décède d’un infarctus, peu après avoir achevé le tournage d'Un espion a disparu (Above suspicion).

« Conrad Veidt, un acteur hanté, de Berlin à Hollywood »
La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé propose la rétrospective « Conrad Veidt. Un acteur hanté de Berlin à Hollywood ». 

Les séances cinématographiques sont accompagnées par les pianistes issus de la classe d'improvisation de Jean-François Zygel (CNSMDP).

« Peu connu du grand public, Conrad Veidt fait pourtant discrètement partie de la culture populaire. Cet acteur allemand incarne en 1924, le personnage de Gwynplaine dans L’Homme qui rit de Paul Leni, adapté de l’œuvre de Victor Hugo. C’est ainsi que deux jeunes dessinateurs, Bob Kane et Jerry Robinson, se souviendront de ce personnage mutilé par des trafiquants au niveau de la bouche pour lui infliger une grimace permanente. Le visage terrifiant de Conrad Veidt arborant un large rictus leur inspirera le personnage du Joker, l’ennemi juré de leur Batman. »

La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé nous « replonge dans la filmographie de cet acteur aux yeux immenses, au corps désarticulé et aux gestes ralentis qui incarne à lui seul l’expressionnisme allemand. Ouvertement antinazi au temps où Hitler monte au pouvoir, incarnant aussi le rôle d’un homosexuel dans l’un des premiers films sur l’homosexualité masculine alors qu’il n’était pas gay (Anders als die Andern / Différent des autres, réalisé par Richard Oswald en 1919), Conrad Veidt mérite, par ce qu’il a incarné et apporté au cinéma mondial, qu’on s’arrête quelques semaines sur sa carrière exceptionnelle. »

Une conférence de Bernard Eisenschitz « Conrad Veidt. Le somnambule » accompagne la rétrospective. « Pour l’histoire du cinéma, Conrad Veidt est le somnambule du Cabinet du Dr Caligari. Mais, de 1918 à 1942, il a aussi raconté l’histoire de l’entre-deux-guerres : c’est encore un récit de somnambulisme où se croisent des maharadjahs, des marginaux rejetés par la société, Asta Nielsen, Richard Oswald et F.W. Murnau, Ivan le terrible et Raspoutine, le Juif Süss et les espions de Goebbels. Par ailleurs, Conrad Veidt était un acteur aux cent rôles. »

« Yeux immenses, corps désarticulé, gestes au ralenti : avec son rôle de Cesare, l’hypnotisé meurtrier, dans Le Cabinet du Dr Caligari (1920), Conrad Veidt est devenu l’emblème de l’imaginaire cauchemardesque qui déferle alors sur le cinéma allemand, et que Lotte H. Eisner devait appeler l’Ecran démoniaque. Avec ce rôle et quelques autres tout aussi novateurs de la « procession des tyrans », Veidt devenait du même coup, à 27 ans, l’une des stars du cinéma européen si pauvre en visages, en corps expressifs, en jeunesse », a résumé Bernard Eisenschitz.

Et Bernard Eisenschitz  de poursuivre : « Même s’il a connu brièvement l’enseignement du grand créateur de théâtre Max Reinhardt, c’est le cinéma qui a formé Conrad Veidt en tant que comédien. À la fin de la guerre, lors de l’effondrement du pays, l’industrie du film est ouverte aux improvisations, aux expériences. Veidt est happé par le suractif Richard Oswald. Producteur-réalisateur boulimique, celui-ci emploie à la chaîne une troupe de comédiens talentueux et désargentés, pour quelques dollars quotidiens échappant à l’inflation, dans des sujets brûlants ou polémiques qui fascinent le public : prostitution, homosexualité, avortement, maladies vénériennes... En quatre ans (1918-1921), Veidt est distribué dans dix-sept de ses films. Avec le grand F.W. Murnau, il en interprète cinq, dont un seul hélas est conservé (L’Entrée dans la nuit, 1921). »

« Jeune premier à la beauté magnétique et ambiguë, il est une image des incertitudes et des aveuglements de la société allemande à l’âge de sa première république, avec l’inflation, la libération sexuelle, la violence politique… La fêlure apparaît dans des doubles rôles : L’Etudiant de Prague (version conte fantastique, Henrik Galeen 1926) ou Les Frères Schellenberg (version drame bourgeois, Karl Grune, 1926), avant qu’il devienne une vedette internationale », a rappelé Bernard Eisenschitz.

Et Bernard Eisenschitz d’analyser : « À la différence de ses amis Emil Jannings ou Werner Krauss, Veidt maintient une frontière stricte entre son image à l’écran et sa vie privée. Ses amis se souviennent d’un camarade sociable, à l’humour typiquement berlinois, dont la distraction préférée était le golf. Pourtant, ce fils de fonctionnaire impérial, incarnation du chic de l’entre-deux-guerres, est aussi un homme honnête et un antiraciste, un antinazi résolu. Quand il annonce que son prochain rôle sera celui du Juif Süss dans le roman historique de Lion Feuchtwanger (1925), rôle qu’il convoite depuis 1928, la presse aux ordres du Troisième Reich se déchaîne. Josef Goebbels se vengera du Jew Süss britannique (1934), voulu par Veidt et réalisé par Lothar Mendes, en produisant quelques années après sa propre version du Juif Süss (1940), un des pires films antisémites. »

« Conrad Veidt ne retournera plus en Allemagne. Naturalisé citoyen britannique, il met ses moyens financiers au service de la lutte contre l’hitlérisme. Les rôles que lui offrent Londres et Hollywood sont pour la plupart, selon les exigences de l’actualité, ceux de nazis, culminant avec son major Strasser dans le légendaire Casablanca de Michael Curtiz (1942). Encore un film après celui-ci et, à cinquante ans, il est frappé par une crise cardiaque pendant une partie de golf », a conclu Bernard Eisenschitz.

« Veidt ne cessa de se réincarner en imprégnant le jeu de différents acteurs. Aujourd'hui, son ombre plane chez Tim Burton dans « Edward aux mains d'argent », où Johnny Depp retrouve le mince profil du somnambule de « Caligari », et c'est avec les yeux d'Orléac qu'il regarde les sécateurs qui pendent au bout de ses bras. De même, dans « Batman », Jack Nicholson emprunte son sourire grimaçant à « L'homme qui rit ». Ainsi, en léguant son corps à Caligari, Conrad Veidt l'a offert à tout le cinéma. Pour le grand public, son nom s'est effacé mais son art et l'héritage expressionniste ont à jamais contaminé les écrans », a analysé Adrien Gombeaud (Les Echos, 25 oct. 2006)
 
« Conrad Veidt - My Life »
Le documentaire de Mark Rappaport « Conrad Veidt - My Life (
2019 ) est un « film essai sur la vie et la carrière de Conrad Veidt, star du cinéma muet allemand après son rôle de Cesare, le somnambule du Cabinet du Docteur Caligari. Comme beaucoup d'autres artistes de l'Allemagne nazie, il s'enfuit en 1933. Il devient alors un acteur marquant du cinéma britannique mais lorsque l'Allemagne attaque Londres, il émigre aux États-Unis où il se retrouve bien souvent à jouer des nazis - un sort qui a frappé de nombreux acteurs allemands réfugiés. Conrad Veidt meurt d'une crise cardiaque sur un terrain de golf à Hollywood en 1943. »


Du 22 janvier au 25 février 2025 
73 avenue des Gobelins. 75013 Paris
Visuels :
The Man Who Laughs, Paul Leni, 1928,
Courtesy of Park Circus Universal

Le Cabinet des figures de cire (Paul Leni, 1924) 
© Deutsches Filminstitut 

Anders als die Andern (Richard Oswald, 1919) 
© Edition Filmmuseum, Filmmuseum München 

Le Cabinet du Dr Caligari (Robert Wiene, 1920)
© Murnau Stiftung 


Articles sur ce blog concernant :
Les citations proviennent du dossier de presse.

mercredi 19 février 2025

« Le trompe-l’œil de 1520 à nos jours »

Pour le 90e anniversaire de son ouverture, le musée Marmottan Monet présente l’exposition « Le trompe-l’œil de 1520 à nos jours ». Une "histoire de la représentation de la réalité dans les arts, du XVIe au XXIe siècle, au travers d'un type obéissant à des règles précises, notamment le sujet : une nature morte, et incitant le spectateur à douter de ce qu'il voit. Si le vocable  « trompe-l'œil » apparait pour la première fois en légende d’une œuvre exposée au Salon de 1800, l'origine remonte à l'Antiquité romaine avec Pline l’Ancien (c.23-79 de l'ère commune). Jubilatoire.

Le monde d'Albert Kahn. La fin d'une époque
Paul Rosenberg (1881-1959)
« Une élite parisienne. Les familles de la grande bourgeoisie juive (1870-1939) » par Cyril Grange

Au musée Marmottan Monet, l’exposition « Le trompe-l’œil, de 1520 à nos jours » retrace l’histoire de la représentation de la réalité dans les arts et entend rendre hommage à une facette méconnue des collections du musée, ainsi qu’au goût de Jules et Paul Marmottan pour ce genre pictural. »

« Le terme trompe-l’œil aurait été employé pour la première fois par Louis Léopold Boilly (1761-1845) en légende d’une œuvre exposée au Salon de 1800. Le terme fut adopté trente-cinq ans plus tard par l’Académie française. Bien que le terme apparaisse au XIXe siècle, l’origine du trompe-l’œil serait liée à un récit bien plus ancien, celui de Pline l’Ancien (c.23-79 apr. J.C.), qui rapporte dans son Histoire naturelle comment le peintre Zeuxis (464-398 av. J.C.), dans une compétition qui l’opposait au peintre Parrhasios (entre 460 av. J.-C. et 455-env. 380 av. J.-C.), avait représenté des raisins si parfaits que des oiseaux vinrent voleter autour. »

« Au cours des siècles, le trompe-l’œil se décline à travers des médiums divers et se révèle pluriel. Il joue avec le regard du spectateur et constitue un clin d’œil aux pièges que nous tendent nos propres perceptions. Si certains thèmes du trompe-l’œil sont connus – tels que les vanités, les trophées de chasse, les porte-lettres ou les grisailles – d’autres aspects seront abordés dans cette exposition, comme les déclinaisons décoratives (mobilier, faïences,…) ou encore la portée politique de ce genre pictural à l’époque révolutionnaire jusqu’aux versions modernes et contemporaines. »

« Plus de 80 œuvres significatives du XVIe au XXIe siècle provenant de collections particulières et publiques d’Europe et des États-Unis (National Gallery of Art de Washington, le musée d’art et d’histoire de Genève, le Museo dell’Opificio delle Pietre Dure de Florence, le château de Fontainebleau, le musée du Louvre, le musée de l’Armée, la Manufacture et musée nationaux de Sèvres, la Fondation Custodia, le Palais des Beaux-Arts de Lille, le musée Unterlinden de Colmar…) seront exposées et permettent d’appréhender l’évolution formelle du trompe-l'œil. »
« Martin Battersby,
Charles Bouillon,
Henri Cadiou,
Guillaume Dominique Doncre,
Pierre Ducordeau,
Daniel Firman,
Piero Fornasetti,
Johann Caspar Füssli,
Gaspard Gresly,
Cornelis Norbertus Gijsbrechts,
John Haberle,
Jean Antoine Houdon,
Nicolas de Largillière,
Jean-François de Le Motte,
Jean-Étienne Liotard,
Cristoforo Munari,
Jean-Baptiste Oudry,
Giuseppe Penone,
John Frederick Peto,
Michelangelo Pistoletto,
Jacques Poirier,
Pierre Roy,
Lisa Sartorio,
Piat Joseph Sauvage,
Daniel Spoerri
et Anne Vallayer-Coster
sont quelques-uns des maîtres réunis pour célébrer l’intérêt des artistes pour cet art de l’illusion, soulignant leur technicité et leur virtuosité. » 

« À l’occasion de cet événement, sept œuvres de la collection du musée ont été restaurées et trouveront une place de choix dans notre démonstration, dont Trompe-l’oeil (1665) de Cornelis Norbertus Gijsbrechts (1630 – vers 1675), Portrait de Madame Chenard (1813) de Louis Léopold Boilly (1761-1845) et le Trompe-l'œil également intitulé le Traité de paix définitif entre la France et l’Espagne (après 1801) de Laurent Dabos (1761-1835). »

« Les neuf sections de l’exposition illustrent ainsi, à travers un parcours chronologique, la pluralité des sensibilités et des représentations du trompe-l'œil tout comme son évolution au fil du temps. »

Le commissariat scientifique est assuré par Sylvie Carlier, directrice des collections, et la commissaire associée est Aurélie Gavoille, attachée de conservation.

PARCOURS DE L’EXPOSITION

« Le musée Marmottan Monet, propriété de l’Académie des beaux-arts, célèbre le 90e anniversaire de son ouverture le 21 juin 1934. Il doit son histoire et la richesse de ses collections aux artistes, aux descendants d’artistes et aux collectionneurs privés. Il conserve sept toiles en trompe-l’œil acquises par ses fondateurs Jules (1829-1883) et Paul Marmottan (1856-1932). Ce dernier, en tant qu’historien, a même publié plusieurs ouvrages revenant sur certains de ses plus éminents représentants des XVIIIe et XIXe siècles dont Dominique Doncre et Louis Léopold Boilly. Construite autour de ce noyau, cet événement permet de mettre en avant ce pan de nos collections et de leur faire retrouver tous leurs effets suite à une campagne de restauration menée à cette occasion. »

« Le terme trompe-l'œil a été employé pour la première fois par Boilly en légende de l’oeuvre qu’il expose au Salon de 1800. Il sera adopté trente-cinq ans plus tard par l’Académie française. Bien que le terme apparaisse au XIXe siècle, son origine remonte à l’Antiquité comme le relate l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien décrivant une œuvre de Zeuxis qui peignit si habilement des raisins que des oiseaux tentèrent de les picorer. »

« Selon Miriam Milman, spécialiste du genre, cette légende pose la question même liée à ce type de stratagème, « peut-on vraiment leurrer un spectateur au moyen d’une peinture, forcément bidimensionnelle, au point de lui faire croire que ce qu’il voit est une réalité tridimensionnelle ? »1.

« L’art du trompe-l'œil de chevalet est un type de représentation qui, comme un jeu, obéit à des règles très précises : le tableau doit être une nature morte, il doit s’intégrer à l’environnement dans lequel il est présenté, requérant ainsi une mise en scène tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’oeuvre. Il exige également que la représentation du sujet soit figurée grandeur nature, dans son intégralité sans être entravée par le cadre et que la signature de l’artiste soit dissimulée dans le tableau tout comme sa main pour garantir l’illusion. »

« Le trompe-l'œil joue avec le regard du spectateur et constitue un clin d’œil aux pièges que nous tendent nos propres perceptions. Si certains thèmes sont déjà bien connus, comme les vanités, les trophées de chasse, les porte-lettres ou les grisailles, d’autres aspects seront abordés dans notre parcours dont les déclinaisons décoratives (mobilier et faïences) ou encore la portée politique à l’époque révolutionnaire jusqu’aux versions modernes et contemporaines de ce genre. Au cours des siècles, le trompe-l'œil se décline à travers des médiums divers et se révèle donc pluriel. Sans vouloir être exhaustive, l’exposition souhaite témoigner de cette histoire de la représentation de l’illusion de la réalité au travers d’un parcours varié et didactique témoignant des productions des écoles septentrionales, française et américaine. »

1. Bourg-en-Bresse, Monastère royal de Brou, 21 mai - 4 septembre 2005, Le trompe-l'œil : plus vrai que nature ?, p. 11.

GENÈSE ET ÂGE D’OR DU TROMPE-L’OEIL :
LE XVIIE SIÈCLE
« L’Antiquité définit la peinture comme mimêsis, le moyen privilégié de représenter, d’imiter la nature. C’est précisément le défi que se lancèrent Zeuxis et ses raisins et Parrhasios qui dupe son rival avec un rideau peint (Ve et IVe siècles avant J-C). Ces motifs cristallisent les questions de l’abolition des frontières entre art et réalité, la part de l’art et celle de l’invention, que vont se poser après eux plusieurs générations d’artistes. »

« Si la période médiévale se préoccupe peu de ces jeux d’optique, ils réapparaissent à la Renaissance. Les recherches sur la perspective amènent certains artistes à concevoir de véritables décors en trompe-l'œil comme la marqueterie d’armoires feintes du Studiolo du palais ducal d’Urbin (1473-1476). À partir du début du XVIe siècle, la figuration illusionniste d’objets du quotidien devenant le sujet principal d’un tableau de chevalet, se multiplie et séduit collectionneurs et amateurs. La Nature-morte aux bouteilles et aux livres (vers 1520-30, Colmar, musée d’Unterlinden) constitue un exemple significatif d’une des plus anciennes natures mortes trompe-l'œil connues. »

« Le XVIIe siècle voit aux Pays-Bas l’apogée de ces recherches menées par les artistes. Avec des moyens purement techniques et plastiques, la peinture à l’huile, la perspective, les effets de lumière, l’artiste ambitionne de rivaliser avec la réalité. Cornelis Norbert Gijsbrechts, peintre de la cour de Copenhague au service des rois Frédéric III puis Christian V, amateurs de cabinets de curiosité, conçoit pour eux des trompe-l'œil dont la virtuosité inégalée élève ainsi le trompe-l'œil, un genre dit mineur, à un niveau de perfection et d’ingéniosité sans précédent. »

DU XVIIE SIÈCLE AU XVIIIE SIÈCLE,
DU TROPHÉE AU QUODLIBET
« Au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, dans la production des natures mortes illusionnistes, les trophées et les quodlibets trouvent une place de choix dans les intérieurs aisés. Parmi les portraits en trophées de chasse, gibiers et volatiles sont les plus prisés et sont souvent issues de commandes. Le roi Louis XV sollicite le pinceau de Jean-Baptiste Oudry, peintre du roi, pour immortaliser ses prouesses à la chasse à courre. L’artiste joint aux côtés des animaux un cartellino, petit papier froissé relatant le titre de l’oeuvre et la date de la chasse. Au-delà de la mise en valeur de l’activité aristocratique, il s’agit de mettre en avant le nom du propriétaire et la maison où l’oeuvre sera exposée. »

« Le quodlibet (forme latine quod libet), qui peut se traduire par « ce qu’il vous plaît » met en scène un désordre savamment organisé. »

« Il s’agit de quelques planches de sapin sur lesquelles des rubans ou des lanières sont clouées et entre lesquelles des lettres, des dessins, des gravures et des menus objets (bésicles, plumes, sceaux, etc.) sont retenus par des rubans. L’artiste y démontrait sa virtuosité et pouvait aussi apposer sa signature, la date de l’oeuvre ou le nom de son commanditaire sur l’un des documents présenté sur ces portes-lettres. Au-delà de la technicité de ces compositions permettant de lire les documents imités, les artistes pouvaient y dissimuler, tel un rébus, certains messages plus ou moins explicites selon son destinataire et que le spectateur se plaît à reconstituer. Ces quod libets, avec le désordre des papiers froissés et déchirés, évoquent souvent une pensée moralisatrice, celle de la vanité du savoir, du temps qui passe et de la précarité des objets et de la vie. »

ÉPANOUISSEMENT AU XVIIIE SIÈCLE :
PEINTURE ILLUSIONNISTE
« Au cours du XVIIIe siècle, plusieurs artistes dont Gaspard Gresly, Étienne Moulineuf, Dominique Doncre et Louis Léopold Boilly s’attellent à peindre des éléments ou une composition entière en noir et blanc, en grisaille alors qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles, ils sont le plus souvent préparatoires à un tableau ou à une estampe. »

« Ces peintres en font des grisailles extrêmement abouties à l’imitation de la gravure. Celle-ci peut être fixée à une planche de sapin brute sur laquelle une feuille gravée est épinglée et rend hommage à des maîtres de l’histoire de l’art comme le peintre hollandais Frans Hals (1580–1666) ou le graveur lorrain Jacques Callot (1592–1635) tandis que d’autres artistes mettent à profit leur maîtrise de cette technique pour faire ressortir les traits de leurs modèles comme ceux de Madame Chenard par Boilly ou copient d’œuvres de maîtres dont le Bénédicité de Chardin ce dont témoigne l’oeuvre de Moulineuf ajoutant de manière habile la troisième dimension grâce au verre cassé feint. »

ARCHITECTURE ET TROMPE-L’OEIL
« Au-delà de la peinture de chevalet, la peinture en trompe-l'œil peut également constituer un élément de décor architecturé, faisant partie intégrante des intérieurs d’une société aristocratique séduite. Le peintre Dominique Doncre, spécialiste du trompe-l'œil et de la grisaille, établi dès 1770, à Arras, où il effectue l’essentiel de sa carrière, est l’un des artistes les plus représentatifs dans ce domaine. Paul Marmottan a écrit et collectionné les œuvres de cet artiste dont nous exposons ici certaines peintures provenant du musée des Beaux-Arts d’Arras dont une issue de la collection de Paul Marmottan. Ainsi, des dessus-de-porte, des devants de cheminées et des médaillons ornèrent de ses scènes d’enfants jouant certains des plus prestigieux hôtels particuliers de la ville d’Arras. »

« Les fouilles archéologiques sur les sites d’Herculanum débutées en 1738 puis sur celles de Pompéi à partir de 1748 contribuent à créer un véritable engouement renouvelé pour l’Antiquité. De ce goût nouveau naît le néoclassicisme qui se diffuse dans la mode et les arts. L’art de l’illusion ne fait pas exception et trouve notamment au travers des œuvres de Jacob de Wit, d’Anne Vallayer-Coster et celles attribuées à Piat Joseph Sauvage des éléments de décors significatifs préfigurant cette nouvelle esthétique visant à s’y méprendre à l’imitation de bas-reliefs. »

ARTS DÉCORATIFS :
LA CÉRAMIQUE
« Au XVIIIe siècle, la volonté de créer l’illusion s’étend à la production de la céramique en trompe-l'œil au service d’objets utilitaires où il s’agit davantage d’une évocation que d’une réelle duperie. Elle prend son origine dans la production des Della Robbia et de leurs suiveurs pendant la Renaissance en Italie. Cela évolue au XVIIIe siècle, des thématiques nouvelles apparaissent au gré des nouvelles techniques apparaissant dont la porcelaine dure. Soupières en forme de choux, de salades, de courges, assiettes garnies d’olives et autres fruits et légumes ou terrines de forme animalière décorent les tables d’apparat aux côtés de plats aux formes plus conventionnelles, source de confusion pour les convives. Le trompel’œil s’autonomise entre le XVIIe siècle et le milieu du XVIIIe siècle. Ce goût se diffuse largement, tout d’abord en Allemagne (Meissen) puis dans toute l’Europe dont la France, ce dont témoigne les nombreuses manufactures qui sont créées (Sceaux, Niderviller). L’activité cesse au début du XIXe siècle. C’est pourtant à cette époque, qu’Avisseau redécouvre les secrets du céramiste de la Renaissance, Bernard Palissy qui peupla ses plats d’animaux et d’insectes exécutés en relief : il fonde l’école de Tours et influence d’autres céramistes passionnés. La tradition du trompe-l’oeil dans les arts décoratifs se renouvelle au XXe siècle avec des décors peints à la surface des objets à la manière d’une peinture illusionniste, domaine dans lequel excellent notamment le peintre Pierre Ducordeau et le designer milanais Pietro Fornasetti. »

LE XIXE SIÈCLE ET LE RENOUVEAU
DE L’ÉCOLE DU TROMPE-L’OEIL AUX ÉTATS-UNIS
« Sous la Révolution française, le trompe-l'œil devient un support pictural à visée politique. Dès le Premier Empire, le trompe-l'œil gagne en popularité et connaît même un succès commercial grâce à des artistes comme Louis Léopold Boilly. Pour la première fois, il donne au Salon de 1800 le nom de Trompe-l'œil à l’une de ses œuvres et y fait sensation. Mêlant aux codes traditionnels de l’illusion sa dérision, il fait du spectateur le complice de ses stratagèmes et de ses jeux esthétiques qu’il maîtrise d’une manière inégalée. Si le public aime à se faire piéger, la critique semble davantage mépriser ce type de composition d’un genre dit mineur. »

« Délaissé au cours de la seconde moitié du XIXe siècle en France, l’engouement du trompe-l'œil renaît aux États-Unis avec ce que nous nommons commodément « la seconde école » de Philadelphie qui succède à la « première » incarnée par la dynastie de peintres américains de la famille de Charles Wilson Peale durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. »

« Au siècle suivant, le peintre William Harnett, après une formation à Munich où il admire l’art des Pays-Bas du XVIIe siècle, revient à Philadelphie où il rencontre John Frederick Peto. Accompagnés de John Haberle, ils sont assimilés à ce que l’on appelle communément la seconde École de Philadelphie où le genre du trompe-l'œil trouve une place de choix. » 

« Ils réinterprètent de manière moderne cette tradition en utilisant des objets quotidiens et contemporains issus de la culture américaine associant aspect décoratif et réalisme accru. »

« Ce mouvement, resté méconnu en France, a largement influencé les peintres américains des générations suivantes qui s’intéressèrent de nouveau à ce genre. »

LES TROMPE-L’OEIL CONTEMPORAINS
LE GROUPE TROMPE-L’OEIL/RÉALITÉ
« À partir de 1911-1912, Georges Braque et Pablo Picasso posent la question du lien entre la peinture et le réel à travers un nouveau type de représentation, le cubisme. L’ordonnance novatrice en une série de plans verticaux leur permet de jouer avec des jeux d’illusion de matière comme le montre la Nature morte à la chaise cannée de Picasso (Paris, musée national Picasso-Paris), oeuvre qui inspirera au début des années 1960, l’artiste du Nouveau Réalisme, Daniel Spoerri pour ses « Tableaux-pièges ».

« Le monde des objets va également intéresser les surréalistes qui en feront un support onirique. Membre du groupe, le peintre et décorateur de théâtre Pierre Roy développe une production de trompe-l'œil d’une grande maîtrise technique. De manière poétique, il s’amuse à inverser l’échelle des objets du quotidien tel que le fait également René Magritte. Ainsi, dans un cadre en faux bois, il dispose un papillon ou une carapace de tortue qui deviennent monumentaux alors qu’un château devient une miniature. Ce renversement des valeurs tend à perturber le regardeur. »

« Un intérêt renouvelé pour le genre du trompe-l'œil apparaît chez les artistes et le public après-guerre. En 1960, au Salon Comparaisons, le groupe des peintres de la réalité, créé par Henri Cadiou, expose des trompe-l'œil. Jacques Poirier et Pierre Ducordeau se rallient à l’artiste pour fonder ensuite le groupe « Trompe-l’oeil / Réalité ». En 1993, ils exposent au Grand Palais lors de la manifestation sur « le Triomphe du trompel’œil » suscitant l’intérêt de milliers de visiteurs. Ces artistes interrogent non sans humour ce genre et en font un support de contestation face à l’art contemporain, comme le peintre Pierre Ducordeau avec son imitation de l’oeuvre de l’un des grands maîtres de l’art de son temps comme Lucio Fontana. »

LES TROMPE-L’ŒIL CONTEMPORAINS 
LES ILLUSIONNISTES DE LA RÉALITÉ
« Mouvement d’avant-garde apparu en Italie dans les années 1960, l’Arte Povera dont font partie Michelangelo Pistoletto, Giovanni Anselmo ou encore Giuseppe Penone incarne une certaine défiance vis-à-vis de la société de consommation et rejette l’assignation à une identité en tant que mouvement pour celle d’une attitude, visant ainsi à décloisonner les pratiques artistiques et privilégier l’utilisation de matériaux naturels et de récupération. Après avoir fait l’expérience de ses autoportraits, l’un de ses représentants, Pistoletto réalise la série des Tableaux-miroirs dans les années 1960 et intègre désormais le miroir dans son oeuvre. Le polissage de l’acier inoxydable permet d’obtenir une surface réfléchissante sans l’épaisseur d’un miroir traditionnel. Grâce à ce médium il souhaite démontrer que le monde de l’image est ainsi scindé en deux : le monde de l’image spéculaire, objective et le monde de l’image reproduite. »

« Daniel Firman, avec Jade, inscrit lui son oeuvre dans l’histoire du moulage d’après nature. À travers le moulage de son modèle appuyé contre une cloison, l’artiste interpelle le visiteur grâce à son hyperréalisme sur la posture de personnes à l’intérieur d’un musée. »

« En 2018, Giuseppe Penone crée une oeuvre en céramique pour la Manufacture de Sèvres, Envelopper la terre avec la terre qui démontre sa capacité à donner l’illusion de tissu froissé sur lequel repose l’empreinte de son poing serré. Il traduit en biscuit de porcelaine un geste et l’un de ses thèmes de prédilection, l’empreinte du corps et son inscription dans la matière. »

TROMPER L’ADVERSAIRE : L’ART DU CAMOUFLAGE
« La Société d’études d’histoire militaire la Sabretache rassemblant des passionnés d’histoire militaire, dont les peintres Édouard Detaille et Ernest Meissonnier, est à l’origine de la fondation du musée historique de l’Armée, ancêtre du musée de l’Armée, décrétée en octobre 1896. L’historien du Premier Empire, Paul Marmottan, s’est fortement impliqué dans sa création en tant que membre fondateur de la Sabretache et donateur d’une partie de sa collection. Ainsi, les liens étroits entre nos deux musées nous ont permis d’interroger un autre pan de l’art de l’illusion, celui de la dissimulation à usage militaire. »

« Un an après le début de la Première Guerre mondiale, en août 1915, la section Camouflage est créée. Des artistes et des décorateurs de théâtre spécialistes œuvrent pour développer des dispositifs stratégiques homologués par les généraux pour protéger les hommes et améliorer la défense et les attaques de tous les corps d’armées. Cette nouvelle arme qu’est le camouflage va au fil des conflits du XXe et du XXIe siècle se perfectionner pour que le soldat ne fasse plus qu’un avec son environnement. Les photographies contemporaines de Daniel Camus et de Lisa Sartorio en proposent une vision mêlant réalisme et esthétisme. » 


« LE TROMPE-L’OEIL,
Jeu, Plaisir et Illusion »
Par Érik Desmazières
Membre de l’Académie des beaux-arts, Directeur du musée Marmottan Monet

« En cette année 2024, le musée Marmottan Monet, propriété de l’Académie des Beaux-arts, célèbre le 90e anniversaire de son ouverture le 21 juin 1934. Il doit son histoire et la richesse de ses collections aux artistes, aux descendants d’artistes et aux collectionneurs privés. Grâce à leur générosité exceptionnelle, l’ancien hôtel particulier de Jules et Paul Marmottan abrite des œuvres datant du Moyen Âge jusqu’à nos jours et s’affirme comme l’un des hauts lieux de l’impressionnisme dans le monde.

À l’occasion de cet anniversaire, il organise une exposition-événement consacrée à l’art du trompe-l'œil présentant plus de 80 œuvres provenant de prestigieuses institutions muséales françaises, européennes et américaines et de collections particulières. Certaines œuvres ont été rarement vues et d’autres sont complètement inédites. La genèse de ce projet trouve en fait sa source dans les legs de Jules et Paul Marmottan, collections fondatrices du musée. La famille originaire du nord de la France a légué à l’Académie des beaux-arts sept œuvres illusionnistes : trois signées par certains des plus éminents maîtres de ce genre tels que Cornelis Norbertus Gijsbrechts, Laurent Dabos et Louis Léopold Boilly, et quatre attribuées à Piat Joseph Sauvage. Construit autour du noyau formé par ce fonds, cette présentation permet de mettre en valeur cet aspect de nos collections, de se replonger dans leurs histoires et de procéder à la restauration de ces œuvres. Elles ont retrouvé toute leur lisibilité et leurs couleurs d’origine et seront, pour certaines, présentées au public pour la première fois depuis des décennies, faisant ainsi de cette manifestation un double événement.

Dans cette exposition, nous retraçons l’évolution de ce genre pictural du XVIe siècle à nos jours, de son âge d’or à sa persistance au fil des époques, de son mépris par la critique au XIXe siècle, démenti par un public séduit prenant plaisir à tomber dans le piège du jeu de l’illusion, jusqu’à sa réappropriation encore trop peu méconnue par les artistes au XXe et au XXIe siècles. La fin du parcours est dédié à l’art de « tromper l’ennemi » grâce à la section camouflage fondée au début de la Première guerre mondiale jusqu’aux évolutions techniques où la dissimulation devient un véritable enjeu de survie lors des conflits.

La virtuosité et l’ingéniosité technique sont les principaux ressorts des recherches des artistes qui y mêlent une pointe de fantaisie voire d’humour assumée. L’exposition offre à voir une multitude de médiums, de la peinture à la sculpture, de l’architecture au dessin, de la photographie aux arts décoratifs dont la céramique, soulignant ainsi la manière dont cet art de la tromperie s’est diffusé dans les arts.

En fonction des époques, il ne s’est pas construit suivant les mêmes codes, ne répond pas aux mêmes règles ni aux mêmes références. Comme le rapporte Anne-Marie Lecoq, ce genre aux dispositifs variés « est la seule catégorie d’œuvres d’art qui se définisse par référence à l’effet produit sur le spectateur »1. Cet événement tente non pas d’en dresser une histoire continue mais plus modestement d’en montrer les singularités et les ruptures pour souligner toute la beauté, le mystère et la fantaisie de ces illusions messagères. Il va au-delà d’une approche iconographique pour interroger le rapport entre le spectateur et l’auteur, les modalités du regard et du regardeur face à sa propre crédulité.

Notre profonde gratitude va assurément et tout particulièrement à Madame Miriam Milman, spécialiste du sujet, et à sa famille. Nous tenons à remercier l’ensemble des prêteurs publics et privés qui nous ont accordé leur confiance dont le Monastère royal de Brou de Bourg-en-Bresse, la Manufacture et musée nationaux de Sèvres et Limoges, le musée de l’Armée, la National Gallery of Art de Washington, la collection Kugel, le musée Unterlinden de Colmar, le musée des Beaux-Arts d’Arras, pour leur soutien exceptionnel, permettant de donner à cette manifestation l’envergure qu’elle mérite. Nous adressons toute notre reconnaissance à Sylvie Carlier notre commissaire et directrice des Collections du musée Marmottan Monet et Aurélie Gavoille, commissaire associée, attachée de conservation et coordinatrice de cet événement, ainsi qu’aux équipes du musée Marmottan Monet. La générosité des institutions publiques et des collectionneurs privés a permis à l’ensemble des contributeurs du catalogue que nous remercions d’offrir à cette exposition et à son catalogue une vision renouvelée de l’art de tromper l’œil. »

1. Anne-Marie Lecoq, « Tromper les yeux », disent-ils. XVIe – XVIe siècle, dans Le Trompe-l'œil de l’Antiquité au XXe siècle sous la direction de Patrick Mauriès, Paris, Gallimard, 1996, p. 63.


Du 17 octobre 2024 au 2 mars 2025
2, rue Louis Boilly. 75016 Paris
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h
Visuels :
Affiche
Henri Cadiou
La Déchirure
1981
Huile sur toile
80 x 54 cm
Collection particulière
© Raphaële Kriegel
© ADAGP, Paris 2024

Louis Léopold Boilly
Trompe-l’œil aux pièces de monnaies, sur le plateau d’un guéridon
Vers 1808-1815
Peinture à huile sur vélin et bois
Guéridon 76 cm de hauteur, plateau 48 x 60 cm
Lille, Palais des Beaux-Arts
© Photo : RmnGrandPalais (PBA, Lille) / Stéphane Maréchalle 

Anonyme, Allemagne du Nord,
Armoire aux bouteilles et aux livres
Vers 1520-1530
Huile sur bois
106 x 81 cm
Colmar, musée Unterlinden
© Musée Unterlinden / Christian Kempf

Nicolas de Largillière
Deux grappes de raisin
1677
Huile sur panneau
24,5 x 34,5 cm
Paris, Fondation Custodia, Collection Frits Lugt 
© Paris, Fondation Custodia

Jean Pillement
Trompe-l'œil avec ruban turquoise devant le paysage de la campagne portugaise
Vers 1790
Huile sur toile
37,5 x 54 cm
Paris, Collection Farida et Henri Seydoux
© Studio Christian Baraja SLB 

John Frederick Peto 
Le Vieux Violon [The old Violin]
Vers 1890
Huile sur toile
77,2 x 58,1 cm
Washington, National Gallery of Art, don de l’Avalon Foundation 
© Washington, National Gallery of Art 

Jean-François de Le Motte
Trompe-l’œil
2° moitié du XVIIe siècle
Huile sur toile
78,1 x 53,2 cm
Dijon, musée des Beaux-Arts, legs Chenagon-Gautrelet, 1957
© Musée des Beaux-Arts / photo François Jay


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