Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

mercredi 26 mars 2025

Rudolf Steiner (1861-1925)

Rudolf Steiner (1861-1925) était un essayiste né dans l'actuelle Croatie. Il est devenu célèbre en créant en 1912 
l'anthroposophie, une doctrine spirituelle ésotérique, syncrétique et controversée déclinée dans l'éducation (écoles Steiner-Waldorf), l'agriculture (agriculture biodynamique), la médecine (médecine anthroposophique), l'architecture, la danse... Arte diffusera le 28 mars 2025 à 00 h 15 « Le monde occulte de Rudolf Steiner », documentaire d’Anna Pflüger.

Ruth Beckermann, documentariste

Né dans l'actuelle Croatie alors dans le royaume de Hongrie, Rudolf Steiner (1861-1925) étudia à la Technische Hochschule de Vienne afin de devenir ingénieur. Après des études abrégées, il est recruté à la Goethe und Schiller-Archiv (Archives de Goethe et Schiller) à Weimar au poste de responsable de l'édition des œuvres de Goethe, puis travaille comme rédacteur en chef du Magazin für Literatur à Berlin.

Membre de la Société théosophique, il devient en 1902 secrétaire général de la section allemande qu'il quitte en 1912 pour créer la Société anthroposophique. Durant ses quinze dernières années, il travaille essentiellement à Dornach, près de Bâle (Suisse).

Il fonde l'anthroposophie, une doctrine spirituelle ésotérique controversée qu'il décline dans l'éducation, l'agriculture et la médecine. Ces déclinaisons sont connues de nos jours sous ces dénominations : agriculture biodynamique, médecine anthroposophique, écoles Steiner-Waldorf, danse Eurythmie.

Il est notamment célèbre pour avoir inspiré la pédagogie Steiner-Waldorf, un courant pédagogique controversé lui aussi et fondé sur ses conceptions éducatives et anthroposophiques.

Rudolf  Steiner est l'auteur de livres sur la philosophie, l'occultisme et la spiritualité

Steiner, Juifs et Judaïsme
Dan Dugan est "un ancien parent d'élèves Waldorf et dirige Dan Dugan Sound Design à San Francisco, en Californie. Son organisation, PLANS (People for Legal and Non-Sectarian Schools), s'oppose au financement public des écoles Waldorf en raison de leur caractère religieux". Dans "Rudolf Steiner and the Jews" ("Rudolf Steiner et les Juifs"), il a écrit en 1999 :
"L'anthroposophie combine des éléments de l'hindouisme (réincarnation et karma), du zoroastrisme (dieux co-créateurs de la lumière et des ténèbres), du christianisme ésotérique (gnosticisme, manichéisme) et des traditions occultistes européennes (rosicrucianisme, franc-maçonnerie, herboristerie). De la théosophie, il a hérité un mythe de création complexe, alambiqué et raciste, qui implique la supériorité « aryenne » par la force du destin :
"Nous appartenons à la grande race-racine de l'humanité, qui peuple la Terre depuis que la terre sur laquelle nous vivons aujourd'hui a surgi des inondations de l'océan. Depuis que la race atlante a commencé à disparaître lentement, la grande race aryenne domine la Terre. Si nous nous observons, nous, ici en Europe, sommes donc la cinquième sous-race de la grande race-racine aryenne. La première sous-race vivait dans un passé lointain, dans l'Inde ancienne".
Cette histoire mythique de l'Atlantide peut être retracée de Madame Blavatsky au théoricien nazi Alfred Rosenberg en passant par Steiner. Elle perdure aujourd'hui, non seulement dans les écrits ésotériques, mais aussi comme cadre de l'histoire ancienne enseignée dans les écoles Waldorf, privées et publiques. La théorie pédagogique de Steiner impose aux enfants de suivre une récapitulation de « l'évolution de la conscience humaine ». Le cadre historique utilisé en CM2 et en sixième année des écoles Waldorf suit le schéma évolutionniste de Steiner. Les Juifs n'ont d'autre rôle à jouer dans ce système que de fournir un corps physique approprié à « l'Esprit-Christ ». Steiner explique que la tâche de la « race » juive est accomplie et que si tout s'était déroulé selon le plan des « dieux supérieurs », elle aurait déjà disparu.
« Il faut que se développe progressivement dans l’humanité ce qui est lié à la véritable impulsion chrétienne, et que ce qui est lié à la simple impulsion de Jéhovah [sic] soit dépassé. » [1918]
[...]
Steiner adoptait des positions différentes sur la question raciale selon ses interlocuteurs. Il aurait été ami du poète juif Ludwig Jacobowski, qui l'aurait chargé d'exécuter son testament...
Steiner a passé des années à Vienne comme tuteur à domicile pour un garçon hydrocéphale issu d'une famille juive aisée. Leurs relations se sont tendues après la publication d'un article défendant le livre de Hamerling « Homunculus » contre les accusations d'antisémitisme. Steiner avait écrit :
« Le judaïsme en tant que tel a longtemps survécu à sa propre disparition. Il n'a pas le droit d'exister dans la vie moderne des nations. Sa survie est néanmoins une erreur de l'histoire mondiale, dont les conséquences étaient inévitables. » [Toos Jeurissen, traduction de Tollenaere]
Steiner ne se considérait pas comme antisémite. Ses disciples ont le même problème aujourd'hui...
Steiner comptait, et compte encore aujourd'hui, de nombreux fidèles juifs. Il existe même un kibboutz anthroposophique en Israël, dont le chef théorise que la Shoah était un mal nécessaire pour contrebalancer le bienfait de la seconde venue du Christ. Étant donné l'importance constante de l'anthroposophie sur « l'impulsion chrétienne », il me semble que pour que les Juifs professent l'anthroposophie, il faudrait soit une conversion au christianisme gnostique, soit une part malsaine de dissociation induite par la secte." 
Peter Staudenmaier est professeur associé d'Histoire, spécialisé dans l'Histoire de l'Europe contemporaine - Allemagne nazie, Italie fasciste, histoire de l'environnement et histoire de la pensée raciale -, à l'université Marquette, établissement d'enseignement supérieur privé, catholique, créé par les Jésuites en 1881 et localisée à Milwaukee (Wisconsin, États-Unis). Il a obtenu un PhD (doctorat de Cornell en 2010).

Dans l'article "Rudolf Steiner and the Jewish Question" (Rudolf Steiner et la Question Juive, 2005), Peter Staudenmaier « explore les perspectives complexes et conflictuelles de Rudolf Steiner sur le judaïsme et l'antisémitisme tout au long de sa vie. Il distingue trois phases distinctes dans les opinions de Steiner : un antisémitisme culturel précoce, une phase transitoire de philosémitisme individualiste et un développement ultérieur d'un antisémitisme ésotérique, soulignant les contradictions internes et l'impact de ses théories raciales. L'analyse vise à démêler le lien complexe entre l'anthroposophie de Steiner et ses opinions sur les Juifs, révélant les implications troublantes de ses enseignements prétendument progressistes. »

Enseignant à Oranim College of Education (Israël), Israël Koren rappelle dans "Rudolf Steiner and the Jews: " That Judaism Still Exists is an Error of History" (Rudolf Steiner et les Juifs : « Que le judaïsme existe encore est une erreur de l'histoire, 2012) : "Une vive controverse fait rage en Israël et dans le monde concernant l'attitude de Rudolf Steiner, fondateur de l'anthroposophie, envers les Juifs et le judaïsme. L'examen de ses écrits et des critiques dont il a fait l'objet conduit à la conclusion qu'il était un penseur antijuif, estimant que les Juifs et le judaïsme, phénomènes anachroniques, jouent un rôle inhibiteur dans la civilisation occidentale et devraient donc disparaître du monde."

Nazis et agriculture biodynamique
En 2023, Les éditions du Cerf ont publié « Le brun et le vert. Quand les nazis étaient écologistes », livre passionnant et érudit de Philippe Simonnot. 

L’auteur démontrait comment l'écologie avait imprégné l’appareil nazi, jusque dans ses strates les plus élevées. 

« Amoureux inconditionnel de la nature, disciple de Rudolph Steiner, de son anthroposophie et de son agriculture « biodynamique », Rudolph Hess, alors le n° 2 du régime, était un végétarien encore plus absolu que Hitler lui-même. Il n’acceptait que des traitements homéopathiques. C’est lui qui introduisit Darré auprès du Führer. » 

Ingénieur allemand de travaux publics, Fritz Todt (1891-1942) était chargé de l’industrie allemande, inspecteur général pour les routes allemandes et ministre du Reich pour l'Armement et les Munitions (1940-1942) - à ce titre, il dirige l'économie de guerre de l'Allemagne nazie. A partir de 1930, en disciple de Rudolph Steiner, il adopte l’agriculture biodynamique et insiste sur la « restauration du paysage primordial germain dans toute sa diversité ». Surnommée par Hitler "l'Organisation Todt", un empire d'ingénierie militaire fournissait à l'industrie la main-d'œuvre pour le travail forcé. Dans le respect de la Nature, il construisait des fortifications comme le Westwall (rempart de l'Ouest, en français) ou Ligne Siegfried et le mur de l'Atlantique, et administrait la construction des camps de concentration nazis.

L’agriculture biodynamique (biologisch-dynamische) est inspirée par Rudolf Steiner (1861-1925). Elle propose une « vue « holistique » des activités d’une ferme, d’un potager ou d’un jardin : semailles et moissons en fonction de forces cosmiques, refus des engrais et pesticides ». 

Présentée comme proche de la Nature, l’agriculture biodynamique s’est imposée malgré la puissante industrie chimique allemande. Certains de ses thuriféraires reprochaient à cette dernière, guidée par le profit, d’être sous « influence juive ».

« En vogue dans les années 1930, la biodynamie avait reçu un soutien gouvernemental » grâce à Darré dont le successeur, Herbert Backe, s’avère moins favorable.

Ses atouts : auto-suffisance - « L’autarcie assurée par ces fermes était un atout en période de crise économique mais aussi et surtout de guerre » -, réserves en devises de banque centrale du Reich préservée, contexte de blocus, essais dans la « médecine alternative » et « saine alimentation ». 

L’agriculture biodynamique a présenté « des éléments communs avec la doctrine du sang et du sol : vision germano-centrique, et mission spéciale de l'âme allemande ». 

En 1940, on comptait 2000 fermes biodynamiques en Allemagne. 

La mort de Todt et la défection de Hess, deux soutiens puissants, ont menacé l'agriculture biodynamique ; elle est alors renommée « agriculture naturelle » grâce à Himmler dans des territoires conquis et des camps de concentration (jardins d’Auschwitz et de Dachau).

Si Reinhard Heydrich (1904-1942) et Martin Bormann (1900-1945) étaient hostiles à l’intrusion des anthroposophes dans les entreprises SS, citons parmi ses partisans nazis Hans Merkel (1902-1993), juriste et bureaucrate de haut rang dans l’Office SS de la Race et de la Colonisation, et Albert Friehe (1904-1956), membre de l’Office de la Politique de la Race dans le parti nazi.

Ingénieur agricole, Heinrich Himmler soutient l'agriculture biodynamique dans « son périmètre d’action : la SS, les camps de concentration, et les territoires occupés à l’Est. Dès 1939, apparait la collaboration des cultivateurs biodynamiques avec les SS sur divers projets en participant à des programmes de colonisation dans les territoires occupés à l’Est. Dans ces projets, les populations slaves doivent être remplacées par des Allemands « ethniques » - venant par exemple des Sudètes -, pour peupler une sorte d’empire agraire sous la férule nazie », après expropriation des paysans polonais. Dès juin 1941, Himmler a ordonné « aux sections agricoles de la SS de continuer à travailler selon les méthodes biodynamiques en coopération avec Bartsch, Dreidax et leurs collègues ». En janvier 1939, il a créé l’Etablissement allemand de recherche pour l’alimentation et la nutrition (DVA). « Une grande part des activités de cette entité consiste à établir des plantations agricoles dans les camps de concentration de Dachau et Ravensbrück, et plus tard à Auschwitz, pour n’en citer que trois. Beaucoup de ces plantations étaient faites en biodynamiques, et leurs produits étaient destinés à la nourriture des SS et de l’armée allemande. Elles sont pilotées par des experts issus de la Ligue du Reich pour l’agriculture biodynamique. Ravensbrück est le premier établissement à appliquer ces méthodes, en mai 1940 ». 

Inauguré par Himmler en 1933, le camp nazi de Dachau, au centre du dispositif opérationnel de la DVA, s’accroit jusqu’en 1944. Herbes médicinales, serres, herbiers, laboratoires, moulins à épices au service de la DVA sont liés au travail de prisonniers dans des conditions très dures : certains sont contraints de remplacer les chevaux pour tirer les charrues. Alwin Seifert conseille le jardinier en chef, l’officier SS Franz Lippert. A Dachau, se déroulent des formations de colons destinés à s’installer dans les territoires à l’Est en conciliant nettoyage ethnique, principes de la culture biodynamique et préservation de l’environnement. 

Himmler a acheté seize propriétés agricoles non loin du camp. Il les destine aux travaux de recherches agricoles. D’Ukraine, sont amenées en Allemagne des tonnes de terreau pour fertiliser les terres épuisées.

Les marques qui se prévalent de l’agriculture biodynamique ? Demeter  - nom de la déesse grecque de l'agriculture et des moissons -, dont le magazine reflète l’idéologie nazie, et Weleda. 

Erhard Bartsch (1895-1960), comme Max Schwarz, conseiller paysagiste à Hambourg, a été membre des Corps francs au début des années 1920 et du mouvement Artamanen. Il applique les principes de cette agriculture dans sa ferme Marienhöhe de 100 hectares dans le Brandebourg, et Franz Dreidax, membre du conseil d'administration de l'Union économique Demeter, dirigent le journal Demeter. L'Association du Reich pour l'agriculture biodynamique a été dissoute en 1941, mais cette agriculture biodynamique n’a jamais été interdite par le IIIe Reich. Erhard Bartsch a été interpellé et détenu à deux reprises dans la prison de la Gestapo à Berlin : on lui reprochait d’avoir, par ses faibles rendements, « saboté la bataille de la production du Reich ». Libéré, il reprend son activité à Marienhöhe.

Architecte paysagiste, Werner Bauch (1902-1983), travaille dès 1942 « à Auschwitz, où il dirige des expériences de compost et un grand complexe de jardins et de pépinières… Il plaide pour la reforestation des territoires occupés pour stopper leur « steppisation » due aux négligences de ses occupants slaves. » Il travaille au département de conservation du paysage du gouvernement du Land de Saxe (1945-1949), et est dénazifié en 1948. Il poursuit sa carrière en République démocratique d'Allemagne (RDA) comme professeur d'université - dès 1955, il a une chaire d'art des jardins, d'aménagement paysager et de biologie de l'ingénierie – et directeur de son bureau d'architecture paysagère.

Dans quels autres lieux a été appliquée la méthode biodynamique ? Dans le gazon du Parc olympique du Reich à Berlin des JO de 1936 à Berlin, dans le potager du domaine du führer à Obersalzberg dès 1937, pour le « camouflage des installations militaires et de leurs servants en harmonie avec paysage, de l’Atlantique jusqu’en Ukraine, sur la Ligne Siegfried… »

Ancien opposant en RDA, le philosophe Rudolf Bahro (1935-1997), longtemps proche des Verts, est l'auteur de From Red To Green [1984], Building The Green Movement [1986], Avoiding Social & Ecological Disaster: The Politics of World Transformation [1987]. Il a exhorté à revendiquer le « côté positif » du mouvement nazi et espéré un « Adolf vert ». 

« Le monde occulte de Rudolf Steiner »
Arte diffusera le 28 mars 2025 à 00 h 15 « Le monde occulte de Rudolf Steiner » d’Anna Pflüger. Un horaire tardif, comme si Arte était gênée par le personnage.

« Qui était le penseur autrichien Rudolf Steiner (1861-1925), père de l’anthroposophie et homme aux multiples controverses ? Un portrait éclairant. »

« Fondateur de l’anthroposophie, de l’agriculture biodynamique, des produits cosmétiques Weleda et des écoles Waldorf, le penseur autrichien Rudolf Steiner continue de susciter fascination et controverse, cent ans après sa mort. Qui était l’homme derrière les théories ? »

« Né en 1861 à Kraljevec, dans l’actuelle Croatie, Steiner étudie la chimie, les mathématiques, la littérature et la botanique à Vienne. Durant cette période où il manque d’argent, le jeune homme travaille comme précepteur au sein d’une famille aisée, dont l’un des enfants, né avec un handicap, l’oblige à inventer des méthodes d’apprentissage inédites qui s’avéreront fructueuses. »

« Après s’être plongé dans les écrits de Goethe et Schiller à Weimar, il obtient un doctorat de philosophie à Rostock, puis déménage à Berlin au tournant du siècle. »

« S’il commence par y fréquenter les milieux bohèmes et anarchistes, il rejoint ensuite la société secrète des théosophes allemands, s’intéressant de plus en plus à l’ésotérisme, qui va le métamorphoser profondément. »

« Quelques années plus tard, ce polygraphe et auteur de nombreuses conférences fonde l’anthroposophie, mouvement de pensée qui se définit comme une exploration de la nature spirituelle de l’homme et de l’univers. »

« Comptant quelque 3 000 adeptes à sa création, elle est aujourd’hui constituée d’environ 40 000 membres. »

« Si Rudolf Steiner avait vécu aujourd’hui, serait-il un créateur de contenus suivi par des milliers de followers ? »

« Alors qu’il n’a pas hésité à susciter les controverses tout au long de sa vie, se contredisant à plusieurs reprises sur certains sujets comme l’antisémitisme, le racisme ou encore la misogynie, les réalisatrices Anna Pflüger et Lara Heinemann imaginent comment certains éléments de discours du père de l’anthroposophie résonneraient aujourd’hui sur les réseaux sociaux. »

« Pour tenter d’esquisser le profil de cet homme mystérieux, elles convoquent différents spécialistes aux avis parfois opposés, notamment son biographe Helmut Zander, le politologue et anthroposophe Maurice Schuhmann, l’écrivain et musicien Gary Lachman et le philosophe des religions Ansgar Martins. Un portrait éclairant. »


Philippe Simonnot, « Le brun et le vert. Quand les nazis étaient écologistes ». Les éditions du Cerf, 2022. 232 pages. ISBN : 9782204152402


« Le monde occulte de Rudolf Steiner » d’Anna Pflüger
Allemagne, 2024, 1h30
Production : k22 film, en association avec ZDF/ARTE
Disponible à partir du 27/03/2025
Sur Arte le 28 mars 2025 à 00 h 15
Sur arte.tv du 27/03/2025 au 24/06/2025
Visuels :
© Matthias Knebl
© Ricardo Garzon Mesa

mardi 25 mars 2025

Anne Gorouben, peintre

Anne Gorouben
 - peintre, écrivain auteur de 
100, boulevard du Montparnasse (Ed. Buchet-Chastel, Les Cahiers dessinés) - développe une œuvre inspirée par l'enfance, la littérature (Kafka), la poésie (Paul Celan), la difficulté à communiquer et la Shoah. Elle expose notamment en Europe et en Afrique. Tous les lundis, de 17 h à 20 h, à des tarifs abordables, Anne Gorouben donne des cours de dessin dans son atelier parisien. 
À l’occasion de la parution de « Une jeunesse au secret » d'Anne Gorouben (Les Cahiers dessinés, 2024)le musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ) organisera, le 1er avril 2025 de 19 h 00 à 20 h 30, la rencontre "Anne Gorouben en conversation avec Léa Venstein" avec des lectures par Muriel Piquart accompagnée à la contrebasse par Riccardo Del Fra.



Formée à l’Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris, Anne Gorouben est une artiste primée qui a bénéficié de résidences à Dresde (1991), Berlin, Prague, Odessa (1997-1998) et New-York (1999).

« Je fais partie de la 3e génération », confie Anne Gorouben, dont l’histoire « familiale est douloureuse : un grand-père maternel tailleur survivant à Auschwitz, un père ancien enfant caché, auteur d’une autobiographie » qu’elle a illustrée. Cela a été longtemps une « mémoire sans récit, faite de silences et de non-dits ».

Un histoire douloureuse qu’Anne Gorouben a retracée dans son livre 100, boulevard du Montparnasse (Ed. Buchet-Chastel, Les Cahiers dessinés).

Un "art d'empathie"
A l’été 2000, au foyer Emmaüs de l’hôpital Sainte-Anne, Anne Gorouben a dessiné ceux qu’elle nomme « les habitants du crépuscule ».

En 2003-2004, dans le cadre de l’opération « Diffractions » célébrant les 20 ans du Fonds régional d’art contemporain (FRAC) francilien, le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme (MAHJ) a présenté un pastel sec et fusain, aux tons gris-bleus sourds, sur carton (1995), acquis par ce FRAC, de l’artiste inspirée par le poème « Todesfuge » (« Fugue de mort ») écrit en 1945 par Paul Celan (1920-1970). Il l’a exposé avec l’enregistrement sonore du célèbre poème lu par l’auteur. Né en Roumanie, Paul Celan est élève à l’école hébraïque Safah Ivriah pendant trois ans, puis débute des études de médecine à Paris en 1938, et apprend la philologie dans sa ville natale, Cernauti. En 1942, ses parents sont déportés, et meurent. Paul Celan est envoyé dans des camps de travail en Valachie. En 1948, il s’installe à Paris, où il devient un traducteur réputé et poète d’expression allemande.

Ecrit en 1945, « Todesfuge » (« Fugue de mort ») évoque la Shoah et contient notamment ce vers : « La mort est un maître venu d'Allemagne ». Pour Anne Gorouben, la rencontre avec ce poème « fut brutale, une lecture que me fit un ami. Le poème de Paul Celan dénoua dans l’intensité de sa présence la douleur accumulée ». Elle ne l’a pas illustré, mais a établi des correspondances picturales : marquée par des douleurs familiales, elle a dessiné des bâtiments abandonnés, des gens et des dogues allemands et écrit « le texte du poème à la sanguine ». Elle a aussi animé un atelier pédagogique pour les classes de la 4e à la Terminale.


En 2004, La Belle Hortense (Paris) montrait pour la première fois son grand tableau et ses dessins préparatoires pour le film de Robert Bober et Pierre Dumayet « Correspondances Kafka » (2002). Elle a peint le couple impossible formé de l’écrivain tchèque germanophone et de Milena Jensenska.


Anne Gorouben "dessine les humbles. Assise dans la salle de télé, elle discute avec les pensionnaires du SAMU social de Paris. A leurs cotés Le petit jaunais imprime pour un livre" en 2006. Intitulé Ce corps difficile, "ce livre regroupe ses portraits sensibles, quelques mots autographes signent leur présence et les miroirs révèlent ou cachent leurs maux à notre regard".


En 2009, à l’Apostrophe, l’exposition d’Anne Gorouben était intitulée « Parler se fait rare », titre d’un poème de Luc Decaunes, et sous-titrée « Les êtres gyrovagues - l’échelle de Jacob – (café) – Enfermée dehors… »

Elle comprenait des œuvres de formats divers, souvent petits, regroupés comme les Chutes, en diptyques ou triptyques (le pastel Hommage à Maurice Quentin Delatour) : 15 formats en noir et blanc sur chutes de bois, 15 dessins de ses carnets, huit aquarelles, l’installation dans une boîte L’échelle de Jacob, et la série d’huiles sur toile, Les êtres gyrovagues (ce terme désignait des moines mendiants et errants).


Au foyer Emmaüs de l’hôpital Sainte-Anne, Anne Gorouben a dessiné ceux qu’elle nommait « les habitants du crépuscule » et dont « la souffrance psychique, et surtout la douleur des corps » la touchent.

Les thèmes récurrents inspirant Anne Gorouben ? C’est « la difficulté à communiquer, à s’exprimer, et la joie de pouvoir se rencontrer, de parler. Ce sont les gens, leur attitude, le visage humain qui m’intéressent. C’est le travail des corps dans l’ombre, dans la lumière. Ce qu’on cache, ce qu’on révèle. Ce qui se détache dans la pénombre, laisse deviner la personne. La peinture est un art d’empathie avec l’autre... Douceur et douleur cheminent ensemble dans mon travail », explique l’artiste.

Parallèlement, au Mémorial de la Shoah (2008-2009), elle a créé et anime l’atelier d’arts plastiques pour adultes Le Colporteur est un passeur.

Elle y « aborde la vie juive avant la Shoah et s’inspire de musiques chantées ou instrumentales, de littérature et de poésie ». Son nom vient d’un mot russe signifiant « colporteur ». Celui-ci « est un passeur, un lien. C’est un élément important de la vie des familles ». 

"Grâce aux techniques de collage, peinture, pastel ou dessin, vous composez un tableau qui réunit, harmonise ou met en contraste le passé, le présent et l’avenir. Cet atelier d’arts plastiques est un moment ludique d’échange et de partage. Il s’adresse à tout public adulte, tous niveaux, débutants bienvenus".

Un travail pictural à partir d'un objet "qui parle" au participant à cet atelier. « L’histoire d’une famille dont le récit a été impossible à transmettre, apparaît parfois à travers un objet, une photographie, un texte ou une image, qui semble condenser cette histoire. Chacun des participants est invité à venir avec un objet qui « lui parle » et à s’en inspirer pour réaliser un travail pictural ». Ainsi, sont nés Les rencontres du colporteur, publiées par Le Petit Jaunais : "Quatre natures mortes en médaillon gris perle parcourues d'un feston de textes savoureux empruntés à Kafka et à la littérature populaire".  Les 1er  décembre 2019 et 17 mai 2020, de 11 h 30 à 13 h 30 puis de 15 h 30 à 17 h 30Anne Gorouben animera au Mémorial de la Shoah l'atelier d'arts plastiques, pour adultes de tous niveaux - débutants acceptés - Le colporteur est un passeur"Chacun est invité à venir avec des images et/ou des objets de sa vie présente ou passée. Les réalisations faites à partir de différentes techniques (collages, pastels, crayons…) révéleront les liens établis entre ces différents éléments". 

Dans l’attente du site Internet d’Anne Gorouben, on peut lire son livre, la voir au 30e Marché de la Poésie (14-17 juin 2012) à Paris sur le stand de Siranouche éditions, et découvrir son installation « Autoportraits dans la valise » au Colloque « CultureS et autofictionS » organisé par Isabelle Grell et Arnaud Genon à Cerisy-la-Salle (16-23 juillet 2012).


En mars 2012, lors du Salon du livre, elle a présenté son livre et avait ouvert les portes de son atelier au public - puis de nouveau du 7 décembre au 9 décembre 2012 inclus -. Dans son atelier, elle a montré des "fragments d'existences peintes "sur le motif". "Pendant le long temps de préparation de ce livre dessiné entièrement à la mine de plomb, j'ai retrouvé et retravaillé une série nombreuse d'aquarelles que j'avais laissées de côté. La couleur cohabitait avec le noir et blanc dense et lumineux que je recherchais dans les dessins. Je présente ces fragments d'existences peintes "sur le motif", moment partagé avec des gens dont à part pour quelques autoportraits, je ne connais rien qu'un temps et un lieu partagé, ce qui n'est pas rien". 


Du 19 juin au 13 juillet 2013, la Galerie La Ralentie a présenté  l'exposition « Les Anges (dit-on) » de la peintre Anne Gorouben. "Inachevée, la femme est debout, vue de dos, solide dans son devenir. L'homme de profil attend, roide et inactif. Ces mots laisseraient présager le pire, si l'œuvre ne se tenait au-delà du commentaire social mû par des considérations d'une actualité étrangère à l'art, et rédigé par un homme. Anne Gorouben travaille dans l'espace ambigu du pastel, entre dessin et peinture. Les figures assument une situation comparable, murées par le vide où s'offre, se perd la conversation. Sans elles, la lumière est plus forte, moins diffuse. La fumée des cafés révèle l'espace qu'elle voudrait réduire, et les pastels en traduisent l'insignifiance. Pourtant qu'un visage sorte du halo : c'est un mot, une bribe de phrase vraiment dite, juste et pleine et qui rencontre une autre liberté qui s'ignorait. Les tableaux se tiennent à l'écart des sentiments identifiables qui nommeraient leur présence, un peu comme « l'Invalide » de Seurat dont on ne sait s'il fait face ou s'il tourne le dos vers le fleuve; ils pratiquent une attirance paradoxale qui arrête le regard pour lui communiquer des états de l'errance. Anne Gorouben est attentive à ce qui n'a pas lieu, pendant ces minutes sans projet qui sont les plus nombreuses, entre deux situations, peut-être entre deux corps, celui qu'en désir on n'habite plus et celui que l' on cherche. Il se peut qu'il n'y ait pas d'endroit plus difficile à peindre", écrit Bernard Goy dans le catalogue de l'exposition Le sens figuré. Collections du FRAC Ile-de-France à Montréal.


Du 27 septembre au 29 décembre 2013, un "ensemble d'œuvres, dessins, pastels, peintures et lithographies d'Anne Gorouben ont été accrochées en dialogue dans le parcours des collections du Musée de l'Hospice Saint-Roch à Issoudun, Indre".

Le philosophe Jérôme Lèbre "accompagnera de sa réflexion la rencontre des œuvres d'Anne Gorouben avec le Musée ses collections et son histoire". Le documentaire "Anne Gorouben" réalisé par Jean-Pierre Rosseuw (2000), avec des textes de l'artiste, pour le Centre d'Art Contemporain d'Istres a été projeté lors d'une rencontre le samedi 30 novembre 2013.


Le livre lithographié Les pleurants, les gisants, les vivants sera édité par Le Petit Jaunais. Les tirages seront présentés dans la salle des Pleurants de l'église de Pruniers.


Du 6 au 8 décembre 2013, Anne Gorouben a présenté dans son atelier la série de lithographies réalisées avec l'éditeur Le Petit jaunais depuis 1996. Jusqu'au 29 décembre 2013,  dans le cadre de l'exposition « Corps sublimes, Corps difficile » d'Anne Gorouben, un "ensemble d'œuvres, dessins, pastels, peintures et lithographies d'Anne Gorouben ont été accrochées, en dialogue dans le parcours des collections du Musée de l'Hospice Saint-Roch à Issoudun, Indre".

Une rencontre avec Esther Orner et Anne Gorouben a été organisée par Béatrice Courraud le 11 mars 2014, à la librairie La Lucarne des Ècrivains, 119 rue de l'Ourcq, 75019 Paris (métro Crimée). 


Anne Gorouben a présenté l'exposition "Nora-le-chat et autres histoires de bêtes" dans son atelier (13-15 juin 2014). "Après la mort du chat j'ai repris mes aquarelles, j'ai sorti mes jouets, petits animaux en résine qui servent à mes installations, et je les ai fait poser", a expliqué Anne Gorouben qui a présenté ses animaux familiers dans son atelier. 

Une exposition déclinée à la Galerie UNIVER/Colette Colla ("Histoires de bêtes"24 septembre-4 octobre 2014). C'est à la mort de sa chatte Nora en juillet 2013 qu'Anne Gorouben la peint. "Auparavant, les chiens occupaient mes peintures et mes carnets. Pourquoi les chiens ? Je les ai dessinés dans toutes les rues et les cafés de toutes les villes. Ils sont pour moi comme un soulignement du corps humain, ils en accentuent la solitude ou l'errance, la dépendance, le besoin éperdu d'amour. Le chat appartient à l'intime, tout contre l'homme, il est aussi "celui qui s'en va tout seul", il partage sa vie sur la pointe de ses pattes", a confié Anne Gorouben.


Et du 20 septembre au 30 novembre 2014, dans l'exposition Les bêtes (18 septembre-30 novembre 2014), le Musée Singer-Polignac a exposé un choix d’œuvres de la Collection d'Art Brut de l'hôpital Sainte-Anne, et de quelques artistes contemporains dont Anne Gorouben qui a déclaré : "Je suis très heureuse de me trouver parmi eux, plus que cela, impressionnée, ému. Cette Collection, cela représente un tel combat dans la psychiatrie pour la reconnaissance de l'expression des malades comme des êtres humains... Dans ces moments de régression où nous avons le sentiment de ne voir partout que barbarie, il faut tenir ce qui a été gagné sur l'aveuglement".

Dans son atelier, du 6 au 8 mars 2015, elle a vendu ses dessins réalisés dans les années 1980 et 1990. A des petits prix : de 100 € à 300 € le dessin ou le pastel  non encadré de ses séries :
- "Autoportraits des années 80,  (une série présentée au Colloque "CultureS et AutofictionS", organisé par Isabelle Grell et Arnaud Genon à Cerisy-la-Salle, 2012) ;
 - "Les fantômes du passé", aquarelles ;
 - "Un monde disparu", cafés ;
- Natures mortes, salade, poireaux, drapés..."
-"Pas de jour sans un visage" 1999, dessins et pastels secs sur papier ou carton
 Une occasion de venir visiter son atelier et de se retrouver autour d'un verre...

Du 21 janvier au 14 août 2015, "Le bonheur familial", sa série de dix-sept pastels, est exposé, aux côtés d’œuvres de Marcel KatuchevskiRoland Topor et Saul Steinberg, dans la grande exposition anniversaire Les Cahiers dessinés, dont le commissaire est Frédéric Pajak, à la Halle Saint-Pierre (Paris).



Les 19, 20, 21 juin 2015 de 15 h à 20 h, Anne Gorouben a exposé dans son atelier ses peintures ua pastel, à l'huile ou à l'eau

 Solo show... de peintures 1995-2015. "Peut-être la dernière fois que je présente mon travail dans cet atelier que j'occupe depuis 23 ans... En me voyant toujours dessiner, on en oublie que je suis peintre... Peintre au pastel souvent, mais aussi à l'huile ou à l'eau. Alors j'ai décidé de mettre au mur différents moments de ma peinture depuis l'été 1995 où j'ai repris mes huiles et mené parallèlement toutes sortes de techniques.  Donc, peintures, en avant !


En 2015, Anne Gorouben a signé l'Appel des 800 (Libération, 20 octobre 2015) : "Cinéastes, écrivains, philosophes, chercheurs, intellectuels… Tous se mobilisent pour alerter l’opinion publique sur le sort réservé aux migrants et réfugiés de la jungle de Calais. Depuis décembre 2015, Anne Gorouben "dessine dans la "Jungle" de Calais, "dans ces Lieux de vie que sont les cafés-cantines, le Théâtre, le Legal Center, le Women Center, les abris, avec les réfugiés. Avec l'Appel de Calais, je suis venue au plus vite par trois séjours consécutifs, rendre visible la dignité et le courage de ces hommes et femmes". Sur son blog, elle a publié certains de ses dessins.


En novembre 2015, est paru Mon Kafka, d'Anne Gorouben (Editions Encre marine/Les Belles lettres). "Une lecture dessinée du Journal de Franz Kafka en 73 dessins à la mine de plomb sur papier, par Anne Gorouben, texte de Kafka dans la traduction de Marthe Robert",
« Ce dimanche 19 juillet 1910,
j'ai dormi, je me suis réveillé, dormi, réveillé,
misérable vie. »
Franz Kafka, Journal.
« J'y songe souvent et, chaque fois, » je me demande quand dans ma vie est apparu le Journal. Impossible de dater cette apparition, mais il me semble tout de même que ce fut très tôt, dès mes premières années d’étude, presque à l’âge où Kafka a commencé à l’écrire. Il ne m’a plus quitté. Ce grand livre souffrant, tragique et drôle, n’est pas de ceux qui détruisent, mais de ceux qui sauvent, qui donnent de la force. On y revient, sans cesse. Parcouru par la douleur de l’existence, il est traversé par la lumière. D’une beauté déchirante, il est transpercé par l’échec, par l’angoisse lancinante de l’échec, par le désir de solitude et par le désir de la rencontre, par la nécessité menacée d’écrire et la douleur du corps, du « désespoir que me causent mon corps et l’avenir de ce corps » (1910).
« Je suis une fois de plus tiraillé à travers cette fente longue, étroite, terrible, dont, à vrai dire, je ne puis triompher qu’en rêve. À l’état de veille et par la seule force de ma volonté, je n’y parviendrais jamais » (5 décembre 1919).
Aujourd’hui je parcours à nouveau le Journal par le biais de cette quête particulière de l’écriture de ses rêves, de ses visions d’avant le sommeil (« mais je n’ai pas dormi du tout ») et de l’immédiat après réveil.
Franz Kafka écrit comme on dessine – c’est l’écriture la plus proche du dessin que je connaisse. Quelque chose que je n’ai jamais vu ailleurs. Et, dans le Journal, le travail incessant de cette écriture se frayant un chemin par approches successives, cet effort pour aller vers cette vérité dépouillée est incomparable – Kafka dessine.
« L’insatisfaction dont une rue offre l’image, chacun lève les pieds pour quitter la place où il se trouve » (21 août 1912).
« Tout oublier. Ouvrir la fenêtre. Vider la chambre. Elle est traversée par le vent. On ne voit que le vide, on cherche dans tous les coins et l’on ne se trouve pas » (19 juin 1916).
« Vague espoir, vague confiance » (2 novembre 1921).
« Cet après-midi, rêve d’une tumeur sur ma joue. Cette frontière oscillant perpétuellement entre la vie ordinaire et une terreur en apparence plus réelle » (22 mars 1922).
« Mon travail se clôt, comme peut se fermer une plaie qui n’est pas guérie » (8 mai 1922).
La plaie n’est pas et ne peut se guérir, chaque page ouverte du journal l’est sur une douleur et sur un récit mêlé de désespoir et de lumière. Pour moi, les images, ce que j’appelle cette évocation si violente qu’elle s’apparente donc au dessin, se reçoivent de façon viscérale, intense ; elles se ressentent physiquement : ce sont des mots qui agissent sur le corps, qui pénètrent avec toute la force que nécessita leur expulsion.
« Mon Kafka », il est celui de tous et celui singulier de chacun. Marina Tsetaïeva écrivit « Mon Pouchkine » en 1937. Mon titre lui est un évident hommage". (Anne Gorouben, Paris, juin 2015)

Le 20 février 2016, à 15 h 30, au Centre Medem, 52, rue René Boulanger 75010 Paris, Anne Gorouben proposa Mon Kafka"une lecture à quatre voix d'extraits du Journal de Kafka avec projection des œuvres originales du superbe ouvrage d'Anne Gorouben et de magnifiques interludes musicaux chantés par Janet Pape (soprano et flûte à bec) accompagnée par Christine Massetti (violon). Et pour notre plus grand plaisir, afin d'accompagner lé tey et lé cafey, vos eplshtrudel, keys kikhn, leker, souvganiot, umen tachn, gâteaux aux noix ou au pavot seront très appréciés !"



La Ville A des Arts présenta une exposition collective réunissant des pastels d'Anne Gorouben, des dessins d'Igor Minaev et des photographies d'Igor Bitman-Glick. Deux concerts se déroulèrent pendant l'exposition.


La Galerie Treize-dix a présenté l'exposition collective de dessins contemporains "Autre Je" (9 mars-1er mai 2017). L'occasion de découvrir les œuvres de Taku Bannai, Anne Gorouben, Yuki Kitazumi, Moonassi, Sarah Beth Schneider et Lisa Zordan sous le commissariat d'Axelle Viannay. Le 11 mars 2017 dès 16 h, a eu lieu la séance de dédicace des livres "100 boulevard du Montparnasse" et "mon Kafka" Anne Gorouben et du roman graphique "Pieds nus dans les ronces" de Lisa Zordan. 

"Dans "Autre Je", six artistes explorent un moi fragile, parfois serein et familier, parfois trouble et inquiétant, souvent introspectif, dont chaque composition et technique picturale fait écho à un sentiment intime. Avec des papiers découpés, Les noirs de l'encre fluide de Moonassi et de la mine de plomb presque seuratienne d'Anne Gorouben livrent le regardeur à une introspection métaphysique ou psychanalytique. "Je se dédouble, se perd autant qu'il se découvre, se cherche en l'autre à la découverte d'une altérité qui est un autre soi", a écrit Axelle Viannay.

Du 16 au 18 juin 2017, Anne Gorouben organisa dans son atelier - 230 rue Saint-Charles, 75015 Paris - Tendre est notre nuit. "Ouvrir à nouveau l'atelier... Notre immeuble a été rénové, les travaux ont duré longtemps, plus d'un an. En rangeant l'atelier je retrouve des séries d’œuvres. Des dessins, monotypes, peintures, dont ce monotype du Terminus Balard en 1995. Dans ce café, grand "rade" échoué au bord du boulevard extérieur, j'ai dessiné des heures des jours des années. Dessiné le chien Hector, les habitués, avec une fascination chaque fois renouvelée par les mouvements de la lumière, pour ce lieu et ces gens qui m'était devenu depuis longtemps si familiers. Des pans de mon travail que je vous invite à découvrir ou retrouver vous aussi, dans le calme retrouvé de notre immeuble/cité d'artistes". Le vendredi 16 juin à partir de 18 heures, les samedi 17 et dimanche 18 juin de 14 h heures à 20 heures.

"Des Routes"

En novembre 2018, Les Editions du Chemin de Fer ont publié "Des routes" par Carole Zalberg & Anne Gorouben. 

"Je ne pars pas parce que je rêve d’un ailleurs. J’aime mon pays, ma ville, mon quartier, jusqu’à leur arrivée. J’étudie. Je veux bâtir ou soigner. Je rêve, oui, mais de devenir, chez moi, quelqu’un dont le métier change quelque chose au monde. C’est un rêve romantique et ambitieux d’enfant, mais il s’est forgé dans la tendresse des miens et la certitude d’y avoir droit. Il m’appartient. Je ne veux rien fuir".


"Tout commence par une pierre qu’une enfant trouve, oubliée dans un tiroir. Pourquoi un caillou anodin a-t-il pris place parmi les bijoux de sa mère ? La mère alors lui raconte le souvenir d’Azria, une réfugiée débarquée un été sur une plage au beau milieu des touristes en villégiature".


"Carole Zalberg sait trouver les mots pour évoquer, avec grâce et simplicité, l’un des sujets les plus brûlants de l’Europe d’aujourd’hui. Alternant le dialogue mère-fille et le monologue d’Azria, Des routes met en évidence la difficulté d’expliquer et de justifier notre indifférence face à ceux qui ont tout quitté pour tenter d’échapper à la terreur ou à la misère.

"Les dessins d’Anne Gorouben qui, de 2015 à 2016, a longuement rencontré les vies et les routes des exilés de la “Jungle” de Calais, témoignent de la volonté de ne pas les laisser sombrer dans l’anonymat, de leur restituer cette humanité qu’on leur nie".


"Une jeunesse au secret"
En octobre 2024, Les Cahiers dessinés ont publié « Une jeunesse au secret » d'Anne Gorouben.
"Assise dans sa poussette, la petite Anne, âgée de trois ans, regarde le biscuit salé que vient de lui donner sa mère. S'ensuit un lent, un poignant voyage dans le temps: du noir de la mine de plomb surgissent des visages à la fois flous et lumineux, des conciliabules silencieux, des scènes mystérieuses observées sous le manteau, des intérieurs d'une autre époque, des corps sombres aux poses statiques et néanmoins si parlantes: ici, une enfant à laquelle on ôte un grain de beauté, là une mère qui console sa fille, plus loin deux femmes qui se confient dans la pénombre d'une cuisine. Et puis des rues de Paris, des cours, des portes d'immeubles, une route de grande banlieue… Un passé qui redevient terriblement présent. Un passé hanté, dont les fantômes, un à un, font tomber les masques, malgré le silence qui l'écrase comme une chappe de plomb: patiemment, obstinément, Anne Gorouben lutte contre ce silence terrorisant, reconstituant bribes par bribes, de témoignages en témoignages, l'histoire familiale, marquée par la guerre, la peur, la fuite, la déportation. Image après image, phrase après phrase, l'histoire se formule, se narre, et, par l'alchimie des ombres et de la lumière, se raconte enfin."

"C'est cette reconstruction, enrichie des propres souvenirs d'enfance de l'auteure, que retrace cet ouvrage, à travers des mots simples, pudiques, merveilleusement justes, ainsi que cent cinquante-deux dessins époustouflants, à nul autre pareils, qui, jouant magistralement de l'ombre et de la lumière, du détail et du flou, montrent ce que les yeux refusent de voir et disent ce que les mots s'appliquent à taire. Anne Gorouben est née en 1959 à Paris. Diplômée de l'École nationale supérieure des arts décoratifs (atelier de Zao Wou Ki), elle pratique d'abord la peinture avant de se consacrer entièrement au dessin. Naturellement, son œuvre s'est organisée par cycles, d'abord liés à des séjours dans des villes, Berlin, Dresde, Prague, (Le poids des silences, 1989-1993), La Rochelle (Infinis, 1995-1995), Odessa (La maison Odessa, 1995-1998), New York ou encore Marseille, puis à des rencontres faites au sein de la Jungle de Calais (Dans la Jungle des hommes, portraits des habitants de la Jungle de Calais, 2015-2016) ou dans la rue avec des sans-abri (Des hommes qui dorment, 2018), enfin à des sujets comme l'enfance (Seigneur, sauve les petits enfants! 2020-2021) ou Marylin Monroe (Nous, Marilyn, 2019-2021). En 2003, elle a présenté un hommage à Paul Celan au musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme de Paris; dès lors, les figures de grands poètes et écrivains, notamment Franz Kafka, inspirent régulièrement son œuvre. Elle accumule également les carnets, bruissant de bribes de vie saisies dans les cafés, ses lieux de créations privilégiés après l'atelier".

À l’occasion de la parution de cet ouvrage, le musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ) organisera, le 1er avril 2025 de 19 h 00 à 20 h 30, la rencontre "Gorouben en conversation avec Léa Venstein" avec des lectures par Muriel Piquart accompagnée à la contrebasse par Riccardo Del Fra.

"L’artiste Anne Gorouben accumule les carnets, qui bruissent de bribes de vies dessinées, saisies dans les cafés, dans les villes, ou de figures de grands écrivains comme Paul Celan ou Franz Kafka."

"Dans le prolongement de 100, boulevard du Montparnasse publié en 2011, Anne Gorouben revient, avec des dessins au crayon gris et des mots, simples et pudiques, sur ses jeunes années passées dans le 15e arrondissement, marquées par la violence d’une famille détruite par la Shoah".
 
"Muriel Piquart est comédienne, formée à L'Ecole de la Rue Blanche et musicienne, elle crée avec Joël Pommerat sa compagnie et participe à ses premières créations. Elle travaille avec Bernard Sobel, Brigitte Jaques et Stéphane Braunschweig puis rejoint le théâtre itinérant du Footsbarn et l'Académie Fratellini où elle est pédagogue et metteuse en piste. Elle a accompagné Anne Gorouben pour des lectures de « 100 bd du Montparnasse » en 2012, "Mon Kafka" en 2016 et « Nous, Marilyn » en 2022".

"Riccardo Del Fra est né à Rome. Il suit des études au conservatoire, puis est engagé à l’orchestre de la RAI. En 1979, il rencontre Chet Baker avec qui il fait de longues tournées et enregistrements dans le monde entier 9 ans durant. Il s'installe à Paris en 1980. Il joue avec Barney Wilen, Art Farmer, Dizzy Gillespie, Art Blakey, Lee Konitz… En 1998, il commence à enseigner au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris dont il dirige le département jazz de 2004 à 2024. Parallèlement, il compose pour le cinéma (Lucas Belvaux), pour l’ensemble Intercontemporain, et pour des orchestres symphoniques. En 2006, il reçoit un Django d’Or, puis en 2008, le prix du Meilleur musicien européen. Il enregistre plusieurs CDs largement récompensés et tourne dans toute l’Europe avec ses propres formations".


Anne Gorouben, 100, boulevard du Montparnasse. Préface de Geneviève Brisac. Ed. Buchet-Chastel, coll. Les cahiers dessinés, 2011. 128 pages. 18 €. ISBN : 978-2-283-02526-0

Anne Gorouben, Les pleurants, les gisants, les vivants. Le Petit Jaunais, 2013


Anne Gorouben, « Une jeunesse au secret »Les Cahiers dessinés, 2024. 17 x 23 cm, 320 p. 38 €. ISBN : 978-2-493-18826-7

Le 1er avril 2025 de 19 h 00 à 20 h 30
Au mahJ 
Hôtel de Saint-Aignan
71, rue du Temple. 75003 Paris
Tél. : 01 53 01 86 53
 Anne Gorouben. Une jeunesse au secret. Photographie d'Horea Conrad

 Atelier Le Colporteur est un passeur 
Au Mémorial de la Shoah 
17, rue Geoffroy l’Asnier. 75004 Paris 
Tél : + 33 (0)1 42 77 44 72 
Atelier tous niveaux, 12 participants maximum
Les 14 octobre 2012 de 15 h à 18 h, 6 juin 2013 de 19 h à 21h 30 et 9 juin 2013 de 15 h à 17 h 30, 14 et 17 novembre 2013 de 15 h 30 à 18 h 3016 novembre 2014, 20 novembre 2016 et 21 mai 2017 de 11 h 30 à 13 h 30 et de 15 h 30 à 17 h 30, 31 mai 2015 à 11 h 30, 21 mai 2017 et 27 mai 2018, de 11 h 30 à 13 h 30 et de 15 h 30 à 17 h 3018 novembre 2018 de 11 h 30 à 13 h 30 et de 15 h 30 à 17 h 301er  décembre 2019 et 17 mai 2020, de 11 h 30 à 13 h 30 puis de 15 h 30 à 17 h 30
Réservation par tél. : 01 53 01 17 25 ou par e-mail : marini.bambi@memorialdelashoah.org

"Et vous faites aussi de la peinture ? "
Vernissage le 18 juin 2015 de 18 h à 21 h. Ouvert les 19, 20, 21 juin de 15 h à 20 h
Vente de dessins
Du 6 au 8 mars 2015.  Vernissage le vendredi 6 mars 2015 à partir de 17 heures
Les 16, 17, 18 janvier 2015, de 15 h à 20 h
Cours de dessin tous les lundis de 17 h à 20 h
A son atelier  230, rue Saint-Charles, 75015 Paris. Code d'accès : téléphoner au 06 12 44 50 67
 puis interphone Gorouben, bâtiment B, atelier 25, puis flèches rouges
Les 7 décembre et 8 décembre 2013 de 14 h à 20 h. Vernissage le 6 décembre 2013, à partir de 18 h
Le 7 décembre 2012 à partir de 18 h. Les 8 et 9 décembre 2012 de 14 h à 20 h
Du 13 juin au 15 juin 2014. Vernissage le 13 juin à partir de 18 h.
Vendredi 13 juin à partir de 18 heures, samedi 14 et dimanche 15 juin de 15 heures à 20 heures


Du 9 mars au 1er mai 2017. Vernissage le 8 mars 2017 à partir de 19 h
A la Galerie Treize-dix
13, rue Taylor. 75010 Paris
Tél. : 0787800041
Du mardi au jeudi de 14 h 30 à 19 h 30 et du vendredi au samedi de 14 h 30 à 20 h

Du 5 au 11 décembre 2016. Vernissage le 5 décembre 2016 de 18 h à 22 h.
15 rue Hégésippe Moreau. 75018 Paris

Du 24 septembre au 4 octobre 2014

A la Galerie UNIVER/Colette Colla
 6 cité de l'ameublement. 75011 Paris (angle 31 rue de Montreuil)
Tél. : 01 43 67 00 67
Du mercredi au samedi de 14 h à 19 h. Vernissage le 24 septembre à 18 h 20 en présence de l'artiste

Du 20 septembre au 30 novembre 2014

Au Musée Singer-Polignac
Centre hospitalier Sainte-Anne
1, rue Cabanis - 75014 Paris
Vernissage en présence de l'artiste le 18 septembre 2014 de 18 h à 21 h

Lithographie. Une aventure d'Anne Gorouben avec le Petit jaunais
Du 27 septembre au 29 décembre 2013
« Corps sublimes, Corps difficile » d'Anne Gorouben
Au Musée de l'Hospice Saint-Roch à Issoudun, Indre
Salle des Pleurants, des Mendiants, des Hommes, et Salle des Femmes
Rue de l’Hospice Saint-Roch. 36100 Issoudun
Tél. : 02 54 21 01 76
Du mercredi au vendredi de 14 h à 18 h, samedi et dimanche de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h.
Vernissage le 27 septembre 2013 à 18 h.

Du 19 juin au 13 juillet 2013
22-24, rue de la Fontaine au Roi. 75011 Paris
Tél. : +33 (0)1 58 30 68 71
Du mardi au samedi, de 14 h à 19 h. Entrée libre
Vernissage le mardi 18 juin 2013, à partir de 18 h.
Du 16 au 23 juillet 2012
Au Colloque « CultureS et autofictionS »
Au Château
50210 Cerisy-la-Salle
Tél : 02 33 46 91 66


Du 14 au 17 juin 2012
Place Saint-Sulpice, 75006 Paris
Jeudi 14 juin de 14 h 00 à 22 h 30, vendredi 15 juin de 11h 30 à 22 h 30, samedi 16 juin de 11 h 30 à 22 h 30 dimanche 17 juin 2012 de 11 h 30 à 20 h

Visuels d'Anne Gorouben :
Merci de ne pas réveiller le chat qui dort
 Aquarelle sur papier, 2014

« Todesfuge »

Les Anges (dit-on), (publiés chez Siranouche édition)
pastel sec sur papier, 21 x 29,7 cm, 2012-2013

Les lieux de l'enfance,
150 x 90 cm,
Montparnasse 1994-1997

Le colporteur est un passeur
© Mémorial de la Shoah

Vivre ensemble, seul, Calais, 2015
Le Bonheur familial, 2015
Infini, La Rochelle, 1995

Articles sur ce blog concernant :
Cet article avait été publié en une version plus concise par L'Arche. Il a été publié sur ce blog les 14 juin, 7 octobre et 5 décembre 2012, 18 juin, 9 novembre et 4 décembre 2013, 16 février, 10 mars, 12 juin, 16 septembre et 15 novembre 2014, 5 mars et 28 mai 2015, 17 février, 13 mai et 18 novembre 2016, 7 mars, 13 mai et 6 juin 2017, 23 mai et 18 novembre 2018, 2 décembre 2019. Il a été modifié le 29 novembre 2019.